Avez-vous le culte des morts ?
Avez-vous le culte des morts ?
Homélie pour la Commémoration de tous les fidèles défunts / Année C Dimanche 02/11/25
Cf. également :
Toussaint : j’irai prier sur vos tombes…
Toussaint : Heureux ceux qui pleurent !
Toussaint : un avenir urbain et unitaire
Toussaint : la mort comme un poème
Toussaint alluvionnaire
Les cimetières de la Toussaint
Tous un : la Toussaint, le cimetière, et l’Église…
Toussaint d’en-haut, Toussaint d’en-bas
Toussaint : le bonheur illucide
Ton absence…
La mort, et après ?
Le train de la vie
Puisque le 2 novembre tombe un dimanche cette année, profitons-en pour faire un focus sur notre rapport aux morts, et à la mort. Un récent sondage IFOP-Famille chrétienne peut nous y aider [1].
On y apprend que les Français se répartissent en trois parts quasi égales entre ceux qui croient en une vie après la mort, ceux qui n’y croient pas, et ceux qui ne savent pas.
C’est la trace d’une influence encore très forte des affirmations de la foi chrétienne sur les questions de l’au-delà. Comparés aux 5% à 10% de pratiquants réguliers, les 32% qui croient en une vie après la mort constituent un cercle bien plus large, ce qui souligne la responsabilité des chrétiens pour continuer à nourrir cet héritage si vivace. Sans compter que les agnostiques – « je ne sais pas » – sont souvent bien plus proches des croyants qu’ils ne le pensent eux-mêmes. Sur le fil du rasoir, il suffit d’un décès, d’une maladie, d’un accompagnement fraternel pendant un deuil etc. pour que la balance penche d’un côté ou d’un autre…
L’image est encore plus nette quand on demande quelle relation nous entretenons avec nos proches défunts : il n’y a qu’un français sur quatre qui répond : « aucune ». Les autres vont encore au cimetière – et les innombrables tombes fleuries de la Toussaint en témoignent –, allument une bougie pour eux, ressentent encore leur présence, leur bienveillance.
La communion des saints est peut-être l’article le plus populaire, le plus partagé du Credo !
Ce sentiment de solidarité à travers la mort est affectif, mémoriel, psychologique, symbolique. Il a pour les chrétiens une haute valeur spirituelle, car il affirme que « l’amour est fort comme la mort » (Ct 8,6) et que la communion entre les êtres est plus puissante que la séparation ou l’absence.
Par contre, les représentations de l’au-delà traduisent une perte de l’ancrage de l’héritage chrétien. Seuls 7% espèrent « voir Dieu » après leur mort, alors que 40% n’attendent rien, et que les autres oscillent entre « tunnel de lumière » façon New Age et réincarnation façon bouddhiste (à la sauce occidentale !), ou au mieux les retrouvailles avec ses proches (ce qui est très « horizontal »).
Le défi se situe bien là, dans les images, les discours, le contenu théologique de notre espérance : il est urgent de reparler de l’au-delà, en des termes que notre culture et notre sensibilité pourront comprendre, et auxquels nous pourrons adhérer sans avoir à emprunter ailleurs…
En guise de bonus pour ce 2 novembre, voici quelques extraits d’une homélie qu’Ambroise de Milan (339-397) a prononcée pour l’anniversaire de la mort de son frère.
Elle a impressionné l’auditoire de la cathédrale de Milan. À nous d’en faire autant !
Nous voyons que la mort est un avantage, et la vie un tourment, si bien que Paul a pu dire : Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Qu’est-ce que le Christ ? Rien d’autre que la mort du corps, et l’esprit qui donne la vie. Aussi mourons avec lui pour vivre avec lui. Nous devons chaque jour nous habituer et nous affectionner à la mort afin que notre âme apprenne, par cette séparation, à se détacher des désirs matériels. Notre âme établie dans les hauteurs, où les sensualités terrestres ne peuvent accéder pour l’engluer, accueillera l’image de la mort pour ne pas encourir le châtiment de la mort. En effet la loi de la chair est en lutte contre la loi de l’âme et cherche à l’entraîner dans l’erreur. Mais quel est le remède ? Qui me délivrera de ce corps de mort ? — La grâce de Dieu, par Jésus Christ, notre Seigneur.
Nous avons le médecin, adoptons le remède. Notre remède, c’est la grâce du Christ, et le corps de mort, c’est notre corps. Alors, soyons étrangers au corps pour ne pas être étrangers au Christ. Si nous sommes dans le corps, ne suivons pas ce qui vient du corps ; n’abandonnons pas les droits de la nature, mais préférons les dons de la grâce.
Qu’ajouter à cela? Le monde a été racheté par la mort d’un seul. Car le Christ aurait pu ne pas mourir, s’il l’avait voulu. Mais il n’a pas jugé qu’il fallait fuir la mort comme inutile, car il ne pouvait mieux nous sauver que par sa mort. C’est pourquoi sa mort donne la vie à tous. Nous portons la marque de sa mort, nous annonçons sa mort par notre prière, nous proclamons sa mort par notre sacrifice. Sa mort est une victoire, sa mort est un mystère, le monde célèbre sa mort chaque année.
Que dire encore de cette mort, puisque l’exemple d’un Dieu nous prouve que la mort seule a recherché l’immortalité et que la mort s’est rachetée elle-même ? Il ne faut pas s’attrister de la mort, puisqu’elle produit le salut de tous, il ne faut pas fuir la mort que le Fils de Dieu n’a pas dédaignée et n’a pas voulu fuir.
La mort n’était pas naturelle, mais elle l’est devenue ; car, au commencement, Dieu n’a pas créé la mort : il nous l’a donnée comme un remède. L’homme, condamné pour sa désobéissance à un travail continuel et à une désolation insupportable, menait une vie devenue misérable. Il fallait mettre fin à ses malheurs, pour que la mort lui rende ce que sa vie avait perdu. L’immortalité serait un fardeau plutôt qu’un profit, sans le souffle de la grâce.
L’âme a donc le pouvoir de quitter le labyrinthe de cette vie et la fange de ce corps, et de tendre vers l’assemblée du ciel, bien qu’il soit réservé aux saints d’y parvenir ; elle peut chanter la louange de Dieu dont le texte prophétique nous apprend qu’elle est chantée par des musiciens : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres. Seigneur, Dieu tout-puissant: justes et véritables sont tes chemins. Roi des nations. Qui ne te craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car toi seul es saint. Toutes les nations viendront se prosterner devant toi. Et l’âme peut voir tes noces, Jésus, où ton épouse est conduite de la terre jusqu’aux cieux, sous les acclamations joyeuses de tous — car vers toi vient toute chair — ton épouse qui n’est plus exposée aux dangers du monde, mais unie à ton Esprit.
C’est ce que le saint roi David a souhaité, plus que toute autre chose, pour lui-même, c’est ce qu’il a voulu voir et contempler : La seule chose que je demande au Seigneur, la seule que je cherche, c’est d’habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, et de découvrir la douceur du Seigneur.
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[1]. Sondage Ifop pour Famille Chrétienne : Les Français et la vie après la mort, Septembre 2024,
Cf. https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-vie-apres-la-mort/
Lectures de la messe
Première lecture (Sg 3, 1-6.9)
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait. Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles. Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus. – Parole du Seigneur.
Psaume (26 (27), 1, 4, 7-9a, 13-14)
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?
J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie,
pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à son temple.
Écoute, Seigneur, je t’appelle ! Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole : « Cherchez ma face. »
C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face.
Mais j’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »
Deuxième lecture (1 Co 15, 51-57)
Frères, c’est un mystère que je vous annonce : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, et cela en un instant, en un clin d’œil, quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront, impérissables, et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que cet être périssable que nous sommes revête ce qui est impérissable ; il faut que cet être mortel revête l’immortalité. Et quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; ce qui donne force au péché, c’est la Loi. Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ.
Évangile (Jean 6, 37-40)
En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
Patrick BRAUD
Mots-clés : défunts, mort, sondage, Toussaint















Toussaint : j’irai prier sur vos tombes…
