L'homélie du dimanche (prochain)

26 mai 2012

Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?

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Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?

 

Homélie pour la fête de Pentecôte

27/05/2012

 

Si l’Esprit Saint n’existait pas, est-ce que cela changerait quelque chose à votre existence ?

En cette fête de Pentecôte, la question n’est pas seulement une provocation pleine d’humour. C’est une question vitale. Beaucoup de chrétiens en effet vivent comme si l’Esprit Saint n’existait pas, alors qu’au contraire et paradoxalement beaucoup de non-chrétiens vivent en pratique en se laissant conduire par ce même Esprit.

 

Que veut dire vivre comme si l’Esprit Saint n’existait pas ?

C’est par exemple ne le prier jamais.

Nous sommes tellement habitués à dire « Seigneur, Seigneur » dans nos prières que nous ne savons plus très bien à qui elle s’adresse : au Père ? au Fils ? Mais l’Esprit également est Seigneur (cf. le credo : « il est Seigneur et il donne la vie »). Alors, pourquoi s’adresser à lui aussi rarement ?

Heureusement la liturgie a gardé les trésors où l’élan vers l’Esprit est porté par celui-là même qu’il implore : notre séquence de Pentecôte (« Viens Esprit Saint en nos coeurs »), le Veni Creator Spiritus qui accompagne toute ordination, les deux épiclèses (invocation à l’Esprit Saint) qui accompagnent normalement toute prière eucharistique (sauf la numéro 1 à qui elles manquent cruellement) etc.

Fêter Pentecôte, c’est d’abord retrouver cette place de la prière à l’Esprit Saint : avant la prière mariale, bien avant la prière confiante dans l’intercession des saints, la prière à l’Esprit Saint est la marque caractéristique de la prière chrétienne. C’est  une exultation de joie telle que l’a connue Jésus (« il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint » Lc 10,21) ou Marie dans son Magnificat.

Elle est une supplication pour se laisser entraîner dans une vie « spirituelle » :

« Lave ce qui est souillé,

baigne ce qui est aride,

guéris ce qui est blessé.


Assouplis ce qui est raide,

réchauffe ce qui est froid,

rends droit ce qui est faussé ». (séquence de Pentecôte)

Elle est le trait d’union entre une conduite purement humaine et une aventure inspirée.

 

Que signifie encore : vivre comme si l’Esprit Saint n’existait pas ?

C’est en pratique assimiler Dieu à une vague déité sans visage, où l’on croit en une force toute-puissante, impersonnelle. Sans l’Esprit Saint, notre Dieu est au mieux celui du judaïsme (bien que la tradition juive parle de la Ruah YHWH = souffle de Dieu, et ait bien des intuitions de l’existence de cette figure divine), au pire celui des religions païennes environnantes, et au milieu le Dieu de l’islam, solitaire à force d’être unique.

Si notre foi n’est pas trinitaire, alors toute la révélation accomplie en Jésus-Christ n’est qu’anecdotique.

Et si l'Esprit Saint n'existait pas ? dans Communauté spirituelle trinite01

Sans l’Esprit, pas de communion en Dieu, et donc pas de communion entre les hommes. Car c’est lui qui est le lien vivant unissant le Père et le Fils, « en un seul baiser d’amour » osaient dire les Pères de l’Église.

Sans l’Esprit pas de diversité en Dieu, pas d’altérité chez le tout-Autre. Et l’amour promeut la différence, en l’homme comme en Dieu. Dieu ne peut pas être amour s’il n’est pas communion de deux personnes ouvertes sur une autre qu’elles-mêmes, et c’est l’Esprit qui est ce flux intime assurant l’échange permanent entre le Père et le Fils, comme entre Dieu et nous.

 

C’est donc non seulement notre identité proprement chrétienne (et pas seulement croyante) qui est en jeu dans la fête de Pentecôte et de la Trinité qui s’ensuit, mais aussi notre capacité à entrer en communion profonde les uns avec les autres, avec le monde créé, avec Dieu.

Le phénomène des langues étrangères qui sont comprises et se comprennent dans Ac 2 relèvent de cette annonce : l’effet de l’effusion de l’Esprit est de rendre possible la communication entre ceux qui étaient étrangers les uns aux autres. Toute activité humaine qui contribue à ce résultat est sans aucun doute inspirée par l’Esprit : la musique lorsqu’elle rassemble au-delà des barrières et des frontières, la science (et singulièrement le langage mathématique qui est universel) lorsqu’elle stimule le génie de chaque scientifique à s’unir aux autres pour progresser, l’économie même lorsqu’elle favorise une mondialisation respectueuse de la différence de chaque peuple.

 

Que voudrait dire encore vivre comme si l’Esprit ça n’existait pas ?

L’Esprit « souffle où il veut » (Jn 3,8) et il se moque des étiquettes ecclésiales. Si la foi en l’Esprit Saint s’affaiblit (comme chez les intégristes où elle est remplacée par l’obsession de la tradition à répéter), alors on devient incapable de reconnaître qu’il y ait du salut en dehors de l’Église. On se crispe sur des replis identitaires où seuls les purs seraient sauvés. Mais Moïse lui-même a reconnu que l’Esprit du Seigneur pouvait agir librement en dehors de lui (cf. l’épisode avec Eldad et Médad [1]), et Jésus a bien été obligé de reconnaître cette même liberté de l’Esprit (cf. l’épisode où quelqu’un libère au Nom de Jésus sans faire partie du groupe des disciples  [2]). Sans l’Esprit, l’histoire humaine n’est plus le lieu d’une aventure commune où Dieu et l’homme inventent ensemble un pas de danse propre à chaque génération. Si l’histoire n’est plus spirituelle, elle devient idéologique (à la manière des idéologies meurtrières du XX° siècle) ou traditionnelle (au sens le plus fixiste du terme : il n’y a plus d’histoire lorsqu’il faut seulement observer ce qui a été commandé, et répéter ce qui a été fait).

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Vous le voyez, les enjeux de Pentecôte sont impressionnants.

Prier l’Esprit, le laisser nous révéler un Dieu trinitaire, le laisser inspirer des liens de communion entre nous, le laisser être le partenaire d’une histoire vivante : nous n’en serons pas quitte avec une seule fête par an ; mais qu’au moins elle nous mène sur un chemin plus inspiré…

 


[1]Moïse sortit pour dire au peuple les paroles de Yahvé. Puis il réunit 70 anciens du peuple et les plaça autour de la Tente. Yahvé descendit dans la nuée. Il lui parla, et prit de l’Esprit qui reposait sur lui pour le mettre sur les 70 anciens. Quand l’Esprit reposa sur eux ils prophétisèrent, mais ils ne recommencèrent pas. Deux hommes étaient restés au camp; l’un s’appelait Eldad et l’autre Médad. L’Esprit reposa sur eux; bien que n’étant pas venus à la Tente, ils comptaient parmi les inscrits. Ils se mirent à prophétiser dans le camp. Un jeune homme courut l’annoncer à Moïse: « Voici Eldad et Médad, dit-il, qui prophétisent dans le camp. » Josué, fils de Nûn, qui depuis sa jeunesse servait Moïse, prit la parole et dit: « Moïse, Monseigneur, empêche-les! » Moïse lui répondit: « Serais-tu jaloux pour moi? Ah! puisse tout le peuple de Yahvé être prophète, Yahvé leur donnant son Esprit! » Puis Moïse regagna le camp, et avec lui les anciens d’Israël. (Nb 11, 24-30)

 

[2]Jean lui dit: « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne nous suivait pas. » Mais Jésus dit: « Ne l’en empêchez pas, car il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler mal de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous. (Mc 9,38-40)

 

1ère lecture : La venue de l’Esprit Saint sur les disciples (Ac 2, 1-11)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.

Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »

 

Psaume : Ps 103, 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34

R/ O Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes ?uvres, Seigneur !
La terre s’emplit de tes biens. 

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière. 
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre. 

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses ?uvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.

 

2ème lecture : « Laissons-nous conduire par l’Esprit » (Ga 5, 16-25)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates

Frères, je vous le dis : vivez sous la conduite de l’Esprit de Dieu ; alors vous n’obéirez pas aux tendances égoïstes de la chair.
Car les tendances de la chair s’opposent à l’esprit, et les tendances de l’esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire ce que vous voudriez.
Mais en vous laissant conduire par l’Esprit, vous n’êtes plus sujets de la Loi.
On sait bien à quelles actions mène la chair : débauche, impureté, obscénité,
idolâtrie, sorcellerie, haines, querelles, jalousie, colère, envie, divisions, sectarisme,
rivalités, beuveries, gloutonnerie et autres choses du même genre. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait : ceux qui agissent de cette manière ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu.
Mais voici ce que produit l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi,
humilité et maîtrise de soi. Face à tout cela, il n’y a plus de loi qui tienne.
Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses tendances égoïstes.
Puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par l’Esprit.

 

sequence :

Viens, Esprit-Saint, en nos c?urs,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.

Viens en nous, père des pauvres.
Viens, dispensateur des dons.
Viens, lumière en nos c?urs.

Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.

Dans le labeur, le repos ;
dans la fièvre, la fraîcheur ;
dans les pleurs, le réconfort.

O lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le c?ur de tous tes fidèles.

Sans ta puissance divine,
il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.

Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.

À tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient,
donne tes sept dons sacrés.

Donne mérite et vertu
donne le salut final
donne la joie éternelle. Amen.

 

Evangile : « L’Esprit de vérité vous guidera » (Jn 15, 26-27; 16, 12-15)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Viens, Esprit Saint ! Pénètre le c?ur de tes fidèles ! Qu’ils soient brûlés au feu de ton amour! Alléluia.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement.

J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu’il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.
Patrick Braud

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25 février 2012

Une recette cocktail pour nos alliances

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Une recette cocktail pour nos alliances

 

1° Dimanche de Carême  / Année B

26/02/2012

 

« Quand on verra l’arc dans la nuée,  je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous, et tout être vivant… »

 

Ce célèbre passage marque la première d’une longue série d’alliances. Il y aura après cette alliance noachique l’alliance abrahamique (la circoncision, l’alliance « entre les morceaux »), l’alliance davidique (avec l’onction d’huile pour introniser le roi) etc., jusqu’à la nouvelle Alliance en Jésus (le pain et le vin eucharistiques).

Ces alliances ont une structure commune, qui peut nous aider à faire vivre les alliances qui sont les nôtres, qu’elles soient amicales, sociales, ecclésiales, associatives etc…

Leur but ultime est finalement l’amour, à travers quatre composantes essentielles : l’amour demande des signes, une parole, une  mémoire, il est un appel à l’unité trinitaire.

 

1. Une alliance demande des signes

L’arc dans la nuée, c’est d’abord un signe, signe visible pour qui sait relever la tête et ne pas toujours rester le nez sur ses souliers. Un signe comme il nous en est souvent donné dans une relation profonde.

Que ce soit en amour, en amitié, dans une aventure professionnelle ou ecclésiale, chacun de nous a dans le coeur mille petits signes de son existence qu’après coup, nous pouvons interpréter comme des clins d’oeil divins, des clins d’yeux pourrait-on dire, si l’on craignait que Dieu n’attrape une crampe à la paupière à force de nous faire des signes… À nous de continuer sans cesse à déchiffrer les événements de notre vie pour y lire les signes de la venue de Dieu vers vous.

 

Encore faut-il savoir lever la tête et scruter le ciel pour y voir l’arc en ciel, au lieu de rester collé à la surface de soi-même, ce que trop de gens font, en croyant que c’est le matériel qui est le plus important à assurer. D’où l’importance des temps de prière, de retraite, de dialogue (le fameux « devoir de s’asseoir ») etc…

On remarque d’ailleurs qu’un arc en ciel n’est jamais seul : il y a toujours un deuxième arc, estompé, en léger décalage avec le premier. Comme si Dieu, connaissant notre tête dure, redoublait d’attention pour nous faire signe !

 

2. Une alliance demande à être parlée

L’arc-en-ciel est donc un signe, mais qui demande d’être interprété par une parole humaine, dans un dialogue entre deux partenaires d’alliance.

 

Dieu dit à Noé: « Je vais établir mon Alliance avec vous et votre descendance, et l’arc en sera un signe ». Dès lors, au lieu d’avoir peur de ce phénomène cosmique, au lieu d’être fasciné et paralysé par cet événement autrefois terrifiant, Noé, grâce à cette parole, y verra l’invitation que Dieu lui fait d’humaniser la terre par sa science et ses techniques. Les chrétiens savent depuis  longtemps combien ce « désenchantement du monde » permet de développer la responsabilité et le travail de l’homme. Le monde n’est pas Dieu: il nous parle de Dieu. Nous n’avons rien à craindre de la nature, qui nous est donnée comme une partenaire, une soeur, une amie. Les événements de notre vie non plus ne sont pas terrifiants: ils sont à interpréter à la lumière de la Parole de Dieu. C’est pourquoi Jésus n’arrête pas de dire à ses disciples : « confiance, c’est moi; n’ayez pas peur ».

 

Joindre la parole aux gestes, et les gestes à la parole… : c’est tout l’enjeu du symbole d’alliance, que le oui sacramentel du mariage symbolise au plus haut point, par l’anneau glissé au doigt l’un de l’autre.

 

3. Une alliance est un mémorial

Alors, quand il est parlé dans l’amour, ce signe d’alliance devient un mémorial.

« Je me souviendrai de mon alliance, dit Dieu, lorsque je verrai l’arc-en-ciel ». Les gens Une recette cocktail pour nos alliances dans Communauté spirituelle mariagemariés se souviennent lorsqu’ils touchent ou regardent leur anneau à leur doigt. Mais plus encore lorsqu’ils font mémoire de tout ce qui a jalonné leur vie. Leur alliance à leur annulaire est le « mémorial portatif » de la promesse d’aujourd’hui, où Dieu les donne l’un à l’autre. Le mémorial des moments heureux et des moments difficiles traversés ensemble. L’anamnèse des transformations que la parole d’amour et les gestes d’amour auront pu provoquer en eux. Graver dans sa tête et dans son coeur ces moments-là est un atout précieux lorsque l’horizon s’assombrit.

Les peuples ou les couples sans mémoire sont des peuples ou des couples fragiles.

Parce qu’ils croient que leur histoire n’a pas de poids, parce qu’ils ne voient pas la sainteté de leur histoire commune, ils risquent de sacrifier trop vite ce que des années avaient mis à construire. Dans et par le mémorial, un peuple peut non seulement se souvenir, mais aussi retrouver la confiance fondamentale en Dieu et en l’autre: nous avons déjà traversé des moments merveilleux, ne les renions pas; nous avons traversé des moments difficiles, ne les oublions pas. Ce que Dieu a fait pour nous hier, il le refait aujourd’hui, même si nous ne savons pas comment, à cet instant précis. Car Dieu est fidèle à son amour. Le mémorial eucharistique devient ici vraiment une nourriture et un chemin de vie pour le couple, qui sait associer sa propre histoire à celle du Christ, qui sait offrir sa vie avec celle du Christ dans le pain et le vin sur l’autel.

 

Dieu est fidèle. Il a d’ailleurs promis à Noé que jamais, jamais plus les eaux du Déluge ne submergeraient la terre. En voyant l’arc dans la nuée, l’homme retrouve confiance dans la bonté de la vie et de la Création. D’ailleurs, l’arc dans le ciel est justement l’arc du guerrier, mais retourné à l’horizontale, comme une arme accrochée au porte-manteau signifie que la guerre est finie. Le mal ne peut plus avoir le dernier mot. Et c’est encore plus vrai depuis la Résurrection du Christ.

 

4. L’alliance appelle à l’unité trinitaire

Une dernière interprétation symbolique de l’arc-en-ciel peut aider à deviner la beauté de nos propres alliances.

Qu’est-ce qu’un arc-en-ciel en effet, sinon le mariage du feu et de l’eau, c’est-à-dire l’union des contraires ? Le feu du soleil et l’eau de la pluie composent dans le ciel cette figure unique de plénitude et d’harmonie… C’est l’annonce que Dieu et l’homme, si différents l’un de l’autre tellement Dieu est transcendant par rapport à l’homme, sont faits pour se mêler, pour s’allier. Éloge de la différence, éloge de l’unité aussi.

 

Les sciences physiques nous disent la même chose: dans l’arc-en-ciel, l’unique lumière du soleil est diffractée en une infinité de couleurs à travers les mille gouttelettes d’eau en suspension dans l’air. Dieu, la lumière une et inaccessible, donne naissance aux mille couleurs de l’existence humaine. Le blanc n’est-il pas la somme de l’infinité de toutes les couleurs possibles, qui en dérivent et y participent ? Et inversement, quand les hommes vivent entre eux la communion de l’amour, ils deviennent eux-mêmes la lumière divine. C’est donc que l’amour humain, en conjuguant l’un et le multiple, est capable de diviniser l’homme. De cela, les couples mariés sont pour nous des sacrements vivants: en s’aimant mutuellement comme le Christ aime l’Église, ils marchent vers cette unité lumineuse dont témoigne l’arc-en-ciel. En devenant un à la manière trinitaire, ils diffractent vers l’Église, et vers l’humanité entière, leur vocation ultime: vivre pleinement la communion trinitaire, où l’amour sait conjuguer l’un et le multiple, la différence et l’identité, l’intimité et la distance, l’altérité et la proximité…

 

Dans nos engagements de tous ordres, dans nos amitiés, nos amours, nous devenons les signes vivants qu’une alliance de paix est possible entre amis, entre groupes différents, entre un homme et une femme, entre le Christ et son Église, entre l’humanité et Dieu.

 

Pendant ce Carême qui commence, revisitons les alliances qui sont les nôtres, de tous ordres, pour qu’elles retrouvent la force et la solidité de l’alliance avec Noé.

Signe, parole, mémoire, unité : où en sommes-nous ?

Entraînons à repérer ces ‘arcs-en-ciel’ dont Dieu jalonne nos routes.


1ère lecture : Dieu fait une alliance avec l’homme (Gn 9, 8-15)

Lecture du livre de la Genèse

Après le déluge, Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec tous vos descendants, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous : les oiseaux, les animaux domestiques, toutes les bêtes sauvages, tout ce qui est sorti de l’arche pour repeupler la terre. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »
Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous, pour toutes les générations à venir : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc-en-ciel paraîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec tous les êtres vivants, et les eaux ne produiront plus le déluge, qui détruit tout être vivant. »

 

Psaume : 24, 4-5ab, 6-7, 8-9, 10.14

R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

2ème lecture : L’eau du baptême nous sauve de nos péchés (1P 3, 18-22)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères, le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes ; lui, le juste, il est mort pour les coupables afin de vous introduire devant Dieu. Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a été rendu à la vie. C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis, s’étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l’eau. C’était une image du baptême qui vous sauve maintenant : être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ qui est monté au ciel, au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles, à la droite de Dieu.

 

Evangile : Jésus au début de sa mission (Mc 1, 12-15)

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Patrick Braud 

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18 juin 2011

La Trinité en actes : le geste de paix

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La Trinité en actes : le geste de paix

Homélie pour la fête de la Trinité    Année A    19/06/11

Prenez une assemblée eucharistique en milieu urbain. Il peut y avoir 100 à 300 personnes. Regardez attentivement : un tiers environ des gens qui sont là sont venus seuls. Le cabas à la main ou le jean décontracté, personne âgée ou parent isolé, africain, touriste ou nouvel arrivant, il se mettent plutôt au fond, sur les côtés, en bout de banc. Se lever, s’asseoir, donner à la quête seront leur seule participation active visible pour peu que l’assemblée ne chante pas d’un seul coeur (ce qui est fréquent). Ils sont venus seuls, ils repartiront seuls, sans qu’un paroissien habitué leur dise seulement bonjour et les accueille. Les SDF à la porte de l’église seront presque plus chaleureux en leur adressant leur supplication…

Il n’y a qu’un moment où cette solitude est volontairement brisée par la liturgie : le geste de paix. Ce moment où nous sommes invités à nous tourner vers nos voisins pour leur exprimer qu’ils ne sont pas que des étrangers, des gens de passage ou des isolés. « Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix » (1Co 13,12) : Paul a raison d’en faire un impératif, car ce mouvement n’est pas naturel ! Certains le font du bout des phalanges, peu convaincus. D’autres trouvent ce geste hypocrite, dans la mesure où il n’engage à rien. Et c’est vrai que si ce geste ne s’accompagne pas d’un véritable souci fraternel de l’autre, il reste virtuel. D’autres encore voudraient carrément le supprimer de la liturgie, car – disent-ils – la messe c’est pour adorer Dieu et non pas pour faire ami ami avec son voisin.

Pire encore, d’autres restent froids, de marbre, sans vouloir tourner la tête et ouvrir la main.

Et pourtant Paul insiste : « Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix ».

Pierre lui fera écho : « saluez-vous les uns les autres dans un baiser de charité. Paix à vous tous qui êtes dans le Christ » (1P 5,14). Et la réforme liturgique issue de Vatican deux enfonce le clou. La tradition la plus ancienne, c’est de lier le sacrement de l’autel et le sacrement du frère.

En cette fête de la Trinité, l’insistance se fait plus grande encore. La raison profonde du geste de paix est théologale : ce geste est lié à qui est Dieu en lui-même. C’est une attitude trinitaire : se tourner vers l’autre pour lui communiquer ce que j’ai moi-même reçu d’un autre, en l’occurrence la paix qui vient du Christ. Paul fait explicitement ce lien entre le baiser de paix et la communion d’amour trinitaire. La formule qu’il emploie juste après l’invitation au baiser de paix est la formule trinitaire qui ouvre nos eucharisties : « la grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu notre Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ».

Il s’agit donc profondément de laisser circuler entre nous la qualité de relation qui circule en Dieu même. Il s’agit de recevoir des trois personnes divines la capacité d’honorer l’autre comme une personne. Il s’agit de laisser l’Esprit devenir la vraie source d’inspiration des relations entre nous

[Le geste de paix lors d'un pèlerinage irlandais de personnes handicapées à Lourdes : ces personnes nous apprennent à laisser tomber certaines barrirères !]

 

Se recevoir pour se donner : cette respiration trinitaire se diffuse dans l’assemblée mieux qu’un incendie dans une forêt d’été. Cette « percolation » divine transforme nos relations pour les ajuster à leur vocation trinitaire.

Supprimer le geste de paix serait refuser la Trinité comme origine et terme de nos relations humaines. Prétendre ne pas pouvoir donner la paix sous prétexte que ce serait hypocrite ou superficiel revient à enlever à Dieu la capacité à transformer nos vies. Ce n’est pas la paix que j’ai réussi à construire que j’échange avec mon voisin. C’est la paix du Christ que je lui transmets, pas la mienne. Je reconnais ainsi que le Christ nous convoque tous les deux à recevoir de lui le courage d’être en paix l’un avec l’autre.

Même si mon voisin est une belle-mère acariâtre, un collègue imbuvable ou un parfait inconnu, lui transmettre la paix du Christ, c’est croire que la communion trinitaire est à l’oeuvre  dans l’Église. C’est s’engager à ce que cette communion trinitaire, reçue dans l’eucharistie, continue à se propager aux autres relations qui sont les miennes, une fois sorti de l’église.

Le geste de paix, c’est donc la Trinité en actes au milieu de nous. Paul a raison de lier les deux. La véritable hypocrisie serait de prétendre adorer Dieu sans accepter que cela transforme nos relations.

Si la Trinité est vraiment la carte d’identité de notre Dieu, personne ne devrait ressortir isolé de nos assemblées, car Dieu n’est pas solitaire. Personne ne devrait se sentir à l’écart parce qu’il ne fait pas partie des habitués, de ceux qui préparent la liturgie, qui font les lectures ou la quête.

Faites le lien entre la Trinité et le geste de paix, et vous verrez que les sorties de messes  ne seront plus les mêmes. Loin des petits clans qui se regroupent pour avoir des nouvelles des amis connus, l’accueil et la chaleur fraternelle circuleront entre les inconnus, les étrangers, les touristes, les habitués, entre les générations et les milieux sociaux…

C’est cela l’Église « issue de la Trinité » *  !

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Selon la célèbre formule de Saint-Cyprien reprise par Vatican II : « (Ecclesia) de unitate Patris et Filii et Spiritus Sancti plebs adunata », soit:  l’Église est « un peuple qui tire son unité du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint. » (LG 4)

 

1ère lecture : Le Dieu tendre et miséricordieux se révèle à son peuple (Ex 34, 4b-6.8-9) 

Lecture du livre de l’Exode

Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné.
Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. Il proclama lui-même son nom ; il passa devant Moïse et proclama :
 
« YAHVÉ, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité.
 »
Aussitôt Moïse se prosterna jusqu’à terre, et il dit :
 
« S’il est vrai, Seigneur, que j’ai trouvé grâce devant toi, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la tête dure ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous un peuple qui t’appartienne. »

Psaume : Ps Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56

 R/ A toi, louange et gloire éternellement!

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni soit le nom très saint de ta gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu sur le trône de ton règne :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu au firmament, dans le ciel :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

2ème lecture : Dans l’amour trinitaire (2Co 13, 11-13)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix. Tous les fidèles vous disent leur amitié.
Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous.

Evangile : « Dieu a tant aimé le monde…» (Jn 3, 16-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Patrick Braud
 

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