L'homélie du dimanche (prochain)

25 août 2024

La Tradition et les traditions

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La Tradition et les traditions

 

Homélie pour le 22° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

01/09/24

 

Cf. également :

Le pur et l’impur en christianisme
La coutume sans la vérité est une vieille erreur 
Toucher les tsitsits de Jésus
Quel type de pratiquant êtes-vous ?
Signes extérieurs de religion
L’événement sera notre maître intérieur
De la santé au salut en passant par la foi
Les deux sous du don…

 

Petit jeu de rentrée scolaire

En cette fin d’été, amusez-vous à tester vos connaissances liturgiques. Sans réfléchir, dites ce que vous évoque chacun des mots de la liste suivante, et quel était son usage :

Chape, chasuble, cordon, amict, manuterge, manipule, corporal, camail, conopée, dalmatique, faldistoire, goupillon, grémial, navette, pale, rochet, surplis …

Autrefois, chacun de ces objets liturgiques était scrupuleusement décrit dans les cérémoniaires, gros livres détaillant le déroulement des cérémonies. On y précisait également les gestes à accomplir : inclination, génuflexion, signation, agenouillement, croisement des mains, des doigts etc., par le prêtre, les enfants de chœur ou l’assemblée. Tout cela était extrêmement codifié.

Par exemple :

« Il existe deux sortes de génuflexions. La génuflexion simple (ou sans qualification) se fait en reculant le pied droit et fléchissant le genou droit jusqu’à ce qu’il touche le sol à proximité du talon gauche : on se relève aussitôt, sans aucune attente, et sans fléchissement de la tête ou du corps, qui restent droits. Comme pour les inclinations, il faut veiller à être à l’arrêt et tourné face à la personne ou l’objet qu’on va saluer avant de commencer la génuflexion, éviter toute précipitation et toute attente, et garder le corps droit, sans le pencher ni en avant ni sur le côté.

En outre, il faut absolument résister, lorsqu’on fléchit le genou (et de même lorsqu’on s’agenouille) à toute tentation de relever de la main le devant de la soutane ou de l’aube, geste parfois efféminé et toujours ridicule.

Missale Romanum 2002

 

La Tradition et les traditions dans Communauté spirituelle Missel-exemple-offertoire

Missel avec les rubriques en rouge

Ces livres contenaient des parties imprimées en rouge (ruber en latin, ce qui a donné le mot rubrique) décrivant aux prêtres ce qu’il fallait faire et comment le faire. Exemples :
« Ici on fait trois fois le signe de croix ».
« Réciter à voix haute (ou médiocre, ou basse) [1] ».
« Maintenir l’index et les pouces serrés l’un contre l’autre au niveau des coussinets, afin d’éviter que toute particule d’hostie reconnaissable qui aurait pu adhérer aux doigts ne tombe à l’extérieur du corporal ».

Ces rubriques ne constituent pas le texte des rites, mais indiquent la façon suivant laquelle on doit les célébrer.

Certes, la rubrique essaie de corriger elle-même les abus qu’elle risque d’engendrer, mais ce n’est qu’un correctif :

« Il faut donner une âme à ce geste : afin que le cœur s’incline avec un profond respect devant Dieu, la génuflexion sera faite ni d’une manière empressée ni d’une manière distraite ».


Après le Concile de Trente, au fil des siècles, les rubriques ont occupé une place et une importance de plus en plus grandes. On a même appelé rubricisme cette déformation liturgique où le comment (quo creditur) prend le pas sur le quoi (quod creditur), où le motif formel supplante le contenu. Dont Robert le Gall écrivait : « Le rubricisme est cette exagération qui accorde plus d’attention aux règles de la célébration qu’au sens profond des fonctions liturgiques ». Les périodes d’inflation des rubriques (c’est le cas au moment de la réforme tridentine) sont le signe infaillible qu’une certaine tradition est en train de mourir. La multiplication des rubriques écrites devient alors le moyen de pratiquer une forme d’acharnement thérapeutique, en refusant de voir ce qui meurt et doit être remplacé.

 

Les textes de ce dimanche semblent mettre en scène une opposition frontale entre la première lecture et l’Évangile. En effet, le Deutéronome (Dt 4,1-2.6-8) ordonne : « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ».

Alors que l’Évangile de Marc  (Mc 7,1-23) critique : « les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ».

 

La Loi juive (ou les fondamentalismes actuels) serait-elle du côté du rubricisme, alors que l’Évangile serait du côté de la liberté de l’Esprit ? Voyons cela de plus près

 

1. Les traditions et la Tradition

Le texte de Marc énumère quelques-unes de ces coutumes pharisiennes dont l’observance scrupuleuse obsédait les juifs pieux de l’époque :

« Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats ».

Comme pour le rubricisme, l’importance exagérée accordée à l’exécution pointilleuse de ces prescriptions était censée garantir l’efficacité rituelle. Cette énumération est loin d’être complète d’ailleurs, puisque aujourd’hui encore le livre des 613 commandements à observer détaille avec minutie ce que les juifs pratiquants doivent exécuter pour être en règle avec la Torah.

Cette obsession des gestes à faire ou à ne pas faire, des paroles à dire ou à ne pas dire, peut devenir à la longue pathologique, à la limite de l’obsessionnel et du compulsif. Jésus y dénonce surtout une hypocrisie religieuse qui le révolte :

« Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ».

L’hypocrisie religieuse, c’est de faire ‘ce qu’il faut’ à l’extérieur sans être cohérent à l’intérieur.

À l’extérieur : aller à la messe, donner au Denier de l’Église, faire ses prières, être moralement dans la moyenne. 

À l’intérieur : « pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure ».

À l’extérieur : des riches donations au Trésor du Temple de Jérusalem. 

À l’intérieur : l’offrande d’elle-même d’une pauvre veuve à deux sous.

Souvenez-vous par exemple des révélations fracassantes en juillet dernier au sujet des abus sexuels que l’Abbé Pierre a commis pendant des décennies. À l’extérieur : un prophète charismatique, défenseur des plus pauvres, fondateur des Communautés Emmaüs si précieuses, apôtre du droit au logement. À l’intérieur : un homme malade de ses pulsions incontrôlées. La personnalité préférée des Français (élue 16 fois de suite comme telle dans les sondages !) cachait en réalité un côté obscur.

 

Jésus refuse de canoniser l’extérieur sans accorder d’importance à l’intérieur. Il oppose ainsi radicalement les coutumes et traditions venues des hommes (rites de pureté, piété ostentatoire etc.) au commandement venu de Dieu : l’amour mutuel en Dieu. 

Le problème, c’est que les chefs religieux veulent nous faire croire que leurs traditions  purement humaines viennent de Dieu en direct…

 

La Tradition et les traditions 1 Essai historiqueL’immense théologien dominicain Yves Congar, un des piliers de Vatican II, avait publié en 1960 et 1963 deux volumes encyclopédiques intitulés : « La Tradition et les traditions ». Le T majuscule et le singulier (la Tradition) pointaient vers l’essentiel de la révélation faite à Moïse, accomplie en Jésus : YHWH, communion d’amour trinitaire. Le pluriel et la minuscule (les traditions) pointaient vers la multiplicité des coutumes, habitudes et rituels qui se sont développés au cours des âges. Si la Tradition est le fleuve, les traditions sont les alluvions charriées, puis déposés en strates sédimentaires par le génie culturel de chaque peuple évangélisé.

Ainsi l’Orient a développé le culte des icônes et l’Occident celui du Saint Sacrement.
Ainsi les rituels eucharistiques se sont multipliés : syriaque, syro-malabar, copte égyptien ou  copte éthiopien, melkite, de saint Basile, de Saint Pie V… 

Ainsi on fait le signe de croix de gauche à droite en Occident et de droite à gauche en Orient.
On se met assis pour écouter l’Évangile au Zaïre, par respect. On se lève ailleurs, par respect toujours. Etc.

 

Ces traditions alluvionnaires ont comme les alluvions des conséquences fertiles. Le limon charrié par les eaux du Nil rend ses berges cultivables et généreuses. Les traditions liturgiques et ecclésiales propres à chaque peuple honorent sa particularité, sa culture, son sens de la foi.

Mais avec le temps ces dépôts s’accumulent, et finissent par obstruer le flux d’eau vive comme elles envasent le delta du Nil. Si bien que les croyants ordinaires ne savent plus ce qui est important : avoir fait ses Pâques ou aimer les hérétiques, organiser une belle  procession ou renoncer à la pensée magique…

 

2. Un rapport critique à la Tradition

Le moins que l’on puisse dire est que Jésus est sacrément critique vis-à-vis de ces traditions-là ! Non seulement il dénonce l’hypocrisie religieuse qui les sous-tend, mais en plus il critique ouvertement des prescriptions ajoutées par les chefs religieux pour exercer leur domination sur le peuple. Il va encore plus loin en relativisant ce que Moïse lui-même avait cru devoir légiférer pour les hébreux au désert : l’interdit absolu de travailler le jour du shabbat, de manger les pains de consécration de l’arche d’alliance, de toucher des lépreux, des impurs, des adultères, de pardonner aux transgresseurs de la Loi au lieu de leur couper la main ou de les lapider, d’inclure des femmes dans le groupe des disciples etc.

Tous ces interdits sont alluvionnaires.

Ils ont été rajoutés par des hommes, en un siècle donné, pour guider le peuple vers plus de liberté. La loi sert de pédagogue, dira Paul. Mais, la période changeant, la fidélité à la Tradition demande d’abandonner certaines traditions pour en adopter d’autres, et à tout le moins d’épurer le stock impressionnant de coutumes accumulées qui risquent d’étouffer la flamme initiale.

 

61cboyVl9xL._SL1082_ critique dans Communauté spirituelle« D’un côté, Jésus ne met pas en doute que la Loi, dont ses interlocuteurs se réclament,  constitue le chemin d’une vie bonne. Sous cet angle, il les invite bien à déchiffrer leur  présent à la lumière de cette tradition dont ils proviennent. Il n’est pas l’homme de la tabula rasa, celui qui rejette le passé et la tradition d’un revers méprisant de la main.

D’un autre côté cependant, Jésus invite ses interlocuteurs à s’interroger sur l’authenticité de leur fidélité à la Loi ; il met en lumière les contradictions de leurs attitudes, la manière dont leur référence à la Loi et la tradition des Pères en pervertit l’intention profonde. Sous cet angle, Jésus institue « un rapport critique à la tradition » en dénonçant l’infidélité foncière d’une soumission aveugle de ses interlocuteurs à la Loi : ils tentent de la réduire à un code dont la mise en application réclame des procédures d’interprétation sophistiquées sans doute, mais cependant univoques (littérales), qui ont l’immense « avantage » de dispenser le sujet de s’engager en liberté (spirituellement) dans le travail du discernement. C’est ce travail que Jésus réclame en soumettant l’interprétation de la Loi à ce que Paul désignera plus tard comme la dialectique de l’esprit et de la lettre (Rm 2,29;7,6; 2Co 3,6) » [2].

 

La fidélité à l’Esprit du Christ demande de relativiser la lettre de la Loi, de nettoyer régulièrement les traditions alluvionnaires qui risquent en s’accumulant de boucher la source d’eau vive. Purifier les traditions humaines (les alluvions) en remontant à la Tradition (la source jaillissante) originelle : telle est la réforme permanente que Jésus opère en régime juif et que son Église devra poursuivre en régime romain, ou grec, ou français etc., sous la conduite de l’Esprit qui nous conduit vers la vérité tout entière.

Impossible alors d’obéir aveuglément à des prescriptions trop humaines, trop datées, trop liées à une culture ou à un monde disparus. Les Églises ont pu justifier autrefois l’esclavage, l’apartheid, l’Inquisition, la domination masculine, la peine de mort etc., et enseigner cela dans leur catéchisme. Il est clair pour nous aujourd’hui qu’il nous faut abandonner ces interprétations et en chercher de plus fidèles.

Impossible de sacraliser un moment de la Tradition en la figeant dans ses expressions (liturgique, morale, disciplinaire, sociale, ecclésiale) d’un lieu et d’un temps.

 

Jésus nous invite donc à demeurer critiques

Il l’est lui-même, au grand scandale de ses auditeurs juifs : « on vous a dit : … eh bien, moi je vous dis : … » (Mt 5). Jésus radicalise le message biblique, au sens où il revient à sa racine, coupant les branches multiples qui ont poussé depuis. L’énumération de Mt 5 où  Jésus nettoie l’arsenal législatif juif sur la colère, l’adultère, le divorce, le parjure, la vengeance, la haine des ennemis, montre qu’il veut retrouver la Tradition la plus radicale (à la racine) au-delà des accommodements (alluvions) développées au cours des siècles. Ce mouvement est toujours à poursuivre. Le concile de Jérusalem (Ac 15) a montré la voie en osant ne plus imposer la circoncision, ni l’interdit de manger des viandes consacrées aux idoles, ou de ne manger qu’entre juifs.

Nous vénérons la Tradition venue des Apôtres, à condition d’entretenir un rapport critique à toutes les traditions censées l’incarner.

 

3. La tradition d’un rapport critique à la Tradition

Que transmettent les Apôtres ? L’expérience d’une rencontre avec un vivant, ce qui échappe à toute définition ; la mémoire de la Passion d’un crucifié, condamné au nom de la Loi pour blasphème et usurpation royale, ce qui conteste toute absolutisation de la Loi.

Transmettons à notre tour la mémoire de ce crime qui critique l’application aveugle de la Loi. Le crucifié que la tradition juive rejette (comme celle du Coran), nous le proclamons Messie accomplissant la Tradition, scandale pour les juifs et folie pour les païens.

Sans cette transmission d’un rapport critique à la Tradition, nous serions juifs ou musulmans, pas chrétiens.

 

Ouverture du concile Vatican II le 11 octobre 1962 en présence de 2500 évêquesQu’a fait le concile Vatican II sinon toiletter les alluvions entassées depuis le XVI° siècle, et revenir à la tradition la plus ancienne ? Les conservateurs veulent figer la Tradition à un instant de l’histoire. Ils se conduisent en pratique comme si l’Esprit ne conduisait pas l’Église à aller ailleurs. Ce sont des fixistes. Vatican II veut retrouver le souffle de l’Esprit, source de la fécondité authentique. Et qui pourrait figer ce souffle ?

Bien sûr, le danger existe de jeter le bébé avec l’eau du bain. Sous prétexte d’aggiornamento, il ne faut pas perdre l’essentiel. C’est toujours un travail de discernement – dans l’Esprit – que de passer les traditions ecclésiales au tamis de l’Évangile pour voir celles qui demeurent et celles qu’il faut changer. Sans ce discernement spirituel, on risque de s’aligner sur les idéologies de son temps, ce qui est une autre forme d’infidélité.

 

Célébrer en langue locale plutôt qu’en latin, face au peuple plutôt que dos à l’assemblée, admettre la présence des femmes dans le chœur et dans les instances de décision de l’Église, leur confier des ministères, revivifier le diaconat permanent là où c’est utile… : les réformes issues de Vatican II sont traditionnelles, car elles réévaluent les traditions de vingt siècles à l’aune du retour à l’Écriture et de la tradition la plus ancienne. 

« Au commencement, il n’en était pas ainsi… » (Mc 10,5)

 

Ayons le courage d’éduquer les baptisés de tous âges à l’Esprit critique, plutôt qu’à la soumission aveugle ou non d’une tradition figée et idéalisée. Seul ce discernement spirituel préserve la folie de la croix et la sagesse de l’Évangile.

 

Le recours inlassable à l’Écriture est le tamis qui permet de passer au crible nos habitudes, nos croyances, nos coutumes.
Le discernement dans l’Esprit est l’indispensable décapage pour purifier l’Église de ses traditions trop humaines…

 

Quelles sont « mes traditions » que je devrais réévaluer à la lumière de « la Tradition » ?

_______________________________________

[1]. Dans la liturgie tridentine, il y avait trois tons de voix :
- certaines parties dites à voix haute ;
- d’autres à voix médiocre, audible par les proches seulement,  (les deux mots Orate, fratres ; le Sanctus ; les trois mots Nobis quoque peccatoribus vers la fin du Canon ; les quatre mots Domine, non sum dignus à trois reprises) ;
- d’autres enfin à voix basse (audible par le seul célébrant).

[2]. H.J. Gagey, La nouvelle donne pastorale, Ed. de l’Atelier, 1999, pp 53-54.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne… vous garderez les commandements du Seigneur » (Dt 4, 1-2.6-8)

 

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront : ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? »

 

PSAUME
(Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
R/ Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? (Ps 14, 1a)

 

Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.

Il met un frein à sa langue.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.

À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il ne reprend pas sa parole.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Mettez la Parole en pratique » (Jc 1, 17-18.21b-22.27)

 

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.

 

ÉVANGILE
« Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes » (Mc 7, 1-8.14-15.21-23)
Alléluia. Alléluia. Le Père a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Alléluia. (Jc 1, 18)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
.Patrick Braud

 

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19 novembre 2023

Christ-Roi : idéologie ou spiritualité ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Christ-Roi : idéologie ou spiritualité ?

Homélie pour la fête du Christ-Roi / Année A
26/11/2023

Cf. également :
Christ-Roi : Comme larrons en foire
Le jugement des nations

Un roi pour les pires
Église-Monde-Royaume
Le préfet le plus célèbre
Christ-Roi : Reconnaître l’innocent
La violence a besoin du mensonge
Non-violence : la voie royale
Le Christ-Roi, Barbara et les dinosaures
Roi, à plus d’un titre
Divine surprise
Le Christ-Roi fait de nous des huiles

D’Anubis à saint Michel
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
Roi, à plus d’un titre
Les trois tentations du Christ en croix

Quand l’Église humiliait publiquement le comte de Toulouse
Imaginez la scène : le 18 juin 1209, Raymond VI comte de Toulouse s’avance pieds nus, vêtu simplement d’humbles braies et d’une chemise de bure, s’avance sur le parvis de la cathédrale Saint Gilles (près de Montpellier) vers le légat du pape, les nombreux évêques en grande tenue chamarrée qui l’entourent, la foule des badauds et les croisés venus soi-disant combattre l’hérésie albigeoise mais surtout s’approprier les terres des hérétiques. Devant ces personnages si importants, le comte de Toulouse, excommunié par le pape Innocent III pour avoir été trop complaisant envers les « bonshommes » – qu’on appellera « cathares » au XIX° siècle - prononce un long serment de fidélité à l’Église catholique et au Pape, pour lever les 15 chefs d’excommunication prononcés contre lui. Il ira même jusqu’à se croiser avec eux, pour éviter qu’on lui prenne ses terres (peine perdue !). Cette humiliation publique d’un souverain fait furieusement penser à la pénitence célèbre que le pape Grégoire VII a imposée à Henri IV, empereur germanique, à Canossa en janvier 1077.

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Dans les deux cas, l’excommunication était l’arme nucléaire pour affirmer la supériorité du pouvoir ecclésial sur le politique. L’Église doit régner, par la force si besoin, pour que la société soit conforme à ce qu’elle interprète de la vérité de Dieu et de ses commandements. Le règne du Christ est alors très concrètement un règne politique, une vision que nous qualifierions aujourd’hui d’intégraliste, et même de contrôle total de la vie sociale sous prétexte du règne du Christ. De Constantin à Vatican II, l’Église catholique (et orthodoxe !) a constamment rêvé d’imposer sa version des Évangiles à toutes les sociétés du monde. Le sac de Béziers suite à la paix de Saint-Gilles en est un triste exemple : pour le légat du pape, mieux vaut exterminer des milliers de Biterrois plutôt que de laisser des idées folles se répandre. On lui devrait le célèbre : « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » qui dit assez l’horreur dans laquelle bascule l’idéologie du Christ-Roi lorsqu’on l’applique aux sociétés civiles.

 

L’idéologie restauratrice de la fête du Christ-Roi
C’est cette même idéologie théocratique qui poussera le pape Pie XI à instituer notre fête du Christ-Roi en 1925 [1]. Nous sommes alors 20 ans après la loi de séparation d’Aristide Briand en France (que Pie XII qualifie de laïcisme), et 8 ans après la révolution bolchevique qui promeut l’athéisme comme principe structurant de la Russie. Le pape y voit les signes d’une « apostasie générale » qui met en danger l’influence de l’Église. Il veut allumer un contre-feu en instituant une fête liturgique proclamant à la face des nations et des chefs d’État que seul le Christ est roi, et qu’il faut lui obéir en tout, pour éviter la guerre, la décadence, le chaos. Le seul problème est que l’Église se dit l’unique interprète qualifiée de la volonté du Christ : obéir au Christ pour instaurer son règne est alors obéir à l’Église pour consolider sa puissance, son emprise sur les lois, les consciences, les mœurs.

Les catholiques ont soigneusement oublié l’encyclique Quas Primas par laquelle Pie XI institue et rend cette fête obligatoire en 1925. Pourtant, le texte est clair : il faut par cette fête affirmer l’autorité suprême de l’Église pour instaurer le règne social du Christ dès maintenant, partout [2].

image%2F3743165%2F20201106%2Fob_d6d362_31mcohu9y9l-sx299-bo1-204-203-200 Béziers dans Communauté spirituelle18. C’est ici Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.

Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n’est pas apparu brusquement ; depuis longtemps, il couvait au sein des États. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations; on refusa à l’Église le droit – conséquence du droit même du Christ – d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l’autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu’à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l’irréligion et l’oubli conscient et volontaire de Dieu.

N° 19. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d’un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.
Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l’honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’a engendrée le laïcisme.

21. Les États, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles; car sa dignité royale exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des mœurs.

22. Il faut donc qu’il règne sur nos intelligences : nous devons croire, avec une complète soumission, d’une adhésion ferme et constante, les vérités révélées et les enseignements du Christ. Il faut qu’il règne sur nos volontés: nous devons observer les lois et les commandements de Dieu.

Dans cet esprit, Pie XI donne un mandat de « reconquête » à l’Action Catholique fondée à cette époque, dont le slogan était alors : « Nous referons chrétiens nos frères » [3].

Mgr Lefebvre ne s’y est pas trompé, lorsqu’il reprend ce thème de « l’apostasie générale » pour légitimer sa nostalgie d’un ordre social chrétien artworks-CJyFJzyG6xi1oLlE-Bq5VNQ-t500x500 Canossarégulé par l’Église. Il est la trace, quasi archéologique, de cette ambition démesurée d’imposer le règne du Christ en soumettant la société à l’Église :

« Et non seulement ils ont eu pour dessein de détruire les institutions chrétiennes mais ils ont voulu, par-là, détruire le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les âmes et créer ce climat d’apostasie générale. Le fait que les institutions ne sont plus chrétiennes, le fait que Notre Seigneur Jésus-Christ ne règne plus dans les institutions, crée nécessairement un climat d’apostasie, un climat d’athéisme, et ce climat d’athéisme atteint alors les familles par l’enseignement, par tous les moyens puissants que l’État a à sa disposition pour ruiner la foi dans les familles chrétiennes. C’est ainsi qu’on a vu l’apostasie s’étendre, petit à petit, dans la société.
De nos jours, on est tellement habitué à cette apostasie générale que l’on ne réagit même plus. C’est pourquoi cette fête du Christ-Roi est plus utile que jamais.
Nous voulons qu’il règne dans nos familles, dans les familles chrétiennes et dans la société. »
(Sermon de Mgr Lefebvre pour la fête du Christ-Roi, le 30 octobre 1988 à Écône)

Peut-on alors célébrer cette fête sans frémir d’indignation devant la volonté de toute-puissance ecclésiale qu’elle véhicule ?

 

Heureusement, il y a Vatican II !
Dans l’aggiornamento qui permet à l’Église de mieux comprendre son époque et de mieux se comprendre elle-même, l’idéologie du Christ-Roi va être justement infléchie :
- du règne social chrétien on va passer au règne eschatologique du Christ
- du Roi tout court on passe au Roi de l’univers
-
du dernier dimanche d’octobre avant la Toussaint (signe du triomphe du Christ et de ses élus), on passe au dernier dimanche de l’année liturgique juste avant un nouvel Avent.
C’est Paul VI – Saint Paul VI ! – qui opère cette évolution, avec douceur et pédagogie.
- On quitte ainsi les dangereux rivages d’une idéologie de restauration pour orienter la prière catholique vers l’avènement ultime du Christ.
- On quitte la nostalgie de la domination politique d’un État pour espérer la transformation ultime de tout l’univers.
- On passe de l’Église triomphante (dimanche d’octobre avant celui de la Toussaint) à la Parousie, point d’orgue qui dépasse toutes nos visions humaines (dernier dimanche liturgique).

Cette désidéologisation de la fête du Christ-Roi nous permet désormais de lui donner un sens eschatologique et spirituel :
- sens eschatologique :
Le royaume à venir est plus grand que toutes les réalisations humaines, même ecclésiales. Le jugement de Matthieu 25 nous dit que le critère en est l’amour et non l’appartenance ecclésiale. Quoi de plus fort pour relativiser une institution qui prétendrait réguler la vie quotidienne dans ses moindres détails ?

- sens spirituel :
Ce règne à venir est déjà inauguré en nos cœurs lorsque nous communions au Christ de tout notre être, de toutes nos forces. « Le royaume de Dieu est au-dedans de vous », ne cessait de répéter Jésus. Il y a là une mystique du royaume, intérieure, source d’inspiration pour une vie évangélique faite de pauvreté, de pardon, d’amour.
Une hymne de l’abbaye de Tamié, chantée pour ce dimanche, le dit avec beauté, élégance et justesse :

2354_apercu catharesAmour qui nous attends au terme de l’histoire,
ton Royaume s’ébauche à l’ombre de la croix ;
déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps !
Reviens, achève ton œuvre !

R/ Quand verrons-nous ta gloire transformer l’univers ?

1. Jusqu’à ce jour, nous le savons, la création gémit en travail d’enfantement. R/
2. Nous attendons les cieux nouveaux, la terre nouvelle, où régnera la justice. R/
3. Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision, jusqu’à l’heure de ton retour. R/

Cette dimension mystique et spirituelle n’empêche pas la fête du Christ-Roi d’avoir une connotation politique : non par l’imposition des lois d’une Église, mais par la force des consciences personnelles s’unissant autour de la défense des plus petits, des plus faibles, selon l’évangile de ce dimanche (Mt 25). Il y aura sans doute des conséquences législatives, judiciaires, politiques si un grand nombre de citoyens laissent ainsi le Christ régner davantage en leur cœur. Mais cela n’aura rien à voir avec la volonté de contrôle, de surveillance, de punition et de contrainte dont les tristes épisodes de Saint-Gilles ou de Canossa sont des symboles.

Gardons en tête les deux orientations majeures de la fête du Christ-Roi ce dimanche :
- elle déplace notre attente vers un au-delà de l’histoire, relativisant ainsi toute réalisation partielle.
- elle nous tourne vers le règne intérieur du Christ en nous : le laisser devenir par son Esprit « plus intime à moi-même que moi-même », ne plus faire qu’un avec lui au point de s’écrier comme Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ! » (Ga 2,20).

 


[1]. L’année 1925 était aussi le seizième centenaire du premier concile œcuménique de Nicée, qui avait proclamé l’égalité et l’unité du Père et du Fils, et par là même la souveraineté du Christ, « dont le règne n’aura pas de fin » (Symbole de Nicée).

[2]. On notera que le sous-titre de l’encyclique : « Sur la royauté sociale de Jésus-Christ », qui est bien le sujet de l’encyclique, ne figure pas dans le texte officiel, en particulier sur le site du Saint-Siège

[3]. Pie XI condamne cependant l’Action Française en 1926, refusant ainsi l’instrumentalisation de sa pensée politique.

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis » (Ez 34, 11-12.15-17)

Lecture du livre du prophète Ézékiel
Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

DEUXIÈME LECTURE
« Il remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, et ainsi, Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 20-26.28)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.
 
ÉVANGILE
« Il siégera sur son trône de gloire et séparera les hommes les uns des autres » (Mt 25, 31-46)
Alléluia. Alléluia. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père. Alléluia. (Mc 11, 9b-10a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’ Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’ Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’ Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’ Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Patrick BRAUD

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9 janvier 2017

Lumière des nations

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Lumière des nations

Homélie pour le 2° dimanche du temps ordinaire / Année A
15/01/2017

Cf. également :

Révéler le mystère de l’autre
Pour une vie inspirée
De Star Wars au baptême du Christ
Baptême du Christ : le plongeur de Dieu
« Laisse faire » : éloge du non-agir
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »
Res et sacramentum
« Laisse faire » : l’étrange libéralisme de Jésus
Lot de consolation

La deuxième lecture de ce dimanche affirme qu’Israël a un rôle universel à jouer : être la « lumière des nations », qui les guide dans l’obscurité :

« Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur (…) je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Is 49, 3.6)

Cette vocation d’Israël est toujours d’actualité, même aux yeux des chrétiens, car ils considèrent que « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » comme l’écrit saint Paul (Rm 11,29), c’est-à-dire que Dieu ne retire pas à Israël son rôle universel.

 

Israël, lumière des nations

En quoi ce petit peuple réinstallé sur la terre de Palestine après 1900 ans d’exil peut-il continuer à jouer ce rôle de lumière pour les nations ? Pas par ses options politiques ou militaires, parfois très contestables. Mais indubitablement par son existence même. Là où les autres peuples veulent témoigner de leur grandeur, et laisser des monuments à la gloire de leur civilisation, le peuple juif témoigne – par sa seule existence – de la grandeur d’un Dieu unique, et ne veut pas d’autres monuments que la prière et le culte qu’il lui rend depuis 4000 ans. Peuple élu, c’est-à-dire choisi pour témoigner de l’existence et de l’unicité d’un Dieu créateur et sauveur, Israël, par sa fidélité à son histoire, est un vivant rappel de la révélation du monothéisme.

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Or ce témoignage est toujours indispensable, au moment où les polythéismes  reviennent en force en ce XXI° siècle. Les dieux postmodernes n’ont pas forcément de statues ni de temples. Mais ils ont des écrans qui fascinent et asservissent, les écrans du CAC 40, de la console de jeux ou des nouvelles machines à sous… Ils ont des cultes nouveaux, depuis les rituels de la consommation de masse jusqu’aux habitudes des réseaux sociaux où les clics, les like et les pages Facebook sont autant d’actes d’allégeance à l’omniprésence de l’e-réputation. Sans oublier la montée en puissance des vieilles pensées magiques, du chamanisme aux soi-disant pratiques orientales, qui séduisent tant d’occidentaux sous couvert de développement personnel.

Comme autrefois face au colosse aux pieds d’argile du roi de Perse, ou face aux prétentions divines des empereurs romains, le peuple juif conteste l’existence et le pouvoir de ces idoles rien qu’en continuant à chanter les psaumes, en fêtant Hanoucca ou Pourim, en étudiant la Bible dans les yeshivot etc.

Afficher l'image d'origineLa lumière qu’Israël continue d’apporter aux nations est celle de la révélation d’un Dieu personnel, unique, vivant, intervenant dans l’histoire : le Dieu d’Abraham, Isaac et de Jacob.

Israël a apporté au monde la Torah et ses exigences éthiques, la contestation prophétique de toute idolâtrie, la notion d’alliance que chaque autre peuple est invité à conclure avec YHWH, la pensée de l’altérité fondée sur la révélation du Tétragramme à Moïse, le combat pour le droit et la justice en faveur de la veuve, l’orphelin et l’immigré, indissolublement lié à la foi-confiance en Dieu Sauveur…

Et, de manière inattendue pour lui, Israël a multiplié cette lumière en engendrant le christianisme, puis l’islam, qui ne renient rien du meilleur de cet héritage monothéiste.

 

L’Église, Lumen Gentium

Afficher l'image d'origineL’Église (catholique) se sait héritière d’Israël, à un point tel que le concile Vatican II a repris l’expression d’Isaïe : « lumière des nations » (Lumen gentium en latin) pour commencer son document le plus important, celui qui traite de la nature de l’Église :

Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit-Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15).
Lumen Gentium n° 1

La différence avec Isaïe est que l’Église reconnaît en Jésus seul le serviteur annoncé par le prophète. Lui seul est lumière de nations. Ce serait trop dire de l’Église qu’elle est la source de la lumière guidant l’humanité. Mais elle participe  au rayonnement de cette unique lumière christique en la diffractant en quelque sorte dans toutes les cultures, pour tous les peuples, à toutes les époques.

Les Pères de l’Église prenaient volontiers l’image de la lune et du soleil : la lune (l’Église) ne peut éclairer par elle-même, mais parce qu’elle reflète la lumière du soleil (le Christ) pendant la nuit. Le Christ n’étant plus visiblement présent devant nos yeux de puis l’Ascension, nous sommes dans la nuit qui nous prépare à sa venue. Et l’Église peut refléter pour tous les chercheurs de Dieu la lumière du Christ les aidant à cheminer dans cette nuit. Par la rumination en Église de la Parole de Dieu (Ancien Testament et Nouveau Testament, joliment appelés par l’exégète Paul Beauchamp la première et la deuxième Alliance) ; par les sacrements ; par la diaconie active en faveur des pauvres ; par le témoignage jusqu’au martyre… Il y a assez d’éclats de lumière dans l’Église (les Églises !) pour que personne ne se perde et que chacun puisse poursuivre son pèlerinage de foi.

Le Christ seul est la lumière des nations. Le vieillard Siméon le saluait ainsi : « lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël ton peuple » (Lc 2,32).


Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme; il venait dans le monde. Un soleil venu dans le monde pour dissiper les ténèbres du mal et l’inonder par la splendeur de l’amour divin. « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12).

Nous pouvons en refléter quelques éclats pour les hommes de bonne volonté. « Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).

C’est notre vocation de baptisés, que le concile Vatican II a synthétisé dans cette autre définition fondamentale de l’Église : « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium n° 1)…

À nous d’être fidèles à cette vocation ecclésiale !


1ère lecture : « Je ferai de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 3.5-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur. » Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

Psaume : Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd

R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté.  (cf. Ps 39, 8a.9a)

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

2ème lecture : « À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 1-3)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus, et Sosthène notre frère, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.
 À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.

Evangile : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
« Le Verbe s’est fait chair, il a établi parmi nous sa demeure.
À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. »
Alléluia. (cf. Jn 1, 14a.12a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Patrick BRAUD

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11 novembre 2015

Lire les signes des temps

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Lire les signes des temps

Homélie du 33° dimanche du temps ordinaire / Année B
15/11/2015

Comment Dieu intervient-il dans notre histoire ?
À quoi pouvons-nous reconnaître son action, son passage ?

La météo appliquée à l’histoire

Lorsque Jésus parle de sa venue, il emploie les images de son temps. Et notamment celle du figuier dans l’Évangile de ce dimanche :

« Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. »

Ailleurs, il précise encore cette comparaison du figuier :

« Voyez le figuier et les autres arbres. Dès qu’ils bourgeonnent, vous comprenez de vous-mêmes, en les regardant, que désormais l’été est proche. Ainsi vous, lorsque vous verrez cela arriver, comprenez que le Royaume de Dieu est proche. » (Lc 21, 29-31).

Il s’appuie sur la science météo empirique de son époque pour inviter à une science historique équivalente :

« Le soir venu vous dites ‘Beau temps, car le ciel est rouge’, et au matin ‘aujourd’hui tempête, car le ciel est rouge sombre’. Le visage du ciel, vous savez l’interpréter, mais les signes des temps, vous ne le pouvez » (Mt 16,2 3).

 

Vatican II et les signes des temps

Dans les années 80, et encore davantage lors du concile Vatican II, les théologiens ont vu dans ces passages d’évangile une clé de lecture de l’histoire. Si nous croyons vraiment que l’Esprit du Christ est à l’oeuvre en ce monde, alors nous pourrons discerner les traces de son travail dans certains événements, certaines personnes inspirées qui nous rapprochent du royaume de Dieu venant au-devant de nous.

C’est ce qu’on a appelé la théologie des signes des temps, en référence au texte de Vatican II décrivant cette lecture croyante de l’histoire habitée par l’Esprit de Dieu :

Afficher l'image d'origine« … L’Église a le devoir, à tout moment de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relation réciproques » (Gaudium et Spes 4,1).
« Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence du dessin de Dieu » (GS 11).

Cette lecture des événements permet à l’Église d’éviter la posture de prophètes de malheur dénoncé par Jean XXIII dans le célèbre discours d’ouverture du concile :

« Il arrive souvent que dans l’exercice quotidien de notre ministère apostolique nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu’enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines et calamités; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés; ils se conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, n’avait rien à leur apprendre et comme si du temps des Conciles d’autrefois tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et la juste liberté de l’Église. Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui, à travers la succession des temps et les travaux des hommes, la plupart du temps contre toute attente, atteignent leur fin et disposent tout avec sagesse pour le bien de l’Église, même les événements contraires. »

D’ailleurs, Jean-Paul II a clairement fixé l’ordre des priorités de la doctrine sociale de l’Église : annoncer d’abord, dénoncer ensuite, jamais l’inverse ! Car ce n’est qu’en relation à une promesse que l’on peut mesurer les écarts actuels.

« L’accomplissement du ministère de l’évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l’Église, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l’annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle-là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute. » (Sollicitudo Rei Socialis n° 41).

Au lieu de souligner tous les dysfonctionnements des sociétés humaines, la mission de l’Église est d’abord de s’attacher à valoriser tout ce qui est inspiré par un esprit de justice, de liberté, de fraternité, largement au-delà de ses frontières visibles.

Jean XXIII mentionnait ainsi les signes des temps qui émergeaient sur lui dans les années 60 : une régulation mondiale sur le plan politique (l’ONU, les droits de l’homme), la décolonisation, l’émancipation des femmes…

Jean Paul II n’a eu aucun mal à prolonger cette liste : l’effondrement du communisme en 1989, une certaine mondialisation porteuse d’espérance, le recul de la pauvreté dans le monde…

Cette lecture est toujours à poursuivre.

C’est peut-être une critique que l’on peut adresser à la belle encyclique du pape François sur l’écologie, Laudato si. Il insiste tellement sur les catastrophes écologiques à venir si on ne fait rien qu’on risquerait presque d’oublier tous les efforts déjà porteurs de renouveau et d’espérance en la matière.

 

Quels sont les signes des temps actuels ?

Rappelons encore une fois que dans le langage de Vatican II, il s’agit d’événements positifs manifestant la venue du royaume de Dieu, déjà parmi nous.

On peut alors repérer les évolutions porteuses de cette dimension eschatologique :

Afficher l'image d'origine- la libération des femmes, dans les cultures où elles sont encore opprimées, particulièrement dans les pays musulmans.

- la révolution numérique car, même si elle a des aspects inquiétants, elle contient un formidable potentiel pouvant servir le projet divin : rapprocher les peuples, augmenter les capacités humaines, transformer le travail pour qu’il soit plus humain, moins pénible et moins mécanique.

- l’aspiration écologique, car elle peut conduire à une plus grande sagesse dans la consommation (la sobriété heureuse), dans le rapport au temps, dans la solidarité entre pays et générations.

- la fin des dictatures : l’effondrement du mur de Berlin en 1989 nous a redit que tout système fermé sur lui-même finit par imploser. Les révolutions des printemps arabes ont pris le relais : même si elles ont été confisquées ensuite, pour un temps, par des pouvoirs religieux intégristes, elles finiront par porter des fruits au Maghreb et ailleurs. Et la Corée du Nord s’ouvrira un jour. Et la liberté religieuse parviendra à gagner sur l’intolérance musulmane, hindoue ou athée. Etc. 

Repérer ces forces de l’Esprit à l’oeuvre dans notre histoire ne relève ni de la naïveté ni de l’optimisme. Cela s’accompagne d’ailleurs du combat contre les régressions de toutes sortes qui s’opposent violemment à ces évolutions. Cela ne dispense pas, au contraire, de dénoncer les risques majeurs encourus par l’humanité dans ces profondes mutations sociales. Mais cette lecture des signes des temps nous oblige à parler sur fond de bienveillance, au sens premier du terme : voir d’abord le bien à l’oeuvre avant que de manifester ce qui s’y oppose. Nous n’avons vraiment pas vocation à être des prophètes de malheur, mais des sentinelles d’espérance.

Ajoutons que cette lecture des signes des temps vaut sur le plan individuel également. Notre histoire personnelle est une histoire sainte, où l’Esprit de Dieu est à l’oeuvre. Si nous prenons le temps de relire les événements qui nous marquent, si nous savons rendre grâce pour les personnes qui sont pour nous de vrais cadeaux, nous pourrons nous écrier comme Jacob à Béthel : « Dieu était là, et je ne le savais pas ! »

Il y a bien des figuiers qui produisent des fruits dans notre histoire personnelle et collective : ils annoncent la venue du Christ, dans cette ‘fin’ des temps qui est l’accomplissement aujourd’hui de la plénitude promise.

La liste de tout ce qui n’y va pas s’allonge chaque jour dans les journaux télévisés, les débats sociaux ou autour de la machine à café au bureau.

Sachons apporter à ces débats la juste espérance à laquelle nous invite la lecture des signes des temps chère à Vatican II.

 

 

1ère lecture : « En ce temps-ci, ton peuple sera délivré » (Dn 12, 1-3)
Lecture du livre du prophète Daniel

En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci. Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.

Psaume : Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11
R/ Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. (Ps 15, 1)

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

2ème lecture : « Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 11-14.18)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Dans l’ancienne Alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie.
Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché.

Evangile : « Il rassemblera les élus des quatre coins du monde » (Mc 13, 24-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Restez éveillés et priez en tout temps :
ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme.
Alléluia. (cf. Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Patrick Braud

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