L'homélie du dimanche (prochain)

7 juillet 2024

Amos, notre Jiminy Cricket

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Amos, notre Jiminy Cricket 

 

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

14/07/24

 

Cf. également :

Obligation de moyens, pas de résultat
Deux par deux, sans rien pour la route
Le polythéisme des valeurs
Plus on possède, moins on est libre
Secouez la poussière de vos pieds
Medium is message
Briefer et débriefer à la manière du Christ
Zachée : le juste, l’incisé et la figue


Jiminy Cricket, la conscience de Pinocchio

Vous souvenez-vous de cet adorable personnage du dessin animé de Walt Disney ? Ce petit criquet si élégant avec son parapluie, sa canne et son chapeau rapiécé incarnait la conscience de Pinocchio, pour l’avertir avant que son nez ne s’allonge…

Nous avons tous en nous cette petite voix, telle la stridulation du grillon dans nos pelouses les soirs d’été… Comme Jiminy Cricket [1] à Pinocchio, cette voix intérieure nous murmure : « Fais ceci, évite cela ».

« Évite le mal, fais ce qui est bien, et tu auras une habitation pour toujours » (Ps 36,27).

« Évite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la » (Ps 34,15).


Le concile Vatican II parle de la conscience comme d’un sanctuaire intime inviolable devant lequel même l’autorité de l’Église doit s’incliner :
« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain » (Gaudium et Spes n° 16).

Le héros de la première lecture de ce dimanche est un peu le Jiminy Cricket d’Israël, la conscience des rois de Juda et des prêtres de Béthel. Quand les puissants ont étouffé en eux la petite voix, quand ils ont muré la porte du sanctuaire de leur conscience, il faut bien qu’alors une voix extérieure les alerte, les réveille, fasse tomber les murailles de leur forteresse intime.

Amos a été choisi par Dieu pour cela : secouer le trône des puissants afin qu’ils écoutent YHWH, empêcher les riches de dormir tranquilles sur leur fortune, déstabiliser les exploiteurs en leur donnant littéralement une mauvaise conscience.

Jiminy Cricket multiplie les astuces pour avertir Pinocchio et le détourner de ses mauvais choix ; Amos multiplie ses avertissements et les prises de parole pour dénoncer la corruption des prêtres et des riches dans les règnes de Jéroboam II en Israël et de Josias en Juda, vers 750 av. J.-C.

Notre Amos intérieur continue ce travail en nous aujourd’hui.

Comment entendre cette petite voix ?

Essayons de nous approprier quatre caractéristiques de la mission d’Amos, afin que Jiminy Cricket ne cesse de striduler à nos oreilles : Amos est l’homme des visions / du fardeau / des sycomores / qui dérange.

 

1. L’homme-aux-visions

Amos, notre Jiminy Cricket dans Communauté spirituelle Three-VisionsOn connaissait « l’homme-aux-songes » qu’était Joseph pour ses frères et Pharaon (Gn 37,19). Voilà maintenant « l’homme-aux-visions » qu’est Amos pour les prêtres de Béthel ! Notre lecture fait bien la distinction entre voyant et prophète : « Le prêtre Amatsia dit à Amos : Homme-aux-visions, va-t’en, fuis dans le pays de Juda; manges-y ton pain, et là tu prophétiseras » (Am 7,12). Une chose est d’avoir des visions, une autre est de prophétiser. La vision désigne une représentation mentale et spirituelle, une sorte de reconstitution virtuelle en 3D de ce qui est en train de se tramer dans le royaume. Comme s’il était coiffé d’un casque de réalité virtuelle, Amos voit clairement ce qui est en jeu dans le dérèglement actuel du pays : les effrayantes inégalités sociales et l’oppression des plus pauvres sont en train de miner la cohésion sociale et de contredire l’Alliance avec YHWH.

Dans le langage imagé de la Bible, cela donne un nuage de sauterelles qui dévastent les récoltes (Am 7,1–2), de gigantesques incendies de forêt (7,4), une épée au fil de laquelle passeront les sanctuaires royaux (7,7–9), ou encore une corbeille de fruits de fin d’été indiquant la fin d’Israël…

 

Retrouvons la puissance de ce langage imagé en nous, en écoutant tous nos sens, en laissant se former en nous des représentations inconscientes, en visualisant dans la méditation et la prière ce qui nous arrive. L’Esprit de notre baptême est celui d’Amos traduisant la réalité en symboles pour que le peuple comprenne, écoute, et change.

Nous sommes nous aussi cet homme-aux-visions, et nous pouvons laisser monter en nous les évocations puissantes décrivant le réel mieux qu’un documentaire sur Arte !

 

Être prophète s’appuie sur ces visions du monde – que Max Weber appelait WeltAnschauung – qui peuvent encoder les grandes caractéristiques de notre époque.

Le visionnaire symbolise, le prophète interprète. C’est l’interprétation de la vision qui devient prophétique, lorsqu’elle produit une parole de Dieu pour notre temps.

 

On ne le répétera jamais assez : le prophète dans la Bible ne prédit pas l’avenir, mais déchiffre le présent pour en déduire des avertissements nécessaires.

Face aux sauterelles, ou au feu dévorant (7,5), Amos plaide la petitesse de Jacob–Israël, qui ne pourra pas tenir face à ce fléau (7,2). Cette intercession d’Amos nous fait penser à celle d’Abraham pour Sodome et Gomorrhe, ou celle de Moïse pour obtenir le pardon du peuple au Veau d’Or…

Les deux premières fois, ses visions suffisent à éloigner le danger : « Le Seigneur s’en repentit. “Cela n’arrivera pas”, dit le Seigneur. Le Seigneur Dieu me donna cette vision : voici que le Seigneur Dieu en appelait au procès par le feu ; celui-ci avait dévoré les eaux profondes et déjà il dévorait la campagne. Je dis : “Seigneur Dieu, je t’en prie, arrête ! Jacob est si petit ! Qui le relèverait ?” Le Seigneur s’en repentit. “Cela non plus n’arrivera pas”, dit le Seigneur » (Am 7,3–6). Ce sont donc des visions auto-immunisantes en quelque sorte : il suffit de prendre conscience de ce qui se passe (la corruption à l’œuvre) pour en être guéri. Une guérison auto-réalisatrice, où il suffit de nommer le mal/le traumatisme pour qu’ils s’éloignent.

Nous pouvons/devons être ces visionnaires qui, en nommant le malheur de notre monde, l’aident à en guérir.

 

Visualiser le mal et le nommer ne suffit pas toujours, hélas ! Les visions de la corbeille des fruits de fin d’été (8,1–3) et du sanctuaire ébranlé (9,1–4) auront malheureusement pour épilogue la ruine d’Israël et sa déportation à Babylone dans les larmes et le deuil…

« Je vis le Seigneur debout près de l’autel. Il dit : Frappe les chapiteaux, et que tremblent les seuils ! Brise tous ceux qui sont en tête, et les suivants, je les tuerai par l’épée ; pas un d’entre eux ne pourra s’enfuir, pas un d’entre eux ne pourra s’échapper. S’ils forcent le séjour des morts, de là, ma main les extirpera ; s’ils escaladent les cieux, de là, je les ferai descendre ; s’ils se cachent au sommet du Carmel, là, je les chercherai et les prendrai ; s’ils se dérobent à mes yeux au fond de la mer, là, je commanderai au Serpent de les mordre ; s’ils s’en vont en captivité, poussés par l’ennemi, là-bas, je commanderai à l’épée de les tuer ; j’aurai l’œil sur eux, pour le malheur, non pour le bonheur » (Am 9,1–4).

 

2. L’homme-au-fardeau

En hébreu, le nom עָמַס (Amos) signifie : fardeau, charge. N’imaginons donc pas que c’est une mission facile de donner du poids à la petite voix de notre conscience : c’est une lourde responsabilité, qui peut nous attirer bien des ennuis. D’ailleurs, Amos proteste devant le prêtre royal Amatsia : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et j’incisais les sycomores » (Am 7,14). Autrement dit : ‘je n’ai jamais voulu être prophète de moi-même ! C’est Dieu qui est venu me chercher, qui m’a appelé, et qui m’a presque forcé à prendre la parole en son nom pour dénoncer ce que mes visions me révélaient des dérives royales’.

 Amos dans Communauté spirituelleSi l’Esprit de notre baptême fait de nous des prophètes comme Amos, difficile de ne pas sentir l’écrasante responsabilité d’une parole publique courageuse ! Même Jonas qui voulait fuir cette responsabilité a été rattrapé dans sa fuite par la fameuse baleine !


Pas d’inquiétude cependant : Jésus nous a promis que son fardeau serait léger et facile à porter (Mt 11,30). Il a assumé la charge symbolique de ce nom dans sa généalogie : Jésus est en effet fils d’un certain Amos « fils de Mattathias, fils d’Amos, fils de Nahoum, fils de Hesli, fils de Naggaï » (Lc 3,25). Nous pouvons donc porter ce fardeau avec le Christ.

De fait, nous sommes « comme portés sur les ailes d’un aigle » (Ex 19,4) lorsque nous nous engageons dans ces combats-là. De fait, même les martyrs chantaient devant les fauves, les croix ou le feu, animés d’un courage qui leur était donné d’en-haut.

Alors, ne pas s’atteler au joug du Christ serait une désertion indigne de l’Esprit prophétique d’Amos, une lâcheté qui ferait honte à Jérémie, Isaïe, Ézéchiel, Osée, Daniel et autres Macchabées…

 

3. L’homme-aux-sycomores

Sycamore_fruits prophèteOn a entendu la protestation d’Amos : sa mission prophétique n’est pas une ambition personnelle : “Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais (litt. : j’incisais) les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : “Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.” » (Am 7,14–15).

Bouvier, on voit à peu près ce que c’est. Mais « inciseur de sycomores » ? On peut penser aux pins des Landes : pour recueillir la sève qui deviendra de la laque, de la résine ou de la peinture, il faut entailler le tronc du pin qui se met alors à saigner à blanc, laissant s’écouler de l’incision la sève précieuse.

 

Drôle d’arbre que ce sycomore dont les feuilles rappellent celles du mûrier (syco-morus = ressemblant au mûrier). Il est grand, avec des branches basses assez horizontales (c’est pourquoi le petit Zachée l’a choisi pour s’élever). Il a des fruits bizarres, qui poussent sur le tronc et non sur les rameaux des branches. Mais surtout, ces fruits ne sont pas comestibles à l’état naturel. Il faut y pratiquer une incision, à l’aide d’un petit outil tranchant, pour laisser s’écouler un suc laiteux inconsommable. Ensuite, avec le temps, ils mûrissent en une sorte de grosses prunes / figues comestibles et goûteuses.

Zachée, en montant dans un sycomore, va en devenir l‘un de ses fruits, assis à même le tronc, au plus près du Christ. Il va se laisser « inciser », « transpercer » par son appel à venir manger chez lui. Du coup, comme le suc laiteux, il laisse s’écouler la richesse accumulée injustement et qui lui devient insupportable (il rend quatre fois ce qu’il a volé). Et avec le temps, il mûrira en disciple et apôtre du Christ.


Quel « coup tranchant » vient dans mon existence accomplir ce que l’appel du Christ a fait pour Zachée, ce que le couteau d’Amos faisait pour les figues de sycomore ? Les crises qui nous déstabilisent ne peuvent-elles pas devenir ce geste chirurgical où le scalpel des évènements nous pousse à produire du fruit autrement (et du meilleur !) ? Sans faire l’éloge du malheur, peut-on au moins le subvertir en y faisant résonner un appel à revenir à l’essentiel : « descends vite » et à tisser d’autres liens : « il faut que j’aille demeurer chez toi » ?

De la catastrophe personnelle à la crise économique, en passant par tant de faillites collectives ou privées, Amos-aux-sycomores ou Zachée sur ses branches ne figurent-t-ils pas la possibilité de porter du fruit autrement, à travers le scalpel de la parole de Dieu, acérée et à double tranchant (Ap 1,16 ; He 4,12) ?


Nous sommes des inciseurs de sycomores qui entaillons les certitudes de nos contemporains – ce que Jésus appellera la circoncision du cœur – pour qu’ils s’ouvrent à plus grand qu’eux, en se détournant du mal commis. Cela demande de tailler, de trancher, de couper, avec le scalpel de la Parole de Dieu. Amos n’a pas hésité à blesser l’orgueil des puissants qui menaient le peuple à sa perte, afin qu’ils comprennent l’impasse où les menait leur inconduite. N’hésitons pas à faire de même, avant que les désastres se reproduisent !

 

4. L’homme qui dérange

amos-and-amazia-205581_9 sycomoreÉvidemment, une parole aussi incisive ne plaît pas à tout le monde ! Elle choque, elle dérange, elle menace des intérêts puissants. Amos est l’empêcheur de profiter en rond qui insupporte les prêtres de Béthel : « Puis Amatsia dit à Amos : Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète » (Am 7,12).

Les « voyants » en Israël ont toujours été persécutés : « “C’est un peuple rebelle, ce sont des fils menteurs, des fils qui n’acceptent pas d’écouter la loi du Seigneur, eux qui disent aux voyants : “Ne voyez pas !” et aux prophètes : “Ne prophétisez pas pour nous des choses vraies, dites-nous des choses agréables, prophétisez des chimères » (Is 30,9-10).

Jésus ne fera pas exception à loi d’exclusion : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage » (Jn 3,32).

‘Va prophétiser ailleurs ! Ici tu nous déranges !’ : combien de chrétiens se font ainsi mettre à la porte d’un pays, d’une mafia, d’une entreprise, voire même d’une Église !

Jésus nous a prévenus : le serviteur n’est pas au-dessus de son maître. Si les marchands du Temple, les vendeurs d’idoles, sont dérangés dans leur trafic, ils réagiront violemment. Les narcotrafiquants d’aujourd’hui ne font que mettre leurs pas dans les criminels d’hier…

Ne pas déranger serait presque inquiétant pour un chrétien dans son entreprise, sa famille, son pays : si le sel s’affadit, on le jette dehors et il sera foulé aux pieds (Mt 5,13).

Et Jésus nous ordonnait de ne pas nous taire, en disant de ses disciples : « S’ils se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19,40)

Comme Amos, on nous priera souvent d’aller prophétiser ailleurs, nous et nos visions d’apocalypse ! Réjouissons-nous alors : « heureux êtes-vous si on vous insulte… » (Mt 5,11).

 

Conclusion

Amos est donc notre Jiminy Cricket intérieur. Il est l’incarnation de l’Esprit de notre baptême qui nous fait voir les choses autrement (l’homme-aux-visions), porter bien haut la lourde responsabilité chrétienne (l’homme-au-fardeau), tailler dans le vif des certitudes ambiantes (l’homme-aux-sycomores), sans avoir peur de secouer le désordre établi (l’homme qui dérange)…

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[1]. Le nom du personnage a été choisi par Walt Disney mais était, d’après l’Oxford English Dictionary, en usage depuis 1848 sous la forme d’une exclamation remplaçant « Jésus-Christ » pour éviter le blasphème. Cette expression provient elle-même probablement d’une déformation de Geminy Christmas (ou Jeminy), attesté depuis au moins 1664 par euphémisation de Jesu domini.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Va, tu seras prophète pour mon peuple » (Am 7, 12-15)

Lecture du livre du prophète Amos
En ces jours-là, Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. » Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ »

Psaume
(Ps 84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut.
(Ps 84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

Deuxième lecture
« Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde » (Ep 1,3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence. Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ. En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire.

Évangile
« Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13) Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage » Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Patrick BRAUD

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30 octobre 2010

Zachée : le juste, l’incisé et la figue

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Zachée : le juste, l’incisé et la figue

 

Homélie du 31/10/2010

31° Dimanche du temps ordinaire / Année C

 

 

Zachée dans le sycomore : histoire top connue, rabâchée depuis le CE 2 au caté… Comment pourrait-elle encore nous surprendre ?

Je vous propose trois détours pour essayer de libérer l’effet de surprise que la Bible veut souvent jouer avec nous.

 

Zachée le juste

Le nom de Zachée vient de Zaccaï en araméen = le juste.

Ce n’est pas précisément ce qu’est Zachée au début du récit : il est loin d’être juste ! Mais, « justement », devenir juste est au coeur de la rencontre entre Jésus (?Dieu sauve’) et Zachée (?le juste’, ou du moins celui qui est appelé à le devenir).

De manière étonnante, le prénom arabe dérivé de Zachée, Zacca, garde la trace du lien entre Zachée, sa justification et l’argent, puisque l’aumône légale dans l’islam se dit « Zakat », de la même racine que Zachée !

 

Comment Zachée devient-il juste ? Non pas en faisant l’aumône (vs islam), car ce n’est dans l’évangile qu’une conséquence (d’ailleurs non exigée par Jésus) et non un préalable.

Zachée devient juste grâce au double mouvement qui caractérise bien des rencontres de Jésus : chercher / être appelé.

Chercher : « il cherchait à voir qu’il était Jésus ».

Être appelé : « Zachée, descend vite. Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi ».

 

Chercher / se laisser appeler : où en suis-je de ce chemin de justification ?

 

Zachée l’incisé

Cherchant à voir qui est Jésus, Zachée monte dans le sycomore.

Drôle d’arbre que ce sycomore dont les feuilles rappellent celles du mûrier (syco-morus = ressemblant au mûrier). Il est grand, avec des branches basses assez horizontales (c’est pourquoi le petit Zachée l’a choisi pour s’élever). Il a des fruits bizarres, qui poussent sur le tronc et non sur les rameaux des branches.

 

Mais surtout, ces fruits ne sont pas comestibles à l’état naturel. Il faut y pratiquer une incision, à l’aide d’un petit outil tranchant, pour laisser s’écouler un suc laiteux inconsommable. Ensuite, avec le temps, ils mûrissent en une sorte de grosses prunes / figues comestibles et goûteuses.

D’ailleurs, Amos précise bien qu’il était « un sacrificateur de sycomores » (Amos 7,14-15) lorsque Dieu l’a appelé pour devenir son prophète.

 

Zachée, en montant dans ce sycomore, va en devenir lZachée : le juste, l'incisé et la figue dans Communauté spirituelle Sycamore_fruits‘un de ses fruits, assis à même le tronc, au plus près du Christ. Il va se laisser « inciser », « transpercer » par son appel à venir manger chez lui. Du coup, comme le suc laiteux, il laisse s’écouler la richesse accumulée injustement et qui lui devient insupportable (il rend quatre fois ce qu’il a volé). Et avec le temps, il mûrira en disciple et apôtre du Christ (jusqu’à Rocamadour ! Cf. infra).

 

Quel « coup tranchant » vient dans mon existence accomplir ce que l’appel du Christ a fait pour Zachée, ce que le couteau d’Amos faisait pour les figues de sycomore ?

 

Les crises qui nous déstabilisent ne peuvent-elles pas devenir ce geste chirurgical où le scalpel des événements nous pousse à produire du fruit autrement (et du meilleur !) ?

Sans faire l’éloge du malheur, peut-on au moins le subvertir en y faisant résonner un appel à revenir à l’essentiel : « descends vite » et à tisser d’autres liens : « il faut que j’aille  demeurer chez toi » ?

De la catastrophe personnelle à la crise économique, en passant par tant de faillites collectives ou privées, Zachée dans le sycomore ne figure-t-il pas la possibilité de porter du fruit autrement, à travers le scalpel de la parole de Dieu, acérée et à double tranchant (Ap 1,16 ; He 4,12) ?

 

Zachée la figue (de Rocamadour) !

Le résultat de cette blessure symbolique qui touche Zachée, c’est justement de le transformer, avec le temps, en apôtre du Christ (comme une bonne figue de sycomore bien mûrie…).

On en trouve la trace dans la région du sanctuaire de Rocamadour !

La légende veut que Zachée soit arrivé dans ce site extraordinaire. Devenu ermite, sa recherche de solitude l’a amené à vivre dans ces rochers. D’où le nom Roc (rocher) ? Amadour (amator = amateur) : celui qui aime le rocher, c’est-à-dire celui qui aime la solitude de ce lieu sauvage. Le nom Amadour proviendrait peut-être également de l’arabe Amad – Aour = le juste, ce qui rappelle bien l’araméen Zaccaï = le juste = Zachée.

Il aurait apporté avec lui une statue de la Vierge en bois noirci, sculptée par saint Luc lui-même ! (analogie avec la légende de l’icône peinte par saint Luc ?)

En tout cas, très tôt, les pèlerinages s’organisent sur le lieu de l’ermitage de Zachée. Les miracles se succèdent sur la tombe de Rocamadour dont on avait retrouvé le corps momifié intact en 1166. Aujourd’hui encore, même si la Vierge noire a pris le pas sur l’ermite, les pèlerinages à Rocamadour reprennent de la vigueur (un million et demi de visiteurs par an) et portent de très beaux fruits spirituels.

 

Comme la figue incisée devient un fruit comestible sur le tronc du sycomore, ainsi Zachée continue-t-il de porter du fruit à Rocamadour…

 

Et moi (et nous), sur quel rocher Dieu nous appelle-t-il à devenir une figue savoureuse pour le plaisir des passants ?…

 

 

1ère lecture : Dieu aime toutes ses créatures (Sg 11, 23-26; 12, 1-2)

Lecture du livre de la Sagesse

Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent.
Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes oeuvres, car tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui.
Et comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment aurait-il conservé l’existence, si tu ne l’y avais pas appelé ?
Mais tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie, toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.
Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal, et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur.

Psaume : Ps 144, 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14

R/ La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant !

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié, 
lent à la colère et plein d’amour ; 
la bonté du Seigneur est pour tous, 
sa tendresse, pour toutes ses oeuvres. 

Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce 
et que tes fidèles te bénissent ! 
Ils diront la gloire de ton règne, 
ils parleront de tes exploits. 

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, 
fidèle en tout ce qu’il fait. 
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, 
il redresse tous les accablés.

2ème lecture : Préparer dans la paix la venue du Seigneur(2Th 1, 11-12; 2, 1-2)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères, nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi.
Que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi. Ainsi, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous, et vous en lui ; voilà ce que nous réserve la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ.
Frères, nous voulons vous demander une chose, au sujet de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui :
si l’on nous attribue une révélation, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n’allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer.

Evangile : Zachée : la conversion d’un riche (Lc 19, 1-10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus traversait la ville de Jéricho.
Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche.
Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là.
Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. »
Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Patrick BRAUD

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