L'homélie du dimanche (prochain)

5 octobre 2025

Devenir le dixième lépreux

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Devenir le dixième lépreux

Homélie pour le 28° dimanche du Temps ordinaire / Année C
12/10/25

Cf. également :
Jésus, Élisée et moi
Cadeau de janvier, ingratitude de février
Quel sera votre sachet de terre juive ?
De la santé au salut en passant par la foi
Faire miniane
Fréquenter les infréquentables
Pour en finir avec les lèpres
Cendres : une conversion en 3D

Antonietta Raco lors d'un précédent pèlerinage à LourdesLe sanctuaire de Lourdes vient d’annoncer son 72e miracle officiellement reconnu depuis 1858 : l’Italienne Antonia Lofiégo a été subitement guérie d’une sclérose latérale primitive après un pèlerinage à Lourdes en 2009.
Le processus du bureau médical chargé d’examiner les malades se déclarant guéris à Lourdes est très précis : critères exigeants, enquête à charge et à décharge, avec des experts scientifiques croyants et athées, puis constat final d’une guérison inexpliquée dans l’état actuel de nos connaissances. Le diocèse du malade guéri prend alors le relais et enquête à son tour sur le plan spirituel pour voir si l’Église peut qualifier cette guérison de miraculeuse, selon des critères de foi, et selon le témoignage de vie de l’ex-malade.
Devant la guérison de nos 10 lépreux de ce dimanche (Lc 17,11-19), le bureau médical de l’époque aurait pu constater 10 guérisons inexpliquées, mais seul le diocèse de Samarie aurait pu proclamer un miracle pour celui qui est revenu vers Jésus !

1. Des miracles, toutes les religions en arborent fièrement !

* L’Ancien Testament juif est rempli de guérisons et hauts faits étonnants accomplis par Moïse, les prophètes, ou YHWH lui-même. Environ 80 à 90 miracles sont ainsi recensés, qui vont de la guérison (comme le syrien Naaman guéri de la lèpre dans notre première lecture 2R 5,14-17) à la résurrection des morts en passant par le franchissement de la mer Rouge ou la manne etc.

* L’évangile de Luc que nous lisons en cette année C relate environ 21 miracles. On en trouve 22 chez Matthieu, 20 chez Marc et 7 chez Jean. Soit 37 miracles au total si on enlève les doublons entre les 4 versions. C’est donc qu’ils tiennent une grande place dans la foi des premières communautés.

Il n’y a pas que les traditions juives ou chrétiennes qui parlent de miracles.
Devenir le dixième lépreux dans Communauté spirituelle les-miracles-du-prophete-ibn-kathir-almadina* En islam, outre la reprise de quelques miracles bibliques (et l’invention d’autres qui sont dans des apocryphes), Mohamed (comme Jésus, bizarrement ; faut-il y voir un décalque ?) a guéri un enfant possédé (épileptique), et également un aveugle. Il a guéri l’œil de ‘Ali (en lui crachant sur les yeux, à la manière de Jésus là encore). Et les hadiths racontent le miracle du jaillissement de l’eau d’entre les doigts du Prophète pour les ablutions de 300 personnes… Le livre même du Coran, supposé descendre du ciel, est présenté comme le plus grand miracle. Notons qu’une femme demanda à Mohamed de la guérir, mais il lui promit le Paradis à la place de la guérison, trace de la distinction guérison / salut que fait avant lui notre évangile de Luc.
La tradition musulmane attribue également aux saints (awliyā’ Allāh) le don de guérison. Ainsi de nombreux témoignages soufis racontent qu’Abd al-Qādir al-Jīlānī (XI°–XII°), fondateur de la Qādiriyya, guérissait des malades incurables par ses prières. D’autres certifient que Rābiʿa al-ʿAdawiyya apaisait par sa seule présence les douleurs ou fièvres de ceux qui venaient la voir. Des pèlerins disent avoir été guéris en priant sur la tombe de Aḥmad al-Badawī (Égypte, XIII°) ou en buvant de l’eau ayant touché son linceul. Les mausolées contenant les reliques des saints musulmans font l’objet de pèlerinages et de nombreux récits de guérison.

1024px-Shahadin_001 guérison dans Communauté spirituelle

Krishna soulève le Mont Govardhana

* Dans le bouddhisme, on raconte la guérison du lépreux Suppabuddha grâce à son illumination, ou l’efficacité de la parole du Bouddha sur ses disciples malades. Et les maîtres bouddhistes (bodhisattvas) guérissent par des mantras, des talismans bénis, ou un chant méditatif. Comme à Lourdes, l’eau bénite dite « eau du Bouddha » peut guérir des fidèles malades, et les statues ou reliques des grands saints ont un pouvoir de guérison attestée par les croyants.

* Le shintoïsme n’est pas en reste, avec des divinités stoppant des épidémies, des sources et bains sacrés (onsen) soignant massivement, des amulettes favorisant la santé, des sanctuaires portatifs (mikoshi) portés lors de grandes fêtes, de l’eau bénite (misogi ou temizu) que les pèlerins boivent pour s’imprégner de la force salutaire de la divinité locale (kami) etc.

Cette rapide énumération est troublante : il semblerait que les miracles de guérison ne soient pas l’apanage du seul christianisme…
La science moderne explique l’universalité de ce phénomène par l’effet placebo, et l’interaction si forte entre le psychique, le spirituel et le physique chez l’homme. Il est vrai qu’aujourd’hui on ne voit plus de guérisons miraculeuses de la lèpre, depuis qu’on a découvert que c’est l’œuvre d’une bactérie (le bacille de Hansen) en 1873 et qu’on sait la guérir plus efficacement avec une polychimiothérapie qu’avec une gourde d’eau bénite… De même on ne parle plus de miracle en voyant Jésus guérir un enfant épileptique, même si l’impact relationnel peut être énorme dans ce genre de maladie.
Autrement dit : il n’est pas impossible qu’un miracle aujourd’hui devienne une guérison explicable demain. Ce qui faisait dire au grand scientifique protestant Théodore Monod : « Je ne crois pas à cause des miracles, mais malgré les miracles »…
Car le miracle n’est pas central en christianisme. On sait qu’on peut être catholique sans croire à ceux de Lourdes : ce n’est pas l’essentiel de la foi. La foi repose sur un don gratuit venant de Dieu, et non une démonstration de force qui obligerait à croire.

Alors, revenons à notre lépreux samaritain pour examiner en quoi sa transformation peut devenir la nôtre.

 lèpre

Faire miniane / faire Église

2. L’itinéraire d’un enfant gâté
– Le contexte liturgique
Luc veut sans aucun doute faire une catéchèse sur la vraie liturgie à travers ce récit. Avec le nombre de lépreux d’abord : 10, c’est le nombre minimum de juifs à rassembler pour constituer un miniane, une assemblée de prière habilitée à réciter les psaumes et les bénédictions au Temple ou à la synagogue. Il faut faire 10 (symbole d’alliance cf. le Décalogue), faire miniane, sinon ce n’est pas valable. On accepte même un samaritain – un hérétique ! – dans cette ekklesia liturgique, car sans lui les lépreux ne seraient pas 10 et ne pourraient pas rendre grâce à Dieu.

Le contexte liturgique est souligné par l’adresse que ces 10 lancent à Jésus : « Maître ! ». Or, chez Luc, seuls les apôtres – Pierre et Jean tout particulièrement – appellent Jésus ainsi. Il n’y a que 7 usages du nom « maître » (πισττης = epistates) dans son Évangile [1] : 6 pour les apôtres et 1 pour nos lépreux qui sont donc mis sur le même rang ! Cette invocation est liturgique, et ressemble au « Seigneur ! » dont est parsemée notre liturgie chrétienne.
Comme est liturgique la supplication des lépreux : « aie pitié de nous » (λεω = eleeō). Vous y avez reconnu notre Kyrie eleison du début de la messe…

L’orientation liturgique se confirme avec le demi-tour du samaritain une fois guéri. Les autres continuent vers le Temple de Jérusalem. Le Samaritain se retourne, opère littéralement une conversion en se tournant vers Jésus au lieu du Temple. Il savait bien que le vrai Temple n’est pas à Jérusalem (il croyait qu’il était sur le Mont Garizim !) ; du coup il peut plus facilement se « convertir » = faire demi-tour pour ne plus aller vers le Temple de Jérusalem, mais vers Jésus ; il ne se prosterne plus devant le Saint des Saints mais aux pieds de Jésus…

Le vrai Temple n’est pas quelque part, mais « au cœur » de chacun : « On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet, voici que le règne de Dieu est au milieu de vous.” » (Lc 17,21)
Une autre personne de Samarie – la femme au puits de Jacob – a elle aussi cherché le vrai Temple : « Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là (Garizim), et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.” Jésus lui dit : “Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. […] Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer.” » (Jn 4,20-24)

Derrière le récit de guérison se cache donc une catéchèse liturgique : le culte de Jérusalem est remplacé par la vénération de Jésus ; rendre gloire à YHWH c’est reconnaître Jésus comme Maître et Seigneur ; le royaume de Dieu n’est pas ici ou là mais dans le cœur de chacun ; l’adoration véritable est « en esprit et en vérité », et nul temple ne peut l’enfermer.

– Marcher pour guérir
28DTO2019 miracle
Comment ne pas être étonné ? Jésus ne les guérit pas avec une incantation, un geste ou une parole magique, une imposition des mains par exemple. Il leur dit juste d’aller au Temple, ce qui à l’époque veut dire marcher, se mettre en route dans la chaleur et la poussière, sur des kilomètres. Ce n’est qu’en cours de route qu’ils sont guéris, on ne sait comment. Sans la marche, rien n’aurait changé pour eux. Or, marcher des heures sous le soleil de Palestine quand on est lépreux, marginalisé et dénué de tout à cause de la maladie, ce n’est pas rien…

On connaît aujourd’hui les bienfaits que la marche procure pour la santé de l’organisme. Et les marcheurs des sentiers de Compostelle témoignent de la transformation intérieure que cette pérégrination exerce sur eux. En obéissant à Jésus, en marchant, les 10 lépreux redeviennent acteurs de leur lutte contre la maladie. Ils ne mendient plus. Ils n’errent plus sans but. Ils ne se résignent ni ne se révoltent. Il marchent…
De quoi nous secouer, lorsque nos problèmes de santé physique ou spirituelle nous démoralisent et nous paralysent…

– Faire demi-tour
 prodige
On l’a souligné : le retournement géographique du samaritain est symbolique le sa conversion spirituelle.

N’espérons pas devenir chrétien sans une telle conversion par retournement, lorsqu’il nous faudra faire demi-tour, en rebroussant chemin à 180° sur certaines orientations de nos vies…

– Ta foi t’a sauvé
Étonnons-nous encore : si on suit la lettre du texte, ce n’est pas Jésus qui a sauvé le lépreux guéri, mais la foi de l’ex-malade ! « Ta foi t’a sauvé » est un leitmotiv qu’on retrouve 4 fois dans l’évangile de Luc. Au cours d’un repas dans la maison d’un pharisien, Jésus constate que la foi d’une femme ayant répondu du parfum et ses larmes sur ses pieds lui a apporté le salut : « Jésus dit alors à la femme : “Ta foi t’a sauvée. Va en paix !” » (Lc 7,50). De même pour la femme hémorroïsse : « Jésus lui dit : “Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix.” » (Lc 8,48). Puis c’est notre samaritain lépreux : « Jésus lui dit : “Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé.” » (Lc 17,19). Et enfin l’aveugle de Jéricho : « Et Jésus lui dit : “Retrouve la vue ! Ta foi t’a sauvé.” » (Lc 18,42).

Nous devrions être choqués : ce n’est pas Jésus qui sauve ici, mais la foi (et on ne dit pas d’ailleurs la foi en qui). C’est donc que chacun de nous peut être acteur de son salut, s’il accueille la foi comme le principe moteur de sa vie (= ce qui le fait « marcher »).

- Distinguer guérison / salut / signe-miracle / prodige
Notons au passage les distinctions ainsi opérées :

EV_Jesus__Lepreux signe* La guérison est un phénomène physique qui n’entraîne pas automatiquement le salut. Même les 9 autres lépreux qui ne manifestent pas leur foi en Jésus en bénéficient.
* Le salut n’est pas lié à la guérison, mais à la foi.
* Le miracle (en grec : σημεον = semeion = signe) est plus grand que la guérison, car c’est un signe qui manifeste la foi du guéri, et peut aider les autres à croire. Plus de 10 000 miracles ont été reçus et étudiés collégialement par le bureau des constatations médicales de Lourdes depuis sa création en 1883. Or, seuls 72 ont été officiellement reconnus à ce jour.
* Le prodige ne relève d’aucun de ces termes : le prodige est une violation apparente des lois de la nature, qui s’impose à tout le monde (ex : les 10 plaies d’Égypte). Là encore, toutes les religions revendiquent des prodiges plus ou moins spectaculaires [2]. Jésus - lui - n’a pas opéré de prodiges. À vrai dire, il s’en méfiait… comme de la peste ! On lui demandait sans cesse de faire des guérisons, des signes, des miracles, des prodiges… et cela l’insupportait au plus haut point ! « À la vue de Jésus, Hérode éprouva une joie extrême : en effet, depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle » (Lc 23,8). « D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel » (Lc 11,16). Jésus leur répond vertement : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération » (Lc 11,29-30).
Le seul signe que Jésus veut livrer est « le signe de Jonas », c’est-à-dire sa Passion et sa résurrection par amour de tous.

Nous sommes capables de nous auto-guérir. Mais seule la foi peut nous transformer en signes vivants de l’amour du Christ, malades ou non.
Méditons cette semaine l’itinéraire du lépreux samaritain guéri, puis sauvé : que voudrait dire marcher pour guérir ? Quel serait mon demi-tour à moi ?…

______________________________________

[1]. Lc 5,5 ; 8,24 ; 8,45 ; 9,33 ; 9,49 ; 17,13.

[2]. Par exemple, le 23 septembre 1995, au Temple Sri Manicka Alayam, (Paris) la communauté hindoue affirme avoir assisté à un événement sans précédent : les statues du dieu-éléphant Ganesh, boivent le lait qui est déposé en offrande le jour de sa fête. Le prodige aurait même pu être observé à la même époque dans différents temples à New York, New Delhi, Los Angeles, à l’île Maurice, au Sri Lanka, à Londres et au Canada. Pour les hindous, cette manifestation spectaculaire annonce la fin d’un cycle (plusieurs milliers d’années), et l’entrée dans une ère nouvelle inscrite dans les écritures sacrées du Véda.

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Naaman retourna chez l’homme de Dieu et déclara : Il n’y a pas d’autre Dieu que celui d’Israël » (2 R 5, 14-17)
 
Lecture du deuxième livre des Rois
En ces jours-là, le général syrien Naaman, qui était lépreux, descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois, pour obéir à la parole d’Élisée, l’homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! Il retourna chez l’homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ! Je t’en prie, accepte un présent de ton serviteur. » Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n’accepterai rien. » Naaman le pressa d’accepter, mais il refusa. Naaman dit alors : « Puisque c’est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël. »
 
PSAUME
(Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4)
R/ Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations. (Ps 97, 2)
 
Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s’est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
il s’est rappelé sa fidélité, son amour,
en faveur de la maison d’Israël.

La terre tout entière a vu
la victoire de notre Dieu.
Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !
 
DEUXIÈME LECTURE
« Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons » (2 Tm 2, 8-13)
 
Lecture de la deuxième lèpre de saint Paul apôtre à Timothée
Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.

Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même.
 
ÉVANGILE
« Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 11-19)
Alléluia. Alléluia. Rendez grâce à Dieu en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. Alléluia. (1 Th 5, 18) 
 
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.

L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Patrick Braud

Mots-clés : , , , ,

4 décembre 2022

Le lac des signes

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le lac des signes

 

Homélie pour le 3° Dimanche de l’Avent / Année A 

11/12/2022 

 

Cf. également :

Le doute de Jean-Baptiste

Dieu est un chauffeur de taxi brousse

L’Église est comme un hôpital de campagne !

Du goudron et des carottes râpées

Gaudete : je vois la vie en rose

 

Le vieux rabbin à Rome

Du fond de sa prison, Jean-Baptiste doute.

Du fond de nos obscurités, nous doutons nous aussi.

Sans doute pas pour les mêmes raisons. Mais tous dans ces moments-là nous cherchons des signes pour nous y raccrocher. Des signes, c’est-à-dire des preuves, ou du moins des indices, des points d’appui, des raisons d’y croire.

 

On raconte qu’un vieux rabbin vivait autrefois dans un quartier chrétien qui voulait le convertir. Les habitants du quartier se cotisèrent pour lui payer un voyage à Rome, en se disant : ‘il verra la splendeur de Rome et du Vatican ; il se convertira !’ Le vieux rabbin y alla, et revint en racontant la corruption financière, les scandales de mœurs au Vatican, la richesse écœurante des bâtiments de l’Église… La figure de ses voisins s’allongeait au fur et à mesure de son récit : ‘sûrement on a loupé notre coup’. Mais le rabbin termina en disant : ‘si une institution aussi corrompue et mélangée que l’Église a pu survivre et transmettre pendant 2000 ans un message d’amour, c’est qu’elle doit être habitée par le Saint béni soit-il !’… De façon contre-intuitive, le péché de l’Église était devenu pour lui un signe de la présence de Dieu en elle !

Pouvons-nous faire un chemin semblable à celui du rabbin ?

Cahiers Evangile, n° 145. Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean, 1 : le livre des signes (Jn 1-12)Jésus donne les signes suivants : « Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ».
Le Pasteur Louis Perrot [1] souligne la contradiction qui est alors la nôtre : 

Aujourd’hui donc, Jésus guérit-il physiquement les croyants ? Apparemment non, en tout cas pas couramment. Les chrétiens meurent autant de cancers effroyables, et de maladies abominables et il n’y a pas moins d’aveugles chez les croyants que chez les athées. Alors faudrait-il penser qu’autrefois Jésus guérissait mais que maintenant il ne le fait plus ? Ce serait une insulte à la foi dans la résurrection du Christ. Normalement le Christ ressuscité n’est pas moindre que le Christ des Évangiles, ce n’est pas une portion inefficace du Jésus des temps apostoliques. (…)
Et l’on nous dit que l’Évangile est une bonne nouvelle, et si la bonne nouvelle c’est qu’il y a deux mille ans, il guérissait les malades, et ressuscitait les morts, mais qu’aujourd’hui non, alors ce n’est pas une bonne nouvelle pour aujourd’hui. On ne peut pas faire miroiter des choses aux gens, et leur dire qu’en fait ils en sont exclus. Insister sur les miracles de guérisons de l’Évangile et ne pas les attendre physiquement pour aujourd’hui, c’est rendre l’Évangile caduque, et l’exclure de fait de la vie de nos contemporains. 

Depuis qu’il y a des croyants, on n’a jamais vu qu’ils ne meurent pas de maladie, ni qu’ils ressuscitent en chair et en os. Améliorer la vue, l’ouïe, la marche, guérir la lèpre : tout cela relève plus de la science médicale que de la foi.
Alors, où sont les signes du Messie aujourd’hui ?

 

Pourquoi Jean-Baptiste et les juifs doutent sévèrement que Jésus soit le Messie ?

Nous ne réalisons pas combien il était difficile – et encore aujourd’hui – pour des juifs pratiquants de reconnaître le Christ en Jésus. Les objections, les contradictions sont trop nombreuses à lever pour qu’ils puissent facilement appeler Jésus ‘le Christ (Messie)’. Énumérons les principales difficultés, qui ont un retentissement toujours actuel, même chez les païens de ce temps.

 

- Le Messie doit rassembler les juifs à Sion. 

Le messie juifNotre première lecture de ce dimanche se fait l’écho de ce rassemblement : « Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient ».

Et Isaïe l’annonce : « Je ferai revenir ta descendance de l’orient ; de l’occident je te rassemblerai. Je dirai au nord : ‘Donne !’ et au midi : ‘Ne retiens pas ! Fais revenir mes fils du pays lointain, mes filles des extrémités de la terre » (Is 43, 5‑6).

« Alors le Seigneur changera ton sort, il te montrera sa tendresse, et il te rassemblera de nouveau du milieu de tous les peuples où il t’aura dispersé. Serais-tu exilé au bout du monde, là même le Seigneur ton Dieu ira te prendre, et il te rassemblera. Le Seigneur ton Dieu te fera rentrer au pays que tes pères ont possédé, et tu le posséderas ; il te rendra heureux et nombreux, plus encore que tes pères » (Dt 30, 3‑5).

Or après la mort de Jésus, les juifs ont été dispersés (Diaspora) sur toute la surface de la terre après la catastrophe de 70 (prise de Rome par les Romains, destruction du deuxième Temple). Si Jésus avait été le Messie, c’est l’inverse qui aurait dû se produire ! Certes il y a eu le retour d’une grande partie du peuple juif à Jérusalem et en Palestine depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Mais ce retour à Sion a été davantage l’œuvre de Golda Meir et Ben Gourion que de Jésus. De manière grinçante, ce rassemblement à Jérusalem annoncé par les prophètes est plus dû à Hitler et la Shoah qu’à l’Évangile…

 

Infographie: Le monde en guerre en 2021 | Statista- Le Messie introduira une ère de paix dans le monde, et mettra fin à toute haine, oppression, souffrance et maladie. Comme il est écrit : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2,4 ; Mi 4,3‑4).

Or visiblement ce n’est pas le cas. Yémen, Mali, Arménie, Tibet, Ukraine, Syrie, Libye, Ouïgours, Kurdistan… : la liste des conflits violents et inhumains qui déchirent notre communauté humaine est hélas une litanie dont les horreurs émaillent chaque siècle depuis l’aube des temps. Dans sa guerre d’invasion de l’Ukraine, la « Sainte Russie » orthodoxe ne fait qu’écrire un énième chapitre de la liste sanglante des atrocités dont l’homme est capable, liste qui n’est pas prête de se terminer. « Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1, 9).

Le Messie devrait être un opérateur de paix, une paix perpétuelle et universelle. Or rien n’a changé depuis Jésus. L’humanité est toujours la même : guerrière, agressive, violente, maléfique. L’échec de cette mission de Jésus est un argument de doute redoutable : la venue de Jésus n’a finalement rien changé dans l’histoire. L’homme est toujours violent, barbare, violeur, pilleur, voleur. Ce qu’a apporté Jésus n’est d’aucune utilité pour améliorer le cours de l’histoire. Ses Églises ont même pris leur part – hélas ! – de massacres, d’esclavages, de colonisations, de dominations etc. C’est un doux rêve de croire que ce juif a incarné un tournant dans l’histoire, car rien n’a changé depuis sa mise à mort.

 

- Il étendra la reconnaissance de Yahvé à toute la terre. 

« Alors le Seigneur deviendra roi sur toute la terre ; ce jour-là, le Seigneur sera unique, et unique, son nom » (Za 14, 9).

Or les trois monothéismes représentent péniblement la moitié de l’humanité. L’animisme, l’athéisme, l’agnosticisme, le bouddhisme et autres croyances diverses ont de beaux jours devant elles. Le triomphe du christianisme à partir du IV° siècle n’était qu’apparent, ne concernait que l’Occident, et semble très compromis dans l’avenir.

 

- Le Messie doit reconstruire le Temple de Jérusalem. 

Le lac des signes dans Communauté spirituelle Second-Temple-Herode02« Je conclurai avec eux une alliance de paix, une alliance éternelle. Je les rétablirai, je les multiplierai, je mettrai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours. Ma demeure sera chez eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Alors les nations sauront que Je suis le Seigneur, celui qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera au milieu d’eux pour toujours » (Ez 37, 26‑28). Des activistes juifs essayent même de chasser les musulmans du Dôme du Rocher pour y construire ce Temple, et hâter ainsi la venue du Messie !
Malgré Jésus, le Temple a été et reste détruit. Les chrétiens ont spiritualisé cet échec en transférant sur le corps de Jésus cette œuvre de reconstruction : détruit par la mort, il est reconstruit en trois jours par la résurrection. Ou sur l’Église, nouveau Temple de Dieu, réalisation de cette promesse messianique. Habile façon d’honorer les prophéties pour ceux qui acceptent la résurrection ainsi que l’Église comme nouveau Temple. Mais pour les juifs terre-à-terre, les ruines sous la mosquée d’Al Aqsa attendent toujours un Messie pour les relever…

 

À toutes ces objections fonctionnelles (Jésus ne remplit pas les missions attribuées au Messie des Écritures), les juifs ajoutent des objections personnelles :

 

- Jésus ne peut pas être le fils de David comme doit l’être le Messie, car la filiation se transmet par le père et l’on dit que le père de Jésus est inconnu.

 

 doute dans Communauté spirituelle- Jésus aurait dû respecter l’intégralité de la Torah et non la changer partiellement, prendre des libertés sacrilèges avec elle (collecte d’épis, guérisons, travail le jour du sabbat etc.) : « Tout ce que je vous commande, vous veillerez à le mettre en pratique. Tu n’y ajouteras rien, tu n’en retrancheras rien. S’il surgit au milieu de toi un prophète ou un faiseur de songes, qui te propose un signe ou un prodige, – même si se réalise le signe ou le prodige qu’il t’a annoncé en disant : ‘Allons à la suite d’autres dieux que tu ne connais pas, et servons-les !’ –, tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète ou de ce faiseur de songes » (Dt 13,1‑4). Les pharisiens expriment une critique juive difficile à réfuter : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat » (Jn 9,16).

 

- Jésus est mort sur la croix comme un criminel, condamné par les Romains et les Juifs. Or le Messie doit être victorieux. Et Dieu ne peut laisser mourir son Oint, ce serait un échec absolu. Le Coran, héritier en cela de la tradition juive, se scandalise que les chrétiens affirment la crucifixion de Jésus. Mohamed invente dans le Coran la scène où un sosie est crucifié à sa place, et affirme que Jésus est monté directement au ciel sans passer par la croix. Le scandale de la croix est incompatible avec la dignité messianique pour les juifs comme pour les musulmans.

 

- Ajoutons que la résurrection d’un seul homme est impensable en judaïsme comme en islam. Le Messie doit inaugurer la résurrection générale (que les trois monothéismes attendent, même si c’est de façon différente), mais un seul ne peut ressusciter avant tous, fut-il le Messie.

 

Bref, Jean-Baptiste a raison de douter, en bon juif qu’il est.

Et nous ? Les preuves que Jésus donne aux envoyés du Baptiste sont-elles encore opérantes pour nous ?

 

Il nous faut habiter longuement ces questions, et ne pas y répondre trop vite…

Au cours des siècles, 3 solutions ont été élaborées par les communautés chrétiennes :

 

a) Insister sur les miracles et les prodiges actuels

8_FebMar2020_CWH_MainArticle_Graphic-846x508 juifCette tentative est présente dans le Nouveau Testament, où l’on voit les apôtres guérir et faire des miracles à la manière de Jésus, pour démontrer que leur prédication est vraie. Elle s’est très vite éteinte avec les persécutions des trois premiers siècles où le vrai miracle était soit de survivre, soit de trouver le courage d’aller aux lions sans renier le Christ ! Mais la tentation revient aujourd’hui, à la faveur notamment des fondamentalistes chrétiens qui prospèrent sur la misère sociale en Afrique, en Amérique du Sud, et sur la misère spirituelle en Occident. Les évangélistes, les baptistes, les Églises autoproclamées essaient d’élargir leur audience en promettant force guérisons spectaculaires, impositions des mains magiques, prières pour résoudre les problèmes personnels (succès, bonheur et santé assurés !). Chez les cathos, les plus tradis tombent dans le piège en multipliant les neuvaines, les buzz autour de soi-disant apparitions mariales, les shows et miracles charismatiques importés de mégachurchs US etc.

 

Redisons-le : la médecine occidentale a plus fait en un siècle de progrès pour la santé et l’espérance de vie que 20 siècles de traitement religieux des maladies…

Dans une culture préscientifique, on peut présenter des guérisons extraordinaires comme des signes de la foi religieuse qui les génère. Mais mieux vaut un bon CHU et des laboratoires puissants que des pèlerinages où l’on demande des guérisons. Mieux vaut une agriculture rationnelle et raisonnée que les rogations ou les œufs aux clarisses…

Maimonide osait rabrouer ses disciples trop crédules : « Ne crois pas que le roi messie doit réaliser miracles et prodiges, changer des choses dans le monde ou ressusciter les morts et toutes ces sortes de choses que disent les sots. Il n’en est rien » (Michne Tora, Lois sur les rois, Ch. 11,3).

 

Peut-être notre culture devient-elle post-scientifique ? La crise de la Raison (fake news, post-vérité, relativisme, post-démocratie…) permettrait alors le surgissement de pratiques obscures sur lesquelles certains essaieraient de fonder leur religion. Quelle régression ce serait… !

 

b) Reporter les signes à la fin

41FStCEQTwL MessiePuisqu’ils n’accompagnent plus la première venue du Messie, les chrétiens ont très vite imaginé que les signes se produiraient à la fin des temps, lors de l’ultime venue du Christ. Sur l’air de : ‘vous ne voyez rien aujourd’hui. C’est normal. Mais vous ne perdez rien pour attendre : vous verrez bien lors du Jugement dernier, tout cela se réalisera !’ Ce report eschatologique des signes messianiques a ses heures de gloire, depuis l’Apocalypse de Jean jusqu’aux innombrables tableaux magnifiques du Jugement dernier. Mieux encore : cette espérance d’une venue enfin accompagnée de tous les signes nécessaires a nourri l’imaginaire et l’espérance de dizaines de générations pour résister au mal, pour lutter contre les tyrans, pour être fidèles jusqu’à la mort.

Cette ardente solution au problème des signes manquants peut encore nous inspirer. Oui nous attendons la venue ultime où tous et tous seront Dieu en Dieu. D’ici là, nous devinons comme à travers un brouillard les réalités qui nous attendent. Nous les frôlons parfois, nous les anticipons dans les sacrements, la liturgie, la vie fraternelle, le service des pauvres. Mais c’est « de nuit » comme dirait Saint Jean de la Croix, en espérance, sans évidence aucune. De quoi récuser les délires soi-disant apocalyptiques de nombre de groupes d’illuminés…

 

c) Spiritualiser les signes messianiques

 signeC’est la plus élégante des 3 solutions aux problèmes des signes manquants. Ce que Jésus réalisait dans la chair se produit aujourd’hui dans les cœurs, dans les esprits. Il faisait entendre les sourds, et bien des sourds entendent désormais la Parole de Dieu. Il ouvrait les yeux des aveugles, et bien des convertis ouvrent les yeux sur un univers intérieur qu’ils ne soupçonnaient pas. Il faisait marcher les boiteux et grâce à l’Évangile des milliers de gens retrouvent l’usage de leurs deux jambes spirituelles. La foi chrétienne apporte une illumination intérieure, une guérison des blessures intimes, une harmonie avec le soi profond et avec l’univers. Les signes messianiques contemporains s’appellent bien-être personnel, retour à soi, réconciliation avec soi-même et l’univers. Ou alors, ce seront des signes militants pour une écologie intégrale : choix pour une sobriété heureuse, respect de l’environnement, spiritualité écologique, réforme des systèmes polluants etc.

Dans les années 60-90, c’était plutôt la Révolution, la lutte des classes, la justice sociale, les décolonisations qui étaient les signes messianiques ou du moins relus comme tels par les cathos de l’époque. Quelques désillusions plus tard, le risque est grand de ne devenir qu’un chamanisme ou une O.N.G. parmi d’autres…

 

BILAN :

La première solution est naïve et fonctionne auprès de ceux dont les besoins fondamentaux, en bas de la pyramide de Maslow, ne sont pas honorés. Son atout est de prendre soin concrètement de quelques problèmes individuels pour leur apporter une réponse immédiate et concrète : une guérison, un secours, une bouée de sauvetage. Le risque serait de transformer l’espérance messianique en soupe populaire, en parenthèse enchantée réservée à quelques-uns. D’ailleurs, d’autres religions, d’autres sagesses prétendent donner les mêmes fruits de guérison et de miracle sans recourir au Dieu d’Israël. Et tous ceux qui aiment la Raison auront du mal à apprécier une religion magique.

 

La deuxième solution est radicale : ne vous étonnez pas que certains de ces signes ne se produisent pas encore, car nous attendons la seconde venue du Messie ! Imparable… mais l’Occident se fatigue d’attendre la réalisation d’une promesse qui tarde à venir et ne change rien au présent.

 

La troisième solution est intelligente, et nourrit la spiritualité chrétienne depuis des siècles. Les signes messianiques sont en nous, et avec les yeux de la foi nous voyons des gens ne plus claudiquer intérieurement, trouver un sens à leur vie, entendre un appel à aimer. Cependant, le risque est grand à terme de séculariser la foi chrétienne en la réduisant à un bien-être intérieur. Comme la médecine a pris le relais des miracles, le développement personnel prendra le relais de la conversion spirituelle, sans recourir à Dieu.
Heureusement, il nous reste toujours le dernier critère, qui – lui – reste toujours actuel : « la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres »

L’inquiétude demeure cependant devant ce lac des signes bien plat, où apparemment il ne se passe rien.
Lack of signs, parodierait l’humour britannique pour déplorer ce manque de signes…

Ne répondons pas trop vite. Comme Jean-Baptiste, envoyons au Christ nos émissaires pour lui demander : es-tu celui qui doit venir ? à quoi pouvons-nous le reconnaître ?


[1]Pourquoi Jésus a-t-il guéri ?, Prédication prononcée le 28 septembre 2014, au Temple de l’Étoile à Paris, par le Pasteur Louis Pernot.
Cf. https://etoile.pro/en-relation-a-dieu/predications/pourquoi-jesus-a-t-il-gueri-lp

 



 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Dieu vient lui-même et va vous sauver » (Is 35, 1-6a.10) 

 

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient.

 

PSAUME

(Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10a)
R/ Viens, Seigneur, et sauve-nous ! ou : Alléluia ! (cf. Is 35, 4)

 

Le Seigneur fait justice aux opprimés,
aux affamés, il donne le pain,
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,


le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes.

Le Seigneur protège l’étranger,
il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Tenez ferme vos cœurs car la venue du Seigneur est proche » (Jc 5, 7-10)

 

Lecture de la lettre de saint Jacques

Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.

 

ÉVANGILE
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11, 2-11)
Alléluia. Alléluia. L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 61,1)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

25 février 2012

Une recette cocktail pour nos alliances

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Une recette cocktail pour nos alliances

 

1° Dimanche de Carême  / Année B

26/02/2012

 

« Quand on verra l’arc dans la nuée,  je me souviendrai de mon alliance entre moi, vous, et tout être vivant… »

 

Ce célèbre passage marque la première d’une longue série d’alliances. Il y aura après cette alliance noachique l’alliance abrahamique (la circoncision, l’alliance « entre les morceaux »), l’alliance davidique (avec l’onction d’huile pour introniser le roi) etc., jusqu’à la nouvelle Alliance en Jésus (le pain et le vin eucharistiques).

Ces alliances ont une structure commune, qui peut nous aider à faire vivre les alliances qui sont les nôtres, qu’elles soient amicales, sociales, ecclésiales, associatives etc…

Leur but ultime est finalement l’amour, à travers quatre composantes essentielles : l’amour demande des signes, une parole, une  mémoire, il est un appel à l’unité trinitaire.

 

1. Une alliance demande des signes

L’arc dans la nuée, c’est d’abord un signe, signe visible pour qui sait relever la tête et ne pas toujours rester le nez sur ses souliers. Un signe comme il nous en est souvent donné dans une relation profonde.

Que ce soit en amour, en amitié, dans une aventure professionnelle ou ecclésiale, chacun de nous a dans le coeur mille petits signes de son existence qu’après coup, nous pouvons interpréter comme des clins d’oeil divins, des clins d’yeux pourrait-on dire, si l’on craignait que Dieu n’attrape une crampe à la paupière à force de nous faire des signes… À nous de continuer sans cesse à déchiffrer les événements de notre vie pour y lire les signes de la venue de Dieu vers vous.

 

Encore faut-il savoir lever la tête et scruter le ciel pour y voir l’arc en ciel, au lieu de rester collé à la surface de soi-même, ce que trop de gens font, en croyant que c’est le matériel qui est le plus important à assurer. D’où l’importance des temps de prière, de retraite, de dialogue (le fameux « devoir de s’asseoir ») etc…

On remarque d’ailleurs qu’un arc en ciel n’est jamais seul : il y a toujours un deuxième arc, estompé, en léger décalage avec le premier. Comme si Dieu, connaissant notre tête dure, redoublait d’attention pour nous faire signe !

 

2. Une alliance demande à être parlée

L’arc-en-ciel est donc un signe, mais qui demande d’être interprété par une parole humaine, dans un dialogue entre deux partenaires d’alliance.

 

Dieu dit à Noé: « Je vais établir mon Alliance avec vous et votre descendance, et l’arc en sera un signe ». Dès lors, au lieu d’avoir peur de ce phénomène cosmique, au lieu d’être fasciné et paralysé par cet événement autrefois terrifiant, Noé, grâce à cette parole, y verra l’invitation que Dieu lui fait d’humaniser la terre par sa science et ses techniques. Les chrétiens savent depuis  longtemps combien ce « désenchantement du monde » permet de développer la responsabilité et le travail de l’homme. Le monde n’est pas Dieu: il nous parle de Dieu. Nous n’avons rien à craindre de la nature, qui nous est donnée comme une partenaire, une soeur, une amie. Les événements de notre vie non plus ne sont pas terrifiants: ils sont à interpréter à la lumière de la Parole de Dieu. C’est pourquoi Jésus n’arrête pas de dire à ses disciples : « confiance, c’est moi; n’ayez pas peur ».

 

Joindre la parole aux gestes, et les gestes à la parole… : c’est tout l’enjeu du symbole d’alliance, que le oui sacramentel du mariage symbolise au plus haut point, par l’anneau glissé au doigt l’un de l’autre.

 

3. Une alliance est un mémorial

Alors, quand il est parlé dans l’amour, ce signe d’alliance devient un mémorial.

« Je me souviendrai de mon alliance, dit Dieu, lorsque je verrai l’arc-en-ciel ». Les gens Une recette cocktail pour nos alliances dans Communauté spirituelle mariagemariés se souviennent lorsqu’ils touchent ou regardent leur anneau à leur doigt. Mais plus encore lorsqu’ils font mémoire de tout ce qui a jalonné leur vie. Leur alliance à leur annulaire est le « mémorial portatif » de la promesse d’aujourd’hui, où Dieu les donne l’un à l’autre. Le mémorial des moments heureux et des moments difficiles traversés ensemble. L’anamnèse des transformations que la parole d’amour et les gestes d’amour auront pu provoquer en eux. Graver dans sa tête et dans son coeur ces moments-là est un atout précieux lorsque l’horizon s’assombrit.

Les peuples ou les couples sans mémoire sont des peuples ou des couples fragiles.

Parce qu’ils croient que leur histoire n’a pas de poids, parce qu’ils ne voient pas la sainteté de leur histoire commune, ils risquent de sacrifier trop vite ce que des années avaient mis à construire. Dans et par le mémorial, un peuple peut non seulement se souvenir, mais aussi retrouver la confiance fondamentale en Dieu et en l’autre: nous avons déjà traversé des moments merveilleux, ne les renions pas; nous avons traversé des moments difficiles, ne les oublions pas. Ce que Dieu a fait pour nous hier, il le refait aujourd’hui, même si nous ne savons pas comment, à cet instant précis. Car Dieu est fidèle à son amour. Le mémorial eucharistique devient ici vraiment une nourriture et un chemin de vie pour le couple, qui sait associer sa propre histoire à celle du Christ, qui sait offrir sa vie avec celle du Christ dans le pain et le vin sur l’autel.

 

Dieu est fidèle. Il a d’ailleurs promis à Noé que jamais, jamais plus les eaux du Déluge ne submergeraient la terre. En voyant l’arc dans la nuée, l’homme retrouve confiance dans la bonté de la vie et de la Création. D’ailleurs, l’arc dans le ciel est justement l’arc du guerrier, mais retourné à l’horizontale, comme une arme accrochée au porte-manteau signifie que la guerre est finie. Le mal ne peut plus avoir le dernier mot. Et c’est encore plus vrai depuis la Résurrection du Christ.

 

4. L’alliance appelle à l’unité trinitaire

Une dernière interprétation symbolique de l’arc-en-ciel peut aider à deviner la beauté de nos propres alliances.

Qu’est-ce qu’un arc-en-ciel en effet, sinon le mariage du feu et de l’eau, c’est-à-dire l’union des contraires ? Le feu du soleil et l’eau de la pluie composent dans le ciel cette figure unique de plénitude et d’harmonie… C’est l’annonce que Dieu et l’homme, si différents l’un de l’autre tellement Dieu est transcendant par rapport à l’homme, sont faits pour se mêler, pour s’allier. Éloge de la différence, éloge de l’unité aussi.

 

Les sciences physiques nous disent la même chose: dans l’arc-en-ciel, l’unique lumière du soleil est diffractée en une infinité de couleurs à travers les mille gouttelettes d’eau en suspension dans l’air. Dieu, la lumière une et inaccessible, donne naissance aux mille couleurs de l’existence humaine. Le blanc n’est-il pas la somme de l’infinité de toutes les couleurs possibles, qui en dérivent et y participent ? Et inversement, quand les hommes vivent entre eux la communion de l’amour, ils deviennent eux-mêmes la lumière divine. C’est donc que l’amour humain, en conjuguant l’un et le multiple, est capable de diviniser l’homme. De cela, les couples mariés sont pour nous des sacrements vivants: en s’aimant mutuellement comme le Christ aime l’Église, ils marchent vers cette unité lumineuse dont témoigne l’arc-en-ciel. En devenant un à la manière trinitaire, ils diffractent vers l’Église, et vers l’humanité entière, leur vocation ultime: vivre pleinement la communion trinitaire, où l’amour sait conjuguer l’un et le multiple, la différence et l’identité, l’intimité et la distance, l’altérité et la proximité…

 

Dans nos engagements de tous ordres, dans nos amitiés, nos amours, nous devenons les signes vivants qu’une alliance de paix est possible entre amis, entre groupes différents, entre un homme et une femme, entre le Christ et son Église, entre l’humanité et Dieu.

 

Pendant ce Carême qui commence, revisitons les alliances qui sont les nôtres, de tous ordres, pour qu’elles retrouvent la force et la solidité de l’alliance avec Noé.

Signe, parole, mémoire, unité : où en sommes-nous ?

Entraînons à repérer ces ‘arcs-en-ciel’ dont Dieu jalonne nos routes.


1ère lecture : Dieu fait une alliance avec l’homme (Gn 9, 8-15)

Lecture du livre de la Genèse

Après le déluge, Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec tous vos descendants, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous : les oiseaux, les animaux domestiques, toutes les bêtes sauvages, tout ce qui est sorti de l’arche pour repeupler la terre. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »
Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous, pour toutes les générations à venir : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc-en-ciel paraîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec tous les êtres vivants, et les eaux ne produiront plus le déluge, qui détruit tout être vivant. »

 

Psaume : 24, 4-5ab, 6-7, 8-9, 10.14

R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

2ème lecture : L’eau du baptême nous sauve de nos péchés (1P 3, 18-22)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères, le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes ; lui, le juste, il est mort pour les coupables afin de vous introduire devant Dieu. Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a été rendu à la vie. C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis, s’étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l’eau. C’était une image du baptême qui vous sauve maintenant : être baptisé, ce n’est pas être purifié de souillures extérieures, mais s’engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ qui est monté au ciel, au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles, à la droite de Dieu.

 

Evangile : Jésus au début de sa mission (Mc 1, 12-15)

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Patrick Braud 

Mots-clés : , , , , , ,