L'homélie du dimanche (prochain)

20 août 2011

Les insignes du politique

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Les insignes du politique

 

Homélie du 21° Dimanche ordinaire / Année A

21/08/2011

 

Les militaires arborent quasi naturellement des rangées de médailles sur leur uniforme. Les politiques semblent plus sobres. Pourtant, à bien y regarder, ils recherchent eux aussi les distinctions qui feront d’eux des êtres à part.

La première lecture de ce 21° dimanche ordinaire peut nourrir une réflexion sur les insignes du politique : ceux que Dieu récuse, ceux que Dieu aime trouver chez les responsables en charge de la conduite de l’État.

 

Le syndrome du sépulcre surélevé, ou l’obsession de la gloire post-mortem

Pour comprendre pourquoi Dieu chasse le gouverneur Shebna de son poste, il faut Les insignes du politique dans Communauté spirituelle pt35524reprendre l’intégralité du texte d’Isaïe 22,19-23 (bizarrement tronqué par le choix liturgique). C’est parce que Shebna s’est construit un « sépulcre surélevé » que Dieu l’expulse de sa place de gouverneur. Se construire un tel sépulcre est en effet le signe d’une obsession hélas très courante chez les politiques : vouloir laisser une trace dans l’histoire. Shebna veut qu’après sa mort (sépulcre), on soit obligé de lever les yeux pour penser à lui (surélevé), et qu’en levant les yeux ont soit obligé de penser à lui… D’ailleurs, l’étymologie de son nom – Shebna vient d’une racine dont le sens est : croître - indique qu’il veut se grandir à tout prix. Alors que Eliakim à l’inverse signifie : celui que Dieu établit, qui donc ne se grandit pas lui-même.

 

Le sépulcre surélevé de Shebna illustre bien le syndrome de cette obsession politique dévastatrice : construire sa statue post-mortem, laisser une trace impérissable dans l’histoire. Des premiers empires de l’Extrême-Orient aux guerres napoléoniennes, jusqu’à la pyramide du Louvre ou la Très Grande Bibliothèque, les souverains ont si souvent été hantés par cette recherche de l’immortalité à travers leur gloire post-mortem.

 

Se construire un sépulcre surélevé est typiquement le genre de comportement politique que Dieu exècre.

Jésus n’a pas été tendre avec ces pratiques orgueilleuses où les puissants essaient d’utiliser les sépulcres pour immortaliser leur gloire :

« Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité.

Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez les tombeaux des justes, tout en disant: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes. Ainsi, vous en témoignez contre vous-mêmes, vous êtes les fils de ceux qui ont assassiné les prophètes! Eh bien! vous  comblez la mesure de vos pères! » (Mt 23,27-32)

D’ailleurs, Jésus n’a pas acheté ni hérité d’un tombeau pour lui-même. Joseph d’Arimathie est obligé de lui en trouver un, que la tradition place en contrebas à Jérusalem, et non surélevé (Jn 19,41 cf. Isaïe 53,9 : « On lui a donné un sépulcre avec les impies, et sa tombe est avec le riche, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de tromperie dans sa bouche. »)

 

Avec ce sépulcre surélevé, Shebna met en scène sa propre gloire, où il se grandit au-delà de la mort, en s’élevant lui-même.

Jésus à l’inverse traversera la mise en scène de sa propre honte ; il ne comptera pas sur lui-même pour l’au-delà de la mort, mais sur son Père qui l’élèvera plus haut que le sépulcre de Shebna !

 

Les responsables politiques que Dieu aime sont donc ceux qui ne sont pas obsédés par leur trace dans l’histoire. Ceux qui ne vont pas chercher à se grandir par leur action, mais rechercheront la gloire de ce qui est plus grand qu’eux et non la leur.

 

Les insignes du politique aimé de Dieu

 

Le texte d’Isaïe, après avoir stigmatisé le « sépulcre surélevé », parcourt les signes auxquels on reconnaît un véritable serviteur de la chose publique.

 

La tunique, ou la passion de l’unité

Être enveloppé de sa tunique est un symbole du lien permanent qui unit le chef à la source  clé dans Communauté spirituellede son pouvoir. Ainsi entouré de la référence continue à celui qui fonde son pouvoir, le politique aura la passion de servir l’unité de son peuple. Car la tunique de Eliakim fait irrésistiblement penser à la tunique de Jésus, que les soldats n’osent pas déchirer au pied de la croix (Jn 19,23). Le grand prêtre avait déchiré ses vêtements pour condamner Jésus (Mc 14,63). La tunique du Christ, elle, est resté d’une seule pièce, symbole de l’unité du genre humain que Jésus est venu réaliser dans sa passion (Jn 11,52 : Jésus est venu « rassembler dans l’unité des enfants de Dieu dispersés »).

 

Servir l’unité, l’unité de son peuple, l’unité du genre humain, est donc une des plus belles tâches du pouvoir politique que Dieu aime. La tunique de Eliakim, la tunique du crucifié en sont les insignes aux yeux de tous.

 

L’écharpe, où l’école du service

« Je le ceindrai de ton écharpe » : Dieu refait pour le politique un geste liturgique qui ephod cloucaractérise le grand prêtre. C’est ainsi qu’on attachait l’écharpe autour du cou du grand prêtre, pour qu’il porte l’éphod, ce bijou de 12 pierres précieuses symboles des 12 tribus d’Israël (Ex 28,8.27-28 ; 29,5 ; 39,5.20-21 ; Lv 8,7). Ceindre le politique d’une écharpe rappelle à tous, visuellement, qu’il est au service du peuple, et pas de ses intérêts. Shebna a été seulement un maître. Jésus sera maître et serviteur à la fois (Jn 13, 13-15). Les véritables pierres précieuses sont les communes, les visages des administrés. L’écharpe tricolore des maires aujourd’hui encore le rappelle, et signifie à tous qu’ils sont là au nom du peuple et pour le peuple. Ils sont liés par ce service comme l’éphod est lié au grand prêtre par l’écharpe.

 

  

 

Les clés, où le pouvoir de la décision

« Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David : s’il ouvre, personne ne  écharpefermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira ». C’est une vraie délégation de pouvoir. Le responsable politique a réellement un « pouvoir des clés ». Il doit trancher, dire oui ou non, et sa décision doit être suivie d’effets.

Réintroduire le pouvoir de décision du politique dans la vie sociale reste un vaste programme : ne pas laisser les pouvoirs financiers décider tout seuls ; trancher sur des orientations décisives (de la peine de mort à la réforme fiscale…) ; faire des choix suivis d’effets : c’est toujours la grandeur de la responsabilité politique. Le pouvoir des clés remis par Jésus à Pierre dans l’évangile de ce dimanche est un archétype de ce que les politiques doivent assumer dans la vie du pays.

 

 

 

 

 

 

 

Le clou, où le poids de la charge

« Je l’enfoncerai comme un clou en un lieu solide » (Is 22,23).

Étrange, cette image du clou solidement planté dans le mur ! La traduction liturgique privilégie l’image d’un piquet enfoncé dans le sol, ce qui n’est pas tout à fait fidèle au texte. On voit bien que le clou est là pour qu’on y accroche une charge qui pèse lourd. S’il est solidement fixé, on pourra y suspendre du lourd. Sinon, il cédera à la première surcharge.

Belle image en fait de la solidité que Dieu veut conférer au politique : il saura supporter des charges lourdes (cf. l’emploi du temps de nos politiques, et leur responsabilité souvent écrasante), prendre des coups, résister à des tensions diverses…

On pense là encore aux clous qui ont fixé Jésus sur la croix. En se laissant clouer sur le bois, Jésus devient paradoxalement la figure de celui qui va jusqu’au bout de sa charge. Le politique tenté de fléchir sous le poids de sa mission pourra regarder vers le crucifié : solidement fixé à sa croix, attaché jusqu’au bout à faire la volonté de son Père, Jésus peut nourrir la fidélité et la ténacité de ceux sur qui la charge politique va faire peser un poids humainement démesuré.

 

Le sépulcre surélevé, la tunique, l’écharpe, les clés et le clou : que cette panoplie d’insignes inspire à nos politiques une passion du pouvoir telle que Dieu l’aime ! Et puissions-nous les soutenir sur ce chemin?

 

 

 

 

1ère lecture : Je te confierai les clefs de la maison de David(Is 22, 19-23)

 

Lecture du livre d’Isaïe

 Ainsi parle le Seigneur Yahvé Sabaot:

   Va trouver cet intendant,

   Shebna, le maître du palais:  16  »Que possèdes-tu ici, de qui te réclames-tu

   pour t’y tailler un sépulcre? »

   Il se taille un sépulcre surélevé,

   il se creuse une chambre dans le roc.  17 Voici que Yahvé va te rejeter, homme!

   t’empoigner avec poigne.  18 Il te roulera comme une boule,

   une balle vers un vaste espace.

   C’est là que tu mourras, avec tes chars splendides,

   déshonneur de la maison de ton maître.  19 Je vais te chasser de ton poste,

   je vais t’arracher de ta place.  20 Et le même jour, j’appellerai mon serviteur

   Elyaqim fils d’Hilqiyyahu.  21 Je le revêtirai de ta tunique,

   je le ceindrai de ton écharpe,

   je lui remettrai tes pouvoirs,

   il sera un père pour l’habitant de Jérusalem

   et pour la maison de Juda.  22 Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule,

   s’il ouvre, personne ne fermera,

   s’il ferme, personne n’ouvrira.  23 Et je l’enfoncerai comme un clou en un lieu solide;

   il deviendra un trône de gloire

   pour la maison de son père.  24 On y suspendra toute la gloire de la maison paternelle, les descendants et les rejetons, et tous les objets de petite taille, depuis les coupes jusqu’aux jarres.  25 Ce jour-là, oracle de Yahvé Sabaot, il cédera, le clou enfoncé dans un lieu solide, il s’arrachera et tombera; alors se détachera la charge qui pesait sur lui. Car Yahvé a parlé.

 

Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6a.8

 

R/ Toi, le Dieu fidèle, poursuis ton oeuvre d’amour

De tout mon coeur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne. 

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force. 

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble.
Le Seigneur fait tout pour moi.
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’oeuvre de tes mains.

 

2ème lecture : Profondeur insondable du mystère du salut (Rm 11, 33-36)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu !
Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables !
Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ?
Qui lui a donné en premier, et mériterait de recevoir en retour ?
Car tout est de lui, et par lui, et pour lui.
À lui la gloire pour l’éternité ! Amen.

 

Evangile : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux »(Mt 16, 13-20)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur la foi de Pierre le Seigneur a bâti son Église, et les puissances du mal n’auront sur elle aucun pouvoir.Alléluia. (cf. Mt 16, 18)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »
Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.
Patrick Braud 

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