L'homélie du dimanche (prochain)

4 août 2024

Tuer la mort ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Tuer la mort ?

 

Homélie pour le 19° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

11/08/24

 

Cf. également :

L’antidote absolu, remède d’immortalité
Bonne année !
Le peuple des murmures
Le caillou et la barque
Traverser la dépression : le chemin d’Elie
Reprocher pour se rapprocher
Ascension : « Quid hoc ad aeternitatem ? »
Un nuage d’inconnaissance

La « réserve eschatologique »


1. La mort de la mort

« La mort survient à un âge différent selon les espèces, mais elle n’a rien d’obligatoire ni d’inévitable… du moins pour une humanité maîtrisant les technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives). Une révolution médicale et philosophique est en marche. Le combat contre la mort va s’intensifier, annonce ainsi le chirurgien-urologue français Laurent Alexandre. La mort deviendra un choix et non plus notre destin » [1]. Il se dit convaincu que les hommes qui vivront mille ans sont déjà nés… Avec le transhumanisme [2], un nouveau paradigme religieux émerge : ce n’est plus le renoncement de l’athée qui se voit seul dans l’Univers, c’est désormais l’affirmation fière de ce que l’homme peut tout faire, y compris créer du vivant et se recréer lui-même » [3].

Laurent Alexandre a fait fortune en fondant le site Doctissimo, qu’il a vendu ensuite pour devenir futurologue. Sa conférence TEDX à Paris, en 2012, sur « le recul de la mort », recueille plus de 1,4 million de vues en ligne [4]. Il prévoit la disparition du cancer « dans une quinzaine d’années », et considère que « la science donnera à l’homme le pouvoir d’un dieu. L’homme va remodeler l’univers ».

Évidemment, cette espérance technologique est très éloignée de l’Évangile de ce dimanche (Jn 6,41-51) : « Celui qui croit a la vie éternelle ». « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Remplacez le pain par les NBIC, et Jésus par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et vous vous apercevrez que l’utopie transhumaniste est en fait une version sécularisée de l’espérance chrétienne. Tout comme la vision de l’humanité augmentée, fusionnant le cerveau avec les NBIC, est une version sécularisée de l’Homme Nouveau dont Paul expérimente le surgissement en Christ : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité »  (Ep 4,24).

Ce thème de l’Homme Nouveau a déjà été exploité par la Révolution française croyant régénérer le monde par le Progrès, les Lumières, la science (mais aussi la violence de la Terreur…), ou encore par le marxisme visant à établir une société sans classes, où l’Homme Nouveau ne serait plus un loup pour l’homme.

 

Ces idéologies séculières de l’Homme Nouveau se sont révélés meurtrières, inhumaines, parce qu’elles reposaient sur une anthropologie infirme, où le transcendant était réduit au social, au technique, au matériel.

Le transhumanisme va plus loin : il rend crédible la promesse d’une vie prolongée grâce aux implants neuronaux, aux manipulations génétiques, aux technologies de substitution corps–machine. À y regarder de plus près, le transhumanisme parle plus d’a-mortalité que d’immortalité : ne plus mourir, en régénérant sans cesse le corps humain, est sa promesse majeure. Ce n’est pas tout à fait la vie éternelle promise par Jésus à ceux qui croient !

Google et autres milliardaires investissent des sommes faramineuses pour un but ultime : fusionner l’homme et l’ordinateur, après l’avoir soustrait au vieillissement et à la mort. Il s’agirait alors d’une nouvelle humanité, dont on ne sait encore que peu de choses, sinon qu’elle échapperait à la mort en se régénérant perpétuellement… Si bien qu’il est légitime de se demander si le transhumanisme est encore un humanisme ! Il semble bien que le trans soit plus important que l’humain dans cette quête un peu folle.

Tuer la mort ? dans Communauté spirituelle slide_10

Pourtant, grâce à cette technologie, vieillir mieux et plus longtemps n’est pas incroyable. Et qui refuserait de mieux voir, marcher, penser à 120 ans et davantage ? Pourquoi la foi chrétienne devrait-elle être opposée à ces tentatives d’amélioration de la condition humaine, qui ne font que prolonger les antiques efforts de la médecine, de l’artisanat, et plus récemment de la science occidentale ? L’affaire Galilée résonne encore à nos oreilles comme une dramatique erreur catholique de l’Église refusant d’accepter le réel, même s’il contredit sa lecture des Écritures. Pourquoi refuser à l’humanité de continuer une évolution qui a commencé il y a des dizaines de millions d’années en la faisant émerger péniblement de l’animalité ?


Le Vatican proteste contre les manipulations génétiques ou informatiques de l’humain, au nom de la morale [5] : « changer l’identité génétique de l’homme en tant que personne humaine par la production d’un être infra-humain est radicalement immoral », ajoutant que « le recours à la modification génétique pour produire un surhomme ou un être doté de facultés spirituelles essentiellement nouvelles est impensable, puisque le principe de la vie spirituelle de l’homme […] n’est pas produit par des mains humaines », et puisque la véritable amélioration ne peut survenir que par l’expérience religieuse et la divinisation venant de Dieu.

Mais la morale ne peut rien contre le réel … « Fides et ratio », répétait inlassablement Jean-Paul II : « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ». Si la rationalité des NBIC nous offre une évolution du concept d’humanité, pourquoi se raidir et se figer dans une anthropologie bientôt obsolète ?


2. La quête de l’immortalité

Longtemps, on a cru que seul l’humain avait conscience de la mort. Mais les observations s’accumulent où l’on constate que des animaux ont bien conscience de la mort des autres et en souffrent. Des éléphants restent des heures auprès du cadavre d’un des leurs, le caressent de leurs trompes. Ils sont capables d’enterrer les carcasses de leurs congénères, avec ce qui ressemble à des rites funéraires troublants. Des baleines traînent avec elles la dépouille de leur baleineau mort sur des centaines de kilomètres, ne pouvant s’en défaire, avec des cris déchirants. Etc.

Cependant, dans nulle autre espèce la quête de l’immortalité ne s’est développée autant que chez l’homme, à tel point qu’on ne sait plus qui a engendré qui, comme la poule et l’œuf.

Nécropole mégalithique de Wamar (Sénégal)

Nécropole mégalithique de Wamar (Sénégal)

Sommes-nous devenus humains en cherchant l’immortalité, ou est-ce que parce que nous devenions humains que nous avons cherché à devenir immortels ?

Une chose est sûre : cette quête impossible est une constante de notre histoire. Les premiers sanctuaires et nécropoles mégalithiques d’il y a plus de 50 000 ans en sont une trace imposante. Tailler et déplacer des blocs de pierre de plusieurs dizaines de tonnes pour honorer leurs morts à cette époque témoigne de l’aspiration incompressible des premiers humains à un au-delà de la mort. Les chamanes et les sorciers qui ont pullulé aux temps préhistoriques entretenaient l’image d’un monde des esprits mélangé à celui des vivants, comme s’il existait des forces invisibles venant de l’au-delà. Les civilisations de Sumer et Babylone ont prolongé cette soif d’immortalité avec des mausolées, des sépultures et les premières pyramides censées accompagner un défunt royal dans son voyage au-delà de la mort. Les Égyptiens ont multiplié leurs divinités pour rendre crédible cette survie imaginaire, et leurs orgueilleuses pyramides pharaoniques voulaient garantir aux puissants une résurrection auprès d’Osiris. Notons au passage que, comme dans le transhumanisme, cette survie est extrêmement coûteuse et est en pratique réservée aux riches, aux ‘happy few’ détenant le pouvoir et la fortune …

Les Grecs ont inventé une autre forme d’immortalité, celle que confère l’Histoire aux héros et aux philosophes. Laisser une trace dans l’Histoire est encore aujourd’hui l’obsession, héritée des Grecs, de la plupart des acteurs politiques, de Mitterrand et sa pyramide du Louvre à Poutine et son empire reconstitué…

Les sagesses orientales ont apporté une autre réponse, plus originale, à cette même question de l’immortalité. Elles ont remplacé : ne plus mourir par ne plus vivre. L’extinction du désir dans le nirvana est une fusion avec le Grand Tout de l’Univers : l’immortalité hindoue, bouddhiste ou taoïste rêve d’échapper à l’illusion de ce que nous appelons la vie terrestre.

Le Grand Spinoza d’Amsterdam sécularisera cette intuition en faisant de Dieu la nature avec laquelle ne faire qu’un, dans une forme de panthéisme moderne. Et beaucoup de scientifiques actuels sont plutôt spinozistes, considérant que l’univers est éternel dans ses  cycles de Big Crunch / Big-Bang, et que la mort recycle nos atomes et molécules dans cette perpétuelle succession de contractions–dilatations implacablement programmée.


Toutes ces quêtes d’immortalité coexistent encore aujourd’hui, métissées, relookées, mais pour l’essentiel toujours fidèles à l’énigme originelle : qu’est-ce que la mort ? pourquoi la mort ?


3. Le futur au présent

72_9782259315555_1_75 bios dans Communauté spirituelleEst-ce bien de cette immortalité-là que parle Jésus ? Notre Évangile mélange étonnamment le présent et le futur lorsque Jésus évoque le sujet : « Celui qui croit a la vie éternelle ». « Qui mange ce pain vivra toujours ».

Tout indique qu’il y a un futur déjà offert en présent, et un présent si intense qu’il ouvre sur un futur réellement infini.

Ce battement présent/futur est une caractéristique de la foi chrétienne : le royaume de Dieu est déjà là, présent en chacun de nous, et il n’adviendra en plénitude qu’au retour du Christ (sans que nous sachions exactement comment, où et quand ce retour se produira). La vie éternelle est déjà là pour celui qui croit, et en même temps il y a bien quelque chose de plus grand à attendre par-delà la mort physique. Le futur est présent, offert gracieusement ici et maintenant, et ce présent ouvre sur un futur infini…

Dans les siècles passés, l’Église utilisait la peur de l’enfer et la promesse du paradis pour détourner les pauvres de la transformation sociale. L’eschatologie engloutissait l’histoire. Depuis les Lumières, c’est l’inverse : les sécularisations diverses de l’expérience chrétienne ont braqué les projecteurs sur l’amélioration de la seule vie terrestre, sans plus se préoccuper de l’après. Le Progrès et les sciences ont rendu l’eschatologie moins crédible, moins intéressante que la transformation du présent.


4. La vie zoè, pas la vie bios

Notre défi de croyants et de tenir ensemble l’histoire et l’eschatologie, le présent et le futur, l’effort et la grâce. Nous taire sur l’au-delà serait nous prosterner devant les idoles modernes sans transcendance. Nous réfugier dans un discours ancien rempli de magie et de superstition sur l’au-delà nous ferait régresser aux temps préscientifiques, mutilant ainsi la foi et la raison.

Comment espérer réellement en un au-delà sans dénaturer ni affaiblir la transformation de l’aujourd’hui ?

 eschatologie
Une piste pourrait nous être donnée par l’évangile de ce dimanche. Jean en effet parle de vie (éternelle) en employant le terme grec : ζω (zoé, 49 usages chez Jean), et pas seulement celui de βος (bios, 2 usages).

La différence est signifiante : le bios relève de ce qui est nécessaire à la survie, à la prolongation (biologique) de l’espèce. Zoé relève du spirituel, du souffle qui anime, du principe vital différenciant du non-vivant. La vie bios est une question de quantité ; la vie z est une question de qualité. Immortalité d’un côté, vie éternelle de l’autre. Prolongation versus intensité.

Nous vivons parfois des instants qui ont un goût d’éternité. Nous expérimentons alors ce qu’est le vrai bonheur mais de manière tellement fugace ! Cette vie bienheureuse nous échappe alors même que nous la désirons. Et, au fond, nous ne savons pas vraiment ce qu’elle est. « L’expression “vie éternelle” cherche à donner un nom à cette réalité connue inconnue », expliquait Benoît XVI dans l’encyclique Spe salvi.

Ne nous y trompons pas : la « vie » dont il est question n’est pas celle que nous connaissons, ce chemin fait d’épines plus que de roses. Quant à l’adjectif « éternel », il n’est pas à comprendre dans le sens d’interminable. « L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier (…). Il s’agirait du moment de l’immersion dans l’océan de l’amour infini (…), tandis que nous sommes simplement comblés de joie », poursuivait le pape.


En ce sens la vie éternelle n’est pas la vie qui vient après la mort. Elle est la vie elle-même, la vraie vie dès maintenant, celle que rien ni personne ne peut détruire. Cette vie surabondante, que saint Jean, en grec, appelle « zoè », la distinguant ainsi du « bios », peut être vécue ici et maintenant, embrassée dans le temps. Comment ? Comment vivre pleinement au lieu de se contenter d’exister ? Jésus nous met sur la voie dans sa grande prière sacerdotale : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17, 3).

Et Benoît XVI de commenter dans son Jésus de Nazareth : « L’homme a trouvé la vie, quand il s’attache à celui qui est lui-même la vie. (…) C’est la relation avec Dieu en Jésus Christ qui donne cette vie qu’aucune mort n’est en mesure d’enlever ». Ce vers quoi tend l’espérance chrétienne

La vie éternelle de notre Évangile n’est pas l’amortalité transhumaniste. Elle relève d’une intensité que l’amour, la beauté, l’art, la gratuité nous font parfois côtoyer dans des moments d’extase où le temps est aboli, où la communion est réelle, où le bonheur d’être à l’autre transcende toutes les limites. C’est de cette densité de relation que parle Jésus, et non du simple fait d’exister pour toujours. L’immortalité transhumaniste pourrait fort bien se révéler malheureuse et triste si elle est solitaire ou sans amour. La vie éternelle, c’est d’aimer au point de ne plus exister…

Saint Irénée parlait avec enthousiasme de cette vie éternelle : « Ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. (…) La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». La vie éternelle, c’est donc une vie où enfin, nous « verrons », où nous serons dans le « ravissement », dans un bonheur qui nous dépasse. Nous serons « vivants » très intensément, pleinement, et cette éternité, ce moment exceptionnel, ne passera pas.


« Celui qui croit a la vie éternelle » 
: prenons au sérieux cette déclaration de Jésus.

En venant communier à l’autel, nous laissons le Christ devenir notre trait d’union avec le Père, dans la communion d’amour de l’Esprit.

Cette communion nous fait vivre en lui.

Dès maintenant.

Intensément.

C’est-à-dire : éternellement.


______________________________________

[1]. Laurent Alexandre, La Mort de la mort, J.-C. Lattès, 2011.

[2]. Le transhumanisme veut promouvoir, selon la définition du biologiste Julian Huxley (frère d’Aldous Huxley), « un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine » (Huxley, 1957)

[3]. Laurent Alexandre, La guerre des intelligences, J.-C. Lattès, 2017.

[5]. Commission Théologique Internationale, Communion et service : la personne humaine créée à l’image de Dieu, 2004.

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Fortifié par cette nourriture, il marcha jusqu’à la montagne de Dieu » (1 R 19, 4-8)

Lecture du premier livre des Rois
En ces jours-là, le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! » Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste. » Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
 
PSAUME
(Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (Ps 33, 9a)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.

L’ange du Seigneur campe alentour
pour libérer ceux qui le craignent.
Goûtez et voyez : le Seigneur est bon !
Heureux qui trouve en lui son refuge !

 
DEUXIÈME LECTURE
« Vivez dans l’amour, comme le Christ » (Ep 4, 30 – 5, 2)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, n’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu, comme un parfum d’agréable odeur.
 
ÉVANGILE
« Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel » (Jn 6, 41-51)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, les Juifs récriminaient contre Jésus parce qu’il avait déclaré : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel. » Ils disaient : « Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire maintenant : ‘Je suis descendu du ciel’ ? » Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
.Patrick Braud

 

 

 

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28 août 2022

La vie est courte…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La vie est courte…

Homélie pour le 23° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
04/09/2022

Cf. également :

La docte ignorance
Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?
S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout
Quel sera votre sachet de terre juive ?
Les cimetières de la Toussaint

Des cailloux sur les tombes

Les dernières images du film « La liste de Schindler » sont belles : on voit les descendants des juifs sauvés par l’industriel allemand Oskar Schindler pendant la seconde guerre mondiale venir lui rendre hommage, en déposant silencieusement chacun une petite pierre sur sa tombe.

À quoi correspond cette coutume ashkénaze ?
Une des réponses possibles est liée au psaume 89 (90) que nous lisons ce dimanche : les hommes sont comme l’herbe des champs. « Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée » (Ps 89,5-6).
Pour rappeler cette brièveté de l’existence humaine et la confier à Dieu, les juifs cueillent un peu de l’herbe des champs proche d’une tombe et le cale sur la pierre tombale en le coinçant avec de petits cailloux. Avec le vent et les oiseaux, l’herbe est vite dispersée, et il ne reste plus que les cailloux, témoins muets de l’herbe éphémère [1]. Pour les enfants juifs dont les parents ont été sauvés par Schindler qui les employait dans son usine en tant qu’ouvriers allemands, ces cailloux déposés avec respect étaient un hommage plein de gratitude, et une prière remplie d’espérance : cet homme qui a fait le bien, ce ‘juste parmi les nations’ qui a risqué sa vie pour protéger des innocents est désormais entre les mains de YHWH, capable de faire refleurir l’herbe des champs qu’on croyait desséchée.

 

Méditer sur la brièveté de la vie

Les mélomanes auront reconnu là une puissante inspiration qui a conduit Brahms dans la composition de son Requiem allemand (1868). Le deuxième mouvement de cette œuvre symphonique majestueuse commence par ces mots du psaume 89 (et de Is 40,6 ; 1P 1,24) que le chœur fait gronder comme l’orage qui approche : « car toute chair est comme l’herbe des champs… »

Car toute chair est comme l’herbe,
et toute la gloire de l’homme
comme les fleurs de l’herbe.
L’herbe s’est desséchée et la fleur est tombée.

Denn alles Fleisch ist wie Gras,
und alle Herrlichkeit des Menschen
wie des Grases Blumen.
Das Gras ist verdorret und die Blume abgefallen.
(Texte de Martin Luther)

Plaque en émail Marie Madeleine Vanité - Epoque XVIIIe SiècleLes amateurs de peinture se souviendront quant à eux des ‘vanités’ du XVII° siècle, ces tableaux où la beauté d’une jeune femme côtoyait un miroir et un crâne humain : la beauté est vaine si elle oublie qu’elle ne fait que passer, éphémère herbe des champs.

Les poètes à leur manière suivaient cette méditation universelle sur le caractère éphémère de toutes choses. Par exemple, la charogne que Baudelaire dépeint à son amante au détour du chemin a jadis été pleine de grâce : toute belle mondaine devrait s’en souvenir… « Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, à cette horrible infection, étoile de mes yeux, soleil de ma nature, vous, mon ange et ma passion ! »

La Bible en tout cas reprend souvent l’image de l’herbe des champs pour inviter l’homme à méditer sur la brièveté de son existence :
« Une voix dit : ‘Proclame !’ Et je dis : ‘Que vais-je proclamer ?’ Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce, comme la fleur des champs : l’herbe se dessèche et la fleur se fane quand passe sur elle le souffle du Seigneur. Oui, le peuple est comme l’herbe : l’herbe se dessèche et la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu demeure pour toujours » (Is 40,6-8).
« L’homme ! Ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit : dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore » (Ps 103,15-16).
Devant ce constat facile à faire par chacun, quelle attitude adopter ? Plusieurs choix sont possibles.

 

1) Vis ta vie comme si tu ne devais jamais mourir

La vie est courte… dans Communauté spirituelle 50227C’est par exemple la position du Marquis De Vauvenargues (artiste, écrivain, moraliste du XVIII° siècle) : « Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir ». Nos contemporains l’utilisent plutôt pour éliminer la mort de leur paysage. Devant le côté désespérant ou terrifiant de cette réalité à laquelle on ne peut rien changer, beaucoup préfèrent en effet oublier la question. Vivre sans penser à la mort devient un comportement assez répandu dans notre culture européenne sécularisée. D’ailleurs, la mort devient de plus en plus virtuelle, car 90 % des décès se font à l’hôpital, loin des familles, des collègues, des amis. L’historien Philippe Ariès constate ainsi que la mort est devenue un tabou [2], comme l’était le sexe autrefois : on la cache, on n’en parle pas, on ne montre pas son deuil, on doit très vite reprendre la vie comme avant, comme si de rien n’était.

Malgré tout, les médias, l’actualité, voire les jeux vidéo ultraviolents nous informent régulièrement des vies écourtées en Ukraine, en Syrie, dans telle catastrophe ou tel fait divers. Mais c’est une perspective virtuelle, désincarnée. À tel point que nombre de jeunes adultes n’ont jamais ni vu ni touché un cadavre jusqu’au décès d’un parent, et encore ! Pour oublier que la vie est courte, il faut alors se noyer dans l’action (le boulot, une œuvre) ou dans ce que Pascal appelait à juste titre le divertissement (s’étourdir dans les plaisirs, les loisirs, les ivresses en tous genres).

Les avantages de ce choix sont apparemment séduisants : plus besoin de se torturer sur ce qu’est la mort ou ce qu’il y a après (« on verra bien ! ») ; plus besoin d’avoir peur du lendemain, puisqu’on n’y pense pas. Du coup, on peut concentrer son énergie sur le présent, et le vivre pour lui-même. Et on peut s’engager dans un travail de longue haleine, sur des années, sans être paralysé par l’incertitude de la durée. Ne pas se poser de questions sur le caractère éphémère de toutes choses permet d’en jouir comme si elles étaient éternelles.

Les inconvénients de ce choix sont en nombreux. On peut y voir une certaine lobotomisation à l’œuvre, car la conscience d’être mortel est ce qui nous humanise. C’est elle qui nous a fait émerger de l’animalité : les rites funéraires sont une des marques distinctives très nettes entre notre espèce et les autres. Nous savoir éphémères nous grandit ; l’oublier nous ravale au rang d’insectes ou de robots écervelés programmés pour consommer et travailler, s’étourdir et disparaître. Et puis, dès que la maladie grave survient, ou l’handicap de la vieillesse, ou la mort des proches, nous sommes démunis devant cette perspective de la fin que nous n’avions pas envisagée…

Ne pas se poser de questions sur la durée et la fin fait de nous des sujets dociles, voyageant à la surface de nous-mêmes dans le flux des divertissements de ce siècle.

 

2) Vis comme si tu devais mourir demain

 herbe dans Communauté spirituelleCette citation est extraite de la Bhagavad-Gîtâ ; elle a été traduite et commentée par Gandhi.

a) puisque tout passe si vite, profitons de l’instant présent car demain il sera peut-être trop tard. Cela peut prendre la forme du divertissement pascalien comme plus haut, mais également d’un certain hédonisme où seul le présent compte puisque demain je ne serai plus. Carpe diem, vous répéteront inlassablement tous ceux qui ont conscience de n’être que de passage sans autre avenir que de disparaître.

b) puisque la vie est courte, essayons d’en faire quelque chose de grand qui nous survivra. Celui qui sait devoir mourir bientôt voudra laisser une trace derrière lui, dans laquelle il aura l’impression de survivre (alors qu’en fait seul son souvenir perdurera, pour très peu de temps, chez ceux qui verront cette trace). Cette trace peut être une famille, une descendance, une œuvre, une renommée, une gloire réputée impérissable. Des pyramides de Gizeh aux 8000 soldats de terre cuite du premier empereur de Chine Qin Shi Huang, des opéras de Mozart aux conquêtes de Gengis Khan, chacun veut laisser quelque chose derrière lui qui maintiendra un reflet de lui pour ceux qui restent. Double illusion ! Ces traces s’effaceront très vite à l’échelle de l’histoire de l’univers (13,5 milliards d’années !) ; et elles ne pourront en aucun cas assurer l’immortalité à leur auteur !

Jésus contestait radicalement cette pathétique frénésie de survie, en restant lui-même célibataire, sans famille derrière lui, en n’écrivant aucun livre sacré, en ne possédant aucune richesse matérielle à léguer en héritage. Pire encore : en mourant comme le dernier des esclaves, en subissant l’infamie et la malédiction juive liée au gibet de la croix (Dt 21,23 ; Ga 3,13), Jésus à 33 ans meurt sans aucune assurance, dans un grand cri de déréliction qui déchire toujours les voiles de tous les sanctuaires : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?… »

 

3) Fais Téchouva

41dZI2eqiGL._SX362_BO1,204,203,200_ mortUn troisième choix devant l’éphémère de l’existence est ce que la Bible et la tradition judaïque appellent « faire Téchouva », c’est-à-dire retourner vers Dieu, se convertir (se tourner vers lui), revenir à lui. Chaque année, lors des 7 jours de la fête de Yom Kippour, chaque juif est invité à faire Téchouva en confessant ses péchés, en les regrettant, en s’engageant à lutter contre leur répétition, et à réparer les torts commis. Or c’est ce verbe revenir à Dieu (שׁוּב = shuv en hébreu) que notre psaume 89 met sur les lèvres de YHWH lorsqu’il voit l’éphémère humain : Ps 89,3. La plupart des traductions interprètent le texte comme un rappel de Gn 3,19 : « C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes (שׁוּב) à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras (שׁוּב) ». Elles y lisent donc le rappel de notre finitude voulue par Dieu : « Tu fais retourner l’homme à la poussière ; tu as dit : ‘Retournez, fils d’Adam !’ » (Ps 89,3).

C’est dommage, car c’est faire de l’éphémère humain une volonté (un peu sadique !) d’un Dieu jaloux. Alors que ce n’est qu’une condition de la Création : créer, c’est faire du  différent (sinon c’est de l’émanation). Si Dieu crée, il crée du non-Dieu : la mort n’est pas une punition ou un décret jaloux, c’est la condition même de l’altérité homme–Dieu, notre condition de créatures. Et cela s’impose à Dieu lui-même !

Le texte hébreu ne dit pas que Dieu fait retourner l’homme à la poussière. Il ne parle pas de poussière (le mot עָפָר = aphar n’y est pas), mais de retour (שׁוּב = shuv en hébreu), donc de Téchouva. Loin d’être une condamnation à l’éphémère, notre psaume est une promesse divine : « revenez à moi et vous vivrez ». D’ailleurs, le terme traduit par poussière en grec est ταπείνωσις (tapeinōsis), ce qui en fait désigne la pauvreté, l’humiliation, la misère, comme celle de Marie déshonorée aux yeux de la société de son époque : « YHWH a jeté les yeux sur la bassesse (ταπείνωσις) de sa servante (Lc 1,48).

D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
Avant que naissent les montagnes, que tu enfantes la terre et le monde,
de toujours à toujours, toi, tu es Dieu.
Tu fais retourner [שׁוּב (shuv)] l’homme [texte grec : ‘à la poussière’ (ταπείνωσις ; tapeinōsis)];
tu as dit : « Retournez [שׁוּב (shuv)], fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

La version grecque de la LXX de notre verset 3 s’éloigne ainsi fortement du texte hébreu : « revenez à Dieu » (shuv, Téchouva) est remplacé par « retournez à la poussière », ce qui plaît davantage au sens tragique de la dramaturgie grecque, mais qui met en scène un Dieu punitif conduisant à la mort, au lieu de YHWH promettant la vie en communion avec lui ! « Tu reviendras (שׁוּבau) au Seigneur ton Dieu, toi et tes fils, tu écouteras sa voix de tout ton cœur et de toute ton âme, tu observeras tout ce que je te commande aujourd’hui. Alors le Seigneur changera ton sort, il te montrera sa tendresse, et il te rassemblera de nouveau du milieu de tous les peuples où il t’aura dispersé » (Dt 30,2-3).
Comme quoi traduire, c’est bien souvent trahir…

Ceux qui lisent dans le psaume 89 un appel à revenir à Dieu découvrent dans la brièveté de la vie sur terre un chemin pour être en communion avec lui, sur qui l’éphémère n’a pas de prise, en qui intensité et durée sont intimement mêlées.

Téchouva

 

Méditer sur notre éphémère nous rend courageux et libres

Terminons avec une note très politique : prendre conscience que nous sommes éphémères est une source de courage pour lutter contre toutes les injustices. Car les tyrans, les oppresseurs eux aussi sont éphémères ! Ils ne font que passer dans l’histoire, et leur tyrannie est comme l’herbe des champs…

staline-300x197 psaumeLe communisme n’a fleuri que 70 ans en Russie, il s’est écroulé sur lui-même. Tôt ou tard, Poutine lui aussi mourra et son despotisme n’est pas éternel. Il y aura un lendemain sans Poutine et son impérialisme nostalgique d’une grande Russie fantasmée. De même pour les anciennes tyrannies : la domination sumérienne est passée ; les pharaons d’Égypte ne sont plus des rois-dieux ; la décadence de l’empire romain a provoqué sa chute ; les sacrifices sanglants des Aztèques ont cessé ; et même Hitler se sera fané en une décennie : son Reich de 1000 ans s’est évaporé plus vite que le brouillard du matin…

Certes les tyrans provoquent le malheur et l’injustice parmi les peuples, mais tôt ou tard ils passeront : lutter pour préparer l’après est un combat gagné d’avance si l’on y réfléchit bien !
Les méchants, les violents, les injustes n’auront pas le dernier mot. C’est pour nous une source de courage afin de résister, une source de liberté afin de dire non.

Là encore, les citations bibliques sont nombreuses pour encourager le peuple à résister aux méchants qui ne font que passer dans l’histoire :
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« C’est moi, c’est moi qui vous console. Qui es-tu pour craindre l’homme qui doit mourir, un fils d’homme périssable comme l’herbe ? » (Is 51,12)
« Leurs habitants (des villes puissantes comme l’Égypte) ont la main trop courte, ils sont effrayés, confondus ; ils ressemblent à l’herbe des champs, à la verdure des prés, à l’herbe des toits et au blé qui se consume avant d’avoir levé » (2R 19,26 ; Is 37,27).
« Le jonc croît-il sans marais ? Le roseau croît-il sans humidité ? Encore vert et sans qu’on le coupe, il sèche plus vite que toutes les herbes. Ainsi arrive-t-il à tous ceux qui oublient Dieu, et l’espérance de l’impie périra » (Jb 8,11-13).
« Ne t’irrite pas contre les méchants, N’envie pas ceux qui font le mal. Car ils sont fauchés aussi vite que l’herbe, Et ils se flétrissent comme le gazon vert » (Ps 37,1-2).
« Qu’ils soient tous humiliés, rejetés, les ennemis de Sion ! Qu’ils deviennent comme l’herbe des toits, aussitôt desséchée ! Les moissonneurs n’en font pas une poignée, ni les lieurs une gerbe » (Ps 129,5-7).
« Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation (ταπείνωσις = tapeinōsis) ; car il passera comme la fleur de l’herbe » (Jc 1,9-10).

D’ailleurs, de la même manière que Dieu est capable de faire fleurir à nouveau l’herbe des champs, il saura également nous redonner un « corps » glorieux adapté au monde de la Résurrection : « nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres (ταπείνωσις tapeinōsis) corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir » (Ph 3,20-21). L’herbe des champs devient ainsi une métaphore de la Résurrection à venir…

Relisons cette semaine le psaume 89 en entier, à tête reposée : quelles conséquences l’éphémère de mon existence peut-il avoir sur moi ?

 


[1]. Autre explication : selon Gn 35, Rachel mourut en mettant au monde Benjamin, son onzième enfant sur le chemin d’Éfrath. Jacob, son mari, érigea sur sa tombe un monument fait de pierres. Ce monument devait servir de signe de reconnaissance aux enfants d’Israël sur le chemin de l’exil. Le tombeau de Rachel est aujourd’hui un rocher surmonté de onze pierres symbolisant ses onze enfants. Il est situé à côté de Bethléem sur le territoire biblique de Judée, en actuelle Cisjordanie. Mettre une pierre sur une tombe est donc faire ce que Jacob a fait pour sa bien-aimée Rachel.

[2]. Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Seuil, 1974.


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13-18)

Lecture du livre de la Sagesse
Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées. Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.

PSAUME
(Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)
R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
 (Ps 89, 1)

Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

DEUXIÈME LECTURE
« Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé » (Phm 9b-10.12-17)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Philémon
Bien-aimé, moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon cœur. Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi.

ÉVANGILE
« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 25-33)
Alléluia. Alléluia. 
Pour ton serviteur, que ton visage s’illumine : apprends-moi tes commandements.
Alléluia. (Ps 118, 135)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : ‘Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !’ Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Patrick BRAUD

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