L'homélie du dimanche (prochain)

9 juillet 2023

Le semeur de paraboles

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le semeur de paraboles

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
16/07/2023

Cf. également :
Prenez-en de la graine !
Semer pour tous
La lectio divina : galerie de portraits
Éléments d’une écologie chrétienne
Le management du non-agir
Le pourquoi et le comment

Polysémie, vous avez dit polysémie ?

Deux personnes descendent par la cheminée.
L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale.
Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?

Le semeur de paraboles dans Communauté spirituelle 2FpAAEGwsJtGJDtJxHvqtglgkBsAmusez-vous à réfléchir à cette énigme rabbinique (qu’on appelle mashal)…
Avec un peu d’imagination, vous trouverez une, puis deux et trois solutions, toutes logiques : celui qui a le visage propre, ou les deux, ou aucun des deux !
Le problème est qu’elles sont contradictoires entre elles ! Et, comble de confusion, on peut même trouver une quatrième qui annule toutes les autres ! (voir en fin d’homélie…)

Cette petite histoire a toutes les caractéristiques d’une parabole évangélique ; elle est construite comme la parabole du semeur de ce dimanche et peut nous aider à la comprendre. En effet, c’est une histoire inventée de toutes pièces, mais inspirée par des scènes de la vie quotidienne. C’est une histoire où il y a de l’étrange, assez pour nous intriguer, nous dérouter, exciter notre curiosité pour aller voir ce qu’il y a à tirer de cette  énigme bizarre…

Provoquer l’étonnement, susciter l’interrogation, encourager la recherche : voilà des caractéristiques de la pédagogie de la parabole que Jésus n’a cessé d’exploiter au maximum. Se comportant ainsi en maître de sagesse, il surprend ses auditeurs, les intéresse, les « accroche », pour les encourager à aller plus loin que leurs certitudes et leurs opinions immédiates.
Belle pédagogie ! Plutôt que de s’opposer frontalement aux pharisiens scandalisés par le bon accueil qu’il fait aux pécheurs, Jésus préfère prendre un chemin détourné : il leur invente des histoires-à-réfléchir, pour qu’ils découvrent par eux-mêmes combien Dieu est « riche en miséricorde »…
« Il leur enseignait en paraboles beaucoup de choses »

Ce genre littéraire de la parabole (mashal en hébreu = enseignement par énigme) était bien connu au temps de Jésus. Mais l’Ancien Testament l’emploie peu (trois ou quatre fois seulement). Le Nouveau Testament y fait recours environ 90 fois !
Jésus a largement utilisé ce mode de prédication qui relève de la sagesse, alors que les autorités religieuses ne se référaient qu’à la Loi, et que les foules n’attendaient avec exaltation qu’un prophète révolutionnaire.

Lire-aux-eclats-Reedition mashal dans Communauté spirituelleRemplacez l’énigme de la cheminée par un passage biblique, et vous avez une des bases de l’exégèse juive : la pluralité des interprétations. Ce que Marc-Alain Ouaknin appelle « lire aux éclats », ou David Banon « la lecture infinie ». Comme le cristal de roche disperse le spectre de la lumière blanche en une infinité de couleurs juxtaposées, de l’ultraviolet invisible au rouge pétant, l’étude d’un texte biblique engendre sans cesse de nouvelles interprétations différentes les unes des autres, voire contradictoires. Et il faut toutes les garder !

Le texte biblique est polysémique : il a plusieurs sens, et nulle lecture ne peut les épuiser.
Les exégètes chrétiens distinguaient autrefois le sens littéral, le sens moral, le sens allégorique, le sens spirituel, le sens mystique. Aujourd’hui, en mettant les lunettes des sciences humaines, on peut faire tour à tour une lecture sociologique, politique, psychologique, psychanalytique, économique, anthropologique etc. du même passage ! Et avec chaque paire de lunettes on trouvera des merveilles, fort différentes !

Méfiez-vous donc des interprétations uniques qui vous dicteraient ce qu’il faut penser de tel passage biblique.
La pluralité des interprétations garantit l’interprétation du réel, qui est pluriel.

 

Pourquoi les paraboles ?
33113999 parabole
Voilà sans doute pourquoi Jésus parle en paraboles.
Avec la parabole du semeur (Mt 13,1 23) de ce dimanche, Matthieu montre Jésus en semeur de paraboles.
Il commence une longue collection de 7 paraboles, ce qui atteste que cette manière d’enseigner est au cœur de sa pédagogie, pour faire découvrir le royaume de Dieu tout proche. L’art  de la parabole reprend celui du mashal, cette énigme de la cheminée qui oblige le lecteur à se creuser la tête, à chercher et à imaginer ce qui n’est pas écrit. Le mashal juif et la parabole font partie du courant biblique qu’on appelle la Sagesse. Il y a trois principaux groupes de livres dans la bibliothèque biblique : la Loi (la Torah, le Pentateuque = les 5 livres de Gn, Ex ; Nb ; Lv, Dt), les Prophètes (Isaïe, Jérémie etc.), et la Sagesse (les Proverbes, les Psaumes, Qohélet, Ben Sirac, et beaucoup de passages enchâssés dans les autres, comme par exemple le cycle de Jacob).
La Loi prescrit, les Prophètes dénoncent, mais la Sagesse fait réfléchir.
La Loi est froide, objective ; les Prophètes sont bouillants, passionnés. Mais la Sagesse interroge, déstabilise. Une parabole comme celle du semeur est faite pour intriguer l’auditeur, le mettre en mouvement, susciter en lui une quête de sens. Que veut dire cette histoire apparemment banale ? De quelle semence s’agit-il ? Que représentent les différents terrains sur lesquels tombent les graines ? Qui est ce semeur ? Etc.

Voici une piste sûre pour annoncer l’Évangile aujourd’hui encore : ne pas recourir à la Loi ou aux Prophètes seulement, mais également à la Sagesse. C’est ce que Jésus fait ici avec talent dans les 7 paraboles rapportées par Matthieu.

 

Pourquoi Jésus ne parle pas plus clairement ?
L’intérêt de cette pédagogie sapientielle des paraboles est de ne rien imposer de l’extérieur à l’auditeur : à lui de faire le chemin pour donner sens à ce qu’il a entendu. Jésus ne veut pas le faire à sa place. Du coup, chacune de ces paraboles est ouverte. Il n’y a pas de leçon de morale en finale comme dans les fables de La Fontaine, comme dans les sermons moralisateurs qui veulent imposer une seule interprétation, le plus souvent celle qui sert les intérêts des puissants.

 polysémie

Et nous : comment jouons-nous de ce registre de la Sagesse ? Lorsque nous répétons : ‘il faut’, ‘tu dois’, ‘fais des efforts’, nous sommes sous le joug de la Loi.
Lorsque nous laissons l’émotion et les cris du cœur nous indigner avec violence, nous sommes dans l’excès  prophétique.
Lorsque nous posons des questions ouvertes en laissant l’autre cheminer à sa manière pour y répondre ce qui lui sera utile, nous pratiquons la pédagogie de la sagesse.

Ainsi, à quelqu’un qui s’enferme dans une secte comme les Témoins de Jéhovah ou un extrême politique, lancer des impératifs catégoriques ou protester la main sur le cœur ne feront pas grand-chose. Par contre, poser de bonnes questions, appeler à réfléchir sur tel événement, énoncer les contradictions qui s’accumulent, ou même témoigner de sa propre histoire sont des bouteilles à la mer que l’autre saisira lorsqu’il voudra, lorsque ce sera le moment pour lui.

9406e4_b02e0ecb51b14abebf16400d47666f6b~mv2 semeurQuand ses disciples lui posent la question : « pourquoi leur parles-tu en paraboles ? », Jésus répond : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre ».
Il semble qu’il y ait d’abord un constat, un peu amer : certains ne veulent rien entendre qui les perturbe, rien voir qui les étonnerait. Ils se condamnent eux-mêmes à être sourds et aveugles, à passer à côté du mystère c’est-à-dire des choses cachées que Dieu veut leur révéler. Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Sinon en attendant que cette soif vienne et lui ouvre le chemin de l’abreuvoir ?
Les paraboles sont adressées et soumises à l’intelligence, à l’interprétation et même à la liberté de l’auditeur, comme en atteste la formule de Jésus dans ce passage, qui résonne comme un appel à rechercher le sens de cette parole : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Il peut y avoir une deuxième raison à ce parler parabolique : utiliser un langage codé, pour cacher aux yeux des ennemis le cœur subversif du message. Ceux dont le cœur est fermé lisent les paraboles au premier degré, et n’y verront qu’une histoire moralisante certes mais peu dangereuse. Les disciples savent – eux - se mettre en quête d’autres significations plus profondes, plus radicales, véritables appels à la conversion. Ainsi l’Église peut-elle propager l’Évangile sans attirer le soupçon de ses ennemis. La parabole est un peu le Radio-Londres des chrétiens résistants à la domination païenne…

Il pourrait y avoir encore une troisième raison de parler en paraboles : ne pas dévaluer le trésor de l’Évangile en le révélant à n’importe qui n’importe quand. « Les choses saintes aux saints », chantent les orthodoxes avant de distribuer la communion. Il faut être initié (par les trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie) pour communier aux saints  mystères, et ceux qui ne sont pas en communion avec l’Église ne peuvent y accéder. « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer » (Mt 7,6).

La Parole de Dieu est trop précieuse pour être délivrée entre deux grivoiseries, ou au cœur d’une polémique violente : ce serait la dévaloriser, ce serait gâcher toutes ses chances de grandir en prenant racine. Il vaut mieux parfois se taire, cacher le trésor de l’Évangile derrière des histoires apparemment banales plutôt qu’il soit foulé aux pieds par des soudards…

 

Parabole, symbole, diabole, hyperbole
Terminons en passant en revue les différents usages du verbe jeter (balleïn en grec) de notre parabole du semeur.

Le mot parabole nous met sur la voie d’un parallélisme entre l’observation du réel et la révélation de Dieu / de l’homme. En effet, para-balleïn signifie étymologiquement : mettre côte à côte des réalités différentes (jeter/balleïn, à côté/para).
C’est donc un procédé de comparaison : mettre en parallèle la miséricorde divine et le comportement du semeur permet de s’interroger, fait réfléchir et progresser chacun, sans lui asséner une vérité extérieure. En méditant sur les paraboles, pour y trouver sans cesse de nouveaux sens cachés, l’auditeur sera conduit toujours plus loin dans l’infini de la révélation divine au-dedans de lui, sans extériorité…

Le SymboleLe symbole (syn – balleïn en grec = jeter ensemble) est l’art de réunir.
La parabole donne à l’auditeur des morceaux d’un puzzle éparpillé, qu’il assemblera d’une manière unique selon sa vision des choses, composant ainsi un tableau très personnel. Le symbole permet de recoller les morceaux en quelque sorte. Ainsi l’eucharistie met-elle ensemble, symboliquement, le corps personnel de Jésus ressuscité, le pain et le vin et l’assemblée–Église pour qu’ils ne soient qu’un. C’est pour cela que le texte du Credo est fort justement appelé un Symbole (le Symbole des Apôtres par exemple) : le fait de le réciter ensemble permet symboliquement à l’assemblée de se reconnaître une et unie au Christ.

L’hyperbole est une réalité largement au-dessus (hyper – balleïn = jeter au-dessus) d’une autre (c’est donc une exagération voulue). Le langage hyperbolique exagère à dessein pour faire prendre conscience de la grandeur de ce qui est évoqué.

Le diable (dia – balleïn = jeter en dispersant) est celui qui divise et éparpille (dia), en empêchant de réunir ce qui est distinct, alors que le symbole unit (syn).
Le diable prend un « malin » plaisir à dissocier tout ce qui pourrait s’agréger à l’unité symbolique, afin que la communion à autrui ne soit plus possible.

Bien sûr, nous sommes des gens du symbolique, et parler en paraboles est l’une des meilleures annonces du Christ que nous pouvons faire.
Méditons donc cette semaine la parabole du semeur, afin que nous devenions nous-mêmes semeur de paraboles.

 

Bonus : l’énigme de la cheminée aux deux visages

visages-suie-propreUn rabbin mettait un jour à l’épreuve un jeune ultra-diplômé qui était persuadé de pouvoir étudier la Tora :
Deux personnes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?
Les yeux du jeune philosophe se sont agrandis.
Est-ce un test de logique ? !
Le rabbin  hocha la tête. Le jeune diplômé répondit :
Eh bien, bien sûr, celui avec le visage sale !
Faux-, répondit le rabbin. Réfléchis logiquement : celui qui a un visage sale regarde quelqu’un dont le visage est propre et décide que son visage est propre aussi. Celui qui a un visage propre regardera le visage sale et pensera qu’il est sale aussi et ira se laver le visage.
Intelligent ! – dit l’étudiant. – Allez, Rabbi, donnez-moi un autre test !

Très bien, jeune homme. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
Mais nous avons déjà répondu : celui qui a le visage propre !
Faux, dit le rabbin. Les deux vont se laver le visage. Pense logiquement : celui qui a le visage propre regardera celui qui a le visage sale et décidera que son visage est sale aussi. Celui qui a le visage sale verra l’autre aller se laver, se rendra compte que son visage est sale et ira se laver aussi
- Je n’avais pas pensé à ça ! Incroyable – j’ai fait une erreur de logique ! Rabbi, faisons un autre test !

- Très bien. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
- Facile : Les deux vont se laver.
- Faux. Aucun des deux ne va se laver. Réfléchis logiquement : celui dont le visage est sale regardera celui dont le visage est propre et n’ira pas se laver. Celui qui a un visage propre verra que celui dont le visage est sale ne lavera pas son propre visage et se rendra compte que son visage est propre et ne se lavera pas non plus.
Le jeune homme est désespéré :
- Croyez-moi, je peux étudier le Talmud ! Demandez-moi autre chose !

- Très bien, répondit le rabbin. Deux hommes descendent par la cheminée…
- Oh, mon Dieu ! s’écria l’étudiant. Aucun des deux ne va se laver ! !!
- Faux, répondit le rabbin. Maintenant tu es convaincu que connaître tous les diplômes du monde ne sont pas suffisants pour étudier le Talmud ? Dis-moi, comment se peut-il que deux personnes descendent dans le même tuyau et que l’une d’entre elles se salisse le visage et pas l’autre ? ! Tu ne comprends pas ? Toute cette question n’a aucun sens, et si tu passes ta vie à répondre à des questions dénuées de sens, toutes tes réponses seront également dénuées de sens … !

Cf. https://perditions-ideologiques.com/2021/11/28/une-parabole-juive/

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La pluie fait germer la terre » (Is 55, 10-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. »

PSAUME
(Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)
R/ Tu visites la terre et tu l’abreuves, Seigneur, tu bénis les semailles. (cf. Ps 64, 10a.11c)

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ;
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruissellent,
les collines débordent d’allégresse.

Les herbages se parent de troupeaux
et les plaines se couvrent de blé.
Tout exulte et chante !

DEUXIÈME LECTURE
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.

ÉVANGILE
« Le semeur sortit pour semer » (Mt 13, 1-23)
Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai. Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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12 juillet 2020

Accepter l’ivraie en chacun

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Accepter l’ivraie en chacun

Homélie du 16° Dimanche du temps ordinaire / Année A
19/07/2020

Cf. également :

Le levain dans la pâte : interprétations symboliques
Ecclésia permixta
La patience serait-elle l’arme des forts ?
Foi de moutarde !
Quelle est votre écharde dans la chair ?

Faut-il déboulonner les statues ?

Couv campagne FaidherbeLes manifestations antiracistes suite au meurtre de Georges Floyd aux USA par la police ont donné lieu à des scènes étonnantes autour des statues dans nos villes : De Gaulle a été badigeonné de jaune, Colbert est menacé d’être déboulonné, Gallieni et Faidherbe sont dans le collimateur des militants d’histoire épurée de ses figures colonialistes voire racistes. Et c’est vrai qu’il y a le De Gaulle du 18 juin et celui du « je vous ai compris ». De même qu’il y a le Pétain de Verdun et celui de Vichy, le Jules Ferry de l’école pour tous et celui de la colonisation au nom des Lumières, le Colbert organisant le royaume et celui du Code Noir, le Faidherbe sauvant le nord des Prussiens en 1870 et le colonisateur du Sénégal avec violence etc.

Ainsi le roi Philippe de Belgique lui-même a reconnu que l’histoire de la colonisation du Congo par Léopold II son aïeul devait être « pacifiée » : « A l’époque de l’Etat indépendant du Congo (quand ce territoire africain était la propriété de l’ex roi Léopold II) des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective », a assuré Philippe, qui règne depuis 2013. « La période coloniale qui a suivi (celle du Congo belge de 1908 à 1960) a également causé des souffrances et des humiliations », a-t-il ajouté. « J’encourage la réflexion qui est entamée par notre parlement afin que notre mémoire soit définitivement pacifiée », a-t-il poursuivi (lettre adressée au président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, le 30/06/2020). 

Ériger une statue, c’est proposer une personnalité en exemple à tous, c’est célébrer son œuvre (d’ailleurs il y a bien peu de femmes parmi nos monuments de l’histoire française…). On ne fait pas rentrer n’importe qui au Panthéon ! On pourrait donc remiser au musée les statues de ceux qui certes font partie de notre histoire, mais qui sont bien peu exemplaires en réalité. En Belgique, commencer par Léopold II serait un symbole…

Mais qui n’a pas sa part d’ombre ? Quelle figure historique est irréprochable ? Quelle statue  pourra résister à l’examen des générations après elle ? Et pourtant, abattre les statues de Staline, de Mussolini, de Pol Pot ou de Saddam Hussein était un signe d’une liberté retrouvée, de fausses valeurs enfin démasquées ! Il nous faut bien choisir ceux que nous faisons entrer au Panthéon, et accepter parfois de nous être trompés. Pas simple de discerner qui honorer et qui déshonorer !


Manager par le contrôle ou la confiance ?

Accepter l’ivraie en chacun dans Communauté spirituelle 41QD+b25qcL._SX335_BO1,204,203,200_Prenons le problème autrement. Mettez-vous du côté du manager d’une entreprise dite « libérée », c’est-à-dire misant sur l’autonomie et la responsabilité de ses employés. Un des postulats de l’entreprise libérée est la bonté fondamentale de chacun. Zobrist, le patron emblématique qui a mis en œuvre ce type de management chez FAVI, fonderie de pièces automobiles, le résumait ainsi :
« À la Favi, la première valeur limite que j’ai imposée, c’est : l’homme est bon. Donc, aucun contrôle : le moindre papier, la plus petite procédure ou le premier individu qui parle de contrôle est instantanément mis à l’écart ! » [1]
Pourtant, les entreprises voient se multiplier les arrêts maladie de complaisance ; les fraudes sociales atteignent des sommets (le fisc français a récupéré 12 milliards d’euros en 2019 !) ; les radars de vitesse sur les routes crépitent ; la traite humaine reprend de plus belle après le confinement ; les mafias recrutent et prospèrent…

« L’homme est bon » : ce credo généreux et rousseauiste se heurte à l’écueil des faits, toujours têtus. Cette erreur anthropologique a déjà engendré le monstre du socialisme réel : c’est la société qui corrompt l’homme disait-on ; pour le changer, il suffirait de révolutionner la société – par la force si besoin – et l’homme s’en trouvera changé, meilleur, sans classes, retrouvant sa bonté originelle. On sait où cela nous a conduit. « Qui veut faire l’ange fait la bête » (Blaise Pascal).

La parabole du bon grain et de l’ivraie de notre dimanche (Mt 13, 24-43) vient avec sagesse tordre le cou à ces deux mythes complémentaires de la noirceur sans nuances (déboulonner les statues) et de la bonté sans mélange (pas de contrôle).

Un mot d’abord sur le contexte historique de la parabole. Elle vise les faux chrétiens qui au premier siècle s’immisçaient dans les premières communautés chrétiennes pour des raisons multiples. Il y avait des convertis du bout des lèvres, prêts à retourner au judaïsme ou paganisme au premier obstacle. Il y avait des croyants sincères, mais que les menaces et persécutions effrayaient (à juste titre). Les moins courageux pouvaient dénoncer leur famille, l’Église, pour éviter la prison ou le supplice. Sans oublier les espions juifs ou romains infiltrés. L’ivraie semée avec le bon grain était d’abord cette part de la communauté qui pouvait se retourner contre elle sous la pression des ennemis des chrétiens, si nombreux à l’époque.
Une fois la paix de l’Empire accordée, après l’édit de Constantin (313), la parabole fournit un autre domaine d’interprétation, tout aussi pertinent.


Le mal est inéluctable

Image-11.pngLe champ des semailles peut représenter la vie intérieure de chacun, son parcours spirituel. Dieu, le propriétaire du champ, n’y sème que du bon grain, mais ne peut empêcher qu’un ennemi tente de gâter la récolte en y mélangeant de l’ivraie. C’est donc que la présence du mal en nous est inéluctable : Dieu lui-même n’y peut rien ! Jésus fait avec sagesse un constat lucide : l’homme est mélangé. Il n’y a pas en lui que du bon. Il n’y a pas en lui que du mal non plus. Il est depuis toujours cet arc-en-ciel de nuances qui entache les héros les plus grands et empêche de désespérer des salauds les plus sombres. « N’enlevez pas l’ivraie » : l’avertissement est solennel ! Ne croyez pas que l’on puisse extirper totalement le mal de la vie collective ou personnelle. Cette tentation de la pureté est suicidaire, car « vous risquez d’arracher le blé en même temps ». Déboulonner les statues à cause de l’ambivalence de leurs titulaires peut conduire à abattre toutes les statues, c’est-à-dire à ne plus avoir d’histoire. Croire qu’on peut fabriquer un homme nouveau – socialiste, national-socialiste, écologiste – enfin pur de toute compromission, conduit à toutes les dictatures. Croire que l’homme n’est que bon, sans ivraie mélangée, conduit à une moisson gâtée, inexploitable. La tentation d’arracher l’ivraie fut celle des rigoureux qui voulaient exclure les lapsi (chrétiens ayant renié leur baptême sous la persécution) de la réconciliation ecclésiale. Ou la tentation cathare des parfaits se coupant du monde pour vivre entre purs. Ou les « justices » d’exception lors de l’épuration à partir de Mai 1945. Ou peut-être l’intransigeance catholique actuelle sur le divorce, la contraception, l’homosexualité. Ou bien c’est la peur des pratiquants réguliers lorsqu’ils voient débarquer en masse les occasionnels pour les Rameaux, la Toussaint, Noël…

Sur le plan personnel, ce constat lucide est salvateur : oui, c’est normal qu’il y ait du mal en moi. Je n’en suis pas responsable (« c’est un ennemi qui a fait cela »). Mais il me traverse, il s’incorpore à ma structure de pensée, d’action, de jugement. Simplement parce que je suis humain, je participe de ce mélange inextricable dont je ne me rends même pas compte, tant que les épis ne sont pas apparus. Ainsi le meilleur des hommes aux 18e-19° siècles peut être esclavagiste sans avoir de problème de conscience. Ainsi Jules Ferry peut-il être colonialiste au nom des Lumières par lesquelles l’Occident allait apporter progrès et civilisation à tous les peuples pensait-il. C’est ce que Jean-Paul II appelait les structures de péché au niveau collectif, et ce que depuis Augustin nous appelons péché originel au niveau personnel. Bien « malin » qui pourrait se croire libre de toute forme d’asservissement au mal d’une manière ou d’une autre ! D’ailleurs, qui sait si ceux qui veulent déboulonner les statues (parfois avec raison je le répète) ne seront pas durement jugés par leurs arrière-petits-enfants dans un siècle ou deux ? Qui sait si telle pratique qui aujourd’hui nous paraît évidente, naturelle et juste ne sera pas dénoncée par les générations suivantes comme inhumaine et intolérable (je pense à l’avortement par exemple) ? « La mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous » (Lc 6,38) : les zélateurs d’une pureté historique sans faille feraient bien de se méfier des revers de l’histoire où ils apparaîtront à leur tour comme des monstres aveugles et froids aux yeux de leurs successeurs.


Accepter n’est pas consentir

Gabrielle Althen, La splendeur et l'échardePour autant, ne pas extirper le mal ne signifie pas consentir. La parabole demande d’exercer cette forte vigilance pour repérer assez vite les parcelles contaminées. Et surtout elle demande d’enlever l’ivraie au temps de la moisson, pour la lier en bottes et la brûler. C’est donc qu’il faut le recul du temps et de la sagesse pour combattre l’ivraie en nous, mais il n’est pas question de capituler en laissant le mal abîmer la moisson intérieure. À quel moment extirper ce mal ? Certains pensent que le temps de la moisson de la parabole est celui de la mort individuelle, ou du jugement collectif. Sans doute, car la vérité de nos vies ne sera révélée en plénitude que face à Dieu, au-delà de la mort. Mais cela n’empêche pas cette révélation d’être à l’œuvre dès maintenant. Nous moissonnons plusieurs étés au cours de notre vie. À chaque fois, en prenant du recul, de la distance, en relisant notre histoire à la lumière des Écritures, nous apprenons à discerner ce qui peut être amassé dans le grenier du cœur et ce qui n’est finalement qu’un feu de mauvaises herbes. Ainsi, de moisson en moisson, loin de nous résigner à la présence du mal en nous, nous le transformons en compagnon de voyage qui nous rend vigilant sur notre croissance. C’est la fameuse « écharde dans la chair » (2 Co 12,7) qui rappelle Paul à l’humilité quand il se croit super-apôtre, et lui apprend à recevoir du Christ au lieu de compter sur lui-même. Le mal en nous est finalement utile, si nous muselons assez nos démesures pour ne pas trop blesser autrui. Pourquoi vouloir enlever l’écharde si elle me rend plus humain, l’ivraie si elle m’oblige à veiller sur le blé ?

D’autant qu’il existe comme une dissymétrie fondamentale entre les deux, la même qui existe entre le ciel et l’enfer. En effet, l’Église par la canonisation ose proclamer que telle personne est déjà « au ciel », alors qu’elle n’a jamais osé affirmer que tel criminel – fut-il Hitler en personne – serait « en enfer ». C’est que le mal n’est pas de même nature que le bien. L’ivraie ne peut empêcher qu’il y ait du blé, assez abondant pour emplir les greniers. La croix du Christ - grain de blé entre deux bandits - proclame la victoire de l’amour sur toute forme de mal, y compris la mort. Ivraie, où est ta victoire ? pourrait-on s’écrier en parodiant Paul ! Dès lors, le mal ne fait plus peur ; il ne peut gagner à la fin. Il suffit de le nommer tel pour émousser sa puissance et le réduire à un feu de paille. Formidable espérance qui permet aux grévistes de Gdansk de défier les chars soviétiques, mais aussi à Jacques Fesch de se détourner de ses crimes avant de monter à l’échafaud…

Dans le texte grec de la parabole et de son explication par Jésus (Mt 13, 24-43), l’ivraie est nommé 8 fois par le terme ζιζάνια = zizania qui a donné le mot zizanie en français. Semer la zizanie, est l’œuvre de l’ennemi qui veut corrompre la récolte. Le bon grain est nommé 8 fois lui aussi, mais avec deux mots différents : σπέρμα = sperma = la semence (5 fois) et σῖτον = sitos = le blé (3 fois). Cette apparente égalité à hauteur du chiffre huit semble renvoyer le résultat du mélange des deux au huitième jour, jour messianique de la moisson (καιρῷ = kairos).


Accepter le blé aussi, et même d’abord

Estime de soi (L')Accepter le mal en soi n’est donc pas y consentir, ni encore moins s’y résigner. La parabole invite également à accepter le blé semé en nous, plus fondamental puisque l’ivraie vient de l’ennemi, pas du maître. Pour certains, c’est moins facile qu’il n’y paraît : se voir comme un champ de possibles multiples et généreux, découvrir au creux de ses sillons intérieurs les pépites de vie qui ne demandent qu’à croître, faire grandir avec elles la confiance en soi, en la bonne graine semée en chacun… Il faut parfois des années avant de se voir ainsi, avec réalisme, avec une joyeuse humilité n’enfouissant aucun des talents reçus si ce n’est pour les faire germer. L’amour de soi est au prix de ce travail d’auto-évaluation, où le regard des autres peut être décisif : quels sont les graines semées en moi porteuses de croissance, de fécondité ? Un coach de vie, un psychologue, des amis clairvoyants sont de précieux auxiliaires pour conquérir ainsi une juste estime de soi. Certains, abîmés par un passé familial et affectif déstructurant, auront beaucoup de mal à trouver ces pépites en eux et à ne pas céder au non-amour de soi. D’autres au contraire seront tellement favorisés qu’ils risqueront de passer à côté de la vraie richesse intérieure, ce qui demande toujours de traverser l’épreuve comme l’or au creuset. Il y faut des années, de la patience, voire de l’obstination ou au moins de la ténacité. Ce n’est jamais acquis une fois pour toutes : une mauvaise moisson, un incendie dans le champ, et tout peut être remis en question… Mais ceux qui font ce travail en eux pourront croire que le blé existe aussi chez l’autre, quel qu’il soit, Faidherbe ou Derek Chauvin (le meurtrier de George Floyd). Mieux : en témoignant de son parcours intérieur, ou simplement en étant là, en paix avec lui-même, il pourra induire chez l’autre la quête de l’amour de soi. Et l’on sait que la violence, la volonté de faire le mal sont liées à l’absence de cet amour de soi.


Croissez et multipliez- vous !

ivraieblc3a9.jpgFinalement, l’important dans la parabole est de grandir : « laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ». Que cette croissance soit mélangée ne doit pas nous étonner, nous scandaliser ou nous décourager. Chacun a son côté obscur et son côté lumineux. L’essentiel est de grandir, en humanité, en sagesse, jusqu’à relativiser la présence du mal en nous sans l’occulter. Car les moissons successives au long des années nous apprennent à ne pas nous attarder aux feux de mauvaises herbes qu’il faut régulièrement effectuer, pour nous concentrer sur les épis gorgés de vie avec à récolter.

Laissez pousser en vous le blé et l’ivraie, faites grandir sans cesse le meilleur de vous-même sans vous laisser détourner de cette croissance par la présence inévitable du mal en vous. Alors, le grenier de votre vie aura de quoi nourrir famille et amis, collègues et passants, tel Joseph en Égypte.

Toute ivraie brûlée, vous pourrez rire des échardes plantées dans votre chair en célébrant l’abondance de la moisson due à la générosité du semeur !

 


[1]https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2013-3-page-37.htm#
FAVI, Fonderie en Picardie (Hallencourt), FAVI est devenue leader mondial de la fabrication des fourchettes de boîtes de vitesse.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Après la faute tu accordes la conversion » (Sg 12, 13.16-19)

Lecture du livre de la Sagesse

Il n’y a pas d’autre dieu que toi, qui prenne soin de toute chose : tu montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes. Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion.

 

PSAUME

(Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab)
R/ Toi qui es bon et qui pardonnes, écoute ma prière, Seigneur. (cf. Ps 85, 5a.6a)

Toi qui es bon et qui pardonnes,
plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,
écoute ma prière, Seigneur,
entends ma voix qui te supplie.

Toutes les nations, que tu as faites,
viendront se prosterner devant toi,
car tu es grand et tu fais des merveilles,
toi, Dieu, le seul.

Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité !
Regarde vers moi,
prends pitié de moi.

 

DEUXIÈME LECTURE
« L’Esprit lui-même intercède par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 26-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.

 

ÉVANGILE

« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13, 24-43)
Alléluia. Alléluia.Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’ Il leur dit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.’ »

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »

Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles,je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde. Alors, laissant les foules, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Patrick BRAUD

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5 juillet 2020

Prenez-en de la graine !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Prenez-en de la graine !

Homélie du 15° Dimanche du temps ordinaire / Année A
12/07/2020

Cf. également :

Semer pour tous
La lectio divina : galerie de portraits
Éléments d’une écologie chrétienne

 

Prenez-en de la graine !
Qui de nous n’a pas entendu cette remarque de la part d’un professeur, d’un coach sportif ou des parents ! ? Cette injonction sonne comme un reproche si elle nous compare à des exemples dont nous sommes bien loin ; elle résonne au contraire comme un encouragement si elle nous propose une réussite à portée de main.

Notre parabole du semeur de ce dimanche pourrait bien elle aussi nous murmurer à l’oreille : prends-en de la graine ! Prend de ces graines que le semeur jette à tout-va. Accueille-les dans le meilleur de ton champ intérieur ; et là, fais-les grandir, nourris-les, entretiens-les jusqu’à ce qu’elles produisent des épis en abondance.

Dans le langage courant, « en prendre de la graine » c’est vouloir imiter un modèle, un héros, parce qu’on l’admire. En est-il de même dans la parabole ? Nous faut-il imiter le Christ ? l’admirer ? Et ce semeur, comment en prendre de la graine ?

 

Les neurones-miroirs

Prenez-en de la graine ! dans Communauté spirituelle 95261614_oEn 1990, une découverte passée trop inaperçue bouscule quelques idées reçues en sciences cognitives. L’équipe du professeur Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme, découvre en effet que des singes sont capables d’empathie devant la souffrance ou la joie de leurs congénères. Or l’empathie était considérée comme une qualité morale propre à l’homme… Plus encore, les singes (comme la pieuvre et d’autres animaux) sont capables d’un processus d’apprentissage, à distance. Rien qu’à voir un autre membre du clan éplucher un fruit ou se servir d’un outil, les singes peuvent en l’imitant reproduire ce geste technique qu’ils ne connaissaient pas. De même une pieuvre qui regarde une autre pieuvre trouver son chemin à travers un labyrinthe de plexiglas pour atteindre une proie sera capable à son tour d’emprunter le bon chemin sans hésiter en imitant sa congénère. Cette capacité d’apprentissage n’est donc pas le propre de l’homme ! L’origine commune de l’empathie, de l’apprentissage, de la contagion émotionnelle réside dans un certain type de neurones de notre cerveau, précisément localisés, baptisés « neurones-miroirs » à cause justement de leur capacité d’induire en miroir des mouvements, des activités imitées d’autrui.

Si nous y perdons un peu en originalité humaine, l’imitation y gagne en grandeur d’évolution, et pour nous d’humanisation. Imiter, c’est entrer dans une relation où ce que l’autre fait peut me faire faire la même chose, où ce qu’il ressent déteint sur ce que je ressens. Il faut pour cela de l’admiration, au sens latin du terme : ad-miror = regarder vers. En regardant vers l’autre, en l’ad-mirant, je quitte mon narcissisme et je m’ouvre à d’autres modes de pensée et d’action que les fameux neurones-miroirs vont pouvoir reproduire rien qu’en regardant l’autre…

Les mystiques avaient déjà eu cette intuition depuis longtemps, dans toutes les religions : contempler plus grand que soi nous grandit (l’inverse est également vrai hélas !), Admirer les grandes figures spirituelles nous hissent à leur niveau.

Prendre de la graine du semeur signifie donc dans un premier temps : lever les yeux vers le Christ, régler notre course sur lui qui est devant, chercher à l’imiter dans ses actes et ses paroles. Paul l’écrivait : « courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi » (He 12,1-2).

Admirer et imiter sont des ressorts, des moteurs tout au long de notre vie, qui nous font aspirer à être plus, à ne pas vivre rabougris comme les grains sur le sol peu profond ni desséchés comme celles sur le sol pierreux.

 

La propagande

August Landmesser refusant de faire le salut naziPourtant l’imitation et l’admiration peuvent devenir des pièges nocifs si l’on n’y prend pas garde [1]. D’abord, il faut bien choisir ses modèles. Beaucoup d’Allemands voulaient imiter Hitler au temps de son ascension (jusqu’à se tailler la même moustache, ou appeler leurs enfants Adolf). Beaucoup de capitaines d’industrie ne veulent que surpasser en pouvoir et en fortune les grands patrons qui les ont précédés. L’admiration est donc parfois orientée vers de fausses grandeurs. L’imitation devient monstrueuse si elle se trompe de héros.

Adam Smith déplore dans sa Théorie des sentiments moraux (1759) « cette disposition à admirer, et presque à vénérer, les riches et les puissants, ainsi qu’à mépriser, ou du moins à négliger, les personnes pauvres et d’humble condition ». Cette tendance fait naître un marché de l’admiration: « mériter, obtenir et savourer le respect et l’admiration du genre humain sont les grands objets de l’ambition et de l’émulation ».

Nous cédons facilement à une sorte de propagande qui nous fait nous tromper d’admiration. Les réseaux sociaux débordent de ces fausses statues de la renommée, vite déboulonnées, ainsi que de leurs followers qui s’épuisent à courir après des modèles de paille en likant jusqu’à épuisement.

 

L’idolâtrie

 admirer dans Communauté spirituelleUn deuxième piège, après celui de la propagande, est la tentation d’idolâtrer au lieu d’admirer. L’idole écrase ses dévots car elle reste inaccessible, hors d’atteinte. En même temps, on la charge de tous nos désirs insatisfaits, on projette sur elle nos manques les plus douloureux. Et elle devient du coup un rival à abattre. Au lieu d’encourager, elle désespère, et finit par engendrer ce que René Girard appelait la violence mimétique. On se bat pour être celui qui lui ressemble le plus. On lui sacrifie nos rivaux dans cette lutte, afin de conserver ses faveurs. Jusqu’à parfois assassiner son idole afin de la garder pour soi (les meurtres passionnels fonctionnent sur cette jalousie de l’autre, idolâtré-e). Les philosophes font la différence entre l’icône et l’idole, et cela peut être utile ici : l’icône désigne l’invisible et le rend présent, l’idole prétend être l’invisible et se substituer à lui. Imiter une idole conduit à la violence mimétique, alors que contempler une icône conduit à l’accueil de l’autre. Admirer une idole nous rend soumis. Vénérer une icône nous rend capable d’inventer notre voie propre.

 

L’emprise

L'EmprisePropagande, idolâtrie : un troisième piège de l’imitation admiration est l’emprise. Car se soumettre à l’idole nous fait perdre notre autonomie. Le Christ ne peut pas jouer ce rôle ! Si je me demande sans cesse : ‘que ferait le Christ à ma place ?’, je me transforme en une sorte de marionnette dont les fils seraient manipulés par celui que j’admire. Imiter se dégrade alors en répéter. Comme si être fidèle au Christ consistait à copier-coller ce qu’il a fait ou dit. Or il nous a lui-même averti : « vous ferez des œuvres plus grandes que moi » (Jn 14,12). La répétition mécanique produit souvent le contraire de l’effet recherché, car le Christ ne ferait pas à notre époque ce qu’il a fait il y a 2000 ans. Plus grave encore, vouloir faire comme le Christ devient moralement écrasant, car bien sûr j’en suis incapable ! Réduire le Christ à un exemple moral qu’il faudrait reproduire est désespérant, tant il est plus grand que moi. Vouloir répéter, reproduire, n’engendre que le constat désolé de la distance infinie entre lui et moi. Perte d’autonomie et découragement moral sont les mauvais épis de cette fausse imitation de Jésus-Christ. L’emprise qu’exerce sur nous les modèles que nous nous choisissons (ou pas !) est à la longue un indicateur de notre santé spirituelle. Les gourous finissent toujours par réduire leurs adeptes en esclavage (travail, argent, sexe, pensée…). Il est facile de dénoncer cet effet-gourou dans les sectes, mais avons-nous conscience de ceux qui exercent sur nous une emprise de cette nature ? De ceux/celles qui nous influencent jusqu’à reproduire leur comportement (au travail, en famille, en société) à notre insu ?

Propagande, idolâtrie, emprise : ces trois pièges de l’imitation-admiration ne doivent pas nous empêcher de prendre de la graine de la parabole du semeur ! Car cette parabole nous donne au moins deux clés de la réussite des semailles : l’appropriation, et l’inspiration.

 

De l’admiration à l’appropriation

Le semeur ne demande pas à être admiré. D’ailleurs il n’est que de passage, et poursuit son sillon à chaque poignée de graines lancées à terre. Impossible en fait de rester « les yeux fixés vers le ciel » (Ac 1,11), car il n’est plus là pour nous dire quoi faire, et heureusement ! Le semeur fait confiance à la capacité du sol pour accueillir la graine en profondeur. Il s’agit de planter et non de dupliquer. Planter demande d’abord de remuer et bouger les terres intérieures (le labourage) pour ensuite enfouir profondément la semence afin qu’elle  s’unisse au terreau. On disait autrefois des missionnaires qu’ils allaient planter l’Église en d’autres cultures et continents, et non qu’ils allaient fonder des succursales ! La traduction moderne de cette plantation pourrait être le processus d’appropriation : accueillir ce que l’on n’a pas produit, le comprendre, l’assimiler jusqu’à ce que cela fusionne avec le terreau originel. Faire sien ce qui était au départ un apport extérieur. Les Églises d’Afrique s’approprient depuis deux siècles l’Évangile semé par les Pères Blancs et autres sociétés missionnaires, jusqu’à ce qu’elles puissent dire avec les samaritains près du puits : « ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4,42). L’appropriation se nomme ici inculturation (de la liturgie, de la vie communautaire, de la théologie etc.). Les vieilles Églises d’Occident continuent elles aussi ce processus d’appropriation, car leur culture change et nécessite d’autres semailles pour féconder d’autres terreaux (laïcité, sécularisation, progrès scientifique etc.).
Le sol fertile de la parabole est celui qui a su s’approprier la Parole de Dieu semée en lui.

Appropriation

 

S’inspirer plutôt que copier

Couverture-t.1-bis-555x742 copierLa suite de la parabole montre la fécondité du sol qui a su accueillir les graines de la Parole de Dieu : 30, 60, 100 pour 1 ! Or il s’agit d’un rapport d’épis à graines, pas de graines à graines ! Autrement dit, autre ce qui est semé, autre le fruit produit. C’est encore plus vrai lorsque la graine de sénevé se transforme en la plus haute plante du jardin potager (Mc 4, 31-32), ou lorsque le corps humain porté en terre se transforme en corps incorruptible dans la Résurrection (« ce qui est semé périssable ressuscite impérissable » 1 Co 15,42). D’ailleurs, autre est le semeur, autre le moissonneur (Jn 4,37). Et le mauvais serviteur reproche à Jésus de vouloir récolter là où il n’a ni semé ni moissonné, et Jésus semble lui donner raison : « serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu » (Mt 25,26). Impossible donc de copier !

La disproportion entre la graine et le blé en épis nous éloigne un peu plus de l’imitation copier-coller. C’est le travail de l’Esprit que de transformer la graine en autre chose qu’elle-même. À travers la décomposition, la mort et la renaissance en une forme autre, l’Esprit de vie ne cesse de transformer en nous la Parole de Dieu en décisions et en actes nouveaux, irréductibles à ce qui a été semé. C’est véritablement l’inspiration divine qui nous donne de traduire l’Évangile en des comportements adaptés à notre société, notre culture et ses problèmes nouveaux que le Christ n’a jamais affrontés, impossibles à imiter donc

Sans l’Esprit du Christ, la Tradition se fige en traditionalisme immobile, la morale se dessèche en catalogue de permis/défendus, les célébrations des sacrements deviennent un amoncellement de rites obscurs… L’Esprit renouvelle sans cesse le visage de son Église, et il est le moteur de l’appropriation en terre nouvelle, il favorise la mutation (la transfiguration) du grain en épis, pour la plus grande surprise des chrétiens eux-mêmes. Tel le maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien (Mt 13,52), l’Esprit est la puissance vitale qui multiplie la semence par 30, 60 ou 100 tout en la transformant en tiges et épis nouveaux.

 

Le cycle de la parabole du semeur nous concerne chacun(e) personnellement : choisir qui admirer, imiter sans reproduire, être fidèle en inventant des chemins nouveaux, s’approprier avec audace, contester les idoles plébiscitées autour de nous, dénoncer l’emprise inconsciente des idéologies inhumaines d’aujourd’hui…

Puisse l’Esprit du Christ nous montrer comment en prendre de la graine, et nous inspirer une fécondité à hauteur de ses semailles !


[1]. Cf. Michel Eltchaninoff, Point de mire, Philosophie Magazine n° 137, Mars 2020, pp. 55-57.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La pluie fait germer la terre » (Is 55, 10-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur :« La pluie et la neige qui descendent des cieuxn’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer,donnant la semence au semeuret le pain à celui qui doit manger ;ainsi ma parole, qui sort de ma bouche,ne me reviendra pas sans résultat,sans avoir fait ce qui me plaît,sans avoir accompli sa mission. »

 

PSAUME

(Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)
R/ Tu visites la terre et tu l’abreuves, Seigneur, tu bénis les semailles. (cf. Ps 64, 10a.11c)

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ;
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruissellent,
les collines débordent d’allégresse.

Les herbages se parent de troupeaux
et les plaines se couvrent de blé.
Tout exulte et chante !

 

DEUXIÈME LECTURE
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.

 

ÉVANGILE
« Le semeur sortit pour semer » (Mt 13, 1-23)
Alléluia. Alléluia.La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas.Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.Le cœur de ce peuple s’est alourdi :ils sont devenus durs d’oreille,ils se sont bouché les yeux,de peur que leurs yeux ne voient,que leurs oreilles n’entendent,que leur cœur ne comprenne,qu’ils ne se convertissent,– et moi, je les guérirai. Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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10 juillet 2017

Semer pour tous

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Semer pour tous


Homélie pour le 15° dimanche du temps ordinaire / Année A
16/07/2017

Cf. également :

La lectio divina : galerie de portraits
Éléments d’une écologie chrétienne
Sortir, partir ailleurs…
Le management du non-agir
Le pourquoi et le comment

 

Le fondement de l’égalité

Notre parabole du semeur de ce dimanche est l’une des plus connues du Nouveau Testament. Elle a souvent été associée à la parabole des talents, sans doute parce que dans les deux cas chacun reçoit quelque chose – quelle que soit sa nature – à faire fructifier. Le chemin pierreux reçoit peu de graines, le serviteur moins talentueux ne reçoit qu’un talent, mais chaque terrain est ensemencé, chaque serviteur se voit confier une chose à développer.

Semer pour tous dans Communauté spirituelle 64_image_1_110201045806Tocqueville, en fin analyste de l’idéal républicain en Amérique et en Europe, voyait dans ces paraboles la source d’inspiration la plus fondamentale de ce qui est devenu la sacro-sainte égalité républicaine en France, trônant sur les frontispices de nos mairies avec ses deux amies (pourtant souvent antagonistes) : la liberté et la fraternité.

 « C’est nous [les Français] qui avons donné un sens déterminé et pratique à cette idée chrétienne que tous les hommes naissent égaux et qu’il avons appliqué aux faits de ce monde. C’est nous qui, en détruisant dans tout le monde le principe des castes, des classes, en retrouvant, comme on l’a dit, les titres du genre humain qui étaient perdus, c’est nous qui, en répandant dans tout l’univers de la notion de l’égalité des hommes devant la loi, comme le christianisme avait créé l’idée de l’égalité de tous les hommes devant Dieu, je dis que c’est nous qui sommes les véritables auteurs de l’abolition de l’esclavage. » (Discours à la chambre des Députés, 31 Mai 1845)

Le philosophe Luc Ferry commente :

« Cette parabole d’apparence anodine représente en réalité une véritable révolution. Elle signifie que la valeur morale d’un être dépend non pas des dons naturels qu’il a reçus au départ, mais de ce qu’il en fait ; pas de la nature, mais de la liberté. C’est une rupture avec le monde aristocratique, où la hiérarchie sociale reflète les inégalités naturelles. Un trisomique 21, d’un point de vue chrétien, a la même valeur morale, a priori, qu’Einstein: tout est fonction non de ses talents naturels, mais de ce qu’il en fait. Kant et les républicains français reprendront ce thème en expliquant que les dons naturels – beauté, mémoire, intelligence, force… – ne sont pas bons moralement en eux-mêmes. La preuve ? Ils peuvent tous être mis indifféremment au service du bien comme du mal, ce qui prouve que c’est seulement leur usage qui est moral. C’est cette sécularisation de la parabole des talents qui fondera les premières grandes morales laïques. C’est elle qui imprégnera tout le droit républicain. » [1]

Jésus est pétri de la bienveillance divine qu’il contemple tant dans la création : « voyez les lis des champs… » (Mt 6,28) que dans l’histoire humaine : « Dieu fait tomber la pluie sur les bons comme sur les méchants… » (Mt 5,45). Il a lu le récit où David s’interdit de supprimer son ennemi Saül pourtant à sa merci (1S 24). Il chantait chaque jour les psaumes s’émerveillant de la générosité de Dieu envers sa création. Du coup, il est devenu lui-même patient envers le figuier qui ne semble plus rien produire, comme envers Israël qui semble ne pas reconnaître le Messie (Lc 13,8). Il a été bouleversé par la miséricorde divine que les prophètes annonçaient (même à contrecœur, tel Jonas !) à ceux que tout le monde considérait comme perdus pour l’humanité.

Alors le semeur de la parabole refuse de sélectionner les terrains à ensemencer.
Alors le maître donne des talents à chacun, refusant de disqualifier a priori le serviteur moins habile.
Les banquiers de tout temps ne prêtent que rarement et très peu à ceux qui ne présentent pas toutes les garanties de remboursement. On ne prête qu’aux riches… Les machines agricoles modernes optimisent le rendement à venir en ne versant les graines que dans les sillons préparés dans la bonne terre bien sélectionnée.

Le semeur divin sème pour tous.

L’éducateur d’un groupe d’enfants lui ressemblera s’il fait le pari que quelque chose peut germer et grandir même chez les plus terribles.
Le manager d’une équipe d’employés lui ressemblera si sa passion de faire grandir chacun (« empowerment ») ne s’arrête pas aux préjugés et a priori ordinaires.
Les parents lui ressembleront s’ils accordent à chacun de leurs enfants les mêmes possibilités, adaptées à leur personnalité etc.

Bref : la générosité divine est le fondement de l’égalité (républicaine, humaniste).

Comment refuser au mondain, au cœur de pierre ce que Dieu lui-même lui accorde : la capacité de porter des fruits ? La notion de capabilité de l’économiste indien Amartya Sen peut également s’enraciner dans cette vision bienveillante du potentiel de chacun [2].

 

Le fondement de la responsabilité

L’égalité, oui. Mais le résultat n’est pas automatique, et dépend de la mise en œuvre par chacun de la graine reçue. Le chemin pierreux se laisse voler ses graines-promesses-d’espoir par les oiseaux du ciel. La terre superficielle laisse étouffer sa fécondité par les ronces environnantes. Les graines symbolisent la parole de Dieu semée dans nos cœurs, selon l’interprétation de Jésus, mais aussi les talents reçus, les désirs vrais qui nous font nous dépasser, les élans authentiques vers plus d’humanité etc.

Luc Ferry commente à nouveau :

Philosophie de l'amour : l'héritage chrétienQ : Le talent est récompensé… s’il y a eu effort!

R : Exactement, et c’est là l’autre implication essentielle de cette parabole: la valorisation du travail. Un aristocrate joue, ripaille, fait la guerre, mais il ne travaille pas – il y a des esclaves pour ça. En revanche, si la vertu morale ne réside plus dans les dons naturels, mais dans ce qu’on en fait, le travail est valorisé. Ce sont les moines qui, en Europe, vont être les premiers à le mettre en valeur, car ce qui compte, c’est la fructification de ce qu’on a reçu. Un homme qui ne travaille pas n’est pas seulement un homme pauvre, il est aussi un pauvre homme, qui n’est pas « cultivé ». Paresse et égoïsme sont les deux péchés principaux pour l’instituteur républicain, qui est plus chrétien qu’il ne l’imagine. La vertu n’est plus l’actualisation d’une nature bien née ; au contraire, elle lutte contre les penchants naturels à la paresse et à l’égoïsme. [3]

Il est donc de notre responsabilité de porter des fruits. N’allons pas accuser Dieu de n’avoir rien reçu ! N’allons pas désespérer non plus de ne rien trouver à faire grandir chez l’autre… Même le condamné à des années de prison, même le collègue irascible et renfermé, même l’handicapé apparemment réduit à une vie plus ou moins végétative, tous et chacun ont en eux quelque chose à faire fructifier pour le bien commun. C’est peut-être l’art de survivre d’un prisonnier, l’hypersensibilité d’un collègue introverti, le sourire si désarmant de l’handicapé…

 

Et moi, qu’ai-je reçu ? Pour quels fruits rendre grâce ? Quelle croissance réinvestir qui manque encore à ma récolte ?

Saurai-je discerner chez mes proches leur capacité à porter des fruits, et les encourager, les accompagner en ce sens ?

 


[1] . De l’amour : Une Philosophie pour le XX° siècle, Luc Ferry, Ed. Odile Jacob, p 109.

[2] . Une « capabilité » ou « capacité » ou « liberté substantielle » est, suivant la définition qu’en propose Amartya Sen, la possibilité effective qu’un individu a de choisir diverses combinaisons de fonctionnements, autrement dit une évaluation de la liberté dont il jouit effectivement (Wikipedia).

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La pluie fait germer la terre » (Is 55, 10-11)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. »

PSAUME
(Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)

R/ Tu visites la terre et tu l’abreuves, Seigneur,
tu bénis les semailles.
 (cf. Ps 64, 10a.11c)

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ;
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruissellent,
les collines débordent d’allégresse.

Les herbages se parent de troupeaux
et les plaines se couvrent de blé.
Tout exulte et chante !

DEUXIÈME LECTURE
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-23)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.

ÉVANGILE
« Le semeur sortit pour semer » (Mt 13, 1-23)
Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai. Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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