L'homélie du dimanche (prochain)

2 juillet 2023

La guerre, pile et face

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La guerre, pile et face

Homélie pour le 14° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
09/07/2023

Cf. également :
La sécession des élites selon Jésus
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
C’est dans la fournaise qu’on voit l’humble
En joug, et à deux !
Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?
Petite théologie de la guerre
Justice et Paix s’embrassent

Un patriarche ne devrait pas dire ça
La guerre, pile et face dans Communauté spirituelle 578231-patriarche-kirill-vladimir-poutine-fevrier
Le 25 septembre 2022 Kirill – le patriarche orthodoxe de Moscou – institue une invocation liturgique de son invention : « Voici que la bataille est engagée contre la Sainte Rus’ pour diviser son peuple indivis. Lève-toi, ô Dieu de la force, afin de le secourir et accorde-nous la victoire par ta puissance » Il ajoute solennellement cette supplique belliciste, qu’il rend obligatoire dans la liturgie.
Ioann Koval est ukrainien de nationalité, originaire de Louhansk, dans le Donbass, venu à Moscou étudier la théologie où il a épousé une Russe enseignante en littérature. Il est ordonné en 2004 et consacre son ministère aux patients des hôpitaux psychiatriques. Nommé second curé de Saint André, le voilà cependant qui, pendant la liturgie, substitue publiquement au mot « victoire » le mot « paix » : ‘accorde-nous la paix par ta puissance’
Dénoncé, il est renvoyé de l’état clérical le 11 mai 2023 par un tribunal ecclésiastique qui invoque sa « désobéissance » : selon le docile archiprêtre Vladislav Tsypine, vice-président du tribunal, le délinquant récidiviste « a violé son serment d’obéissance inconditionnelle à la hiérarchie de l’Église en émettant une opinion politique incompatible avec le sacerdoce ».

Comment Kirill et ses sbires vont-ils pouvoir écouter la première lecture de ce dimanche (Za 9,-10) sans broncher ? En entendant le prophète Zacharie annoncer un roi pauvre et pacifique, ils devraient être fort mal à l’aise :
« Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations ».
Ils devraient d’ailleurs arracher de la Bible toutes les pages décrivant le royaume de Dieu comme royaume de justice et de paix, et notamment les Béatitudes célébrant les artisans de paix, et Isaïe espérant un Messie instaurant la paix universelle : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2,4).

Une guerre d’agression comme celle de la Russie contre l’Ukraine est évidemment en pleine contradiction avec le message biblique. Pour d’autres guerres, on pourrait hésiter : était-il légitime de déclarer la guerre à Hitler comme l’ont fait les Alliés occidentaux ? ou de signer avec lui un traité de paix comme le pacte germano-soviétique ? Était-il légitime d’envoyer des troupes en Iran, Irak, Afghanistan, au Mali etc. ? Comment se fait-il que l’Europe supposée de tradition chrétienne ait engendré des guerres incessantes depuis 15 siècles au moins, dont les deux plus sanglantes au siècle dernier ? Pourquoi des théologiens comme Augustin ou Thomas d’Aquin ont-ils développé le concept de guerre juste, comme s’il fallait couvrir les exactions des rois très chrétiens mettant le continent à feu et à sang ?
Tentons d’examiner froidement, rationnellement, le pour et le contre : les guerres sont-elles nécessaires, évitables, utiles ou stériles ?

 

Le côté pile de la guerre
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les arguments en faveur de la guerre ne manquent pas.
- Progrès technologique et scientifique
La guerre a souvent stimulé le progrès technologique et scientifique. Les conflits armés ont conduit à des avancées spectaculaires dans les domaines de la médecine (soins d’urgence, chirurgie, prothèses, appareillages etc.), de l’aéronautique, de la communication (Internet par exemple est une création militaire [1]) et bien d’autres domaines technologiques. Les technologies du nucléaire, du spatial doivent aux V2 et à la bombe H leur formidable essor civil…

- Cohésion sociale et identité nationale
Certains soutiennent que la guerre peut renforcer la cohésion sociale et l’identité nationale. L’unité et la solidarité entre les citoyens peuvent être renforcées en temps de conflit, créant ainsi un sentiment d’appartenance commun et de mobilisation collective. Dans les tranchées de 14-18 par exemple, « les deux Frances » – la calotte et la laïque – se sont réconciliés en devenant frères d’armes dans la boue et les éclats d’obus des tranchées. Le statut des femmes qui avaient remplacé dans les fermes et les usines les hommes partis à la guerre s’en est trouvé changé irréversiblement.
De même, il est clair que l’Ukraine se perçoit aujourd’hui comme une nation alors qu’avant 2014 ce sentiment national était encore minoritaire, chaque ville ou province jouant sa partie de son côté.

Le plan Marshall de 1947 ou comment reconstruire l’Europe- Redressement économique
Après une guerre, certains pays ont connu des périodes de redressement économique. La reconstruction et les investissements dans l’industrie de défense peuvent stimuler l’emploi, la croissance économique et l’innovation technologique. Le plan Marshall est l’exemple d’une politique économique keynésienne réussie, qui a transformé l’après-guerre allemand en une formidable opportunité d’investissements, d’équipements, d’infrastructures etc. La richesse allemande actuelle doit beaucoup paradoxalement aux ruines de 39-45 accueillant les dollars US…

- Avancées politiques et sociales
Dans certains cas, la guerre a été associée à des avancées politiques et sociales. Par exemple, des mouvements pour les droits civils et l’égalité ont émergé à la suite de guerres, conduisant à des réformes et des changements sociaux significatifs.

- Protection des droits et de la liberté
Lorsque la guerre est engagée pour protéger les droits et la liberté d’un peuple opprimé, ce qui est alors une guerre défensive, elle semble largement justifiée lorsque les autres moyens pour rétablir ces droits ont échoué. Dans certaines situations, la guerre est le seul   moyen de résister à l’injustice et de garantir des valeurs fondamentales. La guerre d’indépendance entre les futurs États-Unis et l’Angleterre est de celles-là. La guerre contre les nazis et leurs alliés également.

- La santé morale des peuples
Le dernier argument peut paraître choquant. C’est Friedrich Hegel qui le développe ainsi :
« La santé morale des peuples est maintenue dans son indifférence en face de la fixation des spécifications finies, de même que les vents protègent la mer contre la paresse où la plongerait une tranquillité durable, comme une paix durable ou éternelle y plongerait les peuples » (Principes de la Philosophie du droit. § 324).
Hegel utilise l’image des vents qui protègent la mer contre la stagnation de ses eaux. Métaphore saisissante. Une paix durable et éternelle serait vectrice de mort éthique, de putréfaction, de pétrification de la vie éthique comme l’absence de vent engendrerait le pourrissement des eaux maritimes. On ne peut critiquer plus sévèrement le projet kantien d’une paix perpétuelle ! Rien n’est moins souhaitable pour Hegel que ce « doux rêve » s’il s’accomplit sur la lâcheté et la complicité morale avec l’injuste.
Et c’est vrai que le danger pour des nations en paix est de s’endormir sur leurs valeurs, de se laisser aller dans un confort matériel et une tranquillité où se dilue leur raison d’être. Ce que Soljenitsyne appelait « le déclin du courage » en Occident. Ou ce que les historiens appellent la décadence de l’Empire romain, lorsque leurs légions n’étaient plus composées que de mercenaires se battant au loin (des ancêtres de la milice Wagner en quelque sorte !) pendant que le peuple de Rome se vautrait dans le luxe et l’oisiveté.
Il ne faudrait pas pour autant faire d’Hegel le philosophe belliqueux de l’Europe ! Car il fait plus un constat qu’une préconisation : à l’heure actuelle, il y encore des conflits armés, et au moins on peut essayer de les faire servir au progrès moral des peuples. Mais on devrait pouvoir trouver d’autres façons de résoudre ces conflits, d’autres moyens de préserver la santé morale des peuples. En instituant un débat rationnel, en forgeant une conscience universelle, une capacité à surmonter dialectiquement les oppositions, le recours à la guerre selon Hegel pourrait être dépassé grâce au mouvement de la Raison qui préserve de l’immobilisme décadent, grâce au déploiement de l’Esprit dans l’histoire, grâce aux négociations garanties par un ordre politique mondial.

Préférer mourir plutôt que de sacrifier sa liberté, risquer sa vie pour garantir le droit et la justice est le signe d’une conscience morale plus humaine que le consentement à l’ordre injuste pour avoir une fausse paix.

Cinq ans de conflit en Syrie | Statista

 

Le côté face de la guerre
Malheureusement, il s’impose à nous. Prenez par exemple le bilan chiffré de la guerre en Syrie, qu’on avait un peu oubliée depuis l’invasion russe en Ukraine : 5 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins, 300 000 morts au moins, des blessés à proportion, un pays en ruines…

Les effets négatifs des guerres ne sont hélas que trop évidents :

- Pertes humaines
La guerre entraîne la mort de soldats et de civils, causant des souffrances et des traumatismes émotionnels considérables. Les pertes humaines sont une tragédie incontestable et constituent l’un des aspects les plus néfastes de la guerre.

https://histoire-image.org/sites/default/files/2021-11/dau6_bousu_001f.jpg- Destruction physique
Les conflits armés entraînent la destruction de villes, d’infrastructures, de monuments historiques et de biens matériels, ce qui a un impact dévast
ateur sur les sociétés et les économies touchées. La reconstruction peut prendre des années, voire des décennies.

- Déplacement et réfugiés
Les guerres provoquent des déplacements massifs de population et la création de réfugiés. Les individus et les familles sont forcés de fuir leur foyer, souvent dans des conditions précaires, ce qui entraîne une crise humanitaire et des problèmes socio-économiques.

- Impact sur l’environnement
Les activités liées à la guerre, telles que l’utilisation d’armes chimiques, les bombardements et la pollution générée par les conflits, ont un impact dévastateur sur l’environnement. La biodiversité est menacée, les terres agricoles sont dévastées et les écosystèmes sont perturbés. Le risque nucléaire est terrifiant.

- Cicatrices sociales et divisions
La guerre peut laisser des cicatrices profondes et durables au sein des sociétés, créant des divisions ethniques, religieuses ou politiques. Les traumatismes collectifs peuvent persister pendant des générations, alimentant les tensions et les conflits futurs. La haine qui s’établit entre l’Ukraine et la Russie par exemple marquera longtemps les relations entre ces pays et leurs familles. Il faudra des décennies pour guérir tant de blessures…
citation-guerre-paul-valery gospel dans Communauté spirituelle
- Coût économique
Les guerres ont un coût financier énorme, affectant les budgets nationaux, les infrastructures et les services sociaux. Les ressources qui pourraient être utilisées pour des besoins essentiels tels que l’éducation, les soins de santé, la transition écologique et l’éradication de la pauvreté sont détournées vers l’effort de guerre.

- Instabilité régionale et mondiale
Les conflits armés peuvent déstabiliser des régions entières et avoir des répercussions géopolitiques à l’échelle mondiale. Ils peuvent engendrer des rivalités, des tensions et des réactions en chaîne qui menacent la paix et la sécurité internationale. Il suffit de lister les pays en guerre aujourd’hui pour mesurer le malheur des peuples exposés à ces conflits : Syrie, Ukraine, Arménie, Iran, Yémen, Soudan, Éthiopie, République Démocratique du Congo, pays du Sahel, Haïti, Pakistan…

 

L’engagement chrétien pour la paix
La Vie Catholique Illustrée N° 1053 - Du 13 Au 19 Octobre 1965.   de Paul VI (6) : Plus jamais la guerre! / Ce que le Père Avril a vu en Chine (4 pages) / L'éléphant, ce colosse sentimental (3 p.) / Cinéma : Marie-Chantal (Marie Laforêt) contre le docteur Kah (1 page).  Format Broché
Le cri lancé par Paul VI, la gorge nouée, dans l’enceinte de l’ONU le 4 octobre 1965 à l’occasion de son 20° anniversaire résonne encore dans nos mémoires :
« Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais !
N’est-ce pas surtout dans ce but qu’est née l’Organisation des Nations unies : contre la guerre et pour la paix ? (…) Il n’est pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d’hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d’inutiles massacres et d’épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit en un serment qui doit changer l’histoire ­future du monde : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! »

De la trêve de Dieu au Moyen Âge à la diplomatie vaticane et ses médiations de conciliation dans les conflits modernes, l’Église catholique n’a jamais cessé d’espérer voir s’accomplir la prophétie de Zacharie et Isaïe : briser l’arc de guerre, surmonter les oppositions par la négociation, établir la justice qui garantira la paix. Sans ce combat pour la paix, la foi chrétienne serait réduite à une spiritualité intimiste et individualiste. Or l’Évangile a par nature cette composante sociale et politique qui nous oblige à œuvrer pour la paix.

On le sait peu, mais la référence française la plus fondatrice pour un projet de paix perpétuelle ne vient pas de Rousseau ni d’autres Lumières, mais d’un prêtre français, l’abbé Castel de Saint-Pierre qui a écrit en 1713 un livre fondateur : « Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe ». Cet ouvrage sera la référence de tous les textes ultérieurs, même de ceux qui le critiquent. On y trouve déjà l’idée de confédérer les nations sous une seule autorité, afin de circonscrire une sphère pacifiée où le Droit international primerait sur les intérêts particuliers, où la guerre serait interdite. Emmanuel Kant systématisera cette solution politique à la guerre avec son fameux traité de 1795 : « Vers la paix perpétuelle : un projet philosophique ». Il y plaide pour l’établissement d’un Droit international garanti  par une fédération politique mondiale où les conflits se régleront par des moyens pacifiques. Il plaide également pour une éducation des citoyens « favorisant une culture de paix et de respect mutuel ».
On voit ce que la Société des Nations puis l’ONU doivent à ces penseurs du XVIII° siècle, lassés de voir l’Europe s’entre-déchirer par des guerres fratricides.

L’engagement de chaque chrétien pour la paix devrait être en consonance avec celui de l’Église catholique actuellement. : offrir des médiations, rappeler le droit et la justice, éduquer au pardon, pratiquer l’amour des ennemis, dénoncer toute instrumentalisation du Nom de Dieu dans les conflits actuels (cf. Que peuvent les religions en temps de guerre ?).

Puissions-nous chacun et ensemble réaliser ce que « briser l’arc de guerre » signifie, et nous y engager de toutes nos forces !
Alors nous pourrons chanter le vieux negro spiritual immortalisé par Louis Armstrong : Down by the riverside.
I’m gonna lay down my sword and shield
Down by the riverside
And I ain’t gonna study war no more”:
Je vais déposer mon épée et mon bouclier au bord du fleuve (de mon baptême),
et je n’apprendrai jamais plus la guerre…

 


[1]. Dans les années 1960, le département de la Défense des États-Unis a lancé un projet de recherche appelé ARPANET (Advanced Research Projects Agency Network) dans le but de créer un réseau de communication robuste et résilient qui pourrait survivre à une attaque nucléaire. Ce projet a été réalisé par des chercheurs et des universités en collaboration avec des entreprises du secteur privé. ARPANET a introduit des concepts fondamentaux tels que la commutation de paquets et le protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol), qui sont encore utilisés aujourd’hui dans le fonctionnement d’Internet. Au fil du temps, ARPANET a évolué pour devenir l’Internet que nous connaissons aujourd’hui.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Voici ton roi qui vient à toi : il est pauvre » (Za 9, 9-10)

Lecture du livre du prophète Zacharie
Ainsi parle le Seigneur : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays. »

PSAUME
(Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia ! (Ps 144, 1)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ;
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour.
La bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

DEUXIÈME LECTURE
« Si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8, 9.11-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez.

ÉVANGILE
« Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 25-30)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Patrick BRAUD

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16 mars 2022

Ukraine : de quoi être rempli de larmes…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 17 h 43 min

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28 février 2022

Petite théologie de la guerre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 18 h 19 min

Petite théologie de la guerre

[UKRAINE] Bilan du jour 3 : Kiev tient toujours, progression russe au sud, nombreuses pertes dans les deux campsAlors que les chars russes roulent sur Kiev, quels repères la foi chrétienne peut-elle nous fournir pour penser et agir en temps de conflit armé ?

Dans un « Message aux fidèles et aux citoyens d’Ukraine », du 24 février 2022, le métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine a dénoncé la guerre actuelle comme « fratricide ». « La guerre entre ces deux peuples est une répétition du péché de Caïn, qui a tué son propre frère par envie », a-t-il déclaré. « Une telle guerre ne mérite aucune excuse, ni de Dieu, ni des populations ». La position du patriarche ukrainien est avant tout biblique ; quelques soient les intérêts en jeu, rien ne justifie le meurtre du frère.

Par contre, le dimanche suivant 27 février, le patriarche de Moscou, Kirill, a déclaré lors de son sermon dominical : « Que Dieu nous préserve de ce que la situation politique actuelle en Ukraine, pays frère qui nous est proche, soit utilisée de manière à ce que les forces du mal l’emportent ». « Nous devons tout faire pour préserver la paix entre nos peuples et en même temps protéger notre patrie historique commune de toutes ces actions de l’extérieur qui peuvent détruire cette unité », a poursuivi le patriarche.

Coat of arms of Russia with two-headed eagle. Golden symbol of Russian Federation. 3D render Illustration isolated on a white background. - 99888459Il semble donc apporter son soutien à l’invasion russe de l’Ukraine. Selon lui, les « forces du mal » sont ceux qui « combattent l’unité » de l’Église orthodoxe russe avec les pays issus de la Rus’, un État médiéval qui est considéré comme l’ancêtre de la Russie, de l’Ukraine et du Bélarus. Or, l’Ukraine s’était dotée en 2019 d’une Église orthodoxe indépendante du patriarcat de Moscou, une décision historique qui a mis fin à plus de 300 ans de tutelle religieuse russe et avait provoqué la colère de la Russie et de Kirill.
En 2012, Kirill avait déjà exprimé sa fidélité au maître du Kremlin en proclamant que la présidence de M. Poutine est « un miracle de Dieu » (sic.).

C’est l’illustration flagrante du « péché originel » des Églises orientales : être trop liées au pouvoir en place, quel qu’il soit (tsariste, communiste, poutiniste…), au point d’en perdre toute liberté critique. L’aigle bicéphale russe (un pouvoir, deux têtes) est le symbole de cette « symphonie des pouvoirs » chère aux orthodoxes russes qui confondent ainsi nation et Église, culture nationale et patrimoine chrétien. Ils voudraient rester la religion d’État, à l’exclusive des autres Églises – même orthodoxes – ou religions, pour régner en maitres sur la société. On voit en Grèce ou ailleurs que cette confusion Église-nation est une tentation toujours présente… Bizarrement, ces Églises tombent ainsi dans le même piège que les États islamiques !

Soyons honnêtes : l’Église catholique d’Occident n’a pas toujours évité cette confusion ! La lutte entre les pouvoirs temporel et spirituel a donné lieu à des joutes célèbres entre Rome et les empires successifs. De Canossa à la suppression des États pontificaux, du sacre des rois ou empereurs par le pape au principe « Cujus regio, ejus religio » du XVI° siècle (« chacun doit adopter la religion de son souverain »), la foi chrétienne a été souvent confondue avec le pouvoir politique, et instrumentalisée pour faire la guerre au nom de Dieu : croisades, Inquisition, guerres européennes, prétentions royales d’incarner la volonté divine, guerres coloniales pour convertir les Indiens des Amériques etc. Pourtant, peu à peu, le principe évangélique de séparation des pouvoirs entre César et Dieu s’est mis en place, au point que la laïcité française – la plus rigoureuse au monde – n’est pas sans racines évangéliques… Distinguer foi et politique demande de ne pas instrumentaliser l’une au service de l’autre, surtout pour faire la guerre !

 

Une Église ne devrait pas faire çà…

On peut distinguer plusieurs périodes dans l’évolution de la doctrine catholique sur la guerre :

- du temps de Jésus

Le Christ ne traite pas des questions politiques de son temps, pressé qu’il est par l’imminence du Royaume de Dieu qui va tout renouveler. Ce qu’il dit sur la violence concerne les relations individuelles : tendre l’autre joue, aimer son ennemi, pardonner sans cesse. Envers les militaires, il se montre accueillant, en louant même leur foi, en leur demandant comme Jean-Baptiste de ne pas dépasser leur mission, et c’est un centurion romain qui confesse le premier au pied de la croix : « vraiment, cet homme était le fils de Dieu ! »

 

- pendant les persécutions

Les premiers chrétiens ont été pendant trois siècles en butte aux persécutions juives et romaines, et devaient donc faire « profil bas » pour ne pas s’attirer les foudres d’un pouvoir déjà méfiant à leur égard. D’où le célèbre : « tout pouvoir vient de Dieu » de Paul (Rm 13, 1-6), si mal interprété par la suite ! Paul voulait que les chrétiens soient civiquement exemplaires pour qu’on n’ait rien çà leur reprocher sur ce plan-là. Aucune soumission aveugle au pouvoir en place dans ses propos. D’ailleurs, il a lui-même désobéi à Rome en refusant d’adorer l’empereur, ce qui était un acte d’insoumission politique à l’époque.
Pendant 300 ans, les chrétiens auront le souci d’éviter de participer à toute violence d’État, au point que les militaires devaient changer de métier (comme les gladiateurs, les prostituées etc..) pour pouvoir demander le baptême.
Le pouvoir romain fait la guerre à ces chrétiens, jusqu’à l’empereur Constantin et l’Édit de Milan (313). On comprend que ces chrétiens dénoncent toute forme de guerre comme un péché contre Dieu et contre nos frères.

 

- du IV° siècle au XIX° siècle

Petite théologie de la guerre dans Communauté spirituelle e7

Avec Constantin, tout change. L’empereur et l’Église marchent main dans la main pour gouverner les peuples d’Occident et au-delà. Pour le meilleur (adoucissement des mœurs, protection des femmes, des esclaves, fécondité artistique etc.) et pour le pire (répression des non-chrétiens, mainmise religieuse sur la société, ‘le sabre et le goupillon’ etc.). Dans le pire, il y a la guerre au nom de Dieu. Mais il y a également le meilleur, avec une certaine humanisation de la guerre pourrait-on dire, grâce à la théorie de St Augustin qu’on a appelée la « théorie de la guerre juste ». Augustin voulait limiter la guerre. Il développa une argumentation légitimant, dans certains cas exceptionnels, le recours aux armes pour un chrétien : à titre individuel, un chrétien devrait se laisser tuer plutôt que de tuer son assaillant (amour des ennemis), mais la défense de l’autre – surtout les plus faibles (la veuve, l’orphelin, le vieillard) – oblige à repousser une agression qui les menacerait. D’autre part, c’est aussi aimer son ennemi (selon le précepte évangélique) que de l’empêcher de faire le mal, lorsqu’il est agresseur.
Cette doctrine a donné lieu à de vives controverses. Certes, elle tendait à limiter la guerre mais elle conduisait aussi à la légitimer dans certains cas.

Les siècles suivants verront « l’alliance du trône et de l’autel » connaître des heurts divers, avec l’apparition de la « théorie des deux glaives » (Bernard de Clairvaux) au XI° siècle, prônant la supériorité du pouvoir spirituel (le Pape) sur le pouvoir temporel. Dans ce contexte, la guerre a souvent eu droit à la bénédiction des papes et évêques, que ce soit entre princes européens ou contre l’islam. En même temps, l’Église intervint souvent pour protéger les plus petits, pour servir de médiation entre les belligérants et faciliter la négociation de trêves, de traités de paix.
La prétention temporelle du Pape et la volonté de mainmise de l’Église sur la société suscitèrent en réaction l’émancipation progressive des royaumes et empires, jusqu’au XVIII° siècle, où les Lumières pousseront cette émancipation jusqu’à la séparation. L’Orient – on l’a dit – n’a pas suivi cette évolution.

 

- Vatican II

B006JYFJNE.01._SCLZZZZZZZ_SX500_ bicéphale dans Communauté spirituelleComme toute institution, l’Église a profondément changé sa façon de voir (tout en prétendant le contraire). Son discours sur la guerre aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui qu’elle tenait au XVII° siècle. Les deux guerres mondiales et la guerre froide ont fait évoluer la doctrine catholique au XX° siècle. Le cri de Paul VI devant l’ONU en 1965 : « Plus jamais la guerre ! » est devenu célèbre.
Le concile Vatican II (1962-65) a parlé de la guerre dans le document Gaudium et Spes. La synthèse de l’enseignement de ce concile est résumée ainsi dans le catéchisme universel (1992) :

Pas de paix sans justice

N° 2304      Le respect et la croissance de la vie humaine demandent la paix. La paix n’est pas seulement absence de guerre et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre des forces adverses. La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la fraternité. Elle est “ tranquillité de l’ordre ” (S. Augustin, civ. 10, 13). Elle est œuvre de la justice (cf. Is 32, 17) et effet de la charité (cf. GS 78, §§ 1-2).

Éviter la guerre autant que possible, mais se défendre si besoin

N° 2307      Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. À cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).

N° 2308      Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres. Aussi longtemps cependant “ que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense ” (GS 79, § 4).

B00TAVH0N0.01._SCLZZZZZZZ_SX500_ guerreN° 2309      Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
– Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
– Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.
– Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
– Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la “ guerre juste ”.
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun.

N° 2310      Les pouvoirs publics ont dans ce cas le droit et le devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à la défense nationale.
Ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, sont des serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples. S’ils s’acquittent correctement de leur tâche, ils concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien de la paix (cf. GS 79, § 5).

Même en temps de guerre, tout n’est pas permis

N° 2312      L’Église et la raison humaine déclarent la validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. “ Ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée que tout devient par le fait même licite entre les parties adverses ” (GS 79, § 4).

Les prisonniers notamment ont de droits

N° 2313      Il faut respecter et traiter avec humanité les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers. Les actions délibérément contraires au droit des gens et à ses principes universels, comme les ordres qui les commandent, sont des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Ainsi l’extermination d’un peuple, d’une nation ou d’une minorité ethnique doit être condamnée comme un péché mortel. On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide.

Les guerres « totales » sont condamnables et injustes

N° 2314      “Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation” (GS 80, § 4). Un risque de la guerre moderne est de fournir l’occasion aux détenteurs des armes scientifiques, notamment atomiques, biologiques ou chimiques, de commettre de tels crimes.

Arrêter la guerre est un signe messianique

N° 2317      Les injustices, les inégalités excessives d’ordre économique ou social, l’envie, la méfiance et l’orgueil qui sévissent entre les hommes et les nations, menacent sans cesse la paix et causent les guerres. Tout ce qui est fait pour vaincre ces désordres contribue à édifier la paix et à éviter la guerre. Dans la mesure où les hommes sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du Christ. Mais, dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes surmontent le péché, ils surmontent aussi la violence jusqu’à l’accomplissement de cette parole : Ils forgeront leurs glaives en socs et leurs lances en serpes. On ne lèvera pas le glaive nation contre nation et on n’apprendra plus la guerre” (Is 2,4) (GS 78,§6).

« I’m gonna study war no more… » chante le gospel « Down by the riverside »


La feuille de route des chrétiens en temps de guerre est ainsi clairement fixée : tout faire pour éviter la guerre, mais protéger les plus faibles, et empêcher un agresseur de semer la mort et la désolation autour de lui comme Hitler, Lénine, Staline, Mao, Pol-Pot et tant d’autres l’ont fait au XX° siècle…

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