L'homélie du dimanche (prochain)

15 décembre 2024

Qu’est-ce qui nous fait tressaillir ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 10 h 30 min

Qu’est-ce qui nous fait tressaillir ?

 

Homélie pour le 4° Dimanche de l’Avent / Année C
22/12/24


Cf. également :

Bethléem : le pain et la fécondité

Marie, vierge et mère
Just visiting
Visiter l’autre
Enfanter le Verbe en nous…
Maigrir pour la porte étroite

 

1. Quand bébé donne des coups de pieds in utero

Toutes les femmes enceintes vous le raconteront : vient un temps de la grossesse ou le bébé se manifeste physiquement dans le ventre de sa mère ! Il donne des coups de pieds, effectuent des roulades d’un côté puis de l’autre, est pris d’une sorte de hoquet convulsif etc. Si le père est attentif, il suivra ces mouvements intra-utérins en posant la main sur le ventre maternel, et sera même surpris de constater que l’intonation de sa voix plus grave peut également mettre son enfant en mouvement. Une étude récente publiée dans le Journal of the Royal Society Interface en 2018 affirme que les forces mécaniques générées par les coups et les mouvements du fœtus « contribueraient au développement prénatal musculo-squelettique », et participeraient ainsi au renforcement de ses membres, de ses os et de ses articulations. Pourquoi ? Sans doute parce que « la force qui résulte de ces coups génère du stress et des tensions dans le squelette du fœtus, ce qui stimule les tissus squelettiques en développement », expliquent les chercheurs de l’Impérial Collège de Londres. À 20 semaines de grossesse, le bébé donne des coups d’une force estimée à 29 newtons, soit trois fois plus que la force nécessaire pour porter une bouteille d’eau d’un litre. Une force impressionnante pour un être de quelques centaines de grammes !

Ce qui plaide au passage pour une véritable identité personnelle du fœtus, distincte du corps de sa mère bien qu’immergé en elle : sa vie relationnelle commence très tôt, très très tôt, au grand dam de ceux qui voudraient n’y voir qu’un amas de cellules appartenant en propre à la mère (qui serait libre d’en disposer à son gré). Le roi David reconnaît même dans les psaumes : « j’étais pécheur dès le sein de ma mère » (Ps 50,7).


 

Dans l’Évangile de ce dimanche (Lc 1,39-45), Élisabeth fait l’expérience de ce bondissement en elle : « Quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. […] Lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi ».

Luc – médecin de son état – emploie deux fois le verbe tressaillir pour décrire les mouvements du fœtus Jean-Baptiste à cause de la visite de son cousin Jésus déjà présent dans le ventre de Marie. Élisabeth en est alors à son 6° mois de grossesse, et on imagine facilement son bébé manifester physiquement ses émotions dans son ventre. Marie n’en est - elle - qu’au tout début, et l’enfant en elle n’a que quelques jours ou semaines (Lc 1,39). Pourtant, Jésus semble être « reconnu » par son cousin, comme si les deux maternités établissaient une connexion à distance entre les deux cousines, mieux que notre Wi-Fi ou notre Bluetooth !

Et voilà la bonne nouvelle de ce dimanche : nous pouvons nous aussi tressaillir d’allégresse comme Jean-Baptiste, alors que notre véritable naissance se rapproche !

 

2. Un bond en avant

Mais que veut dire tressaillir ?

Qu’est-ce qui nous fait tressaillir ? dans Communauté spirituelleL’étymologie comme à chaque fois est précieuse. Le verbe vient du latin salire : sauter, bondir, qui a donné saillir ensuite dans le langage hippique (l’étalon doit sauter, faire un bond pour saillir la jument), dont la grossièreté vulgaire garde la trace… Par extension, conjugué au préfixe tres (trans en latin = ‘au-delà de’), le verbe tressaillir (tres-salire) signifie : franchir d’un bond, sauter au-delà, déclencher un mouvement musculaire sous l’effet d’une émotion, en réaction à un événement, une sensation qui surprennent.

 

Tressaillir, c’est donc faire un grand bond en avant, mieux que celui décrété par Mao en 1958-60 !

La visite de Jésus en Marie é-meut littéralement (ex-movere = mouvoir hors de) Jean-Baptiste, c’est-à-dire le met en mouvement pour le faire aller de l’avant ! Il en est ainsi des visites du Christ dans notre histoire personnelle : tel événement, telle lecture, telle rencontre, telle parole nous font tressaillir, c’est-à-dire nous mettent en mouvement pour aller de l’avant, au lieu de nous recroqueviller au creux de l’enceinte protectrice de nos certitudes.

Même enveloppé d’un placenta opaque nous cachant la réalité vraie, nous pouvons comme Jean-Baptiste pressentir une présence autre, et laisser l’allégresse de cette rencontre nous émouvoir jusqu’à bondir au-delà de toutes nos limites actuelles.

 

3. Qu’est-ce qui nous fait tressaillir ?

Comment ce bond s’opère-t-il ? Par quoi est-il déclenché ? Regardons dans la Bible l’usage du verbe grec tressaillir (σκιρτω, skirtaō).

 

Dans l’Ancien Testament

Il n’y a que 4 usages.

 allégresse dans Communauté spirituelle– Le langage poétique du psaume 114 l’emploie en lien avec l’Exode : « Quand Israël sortit d’Égypte… les montagnes bondissaient comme des béliers, et les collines, comme des agneaux. [...] Montagnes, pourquoi bondir comme des béliers, collines, comme des agneaux ? » (Ps 114,4.6). Réflexion quasi écologique : la nature se réjouit de la libération des esclaves ! Comme si notre propre avancée vers la Terre promise faisait la joie de la Création ! Nul doute que, lorsque nous faisons un bond en avant vers la justice et la liberté, notre lien avec notre environnement s’en trouve assaini, pour le bonheur des vivants qui nous accompagnent dans cet exode. Nous avons raison d’être particulièrement soucieux en notre siècle des cris de détresse de notre planète Terre ; nous devons également repérer ses frémissements d’allégresse, ces moments où elle nous indique que la direction prise est la bonne pour le créé dans son ensemble.

 

– Le prophète Jérémie annonce la ruine de Babylone qui a déporté le peuple d’Israël et détruit son Temple à Jérusalem. Ceux qui pilleront la Chaldée et feront tomber Babylone éprouveront une joie (malsaine ?) à exercer ainsi la revanche de Dieu sur le tyran et son empire : « Oui, vous vous réjouissez, oui, vous bondissez de joie, vous qui dépouillez mon héritage ; oui, vous gambadez comme génisses dans les prés, vous hennissez comme des étalons » (Jr 50,11). Cette violence archaïque est aujourd’hui encore incontournable dans nos confrontations avec le mal, puissant et armé. Pensez aux combats pour éliminer Hitler ou Pol Pot ! Bondir de joie pendant l’accomplissement de ces victoires n’est pas canoniser leur violence inévitable mais leur donner un but.
Avons-nous à notre époque ce courage joyeux des libérateurs renversant enfin la domination du mal et de l’injustice ?

 

– Le prophète Malachie enfonce le clou en parlant de tressaillir d’allégresse « lorsque le Soleil de justice paraîtra », c’est-à-dire le Messie, le Christ de YHWH : « Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. Vous sortirez en bondissant comme de jeunes veaux à la pâture » (Ml 3,20). Le Nouveau Testament reprendra ce thème de la joie accompagnant la venue ultime du Christ : « Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera » (1P 4,13) ; « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure » (Ap 19,7).

Le jour ultime nous paraît bien loin ! Si nous savons l’anticiper, si nous savons accueillir  aujourd’hui la venue du Christ en nous, nous tressaillirons dès maintenant de cette allégresse promise en plénitude à la fin des temps.

 

Dans le Nouveau Testament

Il n’y a que 3 emplois du verbe tressaillir (σκιρτω, skirtaō), et c’est dans l’Évangile de Luc.

Les deux premiers usages sont dans le récit de la Visitation de ce dimanche.

- La première fois, le texte lie la salutation faite par Marie, le tressaillement de Jean-Baptiste en Élisabeth et la plénitude de l’Esprit Saint : « Or, quand 660c6-icoon_kleur_2-768x1001 ElisabethÉlisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint » (Lc 1,41).

Le mot allégresse n’est pas prononcé ici : c’est d’abord la plénitude de l’Esprit Saint qui est rendue manifeste par le bond intérieur de Jean-Baptiste. Tiens ! La salutation d’un proche (Marie ici) peut nous faire faire un bond en avant, comme pour Jean-Baptiste, si nous savons l’entendre, la percevoir même confusément à travers ce qui nous sépare. Ou bien, comme pour Élisabeth, cette salutation fera office d’échographie spirituelle pour repérer ce qui bouge en nous : nos projets, nos désirs, nos attentes.

Être visité devient pour nous une expérience spirituelle : laisser bondir notre enfant intérieur, se laisser remplir de l’Esprit Saint…

 

- Le deuxième usage du verbe tressaillir chez Luc lie explicitement le bond et l’allégresse : « Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi » (Lc 1,44).

L’allégresse, c’est encore plus fort, plus transportant, plus émouvant que la joie : elle déborde, elle entraîne, elle dynamise. Tressaillir d’allégresse, pour Jean-Baptiste comme pour nous, c’est nous hâter vers notre naissance, vers l’accomplissement de notre vocation : être la voix qui servira de support à la Parole.

 

- Le troisième et dernier usage du verbe tressaillir va doucher nos représentations naïves de cette allégresse, car Luc évoque alors le lien entre le martyre et ces frémissements de joie : « Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel » (Lc 6,22–23).

Impossible de confondre cette joie-là avec la nôtre : elle nous est donnée d’ailleurs et non produite par nous ; elle nous vient dans l’épreuve et non dans le succès mondain ; elle nous pousse à épouser la condition du crucifié et non celle de Barabbas (s’en tirer à bon compte) ou de Pilate (s’en laver les mains). Les Actes des martyrs de Lyon, de l’Ouganda ou de Corée racontent ces frémissements intérieurs de l’âme des condamnés au supplice à cause de leur fidélité à la Croix. Sans aller jusqu’au martyre physique (quoique…), nous pouvons éprouver ce tressaillement lorsque notre engagement pour le Christ, ou pour une cause juste, nous dépouille et nous livre aux violents et aux injustes. L’intensité du combat nous remplit alors d’une allégresse paradoxale, par laquelle l’Esprit Saint nous fait bondir vers le don de soi, par amour.

 

Et nous, qu’est-ce qui nous fait tressaillir ?

L’échographie est le moyen très sûr de surveiller une grossesse. Nos tressaillements intérieurs sont les échographies spirituelles où il nous est donné de discerner ce qui grandit en nous, ce qui nous anime, afin de nous hâter vers l’accomplissement de ce que nous portons en nous de plus vrai. Ces tressaillements-là n’ont rien à voir avec les exaltations empressées suscitées par la convoitise ou la langueur illusoire des paradis artificiels.

 

visit5 joieTressaillir, c’est goûter avec étonnement mon profond accord avec tel paysage, telle vue, avec la Création.

C’est pleurer inexplicablement à la lecture d’un passage qui résonne en moi.

C’est ne faire qu’un avec une musique, stupéfait d’y entendre la vérité de mon être.

C’est éprouver la justesse de mon combat pour la justice, surtout lorsqu’il devient âpre, compromettant, dangereux.

C’est savourer la communion avec l’être aimé.

C’est déborder de gratitude pour l’ami qui m’écoute ou se confie.

C’est découvrir violemment que « ça c’est moi », et « ça ce n’est pas moi ».

C’est se mettre à chanter sans raison dans l’exécution de tâches banales.

C’est s’arrêter, bouleversé, devant un tableau inconnu.

C’est entendre une lecture à la messe comme si elle m’était adressée à moi personnellement, précisément.

C’est…

 

Vous avez deviné : à vous d’écrire votre propre liste des tressaillements intérieurs où  l’allégresse ruisselle en vous, signe du travail de l’Esprit de Dieu vous envahissant « mieux que l’eau ne couvre les mers » (hymne : ‘Dieu est à l’œuvre en cet âge’).

Si vous êtes attentifs à ces échographies spirituelles, la naissance à vous-même – le vrai Noël en somme – ne sera plus très loin…

 

 

LECTURES DE LA MESSE


1ère lecture : Le Messie viendra de Bethléem (Mi 5, 1-4)

 

Lecture du livre de Michée

Parole du Seigneur :
Toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, à l’aube des siècles.
Après un temps de délaissement, viendra un jour où enfantera celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les enfants d’Israël.
Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom de son Dieu. Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre, et lui-même, il sera la paix !

 

Psaume : Ps 79, 2.3bc, 15-16a, 18-19

R/ Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !

 

Berger d’Israël, écoute,
toi qui conduis ton troupeau, resplendis !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

 

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

 

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

 

2ème lecture : « Je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 5-10)

 

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit, d’après le Psaume : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c’est bien de moi que parle l’Écriture.
Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni accepté les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les expiations pour le péché que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime l’ancien culte pour établir le nouveau. Et c’est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés, grâce à l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.

 

Évangile : La Visitation (Lc 1, 39-45)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Chante et réjouis-toi, Vierge Marie : celui que l’univers ne peut contenir demeure en toi. Alléluia. (cf. So 3, 14.17)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Patrick BRAUD

 

 

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16 décembre 2018

Just visiting

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 01 min

Just visiting


Homélie du 4° Dimanche de l’Avent / Année C
23/12/2018

Visiter l’autre
« Tu as de la visite »


How prisoners of war used Monopoly to escape in World War IIJust visiting
 : dans le jeu de Monopoly anglais qui a ravi mon enfance, le passage par la case « prison » était labellisé « just visiting » si du moins le hasard des dés n’amenait pas le pion pile sur cette case. Au passage on y gagnait 200 F, comme quoi la visite peut rapporter pas mal…

Visiter les prisonniers, c’est pour Jésus un critère majeur au Jugement dernier : « j’étais en prison et vous êtes venus me visiter ». C’est également la valeur centrale de notre passage d’évangile devenu célèbre sous le titre de Visitation.

Visite : laissons résonner en nous ce mot qui nous réunit en ce Dimanche. La visite de Marie à Élisabeth est devenue si célèbre et si unique que la langue française l’a appelée Visitation, mot spécialement forgé pour cela !

Visite en français, cela vient de visitare : aller voir.
Il y a donc un mouvement : « aller », et une contemplation : « voir ».
Visiter quelqu’un, c’est donc se déplacer, physiquement, mais aussi mentalement.
C’est quitter son univers pour entrer dans celui de l’autre.
Pour une femme enceinte comme Marie, dans un pays chaud comme Israël, ce voyage de Nazareth à Aïn Karim, de la plaine à la montagne, ce voyage n’est pas un petit déplacement !

Dieu n’a-t-il pas le premier opéré ce déplacement pour nous ? En Jésus il a quitté sa divinité pour aller nous visiter, de la montagne à la plaine, et jusqu’au fond des enfers. La visite de Marie à sa cousine fait écho à la visite du Verbe de Dieu en elle. Accueillir Dieu qui nous visite nous met en route pour aller à notre tour visiter notre famille.

La visitation est un pèlerinage fraternel, en réponse au pèlerinage divin de Dieu en nous…

Mais il faut pour cela accepter de quitter son univers ! Lorsqu’on visite quelqu’un, on est accueilli dans une autre maison, où l’on n’est pas chez nous. Or chez l’autre, beaucoup de choses peuvent être différentes. Et c’est là où intervient le 2ème terme de la visite : voir.

En entrant dans la maison d’un autre, notre œil est tout de suite attiré par tous ces détails qui révèlent la personnalité de notre hôte. « Tiens il a décoré de telle manière ». «  Tiens sa bibliothèque est intéressante, ou sa collection de disques, ou de DVD… » « Tiens ses meubles doivent venir de sa famille, etc… ».

Entre Marie et Élisabeth, l’œil n’est pas attiré par la décoration extérieure, mais par la joie intérieure de l’autre.

http://3.bp.blogspot.com/-JQhl3R_D74M/VWrKygr0ZfI/AAAAAAAABvg/D4aUgM8dwNo/s1600/Icoon_kleur_2.jpgL’enfant qui tressaille d’allégresse au plus intime de chacune de ces deux mamans improbables les oriente vers une contemplation émerveillée de l’action de l’Esprit Saint en l’autre.

Voilà donc le but de toute visite spirituelle : contempler le travail de l’Esprit chez celui ou celle qui m’accueille ; laisser la louange me venir aux lèvres pour célébrer le bonheur de l’autre.

La visitation de Marie à Élisabeth n’a pas pour but de vérifier où elle en est, ni même de l’aider. Non, c’est une visite pour la louange, pour voir l’action de Dieu en sa cousine et réciproquement, et s’en réjouir ensemble.

Fêter la Visitation nous appelle donc à réhabiliter dans notre Église le ministère de la visite, dans cet esprit-là. Autrefois, quand le curé n’avait qu’un village de 800 âmes à desservir, c’était lui qui assurait tout seul ce ministère de la visite. Maintenant, on redécouvre que tout baptisé, à la suite de Marie, est appelé à visiter ses frères. Dans l’histoire, cela a donné lieu à l’ordre des visitandines, au 17ème siècle, qui visitaient les pauvres et les malades. Aujourd’hui ce serait plutôt le Service Évangélique des Malades, les Conférences St Vincent de Paul… Mais nous pratiquons aussi la visite fraternelle lorsqu’une équipe liturgique se réunit chez l’un ou chez l’autre, autour d’un bon dessert… Ou lorsque nous allons visiter les familles en deuil pour les obsèques. Ou plus fréquemment encore lorsque nous avons la simplicité de frapper à la porte de quelqu’un gratuitement, juste pour avoir des nouvelles, un sourire, un bonjour, et quelque fois du coup une longue discussion sur des questions importantes…

En allemand, visite se traduit par Besuch, qui a la même racine que le verbe « chercher » : « suchen ». C’est donc que visiter quelqu’un, c’est chercher en lui… Chercher comme Marie les traces de l’action de l’Esprit en lui. Être à l’affut des signes de sa « grossesse spirituelle », comme on scrute une échographie pour y chercher les signes du bébé à naître…

Visiter implique d’aller à la recherche de ce que l’autre porte en lui-même de divin…

Réhabilitons donc ce beau ministère de la visite entre nous !

Entre Églises locales par exemple : les dizaines de jumelages entre diocèses français et étrangers, dont beaucoup d’africains, témoignent de la vitalité de ces échanges. La coopération missionnaire naît de cette entraide entre Églises : des prêtres ou religieuses sont accueillis en France, des laïcs et prêtres français en Afrique, en Asie ; des colloques pastoraux réunissent les acteurs des Églises locales autour d’un sujet commun à traiter dans la culture propre de chacun (ex : les funérailles, l’égalité-homme-femme, le dialogue interreligieux etc.). Le bénéfice de ces échanges est immense : ouverture d’esprit, découverte de la catholicité de l’Église, changement de regard sur les étrangers, apprentissage de ce qu’est l’inculturation etc.

JPO Ivry ©pfPEntre voisins également : beaucoup d’associations organisent ces visites de proximité, pour combattre la solitude. Les Petits Frères des Pauvres par exemple. Leur charte précise ce qu’accompagner une personne âgée ou isolée signifie pour eux :

« Accompagner,
C’est reconnaître la personne et l’accepter dans ce qu’elle a d’unique, la respecter dans sa dignité, son intimité, sa part de mystère.
C’est être son interlocuteur et son témoin.
C’est valoriser ce qu’elle vit et l’aider à découvrir ses potentiels enfouis, lui permettre d’exprimer ses désirs et ses aspirations profondes.
C’est marcher à ses côtés en respectant son évolution et son rythme propre, s’ajuster constamment à ses besoins.
C’est l’aider à se prendre en charge, la laisser libre dans ses choix.
C’est la considérer comme un être toujours en devenir.

En offrant “des fleurs avant le pain”, les Petits Frères des Pauvres privilégient la qualité de la relation qui permet tout autant de partager épreuves et joies que de chercher ensemble les solutions aux problèmes rencontrés. »

Nous avons toujours besoin de bénévoles pour tisser ce réseau de liens humains, de compagnons d’infortune, afin – comme Marie pour Élisabeth et Élisabeth pour Marie - de reconnaître en chacun le merveilleux travail que l’Esprit opère en lui, âgé ou étudiant, pauvre ou riche, marié ou célibataire…

Que Marie nous apprenne ce beau ministère de la visite, de la « visitation ».

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« De toi sortira celui qui doit gouverner Israël » (Mi 5, 1-4a)

Lecture du livre du prophète Michée

Ainsi parle le Seigneur : Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, et lui-même, il sera la paix !

Psaume

(Ps 79 (80), 2a.c.3bc, 15-16a, 18-19)
R/ Dieu, fais-nous revenir ;
que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! (Ps 79, 4)

Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

Deuxième lecture
« Me voici, je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 5-10)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.

Évangile
« D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1, 39-45)
Alléluia. Alléluia.
Voici la servante du Seigneur : que tout m’advienne selon ta parole. Alléluia. (Lc 1, 38)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.
Patrick BRAUD

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16 décembre 2015

Visiter l’autre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Visiter l’autre

 

Cf. également :

Enfanter le Verbe en nous…

« Tu as de la visite » 

Bouge-toi : tu as de la visite ! 

 

Homélie du 4° dimanche de l’Avent / Année C
20/12/2015

 

Visiter la famille

Noël sera encore cette année, malgré les attentats, une période de retrouvailles familiales. On va faire des kilomètres pour aller réveillonner avec les parents, ou des frères et soeurs. On va se partager entre la famille et la belle-famille. Et surtout on va prendre le temps, autour d’une bonne table, de se parler, de faire le tour des nouvelles des enfants de chacun, de raconter ses joies et ses peines, de faire remonter à la mémoire des souvenirs d’enfance etc.

Pour certains, ce rituel familial est devenu lourd, hypocrite, obsolète. Pour d’autres il est devenu impossible par suite des deuils, des séparations, des brouilles. Pour beaucoup, c’est encore un réservoir d’affection et de liens de proximité indispensable pour continuer la route, en se sachant aimé et membre d’une même famille.

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Pour Marie et Élisabeth en tout cas, cette visite familiale est si importante qu’elles y mettent une belle énergie. Enceintes toutes les deux, il eût été plus sage de continuer tranquillement la grossesse sans se bousculer. Or Marie et Joseph sortent de chez eux, prennent la route – qui à l’époque est conséquente, même avec un âne !, ou dangereuse – et quittent leur domicile pendant trois mois de grossesse.

 

La visite de l’autre, même si d’abord il s’agit d’un proche, est donc essentielle dans l’Évangile pour pouvoir accoucher du Tout Autre, Dieu fait homme !

Visiter la famille, c’est renouveler l’expérience de l’altérité sur fond de liens indissolubles. Jésus ne sera pas comme Jean-Baptiste. Marie et Joseph n’ont pas la même histoire de couple qu’Elisabeth et Zacharie. Mettre en commun leurs deux histoires familiales leur permet de reconnaître un même Dieu à l’oeuvre dans leur vie.

Si vous avez dans votre famille la tradition des cousinades, vous savez ce que représentent une fois par an ces retrouvailles avec ses si proches / si différents que sont nos cousins / cousines. On repart de ces grandes tablées réchauffés par le clan, impressionnés de ce qu’ont traversé tel ou telle, émus d’avoir évoqué ensemble les racines de ces liens, heureux d’avoir ri, mangé et bu et renforcé la solidarité la plus ancienne de l’humanité, celle du sang.

 

Visiter l’autre

Mais la Bible va plus loin que la seule visite familiale. À la visite d’Elisabeth par Marie il faut ajouter par exemple l’accueil des trois étrangers par Abraham. Les Grecs appellent ce passage la philoxénie d’Abraham, ce qui veut dire l’amour des étrangers que pratique Abraham en se mettant en quatre pour offrir l’hospitalité à ces trois étranges visiteurs. On peut aussi regarder ce passage du côté des voyageurs : car l’initiative vient de ces trois-là (en qui les chrétiens ont reconnu  l’annonce de la Trinité). Ils sortent de leur univers (comme le Verbe de Dieu est sorti de la divinité pour se faire l’un de nous à Noël), ils prennent le risque du voyage et de la route, ils frappent à la tente de quelqu’un qu’ils ne connaissent pas… On ne peut pas vanter l’hospitalité sans féliciter ceux qui sortent ainsi d’eux-mêmes pour se laisser accueillir.

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La visite de l’autre – beaucoup plus autre que nos familles – vient ainsi dans le prolongement de l’Alliance biblique, et de l’incarnation du Verbe.

Là encore, il est question de donner la vie, car c’est la visite de l’autre qui engendre chez Abraham et Sarah la capacité – inespérée – d’enfanter Isaac. Quitter son univers pour aller visiter l’autre, c’est donc lui faire ce cadeau inouï d’engendrer la vie beaucoup plus que s’il était resté clos sur lui-même. On devine que juifs et chrétiens ne peuvent pas voir les migrations actuelles tout à fait comme leurs contemporains…

 

Depuis les envoyés à Abraham, depuis Marie visitant Elisabeth, les chrétiens n’ont de cesse, particulièrement à Noël, d’aller visiter l’autre.

Afficher l'image d'origineC’est l’équipe de l’aumônerie d’une prison qui fera tout pour établir des liens, des messages, des cadeaux, entre détenus et paroissiens, famille, amis. C’est l’aumônerie de l’hôpital qui multipliera les visites aux malades alors que la solitude est plus cruelle sous les guirlandes de Noël. C’est la maraude de Médecins du Monde qui patrouille encore plus à la recherche des SDF isolés. C’est tout simplement des voisins attentifs qui pour les fêtes inviteront la personne seule à côté de chez eux.

Toutes ces initiatives rejoignent le sens profond de Noël : sortir de soi pour faire corps avec l’autre, tel le Verbe de Dieu sortant de sa divinité pour prendre chair de notre chair.

 

Je me souviens pour ma part d’un Noël en Afrique. Nous avions décidé avec des étudiants africains de consacrer notre soirée du 24 décembre à aller chercher sur les marchés ceux qu’on appelle les fous, pauvres hères sans case ni famille, à moitié nus et les cheveux pleins de terre, pour leur proposer ce qui à l’époque équivalait à un vrai festin : du pain bien frais et des sardines à l’huile. Tantôt accueillis avec des jets de pierres et des imprécations, tantôt avec de grands sourires sans dents et des bénédictions immenses, ce fut l’un de mes plus beaux Noëls, le plus fidèle à sa signification d’origine.

 

Visiter les musulmans

En notre contexte d’attentats islamiques de par le monde entier, il faut revenir à l’initiative récente du pape François à Bangui. Il était en visite pastorale, conformément à la tradition évoquée plus haut : sortir de Rome pour aller à la rencontre de peuples différents. En Centrafrique, il a voulu aller dans le fameux quartier appelé PK5, théâtre de nombreuses violences entre chrétiens et musulmans. Il a même été rendre visite à la mosquée de Bangui, pour souligner combien toute religion authentique prône la paix et le dialogue avec l’autre.

En appelant ce lundi matin 30/11/15 à « dire non à la violence », en particulier « celle qui est perpétrée au nom d’une religion ou d’un Dieu » dans ce quartier stigmatisé de Bangui, le pape François a tenu les paroles fortes que musulmans et chrétiens attendaient, comme la veille à la cathédrale, lorsqu’il avait invité les Centrafricains à « dépasser la peur de l’autre ». En visite à la mosquée de Bangui, le pape François enfonce le clou :

« Chrétiens et musulmans nous sommes frères. Nous devons donc nous considérer comme tels, nous comporter comme tels. Nous savons bien que les derniers événements et les violences qui ont secoué votre pays n’étaient pas fondés sur des motifs proprement religieux. Celui qui dit croire en Dieu doit être aussi un homme, une femme, de paix. Chrétiens, musulmans et membres des religions traditionnelles ont vécu pacifiquement ensemble pendant de nombreuses années. Nous devons donc demeurer unis pour que cesse toute action qui, de part et d’autre, défigure le Visage de Dieu et a finalement pour but de défendre par tous les moyens des intérêts particuliers, au détriment du bien commun. Ensemble, disons non à la haine, non à la vengeance, non à la violence, en particulier à celle qui est perpétrée au nom d’une religion ou de Dieu. Dieu est paix, Dieu salam. […]

Chers amis, chers frères, je vous invite à prier et à travailler pour la réconciliation, la fraternité et la solidarité entre tous, sans oublier les personnes qui ont le plus souffert de ces événements.

Que Dieu vous bénisse et vous protège ! Salam alaykuom ! »

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Que les chrétiens visitent des musulmans, nous n’y sommes guère habitués en France ! On s’en méfierait presque. Et pourtant c’est bien l’un des sens profonds de Noël. En cela le pape François est fidèle à celui dont il a choisi le prénom, François d’Assise. En 1219, alors que la guerre battait son plein entre chrétiens et musulmans, François eut ce geste fou d’aller, seul, désarmé, à la rencontre du sultan Malik al-Kamil :

S’exposant avec courage aux dangers de tous les instants, François voulait se rendre chez le sultan de Babylone en personne. La guerre sévissait alors, implacable entre chrétiens et sarrasins, et les deux armées ayant pris position face à face dans la plaine, on ne pouvait sans risquer sa vie passer de l’une à l’autre.

Mais dans l’espoir d’obtenir sans tarder ce qu’il désirait, François résolut de s’y rendre. Après avoir prié, il obtint la force du Seigneur et, plein de confiance, chanta ce verset du Prophète: « Si j’ai à marcher au milieu des ombres de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi ».

S’étant adjoint pour compagnon frère Illuminé, homme d’intelligence et de courage, il s’était mis en route traversant la mer et se retrouvant dans le pays du sultan. Quelques pas plus loin, ils tombaient dans les avant-postes des sarrasins, et ceux-ci, plus rapides, se précipitèrent sur eux. Ils les accablèrent d’injures, les chargeant de chaînes et les rouant de coups. À la fin, après les avoir maltraités et meurtris de toutes manières, ils les amenèrent, conformément aux décrets de la divine Providence, en présence du sultan: c’était ce qu’avait désiré François.

Afficher l'image d'origineLe prince leur demanda qui les envoyait, pourquoi et à quel titre, et comment ils avaient fait pour venir; avec sa belle assurance, François répondit qu’il avait été envoyé d’au delà des mers non par un homme mais par le Dieu Très-Haut pour lui indiquer, à lui et à son peuple, la voie du salut et leur annoncer l’Évangile qui est la vérité. Puis il prêcha au sultan Dieu Trinité et Jésus sauveur du monde, avec une telle vigueur de pensée, une telle force d’âme et une telle ferveur d’esprit qu’en lui vraiment se réalisait de façon éclatante ce verset de l’Évangile: « Je mettrai dans votre bouche une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront ni résister ni contredire ».

Témoin en effet de cette ardeur et de ce courage, le sultan l’écoutait avec plaisir et le pressait de prolonger son séjour auprès de lui. Il offrit à François de nombreux et riches cadeaux que l’homme de Dieu méprisa comme de la boue: ce n’était pas des richesses du monde qu’il était avide, mais du salut des âmes.

Le sultan n’en conçut que plus de dévotion encore pour lui, à constater chez le saint un si parfait mépris des biens d’ici-bas.
François quitta le pays du sultan escorté par ses soldats ».

St Bonaventure, vie de St François

 

Alors, ce Noël pourrait bien aujourd’hui encore vous amener à prendre contact avec telle ou telle communauté musulmane, à organiser des visites réciproques de nos lieux de culte et d’assemblée, à prendre le thé ou le café ensemble, à échanger nos points de vue sur l’actualité, sur la naissance de Jésus, Prince de la paix pour les chrétiens et souffle de Dieu pour les musulmans…

 

Sans renoncer aux autres visites si importantes en cette fin d’année, pourquoi ne pas prendre le temps (et le courage) d’aller rendre visite à nos cousins musulmans ?

 

 

1ère lecture : « De toi sortira celui qui doit gouverner Israël »(Mi 5, 1-4a)
Lecture du livre du prophète Michée

Ainsi parle le Seigneur : Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, et lui-même, il sera la paix !

Psaume : Ps 79 (80), 2a.c.3bc, 15-16a, 18-19

R/ Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire,
et nous serons sauvés !
(Ps 79, 4)

Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

2ème lecture : « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté »(He 10, 5-10)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.

Evangile : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1, 39-45)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Voici la servante du Seigneur : que tout m’advienne selon ta parole.
Alléluia. (Lc 1, 38)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Patrick BRAUD

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19 décembre 2009

« Tu as de la visite »

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 02 min

« Tu as de la visite »

Homélie pour le 4° Dimanche de l’Avent / Année C / 20/12/09

 

On raconte qu’un jour, saint Benoît, perdu dans sa solitude d’ermite, reçut la visite d’un prêtre, sans savoir que c’était le jour de Pâques. Le prêtre qui était venu le visiter dit : «  Lève-toi et prenons de la nourriture car c’est Pâques aujourd’hui  ». À quoi l’homme de Dieu répondit :  » Je sais que c’est Pâques, puisque tu es venu me voir « . En effet, demeurant loin des hommes, il ignorait qu’en ce jour, c’était la solennité de Pâques !

 

«  C’est Pâques, puisque tu es venu me visiter  ».

Telle est la puissance de la visite fraternelle : une force de résurrection, pour susciter en chacun la louange et le partage.


Telle est la puissance de la visite de Marie à Élisabeth : susciter l’émerveillement, laisser la vie intérieure être la plus forte, s’ouvrir mutuellement à des futurs inouïs…

Pour une femme enceinte comme Marie, dans un pays chaud comme Israël, ce voyage de Nazareth à Aïn Karim, de la plaine à la montagne, ce voyage n’est pas un petit déplacement !


Visite
  : laissons résonner en nous ce mot qui nous réunit en ce quatrième Dimanche de l’Avent. La visite de Marie à Elisabeth est devenue si célèbre et si unique que la langue française l’a appelée Visitation, mot spécialement forgé pour cela ! Telle est la puissance des visites que nous nous rendons les uns aux autres : nous relever, encourager la vie en l’autre, reprendre confiance en l’avenir? 

 

Visite en français, cela vient de visitare : aller voir.

Il y a donc un mouvement : « aller », et une contemplation : « voir ».

Visiter quelqu’un, c’est donc se déplacer, physiquement, mais aussi mentalement.

C’est quitter son univers pour entrer dans celui de l’autre.

Dieu n’a-t-il pas le premier opéré ce déplacement pour nous ? En Jésus il a quitté sa divinité pour aller nous visiter, de la montagne à la plaine, et jusqu’au fond des enfers. La visite de Marie à sa cousine fait écho à la visite du Verbe de Dieu en elle. Accueillir Dieu qui nous visite nous met en route pour aller à notre tour visiter notre famille.

La visitation est un pèlerinage fraternel, en réponse au pèlerinage divin de Dieu en nous?

 

Mais il faut pour cela accepter de quitter son univers ! Lorsqu’on visite quelqu’un, on est accueilli dans une autre maison, où l’on n’est pas chez nous. Or chez l’autre, beaucoup de choses peuvent être différentes. Et c’est là où intervient le 2ème terme de la visite : voir.

En entrant dans la maison d’un autre, notre oeil est tout de suite attiré par tous ces détails qui révèlent la personnalité de notre hôte. « Tiens il a décoré de telle manière ». « Tiens sa bibliothèque est intéressante, ou sa collection de disques, ou de DVD… » « Tiens ses meubles doivent venir de sa famille, etc. ».

Entre Marie et Elisabeth, l’oeil n’est pas attiré par la décoration extérieure, mais par la joie intérieure de l’autre.

L’enfant qui tressaille d’allégresse au plus intime de chacune de ces 2 mamans improbables les oriente vers une contemplation émerveillée de l’action de l’Esprit Saint en l’autre.

Voilà donc le but de toute visite spirituelle : contempler le travail de l’Esprit chez celui ou celle qui m’accueille ; laisser la louange me venir aux lèvres pour célébrer le bonheur de l’autre.

La visitation de Marie à Elisabeth n’a pas pour but de vérifier où elle en est, ni même de l’aider. Non, c’est une visite pour la louange, pour voir l’action de Dieu en sa cousine et réciproquement, et s’en réjouir ensemble.

 

Fêter la Visitation nous appelle donc à réhabiliter dans notre Église le ministère de la visite, dans cet esprit-là. Autrefois, quand le curé n’avait qu’un village de 800 âmes à desservir, c’était lui qui assurait tout seul ce ministère de la visite. Maintenant, on redécouvre que tout baptisé, à la suite de Marie, est appelé à visiter ses frères. Dans l’histoire, cela a donné lieu à l’ordre des visitandines, au 17ème siècle, qui visitaient les pauvres et les malades. Aujourd’hui ce serait plutôt le Service Évangélique des Malades, les Conférences St Vincent de Paul… Mais nous pratiquons aussi la visite fraternelle lorsqu’une équipe liturgique se réunit chez l’un ou chez l’autre, autour d’un bon dessert ! Ou lorsque nous allons visiter les familles en deuil pour les obsèques. Ou plus fréquemment encore lorsque nous avons la simplicité de frapper à la porte de quelqu’un gratuitement, juste pour avoir des nouvelles, un sourire, un bonjour, et quelque fois du coup une longue discussion sur des questions importantes.

 

The VisitationEn allemand, visite se traduit par Besuch, qui à la même racine que le verbe « chercher » : « suchen ». C’est donc que visiter quelqu’un, c’est chercher en lui ! Chercher comme Marie les traces de l’action de l’Esprit en lui. Être à l’affût des signes de sa « grossesse spirituelle », comme on scrute une échographie pour y chercher les signes du bébé à naître.

Visiter implique d’aller à la recherche de ce que l’autre porte en lui-même de divin.

 

Réhabilitons donc ce beau ministère de la visite entre nous !

Visitons-nous, déplaçons-nous, pour chercher et voir comment Dieu agit en chacun ; et nous pourrons alors ensemble – Marie d’ici et Elisabeth d’ailleurs – nous réjouir des naissances imprévues que l’Esprit ne cesse de susciter au milieu de nous…

 

Que Marie nous apprenne ce beau ministère de la visite, de la « visitation ».

 

 

1ère lecture : Le Messie viendra de Bethléem (Mi 5, 1-4)

Lecture du livre de Michée

Parole du Seigneur : Toi, Bethléem Ephrata,le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël.

Ses origines remontent aux temps anciens, à l’aube des siècles.
Après un temps de délaissement, viendra un jour où enfantera celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les enfants d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom de son Dieu. Ils vivront en sécurité, car désormaissa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre, et lui-même, il sera la paix !

 

Psaume : Ps 79, 2.3bc, 15-16a, 18-19

R/ Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !

Berger d’Israël, écoute,
toi qui conduis ton troupeau, resplendis !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Deu haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

2ème lecture : « Je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 5-10)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères,
en entrant dans le monde, le Christ dit, d’après le Psaume : Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps.
Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ;
alors, je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté,c ar c’est bien de moi que parle l’Écriture.
Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni accepté les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les expiations pour le péché que la Loi prescrit d’offrir.
Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime l’ancien culte pour établir le nouveau.
Et c’est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés, grâce à l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.

 

Evangile : La Visitation (Lc 1, 39-45)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Patrick BRAUD

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