L'homélie du dimanche (prochain)

9 décembre 2015

Faites votre métier… autrement

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Faites votre métier… autrement


Homélie du 3° dimanche de l’Avent / Année C
13/12/2015

Cf. également :

La joie parfaite, et pérenne

Éloge de la déontologie

Tauler, le métro et « Non sum »

 

Devoir d’état

Et si la vie professionnelle était un des enjeux majeurs de la conversion personnelle ?

Écoutez Jean-Baptiste sur les rives du Jourdain. Des publicains lui posent la question qui hantera plus tard Lénine et tous les révolutionnaires : que faire ? Jean-Baptiste les renvoie à leur pratique professionnelle : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». De même pour les soldats : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde » (Lc 3, 10-18).

 

Afficher l'image d'origineC’est donc que le métier exercé est l’un des premiers lieux de la vie spirituelle. On parlait autrefois de devoir d’état, qui englobait tout ce qu’on devait faire au titre de son état de vie : le père de famille envers ses enfants, le mari / la femme envers son conjoint, et ici le travailleur envers sa mission. S’acquitter avec conscience et honnêteté de son devoir d’état est la première marche qui nous élève vers Dieu. Cela commence par assumer l’obligation de travailler, afin de pourvoir à ses besoins élémentaires (un toit, se nourrir, se vêtir) sans peser sur les autres. Comme écrivez saint Paul : « celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! » (2 Th 3,10) Même ceux qui sont au chômage ont une obligation morale envers la société qui les soutient : chercher activement du travail, se former, et peut-être rendre sous forme associative ou bénévole ce que la solidarité nationale leur offre en termes d’allocations et d’aides en tout genre.

 

Travailler est essentiel à la vocation humaine. Le mot allemand pour désigner la profession est Beruf, qui signifie également appel, vocation.

Jean-Baptiste renvoie les pénitents du Jourdain à leur métier : rien de plus incarné que cet appel prophétique à assumer son devoir d’état le mieux possible !

 

Rechercher la justice

Afficher l'image d'origineJean-Baptiste va plus loin : il invite publicains et militaires à pratiquer une certaine justice dans leur activité. Pas de pots-de-vin, pas de corruption ou d’enrichissement personnel pour les publicains. Mais au contraire la recherche d’une application juste et égale de l’impôt. Pour les soldats : pas d’abus de violence, pas d’abus de position dominante pour accuser à tort, pas de course aux salaires excessifs sous prétexte d’être indispensables. Mais au contraire endiguer la violence, rechercher le droit, être désintéressé.

Avouons que ces conseils sont toujours valables, pour nos hommes politiques, nos militaires, nos patrons du CAC 40 ou les fonctionnaires chargés de l’impôt…

 

La recherche de la justice est inhérente à la foi juive et chrétienne : « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6,33) a raison de répéter Jésus.

 

Et vous, cherchez-vous la justice dans la pratique de votre métier ?

Êtes-vous passionnés de justice au point d’oublier votre intérêt personnel et immédiat ? Osez-vous poser les bonnes questions, à vos supérieurs comme à vos équipes, pour que progresse ce sens de la justice au travail ? Depuis le respect des plus petits jusqu’aux échelles de salaires, des conditions de travail à l’exercice de l’autorité, la passion de la justice fait du croyant un collègue, un salarié, un indépendant ‘non-aligné’ sur les comportements et les pratiques les plus courantes dans le monde du travail…

 

Donner sens à son travail

Pour oser être ainsi un chercheur de justice au travail, il faut l’inscrire sur un horizon beaucoup plus large que la seule activité ordinaire. Un boulanger ne fait pas que du pain, il crée du bonheur à travers le goût donné aux instants du repas, et le pain a toujours été signe de fraternité, de solidarité partagée. De grandes entreprises ont ainsi réfléchi à leur but profond, à ce qui constitue leur raison d’être. Qu’est-ce qui motive réellement les salariés de Disney, de Nike ou de Ford ? En prenant le temps d’écouter leurs équipes et de se remémorer leur histoire, voici ce que certaines grandes entreprises ont répondu.

But fondamental 

Source : Harvard Business Review, Hors série Automne 2015.

Et vous, quelle est le but ultime de votre travail ? Quelle est la raison d’être de votre entreprise ? Qu’est-ce qui manquerait au monde si elle n’existait pas ? Et donc qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin pour aller travailler avec une motivation capable de se renouveler d’année en année ?

Prenons le temps d’y réfléchir, personnellement et avec d’autres. Tout change quand on sait pour quoi on travaille, et pas seulement comment ou pourquoi !

 

Travailler en accord avec ses valeurs

Jean-Baptiste ne le dit pas ici, mais les premiers chrétiens ont réfléchi aux liens entre baptême et métier. Ils en ont conclu que certains métiers aux premiers siècles leur semblaient incompatibles avec l’identité chrétienne : gladiateurs, prostituées, militaires…
Comment peut-on se dire disciple du Christ par exemple et faire profession de torturer des gens, que ce soit au goulag ou dans une police secrète ? On osait refuser le baptême chrétien à ceux qui ne voulaient pas quitter ces métiers…

« Qu’on fasse une enquête sur les métiers et professions de ceux qu’on amène pour les instruire.
Si quelqu’un est tenancier d’une maison qui entretient des prostituées, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est sculpteur ou peintre, qu’on lui apprenne à ne pas faire d’idole. S’il ne veut pas cesser, qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est acteur ou qu’il donne des représentations théâtrales, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un enseigne aux enfants les sciences profanes, il est préférable qu’il cesse; mais s’il n’a pas de métier, qu’on le lui permette. De même qu’un conducteur ou quelqu’un qui prend part aux jeux publics ou qui y va, cesse ou qu’on le renvoie. Qu’un gladiateur ou quelqu’un qui apprend aux gladiateurs à combattre ou quelqu’un qui s’occupe de la chasse ou un officier public qui s’occupe des jeux de gladiateurs cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est prêtre des idoles ou gardien d’idoles, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
A un soldat qui se trouve auprès d’un gouverneur, qu’on dise de ne pas mettre à mort. S’il en reçoit l’ordre, qu’il ne le fasse pas. S’il n’accepte pas, qu’on le renvoie, Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d’une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu’on le renvoie. Si le catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu’on le renvoie, car il a méprisé Dieu.
Qu’une prostituée, un sodomite ou quelqu’un qui fait ce dont on ne peut parler soit renvoyé, car il est souillé.
Que le mage ne soit pas non plus admis à l’examen. Qu’un sorcier, un astrologue, un devin, un interprète de songes, un prestidigitateur, ou un fabricant de phylactères cesse ou qu’on le renvoie.
Que la concubine de quelqu’un, si elle est son esclave, si elle a élevé ses enfants et si elle n’a de relations qu’avec lui, soit admise, sinon qu’on la renvoie. Qu’un homme qui a une concubine cesse et se marie légalement. S’il refuse, qu’on le renvoie.
Si nous avons omis quelque chose, prenez vous mêmes la décision convenable, car nous avons tous l’Esprit de Dieu.  »
Hippolyte de Rome, « La Tradition apostolique » 3° siècle

Aujourd’hui encore, comment ne pas souligner des contradictions flagrantes entre la foi au Christ et certaines professions ? ou au moins certaines manières de pratiquer certaines professions ? Comment peut-on se dire par exemple chrétien et mafieux ? Ou faire travailler des enfants dans des mines africaines ou des usines chinoises ? Ou organiser la traite d’esclaves en tout genre ? Ou vendre des armes de destruction massive à n’importe quel client ? Etc. etc.

Faites l’exercice de lister les valeurs les plus importantes pour vous (la beauté, l’innovation, l’amitié, la justice…). Si votre métier ne vous permet pas d’honorer et de vivre ces valeurs au travail, alors ayez le courage de démissionner ! Changez de métier ou d’entreprise avant qu’il ou elle ne vous change à son image. Car tous les métiers ne sont pas humanisants. Car toutes les entreprises ne sont pas au service du bien commun.

 

Devoir d’état, justice, sens, valeurs : oui la vie professionnelle est bien l’un des lieux majeurs de la vie spirituelle !

Que l’appel de Jean-Baptiste nous convertisse jusque dans cette dimension-là.

 

 

 

1ère lecture : « Le Seigneur exultera pour toi et se réjouira »(So 3, 14-18a)

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.

Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

Cantique : Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6
R/ Jubile, crie de joie,car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.  (cf. Is 12, 6)

Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.

Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut.

« Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : « Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-7)

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Evangile : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 61, 1)

 En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick Braud

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