L'homélie du dimanche (prochain)

4 février 2015

Sortir, partir ailleurs…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Sortir, partir ailleurs…

cf. également :
Avec Job, faire face à l’excès du mal

Homélie du Dimanche / 5° Dimanche du temps ordinaire – Année B
08/02/2015

Un humoriste mettait ainsi en scène l’envoi des disciples par Jésus :

Le Christ leur dit : « allez voir ailleurs si j’y suis ».
Ils y allèrent … et effectivement il y était !

C’est bien cet ailleurs qui fascine Jésus dans notre évangile.

Il échappe à la recherche de ses compagnons et du village entier : « Partons ailleurs, dit-il, car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1, 29-39). Et de fait Jésus n’arrête pas de sortir dans l’Évangile de Marc.

Il sort de la synagogue : passage symbolique du judaïsme à l’Église.

Il sort de Capharnaüm pour prier et choisir ses disciples.

Il sortira à nouveau pour proclamer l’Évangile.

En lien avec le désert, c’est tout le thème de l’Exode qui est présent en filigrane. Le leitmotiv qui revient sans cesse dans l’Exode, c’est ce refrain que Dieu scande : « C’est moi ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte ». Dieu fait sortir le peuple de l’Égypte, où les marmites pleines pouvaient endormir sa faim de Dieu.

Comme la naissance fait sortir l’enfant du ventre maternel où pourtant il était si bien.

Comme l’adolescence le fera sortir de la maison familiale et quitter l’enfance.

« Proclamer la Bonne Nouvelle, c’est pour cela que je suis sorti » dit Jésus.

Cela nous rappelle la parabole du semeur : « Écoutez : le semeur est sorti ». Comme un nouvel Exode.

L’amour n’est-il pas sortie de soi ? À travers ce décentrement de soi-même, à travers ce refus du succès facile qui l’aurait immobilisé à Capharnaüm, c’est tout le mouvement pascal du Christ qui est déjà présent et que nous célébrons tout à l’heure dans l’Eucharistie. La résurrection est évoquée dans le texte au moment de la sortie de Jésus : car Jésus se lève (c’est le verbe de la Résurrection: se lever d’entre les morts, comme la belle-mère de Simon que Jésus fait se lever) bien avant l’aube, c’est-à-dire au matin de la Résurrection.

Comment aimer quelqu’un sans sortir de soi, sans mourir à soi-même ? Sans sortir à la rencontre de l’autre ? Le Christ le premier est sorti de sa divinité pour se faire l’un de nous.

Rappelez-vous Moïse : il avait été élevé confortablement à la cour de Pharaon. Le livre de l’Exode nous le montre à un moment où il regarde ailleurs que cet univers de luxe et de prestige :« Moïse, qui avait grandi, sortit vers ses frères et vit ce qu’étaient leurs corvées » (Ex 2, 11). Moïse sort de son palais, de lui-même, il refuse de traverser la vie en 1ère classe alors que ses frères sont dans les compartiments de 3ème et 4ème classe. Au lieu du confort du palais égyptien et de sa condition de privilégié, Moïse sort vers ses frères et voit leur souffrance [1]. De même, Jésus, nouveau Moïse, Verbe de Dieu, sort de sa divinité, se vide de lui-même et devient l’un des nôtres : c’est le mouvement de kénose que décrit St Paul dans la lettre aux Philippiens : « Jésus, de condition divine, ne retint pas également le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est vidé de lui-même… » La kénose du Christ, c’est ce mouvement de sortie de soi qui révèle le cœur de la vie en Dieu. C’est le mouvement trinitaire où chaque personne divine n’est vraiment elle-même qu’en étant hors d’elle-même.

Sortir, partir ailleurs… dans Communauté spirituelle poussin1N’est-ce pas d’ailleurs le mouvement de tout amour : entre parents et enfants, entre amis, entre un homme et une femme ? Sortir de soi pour aller à la recherche de l’autre, sans cesse, car l’être aimé est insaisissable. C’est pourquoi le Christ refuse de se laisser saisir : il nous blesse d’amour et il disparaît. « Tout le monde te cherche » dit Simon. C’est-à-dire : « Tout le monde a été bouleversé parce que tu as fais et dis hier. Ils ont soif de toi ». Mais Jésus se dérobe : « Partons ailleurs ».

 

C’est le thème inépuisable de la recherche de Dieu et de son visage en Jésus.

St Augustin exprimait l’infini de cette quête inachevée par cette phrase géniale :

« chercher Dieu avec le désir de le trouver, le trouver avec le désir de le chercher encore ».

Un autre Père de l’Église, Grégoire de Nysse, écrivait :

« Trouver Dieu, c’est le chercher sans cesse. En effet, chercher ici, n’est pas une chose, et trouver une autre. Mais le gain de la recherche, c’est de chercher encore. Le désir de l’âme est comblé par là-même qu’il demeure insatiable. C’est-à-dire que c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer.

« Partons ailleurs » dit Jésus, pour nous rappeler que l’amour est un mouvement d’Exode, de sortie de soi. C’est bien cela : au moment où j’ai trouvé Jésus, il me désinstalle et me renvoie ailleurs. « Allez voir ailleurs si j’y suis ! ». Et de fait, c’est là qu’il est !

Un philosophe, Bergson je crois, disait :
« Le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais ».

Dites cela à des couples qui s’aperçoivent après 20 ans de mariage qu’il leur faut redécouvrir et réinventer leur relation commune une fois les enfants partis : « sortons de nous-mêmes ; partons ailleurs ».

Ou bien quelques années après, au moment de la retraite professionnelle.

Dites cela aux amoureux qui voudraient s’installer dans le ravissement illusoire de la période amoureuse.

Dites-le à ceux à qui une rupture, une dépression ou un chômage viennent murmurer la tentation de se replier sur soi-même : « Partons ailleurs. Sors de toi-même ».

Dites-le encore à une paroisse, à une équipe, à une Église ou un groupe qui ronronnerait sur lui-même. « Partons ailleurs, car pour proclamer l’Évangile, il faut sortir de soi ».

« Tout le monde te cherche » dit Simon à Jésus.

Y-a-quelquun ailleurs dans Communauté spirituelleBlessé d’amour pour avoir été saisi à un moment de notre vie par l’amour, puissions-nous nous mettre à sa recherche de toutes nos forces, comme la bien-aimée du Cantique des cantiques parcourant les rues de la ville à la recherche de son bien-aimé. Alors nous découvrirons que l’Exode est au cœur même de la vie de Dieu. Quand je cherche Dieu, je reçois de lui la possibilité d’aller vers lui. Or se rendre vers Dieu, c’est l’être même de Dieu Trinité ! Dieu n’est rien d’autre que celui qui sort de lui-même et qui se rend vers lui-même parce qu’il se donne à lui-même la possibilité d’aller vers soi. Aller vers Dieu et aller vers soi sont ainsi un seul et même mouvement… qui commence par le mouvement de sortie de soi, pour aller vers l’autre.

Le Père donne au Fils, en l’engendrant, la possibilité de revenir vers lui dans ce retour qu’est l’Esprit Saint. Ainsi, en sortant de nous-mêmes par l’amour, nous devenons Dieu, et nous devenons nous-mêmes. En Dieu, sortir de soi et aller vers l’autre, aller vers soi, ne sont pas contradictoires : c’est le même mouvement, celui de l’identité trinitaire.

« Partons ailleurs, dit Jésus, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle. Car c’est pour cela que je suis sorti ».

Eh bien : sortons de nous-mêmes, avec le Christ !

 


 


[1]. Le dernier film de Ridley Scott (2014) : Exodus, Gods and Kings, est en ce sens assez infidèle à l’esprit des textes bibliques. Son Moïse ne sort de son palais d’Égypte qu’à cause de sa charge royale, et il ne voit pas la souffrance de son peuple. Le film ne fait pas le lien entre la sortie de soi et la compassion, qui va amener à l’engagement. La rivalité personnelle entre Moïse et Pharaon y est surdimensionnée.

 

1ère lecture : Détresse de l’homme qui souffre (Jb 7, 1-4.6-7)
Lecture du livre de Job
Job prit la parole et dit :
« Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de man?uvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manoeuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’y ai gagné que du néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : ’Quand pourrai-je me lever ?’ Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent quand il n’y a plus de fil.
Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

Psaume : Ps 146, 1.3, 4-5, 6-7
R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures !

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les coeurs brisés
et soigne leurs blessures.

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

2ème lecture : L’Apôtre se fait tout à tous (1Co 9, 16-19.22-23)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
si j’annonce l’Évangile, je n’ai pas à en tirer orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi ; malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !
Certes, si je le faisais de moi-même, je recevrais une récompense du Seigneur. Mais je ne le fais pas de moi-même, je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée.
Alors, pourquoi recevrai-je une récompense ? Parce que j’annonce l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, ni faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile.
Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible.
J’ai partagé la faiblesse des plus les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns.
Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut.

Evangile : Une journée de Jésus au milieu des malades (Mc 1, 29-39)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus a pris sur lui notre faiblesse, il s’est chargé de nos douleurs. Alléluia. (cf. Mt 8, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En quittant la synagogue, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean, alla chez Simon et André.
Or, la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre. Sans plus attendre, on parle à Jésus de la malade. Jésus s’approcha d’elle, la prit par la main, et il la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d’esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait.
Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche.
Quand ils l’ont trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. »
Mais Jésus leur répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais.
Patrick BRAUD

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8 août 2014

Le dedans vous attend dehors

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Le dedans vous attend dehors

Homélie du 19° dimanche du temps ordinaire / Année A
09/08/2014

Nous sommes les obligés de Jésus

Il est rare que Jésus soit obligé d’obliger ses disciples à faire quelque chose ! La plupart du temps, il sollicite leur liberté : « venez et voyez ». Même lorsqu’il leur parle à l’impératif, c’est en respectant leur réponse positive ou négative : « suis-moi », « pardonne 70 fois 7 fois » etc.

Un ami officier de marine faisait remarquer que notre épisode de l’embarquement forcé sur le lac (Mt 14,22 et son parallèle Mc 6,45) est le seul passage des évangiles où Jésus oblige ses disciples à faire quelque chose qu’ils ne voudraient pas. « Il les obligea à monter dans la marque pour atteindre l’autre rive ».

De fait, le seul autre passage où apparaisse le verbe obliger dans les évangiles est la parabole des invités au festin. Le maître demande à son serviteur d’obliger les mendiants et estropiés à remplir la salle des noces (Lc 14,23).

Il n’est pas inintéressant de rapprocher ces deux seuls usages du verbe obliger dans les évangiles. Obliger les disciples à embarquer sur la mer pour traverser vers l’autre rive a quelque chose à voir avec l’obligation pour les blessés de la vie d’accepter une invitation à entrer dans la salle des noces pour le repas de mariage.

Passer sur l’autre rive et participer au repas de noces relève donc de la même obligation.

La première évoque la mort/résurrection : les eaux du lac symbolisent le mal et la mort, l’autre rive est la figure de la vie éternelle.

La deuxième évoque l’eucharistie : le repas des noces de l’agneau, auxquelles se dérobent les premiers invités (le peuple juif), finit par se remplir des païens et des « rebuts de l’humanité »  (1Co 4,13) rencontrés sur les routes de la mission chrétienne. L’eucharistie est bien cette obligation de se nourrir en cours de route vers la vie éternelle (cf. le prophète Élie : « lève-toi et mange, autrement le chemin serait trop long pour toi » 1R 19,5).

Mais revenons au coup de force de Jésus envers ses disciples en Mt 14,22. Les Douze n’ont aucune envie de monter dans la barque. Car ce sont des pêcheurs, des fonctionnaires et des paysans, pas des marins. Ils ont une peur bleue de l’eau (alors que le lac de Tibériade n’est qu’une petite flaque au regard de l’océan !). Le peuple d’Israël n’a jamais aimé la mer (sauf au temps du roi Salomon et de sa flotte légendaire). Elle est peuplée de monstres inquiétants comme le Léviathan. Elle est capable de tout engloutir comme au déluge. Elle se déchaîne dans des tempêtes incontrôlables, et le prophète Jonas est jeté à la mer pour calmer le vent déchaîné. Elle est le lieu des forces du mal et de la mort. D’ailleurs on voit dans notre récit que Pierre est vite effrayé dès que les vagues sont un peu formées. Piètres navigateurs, les disciples voudraient bien éviter d’embarquer avec Jésus pour une traversée du lac qui ne les rassure pas du tout !

Devant leur résistance, Jésus les oblige.

Le dedans vous attend dehors dans Communauté spirituelle octave_St_PetP1 

Embarquer et traverser

Il les oblige à deux choses :

- monter ensemble dans la barque, c’est-à-dire faire équipage. C’est faire Église. À tel point que la barque de Pierre est devenue un symbole de l’Église et de sa traversée vers l’autre rive.

- prendre le risque de la traversée, de la navigation vers ailleurs.

Plutôt que de rester là, bien au chaud autour de Jésus qui vole de succès en succès populaire, les disciples sont obligés de se séparer de lui. Ils doivent aller là où Jésus n’est pas encore.

Voilà donc deux éléments de notre identité chrétienne, toujours actuels : faire Église, et risquer d’aller ailleurs, là où le Christ n’est pas explicitement présent.

Faire Église : la tentation moderne est bien à l’inverse. Être « chrétien sans Église » est dans le droit fil de l’individualisme contemporain. Chacun bricole sa religion en remplissant son caddie au supermarché des croyances disponibles. Mais très peu acceptent d’embarquer avec d’autres pour faire équipe, pour croire en communauté et pas tout seul.

Or qui lit le nouveau testament rencontrera l’obligation salutaire du Christ à faire équipage. Et qui lit l’Ancien Testament comprendra que faire partie du peuple de Dieu (le qahal YHWH) est essentiel à l’expérience de libération. Se rassembler à la synagogue le samedi ou à l’église le dimanche est vital : celui qui se soustrait à l’obligation de l’assemblée se perd lui-même. Cette tentation est ancienne ! L’auteur de la lettre aux hébreux les avertissait déjà : « ne délaissez pas nos assemblées… » (He 10,25)

Aujourd’hui plus qu’hier, l’illusion de la liberté coupée de la communauté conduit à la solitude. L’isolement de la foi individuelle la transforme en une vague superstition ou en une construction purement subjective.

Monter dans la barque Église n’est pas facultatif.

Le nageur solitaire ne traversera pas l’océan.

Matthieu 8:24 

Le dedans vous attend dehors

Le deuxième volet de l’obligation du Christ est de traverser vers l’autre rive. Pierre y affrontera toutes ses peurs, et tous les fantômes qui peuplent son histoire et son inconscient. Mais sur la parole de Jésus, il osera marcher sur les eaux, il osera passer sur l’autre rive.

L’autre rive, c’est bien sûr l’au-delà de la mort, dans un futur finalement assez proche pour chacun d’entre nous.

Mais l’autre rive, c’est déjà s’aventurer hors des sentiers connus, dès maintenant. Sortir de soi est la condition pour devenir soi-même.

« Le dedans vous attend dehors » : ce très beau mot de Victor Segalen * dit bien que l’autre rive est nécessaire à la découverte de soi. Qui ne connaît pas le dehors ne connaît pas le dedans. En faisant traverser le lac, c’est à ce passage, cette Pâque, que Jésus oblige les disciples pour qu’ils découvrent enfin leur véritable identité et vocation.

« Je considère que ne peuvent être patriotes que ceux qui s’expatrient », affirme Régis Debray qui a parcouru le monde et ses idéologies à la recherche de lui-même. Et de fait, s’il vous est déjà arrivé d’aller habiter ailleurs, vous savez ce que cela veut dire. Immergé au milieu d’une autre culture, de traditions différentes, vous prenez conscience comme par un choc en retour de votre propre culture, de vos propres traditions. C’est par comparaison, par différence que la conscience de sa propre identité peut survenir, en dialoguant avec celles des autres. C’est alors une identité ouverte, en relation.

Tant que je ne suis pas passé sur l’autre rive, je ne sais pas qui je suis.

Matthieu insiste d’ailleurs lourdement : il s’agit d’aller ailleurs, là où le Christ n’est pas encore allé. « Jésus oblige à ses disciples à le précéder sur l’autre rive ». Il reste seul, à l’écart, pendant que ses amis rament - au sens propre comme au sens figuré - pour traverser.

Précéder le Christ : ce serait folie de prendre ce risque si l’ordre ne venait pas de Jésus en personne ! Mais c’est bien dans l’essence de la mission chrétienne.

Certes, « le Ressuscité nous précède en Galilée » (Mc 16,7), mais il nous revient également de le précéder sur les rivages où il n’est pas encore. Ces rivages aujourd’hui ne sont plus géographiques. Ils sont culturels : le monde numérique et son interconnexion, riche de promesses et de menaces ; la mondialisation capable du meilleur et du pire ; les avancées scientifiques extraordinaires qui nous attendent en matière neuronale, robotique, informatique, biologique… C’est vers cet ailleurs que le Christ nous oblige à aller.

Sortir de chez soi, géographiquement et culturellement, est la condition indispensable pour aller vers soi.

Or cela nous fait peur, comme à Pierre. C’est pourquoi Jésus est obligé de nous obliger à nous lancer sur ces chemins d’exode.

L’ardente obligation de la sortie de soi fait partie de notre ADN spirituel.

Chacun y consentira selon les événements : déménagements, voyages, alliances, études, amitiés…

L’essentiel est de ne jamais être quitte avec l’obligation venant du Christ : embarquer, vers l’autre rive.

dehors-dedans-T dedans dans Communauté spirituelle

 

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* Victor Segalen (1878-1919) est un romancier, poète, médecin, et grand voyageur : Polynésie française, Tahiti, Iles Marquises,  Chine?

 

 

 

 

1ère lecture : Le Seigneur se manifeste à Élie (1 R 19, 9a.11-13a)

Lecture du premier livre des Rois

Lorsque le prophète Élie fut arrivé à l’Horeb, la montagne de Dieu, il entra dans une caverne et y passa la nuit.
La parole du Seigneur lui fut adressée : « Sors dans la montagne et tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer. »
À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.
Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Psaume : Ps 84, 9ab-10, 11-12, 13-14

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut.

J’écoute : Que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice. 

Le Seigneur donnera ses bienfaits, 
et notre terre donnera son fruit. 
La justice marchera devant lui, 
et ses pas traceront le chemin. 

2ème lecture : L’attachement de Paul aux privilèges d’Israël(Rm 9, 1-5)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
j’affirme ceci dans le Christ, car c’est la vérité, je ne mens pas, et ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit Saint.
J’ai dans le c?ur une grande tristesse, une douleur incessante.
Pour les Juifs, mes frères de race, je souhaiterais même être maudit, séparé du Christ : ils sont en effet les fils d’Israël, ayant pour eux l’adoption, la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né, lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen.

Evangile : Jésus se manifeste aux Apôtres ; il fait marcher Pierre sur la mer (Mt 14, 22-33)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu seul est mon rocher, mon salut : d’en haut, il tend la main pour me saisir, il me retire du gouffre des eaux. Alléluia. (cf. Ps 61, 3 ; 17, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Aussitôt après avour nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.
Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul.
La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire.

Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer.
En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : « C’est un fantôme », et la peur leur fit pousser des cris.
Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! »
Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. »
Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
Mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur ; et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! »
Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba.
Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »
Patrick BRAUD

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