L'homélie du dimanche (prochain)

27 décembre 2020

Signes de reconnaissance épiphaniques

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Des signes de reconnaissance épiphaniques

Homélie pour la fête de l’Épiphanie/ Année B
03/01/2021

Cf. également :

L’épiphanie du visage
Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

Les signes de reconnaissance

Est-ce que vous encouragez souvent vos collègues ou vos proches ? Aimez-vous recevoir un compliment ? En donner ? Faites-vous régulièrement des feed-backs positifs aux membres de votre équipe ou de votre famille ? Êtes-vous plutôt très sobre, très neutre – voire indifférent – dans vos paroles et vos gestes sur les actions des autres ?
Vous avez sûrement remarqué qu’il suffit d’un : « Bravo, c’est super ! » ou d’un : « Good job ! »  adressé à un salarié pour voir ses yeux s’allumer et sa motivation se renforcer. Le baiser déposé sur le front de l’enfant avant qu’il ne s’endorme dans son lit, l’assurance d’un amour inconditionnel (« quoi que tu fasses, tu seras toujours chez toi à la maison ») font partie des provisions de confiance en soi qui lui permettront plus tard de traverser les crises.

Toutes ces paroles et gestes rassurent l’autre dans l’existence, l’aident à grandir (à tout âge), le conforte dans sa capacité à tenir sa place au milieu de nous. Éric Berne, le fondateur de l’Analyse Transactionnelle, a appelé signes de reconnaissance (stroke en anglais, qui est plus proche de caresse) ces retours – verbaux ou non verbaux – adressés à quelqu’un. Il appelle signe de reconnaissance « tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui » [1]. C’est un message verbal ou non, positif ou négatif, que j’envoie à l’autre pour lui signifier qu’il existe à mes yeux.

Impossible d’évoluer, de grandir, de progresser sans recevoir ces signes de reconnaissance ! L’enfant-loup en manque au point de ne pas émerger de l’animalité. Le petit d’homme que personne n’a jamais dorloté, consolé, embrassé, félicité, risque de devenir une brute ou une épave.

 

1° effet : discerner le vrai visage de l’autre

Comment reconnaître des poux ?Fort heureusement, ce n’est pas le cas du bébé de la crèche ! À peine sorti du ventre de sa mère, il a les anges pour chanter à tue-tête la merveille de sa naissance, les bergers pour se réjouir de l’événement, et aujourd’hui les mages pour lui offrir des cadeaux somptueux.

Pleinement homme, Jésus commence sa vie terrestre en recevant des signes de reconnaissance dont il a aussi soif que du lait de sa mère ! Il accueille inconsciemment ces marques d’affection, de respect, de vénération comme la confirmation de sa mission. Tel  est d’ailleurs le premier sens du mot reconnaissance en français : reconnaître en l’autre ce qu’il est vraiment. Les anges reconnaissent en lui la gloire de Dieu se manifestant aux hommes. Les bergers rapportent à Marie et Joseph ce qu’on leur a dit : « Jésus est Sauveur, Christ et Seigneur », et ils s’en vont tout joyeux d’avoir ainsi reconnu en ce tout-petit au plus bas dans la mangeoire la manifestation (l’épiphanie) du grand Dieu « au plus haut des cieux ». Les mages reconnaissent à travers leurs présents que Jésus est vraiment le Grand Prêtre par excellence (encens), le Roi des rois (or), et le Prophète qui devait venir (myrrhe) [2].

À vrai dire, les signes de non-reconnaissance sont hélas eux aussi terriblement efficaces. L’aubergiste ignore ces étrangers et prétexte qu’il n’y a pas place pour eux à l’auberge. Hérode – « ce renard » - fait semblant d’appeler « roi des juifs » ce rival potentiel qu’il veut éliminer. Nous sommes nous aussi capables hélas d’envoyer des signes négatifs autour de nous !

Tels sont les signes de reconnaissance : positifs, ils aident celui qui sait les recevoir à discerner son identité profonde, sa vocation la plus personnelle ; négatifs, ils le découragent, le révoltent ou le désespèrent. Le pire est encore l’indifférence : ne pas envoyer de signes du tout…

 

2° effet : s’ancrer dans la gratitude

Du coup, le deuxième sens du mot reconnaissance en français s’applique également dans la logique du don (comme dirait Marcel Mauss) que les mages pratiquent à l’Épiphanie : être reconnaissant, c’est accepter avec gratitude les cadeaux reçus, et témoigner auprès de leurs donateurs de leur effet positif en retour.

Ne croyez pas trop vite que cette reconnaissance-là est plus facile que la première ! Par humilité, par pudeur, à cause d’une éducation où l’on n’exprime pas ses émotions, nous avons souvent du mal à dire simplement : « le compliment que tu me fais me touche. Merci », ou bien : « ton retour m’encourage et me donne de l’énergie ». Nous avons du mal parfois à nous laisser étreindre affectueusement, à consentir à la bienveillance de l’autre, à accueillir simplement les marques d’admiration qui nous sont envoyées. Peut-être parce que nos parents ont été sévères, avares de compliments, réprimant leurs émotions. Peut-être parce que nous voulons être si parfaits que seules comptent à nos yeux les améliorations à faire et pas les progrès réalisés.

Heureux ceux qui peuvent se laisser toucher par les signes de reconnaissance offerts par leurs compagnons de route ! Il y a alors un échange réel : l’un reconnaît le positif en l’autre qui en retour est reconnaissant de ce feed-back.

Le Christ ne cessera de pratiquer cette pédagogie de la reconnaissance sur les chemins de Palestine. Il se réjouit de ce que les pécheurs, les femmes, les lépreux disent de lui. Il encourage le centurion (« jamais je n’ai vu une fois si grande en Israël ! »), les malades guéris (« ta foi t’a sauvé »), le criminel repenti (« ce soir, tu seras avec moi en paradis »), Zachée perché dans l’arbre (« aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison »), la prostituée en pleurs versant un rare parfum sur ses pieds (« elle a montré beaucoup d’amour »).

Pour les chrétiens, la source de la reconnaissance est en Dieu même : c’est la circulation de la louange trinitaire d’une Personne à l’Autre. Le Fils reconnaît le Père comme son origine, et son infinie reconnaissance est l’Esprit, don vivant qui unit les deux. En pratiquant la reconnaissance, les humains participent – même sans le savoir - à la vie trinitaire dont ils proviennent et vers laquelle ils tendent.

 

3° effet : devenir ce que nous offrons

D’où le troisième effet de cette circulation des cadeaux épiphanique que sont les signes de reconnaissance dans nos vies : ceux qui offrent sont transformés en ce qu’ils offrent, ou plutôt en celui à qui ils donnent. Si l’évangile de Luc précise que les mages sont repartis par un autre chemin, ce n’est pas seulement à cause d’Hérode, mais également parce qu’ils sont transformés grâce à l’offrande qu’ils viennent de faire. Ils ne sont plus les mêmes. L’or  offert au roi du monde les a rendus participant de cette royauté-là. L’encens offert fumant devant le Grand Prêtre par excellence les associe au culte nouveau, qui n’a plus besoin de Temple parce qu’il est « en Esprit et en vérité ». La myrrhe déposée en vue de l’ensevelissement les rend prophètes avec le Christ accomplissant les Écritures et déchiffrant chaque moment présent comme le moment de la grâce divine.

De même que nous finissons par nous assimiler à ce que nous mangeons, aux images que nous fréquentons, à la musique que nous écoutons, les mages finiront par devenir les prêtres, prophètes et rois que leurs cadeaux symbolisaient, et que l’enfant de la crèche incarnait.

Celui qui n’offre rien n’a rien.
Qui ne reconnaît jamais l’autre dans sa positivité ne sera pas lui-même reconnu.
Qui n’accueille pas la reconnaissance de l’autre se prive de provisions essentielles pour sa route.
 

De Bethléem au Golgotha Jésus ne cessera de reconnaître et de manifester en chaque visage rencontré l’étincelle divine qui s’y cache. Des mages au bon larron, il accueillera avec reconnaissance les marques de vénération qu’on lui adressera.

Il ne tient qu’à nous de devenir ce que nous offrons.
Il ne dépend que de nous de communier au Christ, afin de devenir - par lui avec lui et en lui - prêtre, prophète et roi avec l’encens, la myrrhe et l’or déposés au pied de la mangeoire de Bethléem.
Cela commence par l’humble pratique des signes de reconnaissance à donner aux autres, à accepter joyeusement pour soi-même…

 

[1]. Erice Berne, Des jeux et des hommes : psychologie des relations humaines, Stock, 1984.

[2]. Les mages offrent la myrrhe comme la femme l’onction à Béthanie : « Si elle a versé ce parfum sur mon corps, c’est en vue de mon ensevelissement » (Mt 26, 12). Ils prophétisent ainsi la mort de Jésus, car la myrrhe sert à l’embaumement des corps, ainsi que le mentionne Jean : « Nicodème  vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts » (Jn 19, 39 40).

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

 

PSAUME

(71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. (cf. 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

 

ÉVANGILE
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12)
Alléluia. Alléluia.Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda,tu n’es certes pas le dernierparmi les chefs-lieux de Juda,car de toi sortira un chef,qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

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21 avril 2019

Quel sera votre le livre des signes ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Quel sera votre le livre des signes ?

Homélie pour le 2° Dimanche de Pâques / Année C
28/04/2019

Cf. également :

Lier Pâques et paix
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Riches en miséricorde ?
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
La Trinité en actes : le geste de paix
La paix soit avec vous

Le-Livre-Memoire-de-ma-Famille-de-Marie-Odile-Mergnac-Livre-etat-tres-bonImaginez qu’on vous demande de mettre par écrit l’histoire de votre famille. Impossible de tout raconter ! Vous allez passer en revue les visages, les événements, les dates qui vous paraissent importantes, et vous allez choisir les plus significatifs. Sinon – c’est trop souvent le cas hélas dans les mémoires familiales rédigées sans la plume d’un professionnel - votre ouvrage va partir dans tous les sens, confondre l’anecdotique et l’essentiel, et sera finalement illisible. Alors que tel grand-père qui a été « poilu » en 14-18, telle arrière-grand-mère qui était parmi les premières femmes à faire des études supérieures après-guerre, le suicide d’un oncle longtemps caché, la réussite éclatante d’un autre, tels drames surmontés avec courage etc. tous ces faits saillants en diront plus long sur votre famille qu’un simple arbre généalogique ou la description banale des métiers de chacun.

Jean applique lui aussi ce principe de sélection lorsqu’il écrit son Évangile. Il nous le dit clairement à la fin, de notre passage de ce dimanche (Jn 20, 19-31) : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom ».

Comme souvent, cette phrase de conclusion est un petit trésor de méthode qui vaut pour nous encore aujourd’hui. Voyons comment.

 

On ne peut pas tout écrire

« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre… ». C’est une évidence : Jean n’a pas tout écrit. « Jésus a fait encore bien d’autres choses: si on les écrivait une à une, le monde entier ne pourrait, je pense, contenir les livres qu’on écrirait » (Jn 21,25). Dans son livre, il manque par exemple la Cène, la naissance de Jésus, son enfance, et tellement d’autres épisodes que Matthieu, Marc et Luc racontent pourtant. D’ailleurs, on les a appelés les synoptiques (= qu’on peut regarder en même temps en les  mettant en parallèle) alors que Jean ne ressemble à aucun des trois autres.

Car exhaustivité n’est pas vérité.

Quel sera votre le livre des signes ? dans Communauté spirituelle trad1Jean sait que la tradition orale continuera à perpétuer ce qu’il n’a pas écrit. Et c’est très bien ainsi. Pas d’écrit sans oral qui l’accompagne, l’entoure, le conceptualise, le précise. Pour les juifs, tout n’est pas dans la Torah : il y a également la tradition rabbinique qui au cours des siècles a produit le Talmud, la Michna, la Guémara etc. Pour les chrétiens, la Révélation n’est pas enfermée dans le livre, car l’Esprit Saint parle à travers d’autres médiations (comme la nature, la conscience, les signes des temps etc.). D’ailleurs la Révélation n’est pas une vérité, ni un texte, c’est une personne vivante : le Verbe de Dieu, irréductible aux témoignages écrits ou oraux. Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe.

Il est donc bon de ne pas vouloir tout écrire, faisant en somme confiance à la tradition orale. Mais la question redouble : si tout écrire est impossible, comment choisir ce qu’on va raconter ?

 

Le livre des signes

Le critère pour Jean est simple : « ces faits-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom ». Le filtre pour retenir tel ou tel événement et non tel autre, c’est sa capacité ou non à nourrir la confiance de lecteurs en la personne de Jésus. Le premier qu’il retient est le mariage de Cana : « Tel fut à Cana en Galilée, le commencement des signes que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » (Jn 2,11).

Littérature engagée ? Bien sûr, car quel livre pourrait se prétendre objectif, uniquement factuel ? « Un fait, ça se fait » : les historiens savent bien qu’il y a une multitude d’approches légitimes de la Révolution française ou de la Guerre de cent ans par exemple. Selon que l’on adapte le point de vue des vainqueurs, des puissants, des petites gens, des perdants… on n’aura pas le même récit ! Il suffit de comparer le contenu des journaux télévisés de France 2, Radio France International, et Arte - qui pourtant sont toutes des chaînes publiques - pour comprendre facilement que ce qui est présenté comme factuel dépend en fait du point de vue de l’observateur.

La différence entre un fait et un signe demeure capitale pour nous aujourd’hui encore. Beaucoup de faits divers ne nourrissent pas, au sens où ils ne nous font ni grandir en humanité, ni réfléchir, ni nous convertir. Si nous voulons éveiller la foi d’autrui, nous devons discerner parmi les tonnes d’informations dont nous sommes abreuvés celles qui peuvent faire signe à nos contemporains, à nos proches, à notre public. Si on vous demande de « rendre compte de l’espérance qui est en vous » (1P 3,15), n’allez pas réciter le Credo ni invoquer les miracles de Lourdes ! Témoignez plutôt de votre rencontre personnelle avec le Christ, à travers une retraite, une lecture, une rencontre, une expérience bouleversante, tout ce qui a jalonné la construction de votre foi personnelle, et pas seulement familialement héritée ou socialement conforme.

Cahiers Evangile. n° 145, Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean, 1 : le livre des signes (Jn 1-12)Jean a fait ce travail. Il a choisi 7 signes (parce que 7 est le chiffre de la Création, et avec  Jésus c’est une nouvelle création du monde qui est en jeu) qui structurent la première partie de son Évangile. Ses 12 premiers chapitres du livre sont souvent appelés : le livre des signes, et le suivant : le livre de l’Heure, tout orienté vers la Croix.

Les sept signes de l’évangile de Jean :

1. L’eau changée en vin à Cana (Jn 2, 1-12)
2. La guérison du fils d’un officier (Jn 4, 43-54)
3. La guérison d’un paralytique (Jn 5, 1-16)
4. La multiplication des pains pour les cinq mille hommes (Jn 6,15)
5. Jésus marche sur les eaux (Jn 6, 16-21)
6. La guérison de l’aveugle-né (Jn 9, 1-41)
7. La résurrection de Lazare de Béthanie (Jn 11, 1-46)

Le huitième signe est celui que nous lisons depuis Pâques : le tombeau vide, les manifestations aux femmes, aux disciples, à Thomas. Car 8 est le chiffre messianique par excellence (cf. les 8 jours de Hanoucca, de la circoncision, les 8 personnes en tout sauvées dans l’arche de Noé, les 8 marches du Temple d’Ézéchiel 40,31 etc.), le chiffre de la nouvelle création du monde (après les 7 jours de la première) qui est accomplie avec Pâques (d’où nos clochers et baptistères hexagonaux…).

 

Quel sera votre livre des signes ?

Le défi pour nous est donc celui-ci : quels événements de notre histoire peuvent devenir des signes invitant d’autres à croire ? Qu’est-ce qui dans notre parcours personnel peut faire signe à d’autres, parce qu’ils s’y reconnaîtront, ou parce que cela leur ouvrira les portes de la foi en leur rendant possible la découverte du Christ ?

220px-Chappe_telegraf Jean dans Communauté spirituelleLe mot signe (semeion en grec) employé par Jean est souvent traduit par miracle. Or c’est trop réducteur. Le mot a servi à forger celui de sémaphore, qui fait des signes aux bateaux ou aux voyageurs pour les guider à travers les dangers. Il a également donné le mot sémiotique, la science de l’analyse du langage basée sur le texte lui-même (et non son contexte). De même la sémantique, discipline étudiant la signification des mots, notamment à partir de leur étymologie et de leur histoire.

Jean discerne un signe dans un fait lorsque celui-ci peut porter à adhérer à la personne de Jésus. À ce titre, il distingue soigneusement les signes (qui font appel à la liberté intérieure de chacun) des prodiges (qui s’imposent à tous), ou même des miracles (au sens moderne du terme = de l’inexplicable, de l’irrationnel). À l’image de Jésus qui se méfiait de la course aux miracles polluant le désir spirituel des foules : « Comme les foules s’amassaient, il se mit à dire: « Cette génération est une génération mauvaise; elle demande un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d’autre que le signe de Jonas. Car, de même que Jonas fut un signe pour les gens de Ninive, de même aussi le Fils de l’homme en sera un pour cette génération » » (Lc 11, 29-35).
Notre foi ne repose pas sur des miracles, mais sur des signes, comme les 7 dont Jean atteste en s’en portant garant personnellement, témoin véridique et crédible :
« C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est conforme à la vérité » (Jn 21,24).

Alors, si on vous demande : ‘pourquoi croyez-vous ?’, quels seront les signes que vous allez choisir de raconter ? Quel sera votre livre des signes que vous allez consigner ? Qu’allez-vous mettre par écrit des événements de votre vie dans lesquels vous avez reconnu (après coup) les traces de l’amour de Dieu ? Éliminez d’emblée le miraculeux (il ne doit pas y en avoir des masses…), l’anecdotique, le convenu, l’impersonnel, bref tout ce qui ne fera pas signe à votre lecteur/auditeur. Passez au crible, au tamis de la relecture spirituelle les rencontres, les lectures, les amis, les témoignages, les expériences qui vous ont bouleversé et vous ont mis à la recherche du Christ.

Arrêtez-vous à 7, comme Jean. Davantage, ce serait du bavardage !

Et si vous n’en trouvez pas, demandez-vous sur quoi repose votre foi…

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachèrent au Seigneur » (Ac 5, 12-16)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple. Tous les croyants, d’un même cœur, se tenaient sous le portique de Salomon. Personne d’autre n’osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge ; de plus en plus, des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au Seigneur. On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l’un ou l’autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris.

Psaume
(Ps 117 (118), 2-4, 22-24, 25-27a)

R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117, 1)

Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Oui, que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire !

Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient !
De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !
Dieu, le Seigneur, nous illumine.

Deuxième lecture
« J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (Ap 1, 9-11a.12-13.17-19)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

 Moi, Jean, votre frère, partageant avec vous la détresse, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d’une trompette. Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. » Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M’étant retourné, j’ai vu sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d’homme, revêtu d’une longue tunique, une ceinture d’or à hauteur de poitrine. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, ce qui va ensuite advenir. »

Évangile
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia.
Thomas parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

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11 novembre 2015

Lire les signes des temps

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Lire les signes des temps

Homélie du 33° dimanche du temps ordinaire / Année B
15/11/2015

Comment Dieu intervient-il dans notre histoire ?
À quoi pouvons-nous reconnaître son action, son passage ?

La météo appliquée à l’histoire

Lorsque Jésus parle de sa venue, il emploie les images de son temps. Et notamment celle du figuier dans l’Évangile de ce dimanche :

« Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. »

Ailleurs, il précise encore cette comparaison du figuier :

« Voyez le figuier et les autres arbres. Dès qu’ils bourgeonnent, vous comprenez de vous-mêmes, en les regardant, que désormais l’été est proche. Ainsi vous, lorsque vous verrez cela arriver, comprenez que le Royaume de Dieu est proche. » (Lc 21, 29-31).

Il s’appuie sur la science météo empirique de son époque pour inviter à une science historique équivalente :

« Le soir venu vous dites ‘Beau temps, car le ciel est rouge’, et au matin ‘aujourd’hui tempête, car le ciel est rouge sombre’. Le visage du ciel, vous savez l’interpréter, mais les signes des temps, vous ne le pouvez » (Mt 16,2 3).

 

Vatican II et les signes des temps

Dans les années 80, et encore davantage lors du concile Vatican II, les théologiens ont vu dans ces passages d’évangile une clé de lecture de l’histoire. Si nous croyons vraiment que l’Esprit du Christ est à l’oeuvre en ce monde, alors nous pourrons discerner les traces de son travail dans certains événements, certaines personnes inspirées qui nous rapprochent du royaume de Dieu venant au-devant de nous.

C’est ce qu’on a appelé la théologie des signes des temps, en référence au texte de Vatican II décrivant cette lecture croyante de l’histoire habitée par l’Esprit de Dieu :

Afficher l'image d'origine« … L’Église a le devoir, à tout moment de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relation réciproques » (Gaudium et Spes 4,1).
« Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence du dessin de Dieu » (GS 11).

Cette lecture des événements permet à l’Église d’éviter la posture de prophètes de malheur dénoncé par Jean XXIII dans le célèbre discours d’ouverture du concile :

« Il arrive souvent que dans l’exercice quotidien de notre ministère apostolique nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu’enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines et calamités; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés; ils se conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, n’avait rien à leur apprendre et comme si du temps des Conciles d’autrefois tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et la juste liberté de l’Église. Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui, à travers la succession des temps et les travaux des hommes, la plupart du temps contre toute attente, atteignent leur fin et disposent tout avec sagesse pour le bien de l’Église, même les événements contraires. »

D’ailleurs, Jean-Paul II a clairement fixé l’ordre des priorités de la doctrine sociale de l’Église : annoncer d’abord, dénoncer ensuite, jamais l’inverse ! Car ce n’est qu’en relation à une promesse que l’on peut mesurer les écarts actuels.

« L’accomplissement du ministère de l’évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l’Église, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l’annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle-là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute. » (Sollicitudo Rei Socialis n° 41).

Au lieu de souligner tous les dysfonctionnements des sociétés humaines, la mission de l’Église est d’abord de s’attacher à valoriser tout ce qui est inspiré par un esprit de justice, de liberté, de fraternité, largement au-delà de ses frontières visibles.

Jean XXIII mentionnait ainsi les signes des temps qui émergeaient sur lui dans les années 60 : une régulation mondiale sur le plan politique (l’ONU, les droits de l’homme), la décolonisation, l’émancipation des femmes…

Jean Paul II n’a eu aucun mal à prolonger cette liste : l’effondrement du communisme en 1989, une certaine mondialisation porteuse d’espérance, le recul de la pauvreté dans le monde…

Cette lecture est toujours à poursuivre.

C’est peut-être une critique que l’on peut adresser à la belle encyclique du pape François sur l’écologie, Laudato si. Il insiste tellement sur les catastrophes écologiques à venir si on ne fait rien qu’on risquerait presque d’oublier tous les efforts déjà porteurs de renouveau et d’espérance en la matière.

 

Quels sont les signes des temps actuels ?

Rappelons encore une fois que dans le langage de Vatican II, il s’agit d’événements positifs manifestant la venue du royaume de Dieu, déjà parmi nous.

On peut alors repérer les évolutions porteuses de cette dimension eschatologique :

Afficher l'image d'origine- la libération des femmes, dans les cultures où elles sont encore opprimées, particulièrement dans les pays musulmans.

- la révolution numérique car, même si elle a des aspects inquiétants, elle contient un formidable potentiel pouvant servir le projet divin : rapprocher les peuples, augmenter les capacités humaines, transformer le travail pour qu’il soit plus humain, moins pénible et moins mécanique.

- l’aspiration écologique, car elle peut conduire à une plus grande sagesse dans la consommation (la sobriété heureuse), dans le rapport au temps, dans la solidarité entre pays et générations.

- la fin des dictatures : l’effondrement du mur de Berlin en 1989 nous a redit que tout système fermé sur lui-même finit par imploser. Les révolutions des printemps arabes ont pris le relais : même si elles ont été confisquées ensuite, pour un temps, par des pouvoirs religieux intégristes, elles finiront par porter des fruits au Maghreb et ailleurs. Et la Corée du Nord s’ouvrira un jour. Et la liberté religieuse parviendra à gagner sur l’intolérance musulmane, hindoue ou athée. Etc. 

Repérer ces forces de l’Esprit à l’oeuvre dans notre histoire ne relève ni de la naïveté ni de l’optimisme. Cela s’accompagne d’ailleurs du combat contre les régressions de toutes sortes qui s’opposent violemment à ces évolutions. Cela ne dispense pas, au contraire, de dénoncer les risques majeurs encourus par l’humanité dans ces profondes mutations sociales. Mais cette lecture des signes des temps nous oblige à parler sur fond de bienveillance, au sens premier du terme : voir d’abord le bien à l’oeuvre avant que de manifester ce qui s’y oppose. Nous n’avons vraiment pas vocation à être des prophètes de malheur, mais des sentinelles d’espérance.

Ajoutons que cette lecture des signes des temps vaut sur le plan individuel également. Notre histoire personnelle est une histoire sainte, où l’Esprit de Dieu est à l’oeuvre. Si nous prenons le temps de relire les événements qui nous marquent, si nous savons rendre grâce pour les personnes qui sont pour nous de vrais cadeaux, nous pourrons nous écrier comme Jacob à Béthel : « Dieu était là, et je ne le savais pas ! »

Il y a bien des figuiers qui produisent des fruits dans notre histoire personnelle et collective : ils annoncent la venue du Christ, dans cette ‘fin’ des temps qui est l’accomplissement aujourd’hui de la plénitude promise.

La liste de tout ce qui n’y va pas s’allonge chaque jour dans les journaux télévisés, les débats sociaux ou autour de la machine à café au bureau.

Sachons apporter à ces débats la juste espérance à laquelle nous invite la lecture des signes des temps chère à Vatican II.

 

 

1ère lecture : « En ce temps-ci, ton peuple sera délivré » (Dn 12, 1-3)
Lecture du livre du prophète Daniel

En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci. Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.

Psaume : Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11
R/ Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. (Ps 15, 1)

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

2ème lecture : « Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 11-14.18)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Dans l’ancienne Alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie.
Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché.

Evangile : « Il rassemblera les élus des quatre coins du monde » (Mc 13, 24-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Restez éveillés et priez en tout temps :
ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme.
Alléluia. (cf. Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Patrick Braud

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