L'homélie du dimanche (prochain)

13 février 2022

La force de la non-violence

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Efficace non-violence

Homélie du 7° Dimanche du temps ordinaire / Année C
20/02/2022

Cf. également :

Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel
Boali, ou l’amour des ennemis
Pardonner 70 fois 7 fois

La force de la non-violence dans Communauté spirituelle

Quand Gandhi s’envolait…

Gandhi avait été fortement impressionné par la lecture de l’Évangile de ce dimanche (Lc 6, 27-38), dans la version de Matthieu : « Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5,39). On raconte que dans les années 1888-1891, lorsque le jeune Gandhi étudiait le droit à Londres, il avait un professeur du nom de Peters avec qui la relation était tendue, notamment parce que le professeur blanc ne supportait pas que son élève indien ne baisse pas les yeux devant lui. Un jour, M. Peters prenait son repas à la cafétéria de l’Université, Gandhi est venu avec son plateau et s’est assis à côté de lui. Le professeur lui dit avec sa morgue habituelle : « M. Gandhi vous ne comprenez pas … Un porc et un oiseau ne s’assoient pas ensemble pour manger ». Gandhi lui répondit : « pas de soucis professeur, je m’envole », et il alla s’asseoir à une autre table…
Cette anecdote londonienne montre que, très jeune, Gandhi concevait déjà l’humour comme alternative à la réponse physique, la non-violence comme un combat et non une résignation passive. Tendre l’autre joue à son adversaire, c’est le désarçonner, le mettre devant la vérité pour qu’il puisse changer. La doctrine politique de la non-violence a permis à Gandhi de conduire une décolonisation beaucoup plus tôt et dans de bien meilleures conditions que d’autres colonies de par le monde…

 

Desmond Tutu, ou la force de la non-violence

L’Afrique du Sud a récemment célébré un autre apôtre de la non-violence : l’archevêque anglican du Cap, Desmond Tutu, décédé en décembre 2021. Lors de la cérémonie d’adieu à Nelson Mandela en 2013, Desmond Tutu lui avait rendu un hommage à sa façon, mélange de danse, d’humour, de mime et de prière : « Dieu, je te demande de bénir notre pays. Tu nous as donné un trésor merveilleux, avec cette icône de la réconciliation (Mandela)… », s’était-il écrié en afrikaner, la langue des blancs, la langue du pouvoir de l’apartheid autrefois, comme pour sceller la nouvelle alliance entre noirs et blancs d’Afrique du sud. Traiter Mandela d’icône de la réconciliation était si juste ! Desmond Tutu faisait danser sa soutane violette au service de l’égalité entre tous, et il est lui-même associé pour toujours à l’immense œuvre de réconciliation voulue par Madiba. Il a présidé pendant 3 ans la Commission nationale Vérité et Réconciliation, dont le slogan : « aveux contre rédemption » a permis de refonder une cohésion nationale fragile. En échange du récit de leurs exactions, les anciens tortionnaires de l’apartheid et leurs complices pouvaient espérer le pardon et le droit de vivre comme des citoyens à part entière. En 1998, après avoir auditionné 30 000 personnes, la commission remet un rapport de 3000 pages et plaide pour l’amnistie des coupables. Tutu ne disait-il pas : « Il faut aller plus loin que la justice. Il faut arriver au pardon, car sans pardon il n’y a pas d’avenir » ?

Desmond Tutu a exporté cette pédagogie de la transformation d’ennemis en partenaires au Rwanda : après le génocide rwandais (1 million de morts !), le pays aurait pu imploser lui aussi. Grâce à cet apôtre infatigable du pardon, l’amour des ennemis a pris une figure politique extraordinaire. Mieux que le procès de Nuremberg où il s’agissait en dévoilant leurs crimes de punir et d’éliminer les anciens nazis, mieux que les procès israéliens (dont celui d’Eichmann) visant à rendre justice aux victimes de la Shoah, la commission Vérité et Réconciliation a su promouvoir une justice restauratrice, et pas seulement punitive.

Voilà une traduction très réaliste – et très puissante – du passage d’évangile de ce dimanche : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue ».
Ce ne sont pas les paroles d’un doux rêveur, car Jésus les a signées de son sang et a pratiqué l’amour des ennemis jusque sur le bois de la croix : envers ses bourreaux romains, envers la foule juive haineuse, envers les criminels qui l’insultaient à ses côtés.
Non ce n’est pas une marque de faiblesse que de répondre au mal par le bien : c’est la marque de notre identité divine.
Non ce n’est pas illusoire de pratiquer la non-violence jusqu’au bout : au contraire, c’est le chemin le plus efficient pour établir une paix durable.

 

La monnaie de Simon Bar Kokhba

Joue droite, joue gauche

Au temps de Jésus, les Messies autoproclamés et violents pullulaient, qui voulaient tous libérer Israël de l’occupation romaine. L’histoire ne se souvient que de quelques-uns, parce que leur fiasco a été particulièrement lamentable. Simon Bar Kochba (« fils de l’étoile ») est le plus célèbre, et souvent présenté comme « l’anti-Jésus ». Au II° siècle, il réussit à fédérer le peuple juif pour le soulever contre Rome et chasser par l’épée de la révolte la légion qui gardait Jérusalem. Il rétablit ainsi un État en Judée, juif et indépendant, pendant quelques années, battant même sa propre monnaie. L’empereur Hadrien ne pouvait tolérer cette enclave dans l’empire, et la reconquête de Jérusalem fut sanglante. Pas moins de 12 légions romaines écrasèrent le soulèvement militaire de Bar Kochba, et dévastèrent Jérusalem et son Temple, illustrant ainsi tristement le constat prophétique de Jésus : « celui qui vit par l’épée périra par l’épée ». Dans ses moments de découragement dans sa lutte non-violente, Gandhi se raccrochait lui aussi à ce constat historique : « Quand je désespère, je me souviens qu’à travers toute l’histoire, les chemins de la vérité et de l’amour ont toujours triomphé. Il y a eu des tyrans et des meurtriers, et parfois ils ont semblé invincibles, mais à la fin, ils sont toujours tombés. Pensez toujours à cela ».
Que ce soit le soulèvement des vaincus ou l’expansion guerrière des vainqueurs, on a toujours vu au final les dictateurs périr, les tyrans être châtiés et chassés, les violents périr par la violence.

Répondre à la force par la force ne suffit pas, même si cela peut être légitime dans un premier temps, celui de la légitime défense (à condition que la riposte soit proportionnée à l’agression). Après les millions de morts de la première guerre mondiale, le Traité de Versailles n’a pu ramener la paix, car les vainqueurs prenaient leur revanche et imposaient par la force des conditions injustes et impossibles aux vaincus. Ce traité violent qui humiliait les ennemis a malheureusement préparé la guerre suivante. Prions pour qu’on ne rejoue pas un scénario semblable entre la Russie et l’OTAN, avec l’Ukraine au milieu…

Plus près de nous hélas, la présence des soldats français au Sahel s’enlise dans une démonstration de force inefficace. Plus le temps passe, plus les populations locales se rapprochent des djihadistes. Plus les armes sont puissantes, moins l’avenir est assuré. Le triste exemple des interventions en Libye, en Syrie, en Afghanistan, en Iran, en Irak et ailleurs aurait dû nous avertir ! La violence n’est jamais la solution, et l’issue ne peut être militaire seulement…

3b4775df_285795 Gandhi dans Communauté spirituelleS’il n’y a pas la diplomatie, c’est-à-dire le dialogue avec l’ennemi pour le changer en partenaire, la victoire violente d’un jour engendrera la défaite sanglante d’un autre jour. Le but ultime de la non-violence est de résoudre la crise comme un conflit se terminant sans rancœur, où les ennemis deviennent des amis.

Ce qui est vrai entre les États l’est également entre les individus. Jésus le savait d’expérience : la violence engendre la violence, la punition fabrique le désir de représailles, la force couve la révolte. D’où la phrase devenue proverbiale : « à celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue ». Chez Mathieu, le texte est plus précis : « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5,39). Car, pour frapper quelqu’un sur la joue droite avec la main droite (la main gauche est impure en Orient et en Afrique, réservée aux besoins hygiéniques naturels), il faut le faire du revers de la main, ce qui est plus humiliant et dévalorisant (la loi juive prescrivait d’ailleurs une amende de 200 zuzims – un zuzim était une pièce de 3,7 grammes d’argent – en cas de gifle avec la paume, et de 400 zuzims en cas de gifle d’un revers de main). Un peu comme le « soufflet » du Moyen Âge, où le gant de l’offenseur claquant sur la joue de l’offensé valait un duel à fleurets non mouchetés…

 

triangle Karpmann

Sortir du triangle infernal

Que faire alors ? Répondre par une claque équivalente, c’est tomber dans le cycle infernal violence–représailles dénoncé plus haut. Se plaindre, pleurer, c’est rester devant son offenseur à lui tendre la même joue meurtrie, sans autre perspective que de jouer le rôle de victime. Une ancienne version du triangle de Karpman en somme, où l’identification au rôle de persécuteur, de sauveur ou de victime induit des situations de manipulation et de domination psychologique au sein d’un groupe ou d’un couple. Le persécuteur croit qu’il peut dominer par la force. Le sauveur croit qu’il peut y répondre par une force plus grande. La victime s’installe dans un état de soumission permanente et présente toujours sa même joue meurtrie à qui la frappe.

Tendre l’autre joue pour Jésus, c’est sortir de ce piège triangulaire : non, je ne suis pas la victime qui se résigne, je suis ton égal en humanité, et ma part de visage non meurtri est semblable au tien. À travers le visage apparaît à la fois la vulnérabilité de l’être et sa transcendance. La découverte du visage de l’autre homme me fait prendre conscience à la fois de la possibilité et l’impossibilité du meurtre; cette prise de conscience est l’affirmation de ma conscience morale. « La relation au visage, affirme le philosophe Emmanuel Lévinas, est d’emblée éthique. Le visage est ce qu’on ne peut tuer, ou du moins ce dont le sens consiste à dire : « Tu ne tueras point » » (Éthique et Infini).

Je ne suis pas la victime qui se résigne. Je ne suis pas non plus le sauveur, super-héros qui rêve de faire tomber le persécuteur pour enfin renverser les rôles. Combien de victimes d’une domination se sont révélées être à leur tour des bourreaux une fois la situation renversée ? La dictature soviétique du prolétariat, la longue marche de Mao, la résistance de Fidel Castro ou du Che, la soif de libération des Khmers rouges, les colonnes infernales en Vendée… : tant de révolutions n’ont fait qu’intervertir les maîtres sans supprimer la violence !

En famille, c’est encore plus vrai. Et le triangle de Karpman fait des ravages lorsqu’il n’y a pas la parole et le pardon pour conjurer la violence. Combien de couples se déchirent lors d’une séparation pour la garde des enfants, de la maison, des appareils ménagers ou des objets de valeur ? Même « à l’amiable », un divorce demande de sortir du triangle violent persécuteur/sauveur/victime pour établir de nouvelles relations pacifiques. Le pardon est l’arme la plus efficace pour cela. Pardon envers soi-même, car la culpabilité à raison nous taraude. Pardon envers l’autre, car lui aussi se débat dans ses contradictions, et seule la non-violence permettra de trouver la juste distance.

 

2008-03-lmrj-fra Karpman

Une justice restauratrice

Au-dessus de la justice punitive, il y a la justice restauratrice. La première emploie la force (amende, prison), la deuxième mise sur le dialogue et le pardon.
Jésus giflé humilié par les soldats romains lors de son procès en donne une incarnation : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 23). Il empêche ses partisans de réagir par le glaive lors de l’arrestation à Gethsémani : « L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille. Alors Jésus lui dit : Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée » (Mt 26, 51 52).
Il lui demande de pardonner 70 fois 7 fois (Mt 18,22), comme lui le fera à ceux qui l’insulteront et l’élimineront comme un déchet de la société : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).
Les Messies violents fascinent les foules, connaissent leur heure de gloire, puis périssent sous les coups de la même violence qui les a portés au pouvoir. Machiavel a vraiment tout faux lorsqu’il fait de son cynique calcul à court terme la clé de l’exercice du pouvoir ! Tout violent rencontrera plus violent que lui et sera défait (même s’il faut comme pour Lénine et Staline attendre parfois des années après sa mort pour voir sa statue déboulonnée !).
Jésus est le non-violent par excellence, c’est sans doute pour cela que son royaume n’aura pas de fin. Car, basé sur le pardon, il rétablit la relation de communion avec l’adversaire d’hier au lieu de l’éliminer. Basé sur la parole, il refuse d’endosser le rôle de victime, de bourreau ou de sauveur, et désire seulement rétablir l’autre dans son égale humanité.

Puissions-nous apprendre ce que tendre l’autre joue signifie !
Heureux ceux qui seront assez forts pour mettre cela réellement en pratique, sans lâcheté ni vengeance !

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur » (1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23)

Lecture du premier livre de Samuel
 En ces jours-là, Saül se mit en route, il descendit vers le désert de Zif avec trois mille hommes, l’élite d’Israël, pour y traquer David. David et Abishaï arrivèrent de nuit, près de la troupe. Or, Saül était couché, endormi, au milieu du camp, sa lance plantée en terre près de sa tête ; Abner et ses hommes étaient couchés autour de lui. Alors Abishaï dit à David : « Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains. Laisse-moi donc le clouer à terre avec sa propre lance, d’un seul coup, et je n’aurai pas à m’y reprendre à deux fois. » Mais David dit à Abishaï : « Ne le tue pas ! Qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur ? » David prit la lance et la gourde d’eau qui étaient près de la tête de Saül, et ils s’en allèrent. Personne ne vit rien, personne ne le sut, personne ne s’éveilla : ils dormaient tous, car le Seigneur avait fait tomber sur eux un sommeil mystérieux. David passa sur l’autre versant de la montagne et s’arrêta sur le sommet, au loin, à bonne distance. Il appela Saül et lui cria : « Voici la lance du roi. Qu’un jeune garçon traverse et vienne la prendre ! Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité. Aujourd’hui, le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. »

Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 8.10, 12-13)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
 (Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses.

Aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils,
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

Deuxième lecture
« De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co 15, 45-49)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, l’Écriture dit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel.

Évangile
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)
Alléluia. Alléluia. 
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
Patrick BRAUD

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17 février 2019

Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel

Homélie pour le 7° dimanche du temps ordinaire / Année C
24/02/2019

Cf. également :

Boali, ou l’amour des ennemis
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
Pardonner 70 fois 7 fois

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. »

Avec ce commandement de l’amour des ennemis (Lc 6, 27-38), nous sommes au cœur du christianisme. « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger. S’il a soif, donne-lui à boire. Par-là, ce sera comme si tu lui mettais des charbons ardents sur la tête » (Rm 12,20).

Aucune morale ne s’est jamais structurée autour d’un tel impératif. Aucune doctrine philosophique n’a formulé ce genre de conseil. Aucune sagesse d’Orient ou d’Occident n’a prôné cet amour-là, qui semble injuste, contradictoire et impossible. Le Premier Testament l’a maintes fois approché, même s’il est rempli de batailles meurtrières où exterminer son ennemi semblait rendre gloire à Dieu. Notre première lecture (1S 26,2 23) ne nous montre-t-elle pas David épargnant Saül qui était à portée de sa lance ? Et d’autres passages vont également dans ce sens :

« Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère… car je suis Dieu et non pas homme » (Os 11,9).
« Dieu ne nous traite pas selon nos péchés, ne nous rend pas selon nos fautes » (Ps 103,10).
« Le roi d’Israël dit à Elisée (en voyant ses ennemis à sa merci) :  » Mon père ! dois-je les tuer ?  » Il répondit:  » Ne les tue pas! As-tu l’habitude de tuer ceux que tu fais prisonniers avec ton épée ou avec ton arc ? Sers-leur du pain et de l’eau; qu’ils mangent et boivent et qu’ils s’en aillent vers leur maître.  » Le roi leur fit servir un grand repas; ils mangèrent et ils burent. Puis il les congédia et ils s’en allèrent vers leur maître. Les bandes araméennes cessèrent leurs incursions en terre d’Israël. » (2R 6, 8-23)

Jésus dans l’évangile de Luc en fait le texte clé de notre ressemblance divine [1] : « soyez parfaits que votre père céleste est parfait ». Or Dieu fait pleuvoir sur les bons comme sur les méchants, et lui le premier aime ceux qui le haïssent, car sa nature – elle – émet sans limitation, sans condition.

Aimer ses ennemis n’est pas une affaire de sentiment. « Heureusement que Jésus ne m’a pas demandé de trouver mon ennemi sympathique. Je ne peux pas trouver sympathique celui qui envoie ses chiens sur moi et détruit ma maison. En revanche, je peux l’aimer », confait Martin Luther King avec un brin d’humour…

Alors, comment faire pour entendre cet appel à aimer ceux qui me veulent et me font du mal ?
Explorons cinq étapes qui balisent ce chemin, cet anti-parcours du combattant en quelque sorte.

 

1. Inquiétez-vous si vous pensez ne pas avoir d’ennemis !

Si c’est le cas, soit vous êtes naïfs et aveugles, refusant de constater que certains ne vous aiment pas et ne cherchent qu’à vous nuire, soit vous menez une vie tellement lisse qu’elle ne dérange plus personne.

Dans le premier cas, votre désillusion sera grande lorsque surgiront de l’ombre les attaques, les coups bas, les mépris que vous ne vouliez pas imaginer.

Le second cas est plus grave encore ! Si vous ne dérangez jamais les intérêts des puissants, si vous n’avez nul conflit avec l’injustice, si vous êtes aussi transparents qu’une goutte d’eau dans l’océan, alors la foi chrétienne n’est sûrement pas le moteur de notre existence. Jésus le savait d’expérience, voyant ceux de ses concitoyens qui cherchaient à se faufiler au milieu des controverses de l’époque sans prendre de coups : « Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous !  C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes » (Lc 6,26). Des chrétiens ne suscitant pas d’opposition risquent fort d’être devenus le sel si fade dont parle Jésus qu’on le jette dehors pour le piétiner car il ne sert plus à rien : « Oui, c’est une bonne chose que le sel. Mais si le sel lui-même perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il n’est bon ni pour la terre, ni pour le fumier; on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende » (Luc 14,34-35). Que ce soit sur des questions de société comme le respect de toute vie du commencement à la fin, la dignité des plus pauvres, la priorité à donner au bien commun sur les intérêts particuliers etc. ou sur des questions plus individuelles (pardonner  70 fois 7 fois, aimer ses ennemis etc.), il serait contre nature que l’Évangile ne provoque pas discussions, oppositions, et le plus souvent violences et persécutions. C’est d’ailleurs le risque de la petite minorité chrétienne en Europe : se replier sur un christianisme réduit au bien-être, au développement personnel, aux thérapies en tout genre centrées sur le ‘moi’, évitant soigneusement tout point de friction sociale ou idéologique.

Être levain dans la pâte demande de la soulever, avec force et puissance. Sinon ce n’est plus que de la poussière sans effet sur le pain. Or cela ne se fait pas sans générer des résistances !

Ne pas avoir d’ennemis est un symptôme d’insignifiance. Si nous ne suscitons que de l’indifférence polie (ou de la curiosité qu’on accorde aux choses folkloriques), alors c’est que nous avons trahi la grande espérance incarnée par le Christ d’un monde différent où le mal serait vaincu.

Inquiétez-vous donc si vous ne vous connaissez pas d’ennemis ! Mais ne vous réjouissez pas trop vite si vous en avez ! Car il faut encore vérifier que c’est bien à cause de l’Évangile, sinon ce ne serait que des querelles ordinaires trop humaines. Certains leaders politiques n’existent qu’en créant des adversaires qui légitiment ainsi leur combat. Ne fabriquons pas des ennemis pour exister ! Mais acceptons que les choix inspirés par notre attachement au Christ nous vaillent des inimitiés, des obstacles, des oppositions violentes. C’est le contraire qui serait étonnant, et à vrai dire mauvais signe.

 

2. Refuser de haïr ses ennemis

Ainsi donc nous aurons des ennemis, petits ou grands, à la mesure de la vive flamme d’amour qui nous brûle. Qu’en faire ? Le ressentiment naturel serait de leur rendre la pareille. Puisqu’ils nous haïssent, nous trouvons juste et légitime de faire de même. Le piège de la ressemblance se referme alors sur nous : plus nous haïssons nos ennemis, plus nous leur devenons semblables. Ceux qui voulaient ‘casser du Boche’ en 14-18 n’étaient pas meilleurs que leurs agresseurs à casque à pointe. Même la haine antinazie en 1945 a sali la joie de la Libération par des actes innommables longtemps occultés par les vainqueurs.

La haine nous avilit, et nous rabaisse au même rang que nos agresseurs. Or nous pouvons la refuser. Il est en notre pouvoir de décider de ne pas haïr, car c’est un sentiment qui s’entretient : ne pas le nourrir, c’est le faire dépérir à coup sûr.

Vous n'aurez pas ma haineSouvenons-nous de ce message sur Facebook (qui est devenu un livre et une pièce de théâtre) d’un jeune époux et père de famille après les attentats du Bataclan à Paris en 2015 : « vous n’aurez pas ma haine ». Antoine Leiris a perdu sa femme adorée sous les balles des islamistes. Il pourrait légitimement être ivre de colère et de rage. Mais le mal aurait gagné deux fois : en supprimant des êtres chers et en le rendant semblable à ces bourreaux.

« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère, ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore. »

Jésus a choisi de ne pas haïr, ni Judas qui le livre, ni les soldats qui le giflent et l’humilient, ni les pharisiens avec qui il est en conflit ouvert, ni ceux qui voulaient le lapider à Nazareth, ni la foule criant ‘Barabbas’ après ‘Hosannah’ etc. En cela également il était Fils de son Père, désirant que les méchants se convertissent et non qu’ils meurent, guettant le fils prodigue de très loin avant même qu’il ait retourné sur ses pas.

Les premiers disciples de Jésus disaient non à la guerre et au service militaire, les considérant comme incompatibles avec l’éthique d’amour de Jésus et avec l’injonction d’aimer ses ennemis. On demandait même aux futurs baptisés de quitter le métier des armes si c’était le leur avant…

 

3. Priez pour nos ennemis

Aimer ceux qui nous font du mal, ce n’est certes pas éprouver de l’affection pour eux, les trouver ‘sympathiques’ comme disait Martin Luther King. C’est plutôt les confier à Dieu, sachant que lui a le pouvoir de faire surgir des enfants d’Abraham à partir des pierres que voici (Mt 3,9). Nous ne savons pas ce qui est le mieux pour eux. Nous sommes incapables d’en prendre soin comme Dieu le fait. Mieux vaut humblement reconnaître - surtout quand la colère est à son apogée avec le mal subi - que nous sommes impuissants à leur faire du bien, à les changer ; mieux vaut les remettre avec confiance entre les mains de Dieu qui saura bien trouver les médiations pour toucher leur cœur, ou faire sortir de ce mal un bien plus grand encore.

Le Père Christian de Chergé./Illustration Dominique Bar pour La CroixSouvenons-nous de la prière de frère Christian de Chergé, juste avant que des assassins (non encore formellement identifiés) viennent couper les têtes des sept moines en Algérie :

« Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô mes amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis ! Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » envisagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.
AMEN ! Inch’Allah ! »
Alger, 1
er décembre 1993 / Tibhirine, 1er janvier 1994

Exercez-vous à prier pour vos ennemis. Visualisez tel visage de quelqu’un qui vous a fait ou vous fait du mal. Confiez-le à Dieu et laisser l’amour de Dieu s’en charger, vous libérant ainsi de ce poids de haine qui aurait empoisonné votre vie. Prier pour l’autre n’est pas approuver ce qu’il a fait, mais souhaiter pour lui un avenir meilleur. Dieu devient ainsi le plus court chemin de réconciliation entre ceux que tout oppose actuellement.

 

4. Pardonnez à nos ennemis

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34).

Si nos ennemis savaient vraiment le mal commis, ils reculeraient, effrayés et horrifiés de leurs actes. Hannah Arendt a bien pointé que seule la « banalité ordinaire du mal » permettait à des nazis cultivés de jouer du Mozart à côté des baraques d’Auschwitz. Se reconnaître pécheurs est une révélation : nous l’esquivons tant de fois pour nous-mêmes que nous devrions le comprendre chez nos adversaires. Pardonner à ses ennemis, c’est imiter Dieu ou plutôt retrouver son image et sa ressemblance au plus profond de nous. C’est enlever le dard du ressentiment qui lentement inocule son désespoir dans nos veines depuis la blessure infligée par l’ennemi.

Joseph a embrassé ses frères qui pourtant l’avaient trahi :

«  »Je suis Joseph votre frère, dit-il, moi que vous avez vendu en Égypte ». […]
Il se jeta au cou de son frère Benjamin en pleurant et Benjamin pleura à son cou. Il embrassa tous ses frères et les couvrit de larmes, puis ses frères s’entretinrent avec lui. » (Gn 45, 13-15)

Puis Joseph a pardonné à ses frères leur jalousie qui les avait amenés à le vendre comme esclave :
« Voyant que leur père était mort, les frères de Joseph se dirent: « Si Joseph allait nous traiter en ennemis et nous rendre tout le mal que nous lui avons causé ! » Ils demandèrent à Joseph: « Ton père a donné cet ordre avant sa mort : Vous parlerez ainsi à Joseph : « De grâce, pardonne le forfait et la faute de tes frères. Certes, ils t’ont causé bien du mal mais, de grâce, pardonne maintenant le forfait des serviteurs du Dieu de ton père. « Quand ils lui parlèrent ainsi, Joseph pleura. Ses frères allèrent d’eux-mêmes se jeter devant lui et dirent: « N
Forgivenous voici tes esclaves! » Joseph leur répondit: « Ne craignez point. Suis-je en effet à la place de Dieu ? Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du bien : conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd’hui. Désormais, ne craignez pas, je pourvoirai à votre subsistance et à celle de vos enfants. » Il les réconforta et leur parla cœur à cœur. »
Dieu peut donc transformer le mal commis par des ennemis en un bien plus grand encore !

Allez voir au cinéma le film Forgiven avec Forest Whitaker qui vient de sortir en 2019.
En 1994, à la fin de l’apartheid, Nelson Mandela nomme l’archevêque Desmond Tutu président de la commission « Vérité et réconciliation » : aveux contre rédemption. Il se heurte le plus souvent au silence d’anciens tortionnaires. Jusqu’au jour où il est mis à l’épreuve par Piet Blomfield, un assassin condamné à perpétuité. Desmond Tutu se bat alors pour retenir un pays qui menace de se déchirer une nouvelle fois. Il sait que seul le pardon permettra de vivre à nouveau ensemble, à condition que le mal soit désarmé…

 

5. Laisser Dieu aimer nos ennemis en nous

Finalement, l’amour des ennemis est impossible et surhumain. Il l’est tant que nous pensons y parvenir par nos seules forces. Ce qu’il y a d’inouï dans l’Évangile, c’est que cet amour des ennemis est central (contrairement aux autres religions et sagesses) et qu’il nous est donné. Il ne s’obtient pas par l’ascèse, ni par le perfectionnement de soi, ni par un effort moral ou un progrès philosophique. C’est pour cela que ces étapes constituent un anti-parcours spirituel, car c’est Dieu qui le fait en nous et non l’inverse.

Aimer ses ennemis : un anti-parcours spirituel dans Communauté spirituelle CTO11-Lapinbleu330C-Ga2_20L’amour des ennemis est un don de l’Esprit de Dieu agissant en nous. Il est à accueillir, suite à l’union au Christ miséricordieux : « je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Paul comme Pierre en prison se sont défendus avec vigueur et ont refusé l’injustice, mais ils ont aimé leur geôliers jusqu’à leur ouvrir le chemin du salut, et leurs bourreaux jusqu’à intercéder pour eux.

Plus notre communion au Christ vainqueur du mal par l’amour sera intense, plus il nous sera facile de le laisser pardonner, prier, conjurer la haine en nous. L’amour des ennemis ne relève pas du droit, ni de la morale, mais de la vie spirituelle au sens le plus fort, le plus mystique du terme. Si nous n’adoptons pas le point de vue de Dieu jusqu’à devenir « participants de sa nature divine » (2P 1,4), comment reconnaître en tout ennemi un frère, une providence, une promesse ?

 


[1]. Pour Jean, c’est plutôt l’amour mutuel au sein de la communauté : « à ceci on vous reconnaîtra pour mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35). Est-ce parce qu’en 90 les persécutions romaines et juives étaient plus violentes ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur » (1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23)

Lecture du premier livre de Samuel

 En ces jours-là, Saül se mit en route, il descendit vers le désert de Zif avec trois mille hommes, l’élite d’Israël, pour y traquer David. David et Abishaï arrivèrent de nuit, près de la troupe. Or, Saül était couché, endormi, au milieu du camp, sa lance plantée en terre près de sa tête ; Abner et ses hommes étaient couchés autour de lui. Alors Abishaï dit à David : « Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains. Laisse-moi donc le clouer à terre avec sa propre lance, d’un seul coup, et je n’aurai pas à m’y reprendre à deux fois. » Mais David dit à Abishaï : « Ne le tue pas ! Qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur ? » David prit la lance et la gourde d’eau qui étaient près de la tête de Saül, et ils s’en allèrent. Personne ne vit rien, personne ne le sut, personne ne s’éveilla : ils dormaient tous, car le Seigneur avait fait tomber sur eux un sommeil mystérieux. David passa sur l’autre versant de la montagne et s’arrêta sur le sommet, au loin, à bonne distance. Il appela Saül et lui cria : « Voici la lance du roi. Qu’un jeune garçon traverse et vienne la prendre ! Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité. Aujourd’hui, le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. »

Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 8.10, 12-13)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
(Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses.

Aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils,
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

Deuxième lecture
« De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co 15, 45-49)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, l’Écriture dit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel.

Évangile
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)
Alléluia. Alléluia.
Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

Patrick BRAUD

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