L'homélie du dimanche (prochain)

24 août 2020

Mon âme a soif de toi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Mon âme a soif de toi

Homélie pour le 22° Dimanche du temps ordinaire / Année A
30/08/2020

Cf. également :

Le serpent temporel
L’effet saumon
Le jeu du qui-perd-gagne
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
Les trois soifs dont Dieu a soif

Le Psautier : Version oecuménique, texte liturgiqueLe psaume de notre liturgie (2° lecture ; Ps 62) est celui de l’office de Laudes de chaque dimanche du temps pascal et de la semaine I. Tous ces dimanches, des millions d’hommes et de femmes s’éveillent à la louange du jour de la Résurrection avec les mêmes mots sur leurs lèvres : « Dieu tu es mon Dieu ; je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi, terre aride, altéré, sans eau ».

Le thème de la quête et celui de la soif se croisent ainsi en un gémissement où le désir de Dieu s’accroît de psalmodier ce cri plusieurs fois millénaire. Avoir soif de Dieu, le chercher en toutes choses et avant toutes choses, c’est le moteur même de la vie spirituelle. Reconnaître qu’il me manque, que mon désir le plus vrai au-delà des pulsions instinctives est orienté vers lui : les psaumes n’en finissent pas de chercher Dieu, criant vers lui « des profondeurs » ou « jubilant à l’ombre de ses ailes », blottis en lui « comme un petit enfant tout contre sa mère » ou désespérés de n’éprouver que son silence et son absence… Comme le psaume 62 (63), le psaume 41 (42) exprime lui aussi notre soif de Dieu et l’intensité de notre quête de Dieu, mais à travers l’image d’un cerf assoiffé : « comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu ». Cette allégorie du cerf assoiffé est souvent sculptée sur les façades de nos églises romanes, en la situant dans une scène de chasse familière en ces temps-là (XI°–XIII° siècles).

 

La double frise de la cathédrale d’Angoulême

Un des plus beaux exemples de cette soif de Dieu incarnée dans un cerf est gravé sur la façade et le chevet de la cathédrale d’Angoulême (Charente). Chef-d’œuvre de l’art roman à coupoles, sa façade est une véritable catéchèse de pierre regorgeant de symboles. Parmi eux, une première frise assez longue (4m à 5 m sur 1 m de hauteur) représente un cerf pourchassé par les chiens d’une meute.

 

La chasse à courre : une frise mystique

En bas à droite de la façade, cette frise attire nos regards. Un cerf y est pourchassé par un cavalier (qui sonne de sa trompe et tient un arc à la main avec sa flèche prête à être tirée), deux chiens, et un maître piqueur avec son lévrier en laisse.  C’est donc une scène de chasse à courre.

Frise Cerf Cathédrale Angoulême Façade

Frise Cathédrale Angoulême Façade

Pourquoi graver une scène de chasse sur la façade d’une cathédrale ?
Parce que Girard II (l’auteur de la cathédrale, évêque d’Angoulême de 1102 à 1130 environ) aurait été chasseur ? par pur motif esthétique ?
Sans doute non. La chasse est en effet un thème spirituel omniprésent dans la littérature spirituelle biblique, depuis les rabbis parlant de la quête de Dieu comme d’une chasse, jusqu’aux Pères de l’Église exploitant tous les détails de cette allégorie de la chasse à courre pour parler du désir de Dieu.
Ne dit-on pas en français courant : « se mettre en chasse » pour désigner la quête d’un objet, ou même d’un partenaire amoureux ? Se mettre en quête du Christ est donc une condition indispensable pour parcourir le programme de la façade de la cathédrale.

Dans l’iconographie médiévale, le cerf en était venu à désigner le Christ. Ses bois évoquent le bois de la Croix, car ils repoussent si on les coupe, à l’image du Christ ressuscitant quand on lui enlève la vie. On raconte qu’Hubert se convertit en voyant dans les bois d’un cerf le signe de la Croix du Christ ; saint Eustache également (ils devinrent pour cela patron des chasseurs / des sonneurs).

Le chercheur de Dieu devient lui-même un cerf : « comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant… » (Ps 42)
« De même que le cerf, après avoir été chassé, a soif, de même toi, cours tout bonnement devant toi et laisse s’allumer en toi une nouvelle soif de Dieu. C’est pour cela que tu es chassé. Ou encore : « l’homme, cerf chassé, court à Dieu comme il convient, gagné par la soif de Celui en qui sont réellement toute paix, toute vérité, toute consolation » (Tauler au XIV° siècle).

Cette frise est donc proprement mystique. Elle traduit le désir de Dieu, la quête intérieure qui permet au visiteur d’entrer véritablement dans le mystère offert par la cathédrale, au lieu d’en rester purement extérieur. Celui qui entre sans être habité par une soif de Dieu comparable à celle du cerf poursuivi par la meute risque de passer à côté de ce que la cathédrale a à lui offrir.

 

La chasse à courre : le désir infini

De manière inclusive, fortement voulue par l’auteur de la cathédrale, le chevet de l’édifice comporte une frise semblable, celle d’une biche, frémissante de sa course, poursuivie par deux chiens à la gueule ouverte et aux crocs menaçants.

Frise Cerf Cathédrale Angoulême Chevet

Frise Cathédrale Angoulême Chevet

Elle forme donc une magnifique inclusion avec la frise de la chasse à courre sur la façade, à l’autre extrémité de l’édifice, ainsi traversé de part en part par le thème de la soif de Dieu. Même après avoir franchi la porte, s’être rassemblé avec l’Église, avoir communié au Christ dans son eucharistie, le chemin n’est pas encore terminé pour autant ! Ni la vie en Église, ni les sacrements ne suffisent pour aller totalement à la rencontre du Dieu vivant. La quête spirituelle continue une fois sorti de la cathédrale, et se prolonge dans tous les domaines de la vie. La dimension mystique de la foi se nourrit de ce passage dans la cathédrale, et se joue dans la vie intérieure, mais aussi familiale, sociale…

Il s’agit de ne jamais enclore la recherche de Dieu, de ne jamais croire qu’on l’a trouvé. Comme l’écrivait le génial Saint Augustin : « Le chercher avec le désir de le trouver, et le trouver avec le désir de le chercher encore…. »

La biche poursuivant sa course, haletante du désir de Dieu, nous invite à ne jamais nous arrêter dans notre propre course intérieure. « Le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais » (Bergson). « Car c’est là proprement voir Dieu que ne d’être jamais rassasié de le désirer sans cesse… » (Grégoire de Nysse).

 

Jean Tauler et le cerf altéré

Une fois n’est pas coutume, voici le sermon 11 de Jean Tauler (1300–1361), un des plus grands représentants du courant appelé « mystique rhénane » (au XIV° siècle en Rhénanie), avec Maître Eckhart et Henri Suso. Tauler évoque la soif spirituelle qui fait de nous des cerfs pourchassés par les tentations, mais promis à la jubilation de la source à pleine gorgées.

 

Sermon 11 [1]

Mon âme a soif de toi dans Communauté spirituelle 51DYVRZ82XL._SX285_BO1,204,203,200_« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi » (Jn 7,37–38).
Ce qu’est la soif de Dieu. Comment elle se développe pareille à celle d’un cerf, dans la chasse faite à l’homme par les chiens de multiples tentations.

« Si quelqu’un a soif ». Qu’est-ce donc que cette soif ? C’est tout simplement ceci : quand le Saint Esprit vient dans l’âme et y allume un feu d’amour, un charbon d’amour qui provoque dans l’âme un incendie d’amour. Du feu de cet incendie jaillisse alors des étincelles d’amour qui engendrent une soif et un délicieux désir de Dieu ; et il arrive parfois que l’homme ne sache pas alors ce qu’il a, tant il ressent une détresse et un dégoût de toute créature.

« Comme le cerf soupire après l’eau vive, mon âme a soif de toi, mon Dieu. (Psaume 41,2).
Quand le cerf est vivement chassé par les chiens à travers forêts et montagnes, son grand échauffement éveille en lui une soif et un désir de boire plus ardents qu’en aucun autre animal. De même que le cerf est chassé par les chiens, ainsi le débutant dans les voies de Dieu est chassé par les tentations. Dès qu’il se détourne du monde, il est en particulier pourchassé avec ardeur par sept forts mâtins vigoureux et agiles. Ce sont les sept péchés capitaux. Ils le chassent avec de fortes et grandes tentations. Plus cette chasse est vive et impétueuse, plus grande devrait être notre soif de Dieu et l’ardeur de notre désir. Parfois il arrive qu’un des chiens rattrape le cerf et s’accroche, avec ses dents, au ventre de la bête. Quand alors le cerf ne peut se débarrasser du chien, il l’entraîne avec lui près d’un arbre et le frappe si fort contre l’arbre qu’il lui brise la tête et ainsi s’en délivre. Voilà précisément ce que l’homme doit faire. Quand il ne peut se rendre maître de ses chiens, de ses tentations, il doit en grande hâte courir à l’arbre de la Croix et de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ et là y cogner son chien, c’est-à-dire sa tentation et lui briser la tête. Cela veut dire que là, il triomphe de toute tentation et s’en délivre complètement.

Mais quand le cerf s’est débarrassé des gros chiens, viennent alors les petits bassets qui courent sous le cerf et le mordillent çà et là. Le cerf ne se garde pas suffisamment de ces petits chiens, et cependant ils le déchiquettent tant et si bien qu’il finit par en faiblir. Il en va de même pour l’homme. Quand il s’est débarrassé et a triomphé des grosses fautes, alors accourent les petits chien dont il ne se garde pas : bijoux, compagnies mondaines, passe-temps humains, amabilités, peu importe, tout cela l’entame çà et là par petits morceaux, c’est-à-dire qu’ils éparpillent son cœur et son for intérieur, de telle sorte que cet homme finit, comme le cerf, par faiblir dans toute sa vie pieuse, à la grâce et à la dévotion. Tout son zèle pour la piété s’évanouit un ainsi que tout sentiment de Dieu et de toute sainte pensée. C’est ainsi que ces petits chiens lui font souvent plus de tort que les grandes tentations. Car des grandes, il se garde, les tenants pour mauvaises, mais des petites, il ne s’en soucie pas.

Voici maintenant ce que font souvent les chasseurs. Quand le cerf est épuisé de soif et de fatigue, ils rappellent et retiennent les chiens pendant quelque temps – quand ils sont sûrs  de tenir le cerf – et ils le laissent un peu reprendre haleine pendant quelques instants. La bête en est ainsi très réconfortée et peut d’autant mieux supporter la chasse une seconde fois. C’est ainsi qu’agit notre Seigneur. Quand il voit que la tentation et sa chasse deviennent trop violentes et trop pénibles pour l’homme, il les arrêtent un peu et met sur les lèvres du cœur de l’homme une goutte de la douce saveur des choses divines. L’homme en est si fortifié que tout ce qui n’est pas Dieu lui paraît méprisable, et qu’il lui semble alors avoir triomphé de toute sa misère. Mais ce n’est là qu’un réconfort pour une nouvelle chasse. Au moment où il y pense le moins, voilà que les chiens lui sautent de nouveau à la gorge et l’assaillent avec un acharnement beaucoup plus fort que la première fois. Mais cependant il est fortifié et a bien plus de résistance qu’auparavant.

Quand le cerf a triomphé de tous les chiens et qu’il est arrivé à l’eau, il s’y abandonne à boire à pleine bouche et se désaltère tout à son aise, autant qu’il peut. L’homme agit de même lorsque, avec le secours de Dieu, il s’est débarrassé de toute la meute de chiens, grands et petits, et qu’altéré il arrive à Dieu. Que ferait-il alors si ce n’est de humer et boire à pleine bouche le divin breuvage tant et si bien qu’il soit vraiment enivré et si plein de Dieu, que dans la plénitude de sa félicité, il s’oublie complètement lui-même. Il ne craint plus ni vie ni mort, ni plaisir ni douleur. Cela vient de ce qu’il est enivré. Après cela, il entre dans une paix ineffable, en sorte que tout lui est allégresse et joie.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi… de son sein couleront des fleuves d’eau vive » (Jn 7, 37-38).
Dieu avait besoin de trouver en nous une soif qui nous attire et lui permette de nous abreuver si abondamment que, du sein de ceux qui ont bu à ce breuvage « couleront des fleuves d’eau vive ».

 


[1]. Jean Tauler, Aux amis de Dieu, Ed. du Cerf, collection Foi vivante, 2001, pp. 41–44.

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« La parole du Seigneur attire sur moi l’insulte » (Jr 20, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi. À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et dévastation ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir.

PSAUME

(Ps 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu ! (cf. Ps 62, 2b)

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
Mon âme a soif de toi ;
Après toi languit ma chair,
Terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

DEUXIÈME LECTURE

« Présentez votre corps en sacrifice vivant » (Rm 12, 1-2)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.

 

ÉVANGILE

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même » (Mt 16, 21-27)
Alléluia. Alléluia.Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

 En ce temps-là, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »
Patrick BRAUD

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8 mars 2020

Augustin commente la Samaritaine

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Augustin commente la Samaritaine

Homélie du 3° dimanche de Carême / Année A
15/03/2020

Cf. également :

Le chien retourne toujours à son vomi
Leurre de la cruche…
Les trois soifs dont Dieu a soif


Je veux éclairer quelqu’un, mais ce quelqu’un me manque

Une fois n’est pas coutume, laissons la parole à Saint Augustin lorsqu’il commente (15° Traité) l’Évangile de Jean, et particulièrement notre épisode de la Samaritaine de ce Dimanche  (Jn 4, 5-42). Les Pères de l’Église comme saint Augustin pratiquent une exégèse très souvent allégorique : ils voient en chacun des personnages ou objets d’une scène d’évangile la figure de personnes ou de traits de caractère qui parleront à leurs auditeurs.

Suivons quelques extraits du commentaire de l’évangile selon saint Jean par St Augustin, afin de nous familiariser avec ce type de lecture, et pourquoi pas de la pratiquer encore pour nous aujourd’hui.

Le texte dit que Jésus fatigué s’assit au bord de la route. Augustin commente :

Augustin commente la Samaritaine dans Communauté spirituelle 41WD87u0I9L._SX332_BO1,204,203,200_N° 6. C’est pour toi, mon frère, que Jésus est fatigué du chemin. Nous voyons en Jésus, et la force et la faiblesse : il nous apparaît tout à la fois puissant et anéanti.
N° 7. Jésus-Christ s’est fait infirme pour nourrir des infirmes, pareil en cela à la poule qui nourrit ses poussins.
Voilà l’image de l’infirmité de Jésus fatigué par le chemin. Son chemin, c’est la chair qu’il a prise pour notre amour. […] Puisqu’il a daigné venir parmi nous en prenant un corps, en se montrant dans la forme de serviteur, son incarnation est donc son chemin. C’est pourquoi « la fatigue qu’il a ressentie du chemin » n’est autre chose que la fatigue résultant pour lui de son Incarnation. L’infirmité de Jésus-Christ vient donc de son humanité; mais ne t’affaiblis pas toi-même. Que l’infirmité de Jésus-Christ soit ta force ; car ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que tous les hommes.

Le chemin emprunté par Jésus sur lequel il fatigue devient pour Augustin l’incarnation du Verbe de Dieu dans laquelle il assume toutes nos faiblesses et nos fatigues. C’est donc que nous devons nous aussi assumer les peines et les fatigues, « les joies et les espoirs, les angoisses et les tristesses des hommes de ce temps » (Vatican II, Gaudium et Spes) avec qui nous faisons route. Jean-Paul II disait avec force : « l’homme est la route de l’Église » (Centesimus Annus, ch. 6, 1991). Annoncer l’Évangile demande donc de cheminer, faire route avec, jusqu’à éprouver les mêmes peines, les mêmes difficultés et épreuves de ceux vers qui nous somme envoyés. Impossible d’évangéliser ‘de l’extérieur’ : c’est en chemin que surviennent les rencontres où le Christ partage en plénitude l’eau véritable : l’Esprit Saint, et la vraie nourriture : la parole de Dieu. La catéchèse dite « de cheminement » trouve là ses lettres de noblesse [1].

Le texte continue : « vers la sixième heure ».

Augustin commente :

Sandro Botticelli 050.jpgN° 9. Mais pourquoi la sixième heure ? Parce que c’était le sixième âge du monde. Dans le langage de l’Évangile, on doit regarder comme une heure le premier âge qui va d’Adam à Noé, le second qui va de Noé à Abraham, le troisième qui va d’Abraham à David, le quatrième qui va de David à la capitale de Babylone, le cinquième qui va de la captivité de Babylone au baptême de Jean; le sixième enfin, qui a cours maintenant. Y a-t-il en cela de quoi t’étonner? Jésus est venu, il est venu près d’un puits, c’est-à-dire qu’il s’est humilié; il s’est fatigué à venir, parce qu’il s’est chargé du poids de notre faible humanité. Il est venu à la sixième heure, parce que c’était le sixième âge du monde. Il est venu près d’un puits, parce qu’il est descendu jusque dans l’abîme qui faisait notre demeure. C’est pourquoi il est écrit au psaume: « Du fond de l’abîme, Seigneur, j’ai crié vers toi ». Enfin il s’est assis près d’un puits, car je l’ai dit déjà, il s’est humilié.

Cette interprétation sur les six âges du monde nous laisse aujourd’hui un peu sceptiques il faut l’avouer. C’est pourtant une manière d’évoquer la patience et la pédagogie de Dieu envers l’humanité, envers tous et chacun. Car nous avons nous aussi notre sixième âge, c’est-à-dire la période de notre vie où enfin nous sommes plus disponibles pour écouter, recevoir, nous laisser guider.
Signalons également que cette lecture allégorique des six âges du monde rend l’Église indissociablement solidaire de l’histoire juive, de la « préparation évangélique » dont les prophètes, les sages et les grands rois ont été les auteurs. Ce qui d’une part devrait nourrir notre amour de l’Ancien Testament, et d’autre part nous éviter toute forme d’antisémitisme, au contraire !

 

N° 10. « Vint une femme ». Figure de l’Église non encore justifiée, mais déjà sur le point de le devenir, car cette justification est l’œuvre de la parole. Elle vient dans l’ignorance de ce qu’était Jésus ; elle le trouve, il entre en conversation avec elle.

Instinctivement, Augustin identifie la femme de Samarie avec l’Église, qui porte en elle la soif des peuples et la conduit au Christ. Ce n’est pas elle qui a l’initiative, mais le Messie qui entre en conversation avec elle. Entrer en conversation avec l’autre est dès lors le type même de la mission chrétienne. Le pape Paul VI l’écrivait dans son encyclique Ecclesiam Suam (n° 67, 1964) : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation. ». Nous l’avons peut-être trop oublié en cette période où les crises médiatiques et le repli identitaire sur des communautés minoritaires risquent de nous éloigner de la passion de la conversation qui animait le Christ.

ob_79a809_90073826-o Augustin dans Communauté spirituelleN° 16. Qu’est-ce à dire : « Celui qui boira de cette eau aura encore soif ? » Parole véritable, si on l’applique à cette eau véritable encore, si un l’applique à ce dont elle était la figure. L’eau, au fond de ce puits, c’est la volupté du siècle dans sa ténébreuse profondeur. La cupidité des hommes, voilà le vase qui leur sert à y puiser. Leur cupidité les fait pencher vers ces profondeurs jusqu’à ce qu’ils en touchent le fond et y puisent le plaisir; mais toujours la cupidité marche et précède. Car celui qui ne fait pas d’abord marcher la cupidité ne peut arriver au plaisir. Supposez donc que la cupidité est le vase avec lequel on puise, et que l’eau que l’on doit tirer du puits c’est le plaisir lui-même, et le plaisir mondain que l’on goûte, c’est le boire, le manger, le bain, les spectacles, l’impureté ; celui qui s’y adonne n’en sera-t-il plus désormais altéré ? Donc Jésus dit avec raison : « Celui qui boira de cette eau aura encore soif ».

Augustin voit dans l’eau du puits le plaisir mondain, que l’humanité va puiser avec cupidité, figurée par la cruche de la Samaritaine. Courir après les honneurs, la gloire, l’argent, tout cela épuise le désir véritable de l’homme qui se trompe ainsi de cible, n’est jamais étanché, et devient addict à cette eau pourtant croupie et stagnante, au point de répéter sans cesse les mêmes dérives frénétiques. Poursuivre des objectifs trop matériels devient une drogue dure, et celui qui s’y adonne ne se rend même plus compte de l’état de dépendance dans lequel il est tombé. Il gaspille son argent, son énergie, ses talents à reproduire sans cesse les mêmes comportements pourtant déshumanisants et incapables de satisfaire son désir le plus vrai.

N° 17. Ce que promettait donc Notre-Seigneur, c’était la plénitude et la satiété dont le Saint-Esprit est l’auteur.

Pour Augustin comme pour toute la tradition chrétienne, le seul bien véritable est l’Esprit Saint, la seule sagesse est spirituelle, le vrai trésor est celui de la communion avec Dieu qui est la marque de l’Esprit en nous. Notre prière de demande culmine et se résume finalement à celle que Salomon faisait à YHWH : « Donne-moi la sagesse assise près de toi », et ici la sagesse c’est l’Esprit en personne.

Une lecture « pertinente » du dialogue de Jésus et de la Samaritaine ( Jean 4, 1-42 )N° 18. Donc, mes frères, prêtons l’oreille et tâchons de comprendre ce que Notre-Seigneur dit à cette femme : « Appelle ton mari ». Ce mari de notre âme, cherchons à le connaître. Pourquoi Jésus ne serait-il pas le véritable époux de notre âme ? Puissiez-vous me bien comprendre ! Car ce que j’ai à dire ne peut être compris, même par les personnes attentives, que dans une faible mesure. Puissiez-vous me comprendre et l’intelligence de mes paroles sera peut-être l’époux de vos âmes.

L’identification du mari au Christ, époux de l’âme, est déjà classique au IV° siècle. Augustin la reprend sans s’y attarder. C’est néanmoins une voie mystique toujours féconde : « épouser » le Christ, en faire notre compagnon, notre frère, notre inspiration.


N° 19. Cette lumière, c’était le Christ, cette lumière s’entretenait avec la Samaritaine, mais cette femme était absente par son entendement; son intelligence ne pouvait être éclairée par cette lumière ; elle était incapable, non pas d’en recevoir les rayons, mais de les percevoir. Aussi, comme pour lui dire : je veux éclairer quelqu’un, mais ce quelqu’un me manque, il lui adresse ces paroles: « Appelle ton mari », appelle ton entendement afin qu’il t’instruise et te gouverne. Représente-toi donc l’âme séparée de l’entendement sous l’emblème d’une femme, et l’entendement sous l’emblème de son mari.

L’interprétation d’Augustin est assez étonnante pour nous : il considère que cette femme a perdu l’entendement en se perdant à la recherche du plaisir des cinq sens ; le Christ la tire de cette fascination en lui rappelant que son vrai mari est la raison éclairée par l’Esprit. Il lui demande de retrouver toute sa tête en quelque sorte, c’est-à-dire de faire appel à son intelligence (de la tête et du cœur) pour ouvrir les yeux sur sa condition d’esclave, écouter la parole libératrice l’appelant à devenir tout elle-même et pas seulement ses 5 sens.

N° 21. Plusieurs ont cru, non sans fondement et même avec une certaine probabilité, voir dans les cinq maris de cette femme les cinq livres de Moïse. En effet, ils étaient reçus des Samaritains et formaient leur loi comme celle des Juifs : voilà sans doute pourquoi la circoncision était en usage chez ces deux peuples ; mais à cause de la difficulté que présentent les paroles suivantes : « Et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari », nous pouvons plus aisément comprendre, ce me semble, que, sous l’emblème des cinq premiers maris, les cinq sens du corps sont désignés comme les époux de l’âme. […]

C’est Dieu qui les a formés, c’est Dieu qui les a donnés à l’âme. Elle est infirme tant qu’elle demeure sous la loi des sens et qu’elle agit sous l’autorité de ces cinq maris ; mais aussitôt que le temps est venu de délivrer la raison de leur influence, si l’âme se laisse diriger par une règle de conduite supérieure, et par les leçons de la sagesse, alors succèdent à l’empire et à l’influence des sens l’empire et l’influence d’un seul véritable et légitime mari, meilleur que les autres; et ce mari la gouverne mieux, la dirige, la cultive, la prépare dans le sens de l’éternité.

Les cinq premiers maris auxquels cette femme s’est donnée, et qui n’en étaient pas vraiment, sont donc pour Augustin les 5 sens qui ont gouverné sa vie déréglée jusqu’à présent. Il mentionne quand même une autre interprétation très courante où les cinq maris représentent la Torah juive, c’est-à-dire le régime de la Loi sous lequel les juifs ont vécu jusqu’à présent, mais qui avec le Christ va être accompli dans le régime de l’Esprit. Les  deux interprétations bien sûr ne s’excluent nullement. Mais on voit qu’ici Augustin s’adapte à son auditoire et tente d’appuyer son annonce de l’Évangile sur une anthropologie très parlante pour ses contemporains, beaucoup plus que sur une histoire juive inconnue et peu parlante pour ses concitoyens de Carthage en Afrique du Nord. À nous également d’aller puiser dans la culture de nos auditeurs ce qui pourra faire écho à l’Évangile et réciproquement, pour que chacun entende l’Évangile dans sa langue maternelle, comme à Pentecôte.

goulet-vase-pot-cruche-terre-egypte-ancienne-antique- eauN° 30. « Cette femme donc laissa là sa cruche ». Après avoir entendu ces paroles : « Moi qui te parle, je suis le Christ », et reçu dans son cœur le Christ Notre-Seigneur, qu’avait-elle de plus à faire qu’à laisser là sa cruche et à courir annoncer qu’il était venu ? Elle se débarrasse au plus vite de sa cupidité, elle se hâte d’aller annoncer la vérité : grande leçon pour ceux qui veulent annoncer l’Évangile ! Qu’ils laissent là leur cruche. Rappelez-vous ce que je vous ai précédemment dit sur cet objet. C’était un vase destiné à puiser l’eau; il tire son nom du grec hydria, parce que dans cette langue le mot udor signifie eau ; c’est donc comme si l’on disait : réservoir d’eau. Elle laisse là sa cruche qui, loin de lui être utile, devient pour elle un fardeau; car elle n’a plus qu’un désir, celui de boire à longs traits l’eau dont lui a parlé le Christ.

La cruche figure pour Augustin la cupidité, c’est-à-dire la convoitise, avec sa répétition convulsive de l’acte de prendre au lieu de recevoir. L’abandon de la cruche est donc pour lui ce que nous appellerions aujourd’hui en termes psychanalytiques le passage du besoin au désir, de l’imaginaire au symbolique. La cruche, dont les anses et la courbure figurent bien les hanches caractéristiques de la féminité dans l’antiquité, est abandonnée par la femme, qui donc va rechercher d’autres étreintes, d’autres communions que celles qui se succédaient auparavant pour elle avec un goût amer. L’eau vive ne s’enferme pas dans un vase, elle se déverse en torrents sur nos têtes, mieux elle coule en source inépuisable au-dedans de nous. Ainsi est l’Esprit Saint dont Jésus nous révèle la présence intérieure, à la manière de Bernadette Soubirous grattant le sol de la tutte aux cochons pour laisser sourdre l’eau du Gave, fraiche, limpide et pure.

Ces quelques extraits du commentaire de Saint Augustin ne peuvent évidemment pas épuiser la richesse de toutes les significations cachées dans cet épisode de la Samaritaine. Ils peuvent néanmoins nous donner le goût de pratiquer nous aussi une telle exégèse symbolique. Le trésor caché au creux des versets évangéliques est multiple, polysémique. Chaque âge de l’humanité peut y puiser pour faire du neuf avec de l’ancien, et convertir les soifs de nos contemporains, celles qui leur laissent comme à la Samaritaine un goût amer dans la bouche après y avoir goûté…


[1]. Cf. Luc Aerens, Catéchèse de cheminement. Pédagogie pastorale pour mener la transition en paroisse, Ed. Lumen vitae, 2003.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Donne-nous de l’eau à boire » (Ex 17, 3-7)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif. Il récrimina contre Moïse et dit : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël.
Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle), parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »

 

PSAUME

(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

 

DEUXIÈME LECTURE

« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5-8)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.

 

ÉVANGILE

« Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4, 5-42)
Gloire au Christ,Sagesse éternelle du Dieu vivant.Gloire à toi, Seigneur.Tu es vraiment le Sauveur du monde, Seigneur ! Donne-moi de l’eau vive : que je n’aie plus soif. Gloire au Christ,Sagesse éternelle du Dieu vivant.Gloire à toi, Seigneur. (cf. Jn 4, 42.15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en a eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !… Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. » À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? » Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui.
 Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. » Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : ‘Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur. Il est bien vrai, le dicton : ‘L’un sème, l’autre moissonne.’ Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. »
 Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Patrick BRAUD

 

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13 mars 2017

Le chien retourne toujours à son vomi

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Le chien retourne toujours à son vomi

 

Homélie du 3° Dimanche de Carême / Année A
19/03/2017

Cf. également :

Leurre de la cruche…

Les trois soifs dont Dieu a soif

La soumission consentie

Changer de regard sur ceux qui disent non

 

Massa et Mériba

Le chien retourne toujours à son vomi dans Communauté spirituelle massa_meriba_2Avez-vous déjà mis Dieu à l’épreuve ? Vous êtes-vous déjà querellés avec lui ? Si oui, rassurez-vous : le peuple de Dieu est passé par-là. Notre première lecture (Ex 17,3–7) nous raconte la soif des hébreux au désert, et le doute qui s’installe : « oui ou non, Dieu est-il au milieu de nous ? » 

Massa (Épreuve) et Mériba (Querelle) est le nom double que Moïse (dont justement le bégaiement est célèbre) donne au lieu où la source a jailli du rocher grâce à son bâton de sourcier.

Trois éléments caractérisent ici l’attitude d’Israël, et sans doute également la nôtre dans nos traversées du désert : la soif / la nostalgie de l’esclavage / le doute.

 

1. La soif

samari10 Carême dans Communauté spirituelleC’est le trait commun avec l’évangile de la Samaritaine en ce dimanche. Le peuple souffre du manque d’eau. Il éprouve ce dessèchement physique qui le rend semblable aux cailloux du désert. Paradoxalement, sans cette soif éprouvante, pas de progression spirituelle. S’il était comblé physiquement comme en Égypte avec les marmites de viande et les puits d’eau fraîche, le peuple ne pourrait pas découvrir combien Dieu l’aime et ce qu’il est prêt à faire pour lui. Pour nous, la transposition de la soif physique à la soif spirituelle est facile. Seuls ceux qui ont soif de la vraie vie, quitte à se rebeller contre Dieu, peuvent expérimenter la gratuité du don de Dieu (« si tu savais le don de Dieu »…).

Dieu a soif de notre soif.

Sans elle, il ne peut rien espérer en nous. « L’homme comblé ne dure pas. Il ressemble au bétail qu’on abat », chantent les psaumes (Ps 48,13). Le jeûne du carême a justement pour but de nous rappeler cette sensation de manque. En refusant de laisser la nourriture – mais aussi nos instruments, nos écrans – prendre toute la place, nous revendiquons le droit au vide comme un pilier de la santé spirituelle. Il y a bien des jus détox pour faire régulièrement des cures de purification corporelle, pourquoi n’y aurait-il pas un détox spirituel ! Ressentir à nouveau la soif de vivre vraiment, avec authenticité et cohérence, est le premier pas de notre exode intérieur. Certains regarderont du côté de la sobriété heureuse, d’autres prendront une semaine de congés payés pour une retraite en monastère, d’autres partiront au loin découvrir d’autres cultures… Peu importe ! L’essentiel est d’avoir soif ! Même si quelques-uns (et nous-mêmes) se trompent de cible en courant après des idoles, au moins ils sont en manque ! Manque de reconnaissance, de profondeur, d’amour… D’ailleurs, le péché en hébreu se dit hattat, qui signifie « rater sa cible », et non pas faire le mal. Changeons donc de regard sur les pécheurs publics d’aujourd’hui qui au moins manifestent une envie de vivre bien loin de la tiédeur vomie par Dieu (Ap 3,16).

C’est ce que fait Jésus avec la Samaritaine et ses cinq compagnons successifs : sa fringale affective et sexuelle se trompait de cible, mais Jésus sait voir en elle sa véritable soif de vérité et de liberté. Il frappe ce rocher adultère du bâton de sa parole, et la voilà devenue  fontaine pour tous les villageois de Samarie à qui elle raconte sa trouvaille !

La foi qui ne repose que sur des signes ne pourra traverser les déserts que la vie nous impose. Forcer Dieu à multiplier encore et encore les faveurs de sa grâce pendant 40 ans a fini par priver cette génération d’esclaves hébreux de l’entrée en Terre promise.

 

2. La nostalgie de l’esclavage.

Tiraillé par la soif, le peuple se met à récriminer : il râle contre Moïse, il regrette l’ancien temps où les marmites étaient pleines de viande et les jarres d’eau fraîche.

Le discours de la servitude volontaireVoilà un trait de notre humanité : nous sommes capables de préférer l’esclavage à la liberté, pour peu que les avantages matériels fassent la différence. Ce que La Boétie appelait la « servitude volontaire » ou Gramsci « le consensus actif des dominés » est caractéristique de Massa et Mériba.

Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! c’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes !
Étienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1549.

Les hébreux ne sont pas encore libres dans leur tête, même sortis d’Égypte. Les liens avec leur ancienne condition d’esclave ne sont pas tranchés. La soumission est toujours là, intériorisée, consentie. Le simple souvenir des faveurs accordées aux esclaves le fait hésiter, regretter, douter.

C’est bien notre combat de carême : ne pas laisser la nostalgie de nos anciens esclavages nous submerger, inciser chirurgicalement les adhérences qui nous rattachent à ses cancers de l’esprit colonisant nos énergies, notre intelligence, notre désir.

Mon chien mange de l’herbe , est ce normal?« Le chien retourne toujours à son vomi », constatent amèrement la sagesse du livre des Proverbes et l’apôtre Pierre (Pr 26,11 ; 2P 2,22). Chacun de nous est traversé par cette complicité avec des soumissions diverses. Chacun de nous se querelle avec Dieu, avec les autres, à cause de cette tentation de préférer la quiétude de l’esclavage à l’aventure de l’homme libre.

Or le Dieu de la Bible ne veut pas la soumission (à la différence du dieu du Coran prônant l’islam = soumission). Il désire notre désir, il a soif de notre soif, il libère notre liberté…

 

3. Le doute

« Oui ou non, le Seigneur est-il au milieu de nous ? »
Le doute s’est installé dans le peuple, parce qu’il fait encore reposer sa foi sur des signes. Donc, lorsque les signes manquent, la confiance vacille. L’enjeu de Massa et Mériba est peut-être d’apprendre à se passer de signes… Cesser de mettre Dieu à l’épreuve, c’est faire confiance sans demander des preuves. Croire sur parole et non sur miracle. Chaque matin, dans l’office de Laudes, l’Église chante avec le psaume 94 qu’elle désire ouvrir son cœur à la foi et non au marchandage :

« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi (Massa et Mériba)
où vos pères m’ont tenté et provoqué.
Et pourtant ils avaient vu mon exploit » (Ps 94, 7b–9).

Le doute reviendra régulièrement dans l’histoire d’Israël, jusqu’à l’ultime mise à l’épreuve sur la croix : « si tu es le Messie, sauve-toi toi-même ! Descend de la croix et nous croirons en toi ».

Saint Jean de la Croix fustigeait ses contemporains lorsqu’ils demandaient toujours plus de miracles, comme autant de marmites de viande et de puits égyptiens :

La montée du mont CarmelCelui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté. Dieu pourrait en effet lui répondre de la sorte : Si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n’ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. Or, je te l’ai déjà dit, répondu, manifesté, révélé, quand je te l’ai donné pour frère, pour maître, pour compagnon, pour rançon, pour récompense. […] Mais maintenant si quelqu’un vient m’interroger comme on le faisait alors et me demande quelque vision ou quelque révélation, c’est en quelque sorte me demander encore le Christ ou me demander plus de foi que je n’en ai donné: de la sorte, il offenserait profondément mon Fils bien-aimé, parce que non seulement il montrerait par là qu’il n’a pas foi en lui, mais encore il l’obligerait une autre fois à s’incarner, à recommencer sa vie et à mourir. Vous ne trouverez rien de quoi me demander, ni de quoi satisfaire vos désirs de révélations et de visions. Regardez-y bien. Vous trouverez que j’ai fait et donné par lui beaucoup plus que ce que vous demandez.
Jean de la Croix, La montée du Carmel, ch. XX

Lorsque nous laissons installer le doute, nous adoptons une logique binaire qui plaît tant à notre culture occidentale digitale et médiatique : ‘oui ou non… ? Vous avez 1mn pour répondre’.
Le doute écarte de l’art subtil du discernement, où rien n’est blanc ni noir à 100 %.
Il récuse la patience et l’attente.
Il préfère le simplisme au complexe, le monochrome à l’arc-en-ciel, l’univocité à la polysémie.
La dictature du format court (les 140 caractères de Twitter, les SMS, France Info ou bien BFM etc.) nous pousse à adopter sans nous en rendre compte cette logique du doute : oui ou non ?

Jésus savait échapper à ce piège qu’on lui tendait régulièrement (cf. la question de l’impôt à payer à César) : et nous ?
Saurons-nous dégager du temps, du recul, des appuis, pour refuser cette dictature du court-terme et entrer dans la longue marche de l’Exode ?

Soif véritable / amour de la liberté / confiance sur parole : que Massa et Mériba résonnent à notre esprit comme un avertissement salutaire à ne plus jamais préférer la soumission à l’amour de Dieu !

 

 

PREMIÈRE LECTURE
« Donne-nous de l’eau à boire » (Ex 17, 3-7)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif. Il récrimina contre Moïse et dit : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Moïse cria vers le Seigneur : « Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël. Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle), parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »

PSAUME
(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur,
mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

DEUXIÈME LECTURE
« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-2.5-8)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,  nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ,  lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu.  Et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.  Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions.  Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.  Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs.

ÉVANGILE
« Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (Jn 4, 5-42)

Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Tu es vraiment le Sauveur du monde, Seigneur ! Donne-moi de l’eau vive : que je n’aie plus soif. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Jn 4, 42.15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en a eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !… Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. » À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? » Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui. Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. » Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : ‘Encore quatre mois et ce sera la moisson’ ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur. Il est bien vrai, le dicton : ‘L’un sème, l’autre moissonne.’ Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié. » Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Patrick BRAUD

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22 mars 2016

Vendredi Saint : paroles de crucifié

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Vendredi Saint : paroles de crucifié

Cf. également :

Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ

Vendredi Saint : les morts oubliés

Vendredi Saint : la déréliction de Marie


Homélie du Vendredi Saint / Année C
25/03/2016

 

Charles Gounod, César Franck, Joseph Haydn, Bernard Salles : tous ces compositeurs, et bien d’autres encore, ont été inspirés par les 4 récits de la Passion du Christ. Les 7 paroles du Christ en croix connaissent beaucoup de transcriptions instrumentales ou chorales.

Non, quand nous souffrons, nous nous murons souvent dans le silence. Nous avons du mal à parler. Ou bien la douleur est si lancinante qu’elle nous domine et nous réduit à n’être plus qu’un râle sans fin.

Les évangélistes nous ont transmis 7 paroles du Christ sur la croix :

  1. Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font (Lc 23,34)
  2. En vérité, je te le dis : aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis (Lc 23,43)
  3. Femme, voici ton fils. Et à Jean : Voici ta mère (Jean 19, 26-27)
  4. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Mc 15,34 et Mt 27,46) crié « à voix forte » en araméen Eloï, Eloï, lama sabbaqthani ? 
  5. J’ai soif (Jn 19,28)
  6. Tout est achevé (Jn 19,30)
  7. Jésus poussa un grand cri : Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46).

À ces 7 paroles, il faut ajouter le grand cri final, terrifiant, que Jésus pousse en Mc 15,37.

Puisque c’est la Passion selon Jean que nous lisons en ce vendredi saint, attardons-nous un instant sur les quatre paroles johanniques. À la différence des trois autres évangiles (les synoptiques), celui de Jean nous dépeint un Jésus maître de lui, presque serein. Dominant la douleur au point de penser aux autres, à sa mission, avant de « remettre l’Esprit » (19,30).

 

« Femme voici ton fils ».

« Voici ta mère ».

Redisons-le : lorsque nous sommes à l’agonie (sauf sédation), la souffrance nous centre sur nous-mêmes au point le plus souvent de ne pouvoir être autre chose qu’une plainte vrillée dans notre chair. Ici, le Christ se décentre de lui-même et pense à sa mère, au seul ami qui ne l’a pas abandonné comme les autres. Et, avant que la mort ne dissolve tous ces liens, il va les transformer pour que les vivants puissent continuer sans lui. Il arrache Marie à sa maternité physique pour lui donner une autre maternité, dont les catholiques et les orthodoxes pensent qu’elle continue toujours à s’exercer vis-à-vis de l’Église que Jean préfigurait.

J’ai connu un homme qui était atteint d’un cancer généralisé des os. Il y a 40 ans, on ne soignait pas la phase terminale comme maintenant. Sur son lit de mort, avant de partir, malgré son calvaire il s’était tourné vers sa femme en lui demandant de lui promettre de se remarier après sa mort. L’ayant entendu dire oui à travers ses larmes, il était alors parti, apaisé de savoir celle qu’il aimait libre pour continuer sa route.

Et nous, comment rendons-nous libres ceux que nous aimons pour qu’ils continuent leur route sans nous ?

Jésus lui aussi prend soin des siens avant de mourir, mais à quel prix ! Car ce faisant, il dit à Marie qu’elle n’est plus sa mère, mais celle de Jean. Abandonné des hommes, apparemment abandonné de Dieu, Jésus associe Marie à sa déréliction et lui demande de parcourir le même chemin que lui : être dépouillé de tout. Son fils la confie à un autre en lui disant que c’est bien Jean son enfant désormais.

Le grand théologien Urs von Balthasar a écrit là-dessus des lignes inoubliables :

« De même que le Fils est abandonné par le Père, il abandonne aussi sa mère, afin que tous deux soient unis dans un commun abandon.
Par là seulement Marie est intérieurement prête à assumer la maternité ecclésiale envers tous les nouveaux frères et soeurs de Jésus. »  1

Au pied de la croix, ce Vendredi-là, Marie a été conduite à partager la propre déréliction 2 de Jésus. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46) se répercute et se transmet dans le « Femme, voici ton fils ».

Jésus entraîne sa mère à partager l’abandon qui le disloque lui-même.
La déréliction du fils devient celle de Marie, mère de Jean.

 

 

J’ai soif

Demande si fréquente. Tous ceux qui ont accompagné des mourants, des malades en phase terminale ont entendu cette demande. Les lèvres sèches, le corps tétanisé, celui qui souffre ressent la soif comme un besoin absolu qui éclipse tous les autres. Jésus, exposé au soleil de Palestine de l’après-midi (30° à 35°), après avoir été battu, fouetté, et porté la poutre de bois si lourde, Jésus a soif. Affaibli, il est réduit à quémander un peu d’eau. Lui, la « source d’eau vive », il accepte cette curieuse éponge imbibée de vinaigre dont on humecte ses lèvres par humanité.

Dieu sur la croix a besoin de l’homme pour étancher sa soif…

Les significations théologiques de ce « j’ai soif » sont très belles :

- l’hysope dont on se sert pour donner à boire à Jésus est une plante rituelle, aux feuilles chevelues, utilisée pour les aspersions rituelles (Lv 14,4 ; Ps 50,9). C’est donc un symbolisme liturgique, et même pascal, que Jean met en scène pour déchiffrer dans l’agonie du crucifié le vrai passage, la Pâque ultime de notre nature humaine.

- Jésus cite le psaume 69,22 : « ils m’ont donné du poison à manger, et pour boire, du vinaigre lorsque j’avais soif »Les psaumes mentionnent souvent la soif comme la caractéristique essentielle du croyant (Ps 69,22; 22,16). « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant : quand le verrai-je face à face ? » (Ps 42,3)
« Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. » (Ps 62,2)

C’est de cette soif dont Jésus brûle sur la croix : voir son Père face à face…

À la différence des sagesses orientales qui ont fait de l’extinction de tout désir la source de la libération de la douleur, le Christ habite intensément la douleur de vivre en ayant soif jusqu’au bout d’être en communion avec son Père.

Et nous, quelles sont nos soifs si inextinguibles qu’elles nous habiteront jusqu’à notre dernier souffle ?

 

Tout est accompli

Juste avant d’expirer, Jésus relit sa mission, ces trois années passées en Palestine et à Jérusalem, ces 30 années à Nazareth et Capharnaüm, dans un éclair : oui tout cela avait un sens, oui une cohérence très forte se dessine à travers tout cela. Même cette mort infâme sur le bois de la croix vient finalement révéler et parachever le sens ultime de ces années : accomplir. « Je suis venu à accomplir, non pas abolir » (Mt 5,17), avait dit Jésus.

C’est d’abord l’accomplissement de l’Écriture qui est visé, comme Jean vient de le rappeler une fois encore juste avant, en 19,28 pour la parole sur la soif.

Accomplir l’Écriture, c’est ouvrir à toutes les nations l’Alliance avec Dieu dont Israël est le témoin depuis Abraham.

Accomplir l’Écriture, c’est aller chercher aux enfers ceux qui sont perdus pour les ramener dans l’amitié avec Dieu.

Accomplir l’Écriture, c’est vaincre la mort pour que chaque être humain soit rendu participant de la nature divine…

Mais Jésus n’a pas dit : « l’Écriture est accomplie ». Il est allé encore plus loin : « tout est accompli ».

Tout : même ce qui n’est pas humain, même le cosmos, la création tout entière est concernée par la vie nouvelle offerte en Christ.

Tout : nos erreurs, nos élans, nos réussites, nos passions, nos doutes, nos questions, notre passé, nos amours… Tout cela est accompli en Christ au sens où tout cela prend place dans le monde nouveau qu’inaugure la résurrection de Jésus.

Puisque tout est accompli, il n’y a rien ni personne à renier, et rien ne peut nous faire désespérer de l’amour qui vient à notre rencontre.

En remettant l’Esprit (19,30) le Fils offre à toutes choses, à tout être, d’être en communion avec l’amour infini du Père.

Contre cette communion offerte, la mort ne pourra rien, sinon nous introduire dans la plénitude trinitaire…

 

Et nous, quelle est notre passion d’accomplir, de porter chaque être et chaque chose à sa plénitude ?

 

Prenons le temps de méditer ces 4 paroles du crucifié dans l’évangile de Jean.

En silence, ou portés par la musique, laissons-les nous travailler, nous transformer, nous renouveler, nous conformer au Christ sur le bois de la croix, pour ressusciter avec lui au matin de Pâques.

 

Célébration de la Passion du Seigneur
1ère lecture : « C’est à cause de nos fautes qu’il a été broyé »(Is 52, 13 – 53, 12)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.

Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. S’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours : par lui, ce qui plaît au Seigneur réussira.

Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.

Psaume : 30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25
R/ Ô Père, en tes mains je remets mon esprit. (cf. Lc 23, 46)

En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ;
garde-moi d’être humilié pour toujours.
En tes mains je remets mon esprit ;
tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité.

Je suis la risée de mes adversaires
et même de mes voisins ;
je fais peur à mes amis,
s’ils me voient dans la rue, ils me fuient.

On m’ignore comme un mort oublié,
comme une chose qu’on jette.
J’entends les calomnies de la foule :
ils s’accordent pour m’ôter la vie.

Moi, je suis sûr de toi, Seigneur,
je dis : « Tu es mon Dieu ! »
Mes jours sont dans ta main : délivre-moi
des mains hostiles qui s’acharnent.

Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ;
sauve-moi par ton amour.
Soyez forts, prenez courage,
vous tous qui espérez le Seigneur !

2ème lecture : Il apprit l’obéissance et il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 4, 14-16 ; 5, 7-9)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi. En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché. Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.  Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

Evangile : Passion de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 18, 1 – 19, 42)

Acclamation :

Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur.
Pour nous, le Christ est devenu obéissant,
jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté :
il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom.
Le Christ s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. 
(cf. Ph 2, 8-9)

La Passionde notre Seigneur Jésus Christ selon saint Jean

Indications pour la lecture dialoguée : les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. En ce temps-là, après le repas, Jésus sortit avec ses disciples et traversa le torrent du Cédron ; il y avait là un jardin, dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit, lui aussi, car Jésus et ses disciples s’y étaient souvent réunis. Judas, avec un détachement de soldats ainsi que des gardes envoyés par les grands prêtres et les pharisiens, arrive à cet endroit. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes. Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils lui répondirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Il leur dit : X « C’est moi, je le suis. » L. Judas, qui le livrait, se tenait avec eux. Quand Jésus leur répondit : « C’est moi, je le suis », ils reculèrent, et ils tombèrent à terre. Il leur demanda de nouveau : X « Qui cherchez-vous? » L. Ils dirent : F. « Jésus le Nazaréen. » L. Jésus répondit : X « Je vous l’ai dit : c’est moi, je le suis.Si c’est bien moi que vous cherchez,ceux-là, laissez-les partir. » L. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. Jésus dit à Pierre : X « Remets ton épée au fourreau.La coupe que m’a donnée le Père,vais-je refuser de la boire ? » L. Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent. Ils l’emmenèrent d’abord chez Hanne, beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Caïphe était celui qui avait donné aux Juifs ce conseil : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »  Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple – celui qui était connu du grand prêtre – sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre. Cette jeune servante dit alors à Pierre : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un des disciples de cet homme ? » L. Il répondit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer. Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : X « Moi, j’ai parlé au monde ouvertement.J’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple,là où tous les Juifs se réunissent,et je n’ai jamais parlé en cachette.Pourquoi m’interroges-tu?Ce que je leur ai dit, demande-leà ceux qui m’ont entendu.Eux savent ce que j’ai dit. » L. À ces mots, un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : A. « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » L. Jésus lui répliqua : X « Si j’ai mal parlé,montre ce que j’ai dit de mal.Mais si j’ai bien parlé,pourquoi me frappes-tu? » L. Hanne l’envoya, toujours ligoté, au grand prêtre Caïphe.  Simon-Pierre était donc en train de se chauffer. On lui dit : A. « N’es-tu pas, toi aussi, l’un de ses disciples ? » L. Pierre le nia et dit : D. « Non, je ne le suis pas ! » L. Un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, insista : A. « Est-ce que moi, je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » L. Encore une fois, Pierre le nia. Et aussitôt un coq chanta.  Alors on emmène Jésus de chez Caïphe au Prétoire. C’était le matin. Ceux qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans le Prétoire, pour éviter une souillure et pouvoir manger l’agneau pascal. Pilate sortit donc à leur rencontre et demanda : A. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » L. Ils lui répondirent : F. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes et jugez-le suivant votre loi. » L. Les Juifs lui dirent : F. « Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort. » L. Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite pour signifier de quel genre de mort il allait mourir. Alors Pilate rentra dans le Prétoire ; il appela Jésus et lui dit : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus lui demanda : X « Dis-tu cela de toi-même,Ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » L. Pilate répondit : A. « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » L. Jésus déclara : X « Ma royauté n’est pas de ce monde ;si ma royauté était de ce monde,j’aurais des gardes qui se seraient battuspour que je ne sois pas livré aux Juifs.En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » L. Pilate lui dit : A. « Alors, tu es roi ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-mêmequi dis que je suis roi.Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci :rendre témoignage à la vérité.Quiconque appartient à la véritéécoute ma voix. » L. Pilate lui dit : A. « Qu’est-ce que la vérité ? » L. Ayant dit cela, il sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : A. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » L. Alors ils répliquèrent en criant : F. « Pas lui ! Mais Barabbas ! » L. Or ce Barabbas était un bandit.  Alors Pilate fit saisir Jésus pour qu’il soit flagellé. Les soldats tressèrent avec des épines une couronne qu’ils lui posèrent sur la tête ; puis ils le revêtirent d’un manteau pourpre. Ils s’avançaient vers lui et ils disaient : F. « Salut à toi, roi des Juifs ! » L. Et ils le giflaient.  Pilate, de nouveau, sortit dehors et leur dit : A. « Voyez, je vous l’amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : A. « Voici l’homme. » L. Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : F. « Crucifie-le! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » L. Ils lui répondirent : F. « Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » L. Quand Pilate entendit ces paroles, il redoubla de crainte. Il rentra dans le Prétoire, et dit à Jésus : A. « D’où es-tu? » L. Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui dit alors : A. « Tu refuses de me parler, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher, et pouvoir de te crucifier ? » L. Jésus répondit : X « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moisi tu ne l’avais reçu d’en haut ;c’est pourquoi celui qui m’a livré à toiporte un péché plus grand. » L. Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : F. « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » L. En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors; il le fit asseoir sur une estrade au lieu dit le Dallage – en hébreu : Gabbatha. C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : A. « Voici votre roi. » L. Alors ils crièrent : F. « À mort ! À mort ! Crucifie-le! » L. Pilate leur dit : A. « Vais-je crucifier votre roi ? » L. Les grands prêtres répondirent : F. « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. » L. Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié.  Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha. C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs. » Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où l’on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c’était écrit en hébreu, en latin et en grec. Alors les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : F. « N’écris pas : “Roi des Juifs” ; mais : “Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs.” » L. Pilate répondit : A. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »  L. Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : A. « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura. » L. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ;ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.  Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : X « Femme, voici ton fils. » L. Puis il dit au disciple : X « Voici ta mère. » L. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : X « J’ai soif. » L. Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : X « Tout est accompli. » L. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.  (Ici on fléchit le genou, et on s’arrête un instant.)  Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent à Pilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.  Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.
Patrick BRAUD

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