L'homélie du dimanche (prochain)

21 janvier 2024

Pas comme leurs scribes

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pas comme leurs scribes

 

Homélie pour le 4° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

28/01/2024

 

Cf. également :
 
Un prophète comme Moïse

Aliéné, possédé, exorcisé…

Qu’est-ce que « faire autorité » ? 

Ce n’est pas le savoir qui sauve

Medium is message


« C’est une bonne situation, ça, scribe ? »

La scène est devenue culte (plus de 4 millions de vues sur YouTube). Dans le film : Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre (2002), lorsque que Panoramix demande au scribe Otis (ainsi nommé parce qu’il a imaginé un projet d’ascenseur pour aller en haut de la pyramide !) s’il a une bonne situation, Otis lui répond, avec un faux air angélique, pendant que Astérix et Obélix ont du mal à ne pas pouffer de rire :

- Panoramix : C’est une bonne situation, ça, scribe ? 

- Otis : Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres, forgent une destinée… Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ça n’est pas mon cas, comme je disais là, puisque moi au contraire, j’ai pu : et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie… je ne suis qu’amour !

Voilà un autoportrait flatteur – et hilarant – du métier de scribe que les évangélistes ne cautionneraient sûrement pas ! On voit en effet ce dimanche Jésus prêcher à la synagogue de Capharnaüm, et on entend la foule l’admirer : « On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1,22).

Quelques années plus tard, Matthieu renforcera le trait lorsqu’il écrira : « il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. » (Mt 7,29). Comme s’il n’appartenait déjà plus à cette communauté qui ont leurs scribes, dont la figure n’existe plus dans l’Église naissante. La rupture est consommée avec ces personnages juifs érudits, souvent associés aux pharisiens.

Pourtant, les scribes étaient des notables au temps de Jésus.

À une époque où la majorité de la population ne sait ni lire, ni écrire, ni en araméen (la langue courante), ni en hébreu (la langue du culte), ni en grec (la langue officielle), le scribe est le lettré par excellence, l’homme du savoir. Sa connaissance des Écritures ne se limite pas à une fonction religieuse. Il n’est pas seulement celui qui enseigne à la synagogue mais aussi l’écrivain public, le notaire, et parfois le juge de paix. Il est la personne qui, par ses compétences, fait autorité, même s’il n’a aucune fonction officielle.

Les scribes enseignaient le peuple et interprétaient la Loi. Ils étaient à l‘honneur à cause de leur connaissance, de leur dévouement et de leur apparence de piété. L’autorité et le prestige des scribes suivent la courbe de l’évolution de la religion juive qui, après l’Exil et la faillite des institutions anciennes (royauté et sacerdoce), est progressivement devenue la religion du Livre. Toute la vie religieuse consiste donc à se pénétrer de la Torah, à l’interpréter en fonction des situations nouvelles de l’existence. Les scribes prennent en quelque sorte le relais des prophètes en tant qu’éducateurs et guides spirituels du peuple de Dieu. Les prêtres, quant à eux, sont des fonctionnaires du culte.

Pourquoi les premiers chrétiens ont-ils rompu avec les scribes ? Pourquoi Jésus le premier a-t-il contesté radicalement leur rôle ?

Examinons les reproches qui les ont disqualifiés aux yeux de la foi chrétienne. Et comme la tentation existe toujours d’annuler la nouveauté du Christ, examinons comment ces reproches pourraient aujourd’hui encore nous aider à purifier notre pratique religieuse.


Pas comme leurs scribes

Ce mot scribe (γραμματες = grammateus en grec, qui a donné grammaire) apparaît surtout dans l’Évangile de Marc (20 usages) et Matthieu (23 usages), écrits en milieu juif où l’autorité des scribes contestait celle du Christ. Dans Marc, il n’y a qu’un seul passage favorable aux scribes, quand l’un d’entre eux demande à Jésus quel est le premier de tous les commandements (Mc 12,28), et se voit ensuite encourager à persévérer : « tu n’es pas loin du royaume de Dieu » (Mc 12,34).

Toutes les autres apparitions du mot scribe sont connotées négativement. Ils murmurent en eux-mêmes contre Jésus (2,6) et critiquent sa proximité avec les gens de mauvaise vie (2,16). Ils l’accusent d’être un possédé (3,22) et s’associent aux pharisiens pour accuser Jésus, le rejeter et finalement le faire périr (7,1 ; 8,31 ; 10,33 ; 11,18 ; 14, à. 43. 53 ; 15,1. 31).

En relisant ces controverses entre Jésus et les scribes, on peut repérer au moins 4 reproches qui leur sont faits, et qui devraient nous tenir en alerte pour ne pas y tomber à notre tour.


1. Répéter sans actualiser

Pas comme leurs scribes dans Communauté spirituelle bazarre-photocopieC’est le métier des scribes que de recopier fidèlement les rouleaux de la Torah et autres écrits, afin d’offrir au plus grand nombre de synagogues des exemplaires à lire, étudier, méditer. C’est grâce aux scribes que l’Ancien Testament a été préservé pour faire partie de nos Bibles. Ils prenaient très au sérieux cette responsabilité de transmettre les Écritures sans les altérer.

Les traducteurs interprètent, les copistes répètent. La version grecque (la Septante) des écrits hébreux avait marqué un tournant dans l’exégèse juive, car elle avait obligé à interpréter les anciens textes dans un contexte nouveau. À l’inverse, la photocopie des scribes rendait le texte immobile, sans rien changer à la lettre.

La récitation coranique ressemble à cette obsession des scribes : répéter un texte soi-disant sacré qui serait sorti de la bouche de Dieu-même. Alors que les textes bibliques sont inspirés, et non dictés, et dépendent largement de la culture dans laquelle ils ont été produits. Mais les scribes, et plus tard les copistes du Moyen Âge, voulaient répéter à l’identique ; ils comptaient même les lettres et les espaces sur le parchemin afin de s’assurer que chaque copie était exacte.

Voilà le premier reproche auquel nous devons réfléchir : sacraliser le texte au point de le rendre immobile, desséché, obsolète. La vraie fidélité n’est pas de répéter mécaniquement. À l’image des fondamentalismes de tous poils qui pullulent sous couvert de ferveur religieuse, ces nouveaux scribes se réclament des textes, mais leur autorité n’est pas reconnue par le peuple, car leur enseignement est hors-sol, hors du temps. Ils préfèrent la lettre à l’esprit, le texte à la vie.


2. Couper les cheveux en quatre

couper_les_cheveux_en_4_c_est_peigne_p--i:141385124218514138520;d:1242185;w:520;b:000000;m:1 autorité dans Communauté spirituelleDevenus des professionnels de la lettre de la Loi, les scribes en ont profité pour y ajouter des traditions humaines censées combler les lacunes du texte pour l’appliquer dans le concret. Multipliant les cas où il faut trancher ce qui est permis ou défendu, ils ont versé dans une casuistique de plus en plus compliquée, incompréhensible sauf pour eux les experts.

D’où le reproche de Jésus : « Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau ! » (Mt 23,24).

Les rabbins juifs contemporains perpétuent hélas cette casuistique alambiquée. Vous êtes-vous déjà par exemple posé la question : peut-on pendant le shabbat tremper un croûton de pain dans une soupe [1] ? Ou bien peut-on boire un coca dans un verre avec une tranche de citron ? Ou bien peut-on utiliser un parapluie ce jour-là ? Utiliser l’ascenseur ?

Cf. Peut mettre un crouton dans sa soupe le jour de shabbat ?

Voici les réponses rabbiniques qu’on peut trouver sur Internet :

Pendant le shabbat, lorsqu’on presse un fruit, on sépare le jus du fruit comme lorsqu’on bat le blé, et cette activité est interdite par la Torah car assimilée à un travail. Il est donc interdit de presser des poires pendant le shabbat, car certains endroits dans le monde ont l’usage de les presser pour en boire le jus. Si l’on veut presser un citron pour faire une citronnade, on ne pressera pas le citron au-dessus d’un récipient vide, ni au-dessus de l’eau. On pressera le citron sur le sucre, de façon que tout le jus soit absorbé par le sucre ; alors, on considère que l’on extrait un comestible pour le transférer à un autre comestible, ce qui n’est pas interdit. On peut donc boire un coca avec une tranche de citron, car le but n’est pas de produire un nouveau produit.

 

Cuire le jour de shabbat est interdit, car la cuisson transforme l’aliment, le faisant accéder à un statut nouveau, d’aliment cru à aliment cuit. Mais si l’aliment est déjà cuit, il n’y a pas d’interdit à le réchauffer, car le réchauffage ne dote pas l’aliment d’une nature nouvelle. Même quand le fait de le réchauffer a pour effet d’en améliorer le goût, cela n’est pas interdit, en vertu du principe suivant : « il n’y a pas de cuisson après cuisson » (ein bichoul a’har bichoul). Aussi, la question centrale qui se pose en matière de lois du bichoul est de savoir quand donc l’aliment est considéré comme cuit. En effet, s’il est considéré comme cuit, il est permis de le réchauffer pendant Shabbat ; sinon, il est interdit de faire un acte qui puisse aider à son réchauffage.

Par exemple, il existe, sur les plaques chauffantes électriques, des endroits plus chauds que d’autres. Il est donc interdit de faire passer à un endroit plus chaud un plat dont la cuisson n’est pas encore achevée. De même, il est interdit de mettre une serviette sur son couvercle. Et si l’on a soulevé le couvercle de la marmite afin de vérifier l’état du plat, et qu’il apparaisse que sa cuisson n’est pas achevée, il est interdit de le recouvrir, car cela aurait pour effet de hâter la cuisson.

 

Pour l’ascenseur, comme faire du feu est interdit le jour du shabbat, et que l’électricité est du feu, il faudra demander à un non-juif d’appuyer sur le bouton pour avoir le droit d’y monter.

   

La liste est interminable des situations plus ou moins cocasses où le raisonnement des scribes d’aujourd’hui parvient à des conclusions surprenantes, voire ridicules. Jésus a bataillé contre ce formalisme d’experts qui enserrent le peuple dans une forêt de permis/défendus étouffants. L’islam a malheureusement prolongé cette déviation juive, et les universités coraniques débattent à l’infini de ce qui est haram (péché) ou pas, de ce qui est permis ou défendu.

Voilà comment l’orthopraxie juive ou musulmane prolifère là où l’orthodoxie chrétienne simplifie et ne garde que l’essentiel : aimer Dieu est le plus grand de tous les commandements, tout le reste en découle, sans avoir besoin de légiférer sur tout.

En judaïsme et en Islam, c’est la pratique qui compte : faire ce qui est permis, éviter le défendu. En christianisme, c’est la foi qui importe : crois en Dieu, et le reste te sera donné.

Prenons donc garde à ne pas orthopraxiser la foi de l’Église : l’essentiel n’est pas la liste de ce qu’il faut faire ou non, l’essentiel c’est d’être aimé et d’aimer.


3. L’hypocrisie religieuse

Sodoma scribe« Ils disent et ne font pas » (Mt 23,3). Les scribes se cachent derrière leur savoir de lettrés, et leurs arguties de pseudo-experts des traditions pour dissimuler ce qu’ils sont et pensent en eux-mêmes. Sous couvert de références bibliques, ils s’autorisent eux-mêmes des comportements inavouables. Aux États-Unis, les évangéliques les plus radicaux sont régulièrement démasqués pour des affaires de corruption financière, de scandales sexuels ou d’abus de pouvoir. « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (Mt 23,4).

Prenons garde à cette hypocrisie religieuse qui revient aujourd’hui : derrière les cols romains, les soutanes et les frou-frous liturgiques, certains à Rome ou à Paris s’autorisent des comportements inacceptables [2]. Ceux qui brandissent la Tradition pour asseoir leur autorité sont souvent ceux qui la bafouent en secret.


4. Se servir de son rôle religieux pour une promotion sociale

Cal-Antonio-Canizares-pr-fet-culte-divin-2009Jésus avait bien noté que le statut de scribes les associait à l’élite, avec tous ses privilèges : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi » (Mt 23,5-7).

Jésus lui a choisi la dernière place, celle du serviteur qui lave les pieds de ses amis, du maître qui donne sa vie pour ses disciples. Les scribes d’aujourd’hui font claquer leurs titres, leurs habits religieux, leurs nominations prestigieuses, pour se faire servir au lieu de servir. Beaucoup de nos frères prêtres africains sont culturellement piégés par cette déformation tribale du pouvoir qui a contaminé autrefois le haut clergé avant la Révolution française. Croire qu’on reconnaît un pasteur au nombre de gens qui le servent, à la taille de sa voiture, de son presbytère ou de son palais épiscopal est un contresens évangélique.

Les nouveaux scribes instrumentalisent la religion pour obtenir un rang social qu’ils n’auraient pas obtenu dans la société civile. Par exemple, au sein des petits réseaux identitaires catholiques, le statut de prêtre confère à certains une position sociale dominante (cadeaux, repas, argent, considération…) qu’ils n’auraient jamais eu autrement.

Si accepter un ministère est une promotion sociale, alors ne nous étonnons pas que l’autorité de l’Église faiblisse auprès du peuple comme celle des scribes autrefois.

Répéter sans actualiser, couper les cheveux en quatre, être hypocrite sous couvert de religion, se servir de son rôle religieux pour une promotion sociale : que l’Esprit du Christ nous aide à réfléchir à ces quatre reproches que Jésus nous fait encore. Qu’il nous inspire une autorité enracinée dans le service et le don de soi, pas comme leurs scribes.

___________________________

[2]. Cf. le livre Sodoma, où l’auteur Frédéric Martel enquête sur la double vie homosexuelle de membres du clergé au Vatican (Robert Laffont, 2019).

 

LECTURES DE LA MESSE


PREMIÈRE LECTURE
« Je ferai se lever un prophète ; je mettrai dans sa bouche mes paroles » (Dt 18, 15-20)


Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez. C’est bien ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, au mont Horeb, le jour de l’assemblée, quand vous disiez : “Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !” Et le Seigneur me dit alors : “Ils ont bien fait de dire cela. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte.
Mais un prophète qui aurait la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d’autres dieux, ce prophète-là mourra.” »

 

PSAUME
(94 (95), 1-2, 6-7abc, 7d-9)

R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur. (cf. 94, 8a.7d)

 

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

 

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit
le troupeau guidé par sa main.

 

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

 

DEUXIÈME LECTURE
La femme qui reste vierge a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée » (1 Co 7, 32-35)

 

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, j’aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé. La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée dans son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de ce monde, elle cherche comment plaire à son mari. C’est dans votre intérêt que je dis cela ; ce n’est pas pour vous tendre un piège, mais pour vous proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

 

ÉVANGILE
« Il enseignait en homme qui a autorité » (Mc 1, 21-28)
Alléluia. Alléluia. Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. Alléluia. (Mt 4, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui. Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. » Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.
Patrick BRAUD

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24 juillet 2017

Tirer de son trésor du neuf et de l’ancien

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Tirer de son trésor du neuf et de l’ancien

Homélie pour le 17° dimanche du temps ordinaire / Année A
30/07/2017 

Cf. également :

Quelle sera votre perle fine ?
Acquis d’initié
Donne-moi la sagesse, assise près de toi
Les bonheurs de Sophie
Épiphanie : la sagesse des nations
L’identité narrative : relire son histoire
L’événement sera notre maître intérieur

 

Le scribe d’Astérix

Il existe sur une Youtube une vidéo culte (plus d’un million de vues !), extraite du film Astérix et Cléopâtre. On y voit Astérix (Christian Clavier) demander au scribe de Cléopâtre en quoi consiste son métier. Le scribe part alors dans une description improbable, philosophique et hilarante de son activité professionnelle. Il termine par cette réplique devenue culte elle aussi : « je chante l’amour, je ne suis qu’amour »… Astérix et Obélix ont le visage qui s’allonge au fur et à mesure, ne comprenant pas grand-chose au galimatias du scribe, pourtant plus profond qu’il n’y paraît…

Ce scribe d’Astérix est totalement compatible avec celui de Jésus dans notre évangile ! Dans sa quatrième parabole sur le royaume des cieux de ce dimanche (cf. , Mt 13, 44-52)  Jésus évoque en effet le travail créatif et innovant du scribe authentique : « tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »

 

De quoi, de qui êtes-vous le scribe ?

Cette mini parabole s’adresse donc aux scribes. Métier de copiste à l’origine, le scribe était devenu également l’exégète des textes qu’il diffusait. Rappelons qu’à l’époque, le canon des Écritures n’était pas encore définitivement fixé. De nombreux manuscrits circulaient (comme par exemple ceux de la mer Morte), mais on ne distinguait pas encore les canoniques des apocryphes. Le scribe faisait connaître des textes, et les accompagnait de commentaires oraux, en lien avec les docteurs de la Loi. C’est d’ailleurs la tradition orale qui primait. Les manuscrits n’étaient jamais que la retranscription fidèle des récits qui avaient été forgés dans la prédication orale et se répétaient avec exactitude.

Les révélations des manuscrits de la mer Morte

Et vous, de quoi êtes-vous le scribe ?

Une vieChacun de nous peut se considérer comme scribe de son propre parcours de vie. Puisque l’Alliance de chacun avec Dieu est une histoire sainte, il y a beaucoup à raconter, beaucoup à écrire des évènements traversés avec Dieu comme compagnon de route. Des Mémoires de Charles De Gaulle aux biopics pour adolescents, tout le monde pressent confusément qu’il faut écrire quelque chose de sa vie ou de la vie des autres. C’est un devoir commun d’humanité !

La mort récente de Simone Veil a par exemple ravivé ce besoin non seulement de se souvenir mais de raconter (la Shoah, le Parlement européen, la loi sur l’IVG…) en puisant dans cette vie exemplaire des sources d’inspiration pour aujourd’hui. Il y aura des livres, des films, des émissions TV sur cette histoire d’une jeune fille juive échappant à la mort des camps nazis pour devenir une figure féminine hors du commun.

Mais chacun de nous est une Simone Veil à sa mesure ! Raconter à ses enfants, petits-enfants est un devoir d’héritage. Et on ne raconte jamais ce qui nous a touché – du rire aux larmes – de façon froide et purement « factuelle ». On le fait avec le recul des années, en fonction du contexte présent, selon les destinataires etc.

Tirer de son trésor du neuf et de l’ancien dans Communauté spirituelle scribe-ptahchepses

De qui êtes-vous le scribe ?

Le danger de la fonction de scribe est de devenir un flagorneur, un biographe officiel des puissants. Le scribe de Jésus est libre : parce qu’il s’est « converti » (« disciples du royaume des cieux ») il n’est plus le fonctionnaire d’un pouvoir, mais un « maître de maison », capable d’indépendance. Produire sa propre interprétation des événements, sans autre intérêt que celui du royaume des cieux, est la marque du scribe chrétien. Au lieu de reproduire les commentaires autorisés, les avis de la pensée dominante, ce scribe n’appartient à personne sinon au royaume des cieux. Avons-nous cette liberté intérieure ? Sommes-nous capables de nous émanciper des récits officiels pour produire notre propre histoire, notre relecture des événements de notre vie ?

 

Le trésor des scribes

Vierge de l'Annonciation de Fra AngelicoC’est de son trésor que le scribe selon Jésus puise de quoi nourrir ses lecteurs/auditeurs. Ce trésor, c’est tout d’abord l’Écriture bien sûr qu’il est chargé de transmettre. Pour nous, c’est également le trésor des événements, heureux ou difficiles, qui nous parlent de Dieu et de notre itinéraire avec ou sans lui. Si chacun était persuadé que sa vie est un trésor, il en prendrait soin mieux encore que de son assurance-vie ! L’histoire d’un couple, d’une carrière professionnelle, d’un engagement social ou politique, d’une passion artistique ou culturelle… : ce qui nous est arrivé a tant de valeur ! C’est de cela que nous pouvons / devons tirer de quoi nourrir les générations futures, à commencer par nos proches, mais pas seulement.

Cela demande de prendre du recul, de méditer sur les méandres de notre existence,  de ruminer l’imprévu et l’étonnement qui ont jalonné ce parcours. À l’image de Marie qui gardait toutes ces choses en son cœur…

Impossible d’être le scribe du royaume des cieux sans se livrer régulièrement à cet exercice de relecture des événements, pour y discerner les paroles que Dieu nous y adresse, ses appels qu’il nous faut transmettre à d’autres. Cela va de la semaine de retraite dans un monastère cet été à la minute d’examen de conscience en fin de soirée. Cela engendre la prière d’action de grâces pour le don reçu et la prière de supplication pour  réussir à déchiffrer, à décrypter l’inouï – joyeux ou souffrant – qui nous est survenu.

 

Du neuf et de l’ancien

Une fois assurés dans notre métier de scribe, et conscients du trésor qui nous est confié, Jésus nous demande de pratiquer l’alliage du neuf et de l’ancien. Pour le scribe juif, c’est  savoir lire la nouveauté chrétienne dans la Torah, la Sagesse et les Prophètes. Pour l’exégète chrétien, c’est savoir enraciner la révélation chrétienne dans l’Ancien Testament. Finalement il s’agit de lire l’ancien à la lumière du nouveau, et réciproquement !

Ce n’est pas vrai seulement des deux testaments ! C’est vrai aussi pour le trésor de ne vie.

Du neuf et de l'ancienNe pas répéter indéfiniment – en s’y enfermant – les blessures du passé. Ne pas nourrir la nostalgie du « c’était mieux avant ». Et à l’inverse ne pas pratiquer la table rase de ceux qui croient pouvoir bâtir sans racines.

Cela ressemblerait presque au fameux slogan de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 : « le changement dans la continuité » ! C’est en effet une gageure de ne pas opposer créativité et fidélité, innovation et tradition. Mais c’est notre responsabilité éthique. Vis-à-vis de nous-mêmes d’abord : honorer notre passé, assumer ce que nous avons fait ou pas fait, tout en nous tournant vers l’avenir avec énergie.

C’est une démarche à mi-chemin entre l’exploration du passé de type psychanalytique et la création ex nihilo de type start-up comme les GAFA il y a 10 ans… La doxa psychanalytique  croit que rien ne peut se dénouer sans visiter d’abord les combles et le grenier de notre histoire personnelle. Fasciné par le poids du passé, ce travail en a perdu plus d’un, car il est incapable par lui-même de produire autre chose que le fruit du passé, incapable d’accueillir ce qui nous vient de l’avenir, ce qui nous est donné gratuitement en rupture totale avec nos conditionnements d’autrefois.

À l’inverse, le mode start-up devient dangereux s’il oublie d’intégrer les contraintes du passé, s’il ne pense qu’à l’instant en négligeant le long terme.

La fixation sur l’ancien engendre blocage et immobilisme. La séduction exclusive du nouveau génère précarité et perte d’identité. Penser un pays en mode start-up est tout autant idolâtre (de la nouveauté) que le traditionalisme en matière religieuse (refuser le travail de l’Esprit qui actualise sans cesse le dépôt de la foi).

Sur le plan personnel, tirer du neuf de l’ancien repose sur une philosophie du temps proprement chrétienne. Ni cyclique à la manière de la Tradition des Anciens, ni linéaire à la manière du Progrès des Lumières, le temps chrétien est plutôt… hélicoïdal ! C’est-à-dire qu’il navigue sans cesse entre la promesse de Dieu et ce qu’elle a déjà réalisé dans nos vies,  pour discerner ce qu’elle est en train de créer de nouveau aujourd’hui. L’eucharistie est par excellence cet enroulement symbolique de la mémoire et de l’avenir, de la continuité et de la rupture, de l’ancien et du nouveau.

Apprenons patiemment à pratiquer une telle lecture de nos histoires humaines. Encourageons-nous mutuellement à tirer du trésor de nos vies à la fois du neuf et de l’ancien !

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Tu m’as demandé le discernement » (1 R 3, 5.7-12)
Lecture du premier livre des Rois
 En ces jours-là, à Gabaon, pendant la nuit, le Seigneur apparut en songe à Salomon. Dieu lui dit : « Demande ce que je dois te donner. » Salomon répondit : « Ainsi donc, Seigneur mon Dieu, c’est toi qui m’as fait roi, moi, ton serviteur, à la place de David, mon père ; or, je suis un tout jeune homme, ne sachant comment se comporter, et me voilà au milieu du peuple que tu as élu ; c’est un peuple nombreux, si nombreux qu’on ne peut ni l’évaluer ni le compter. Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ; sans cela, comment gouverner ton peuple, qui est si important ? »
 Cette demande de Salomon plut au Seigneur, qui lui dit : « Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, mais puisque tu as demandé le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi. »

PSAUME
(Ps 118 (119), 57.72, 76-77, 127-128, 129-130)
R/ De quel amour j’aime ta loi, Seigneur ! (Ps 118, 97a)

Mon partage, Seigneur, je l’ai dit,
c’est d’observer tes paroles.
Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche,
plus qu’un monceau d’or ou d’argent.

Que j’aie pour consolation ton amour
selon tes promesses à ton serviteur !
Que vienne à moi ta tendresse, et je vivrai :
ta loi fait mon plaisir.

Aussi j’aime tes volontés,
plus que l’or le plus précieux.
Je me règle sur chacun de tes préceptes,
je hais tout chemin de mensonge.

Quelle merveille, tes exigences,
aussi mon âme les garde !
Déchiffrer ta parole illumine
et les simples comprennent.

DEUXIÈME LECTUR
« Il nous a destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils » (Rm 8, 28-30)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Ceux que, d’avance, il connaissait, il les a aussi destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d’une multitude de frères. Ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire.

ÉVANGILE
« Il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ » (Mt 13, 44-52) Alléluia. Alléluia.
Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à la foule ces paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ.
 Ou encore : Le royaume des Cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle.
 Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
 « Avez-vous compris tout cela ? » Ils lui répondent : « Oui ». Jésus ajouta : « C’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »
Patrick BRAUD

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28 janvier 2015

Qu’est-ce que « faire autorité » ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Qu’est-ce que « faire autorité » ?

Homélie du 4° Dimanche – Année B
Dimanche 01/02/2015

cf. également :  Ce n’est pas le savoir qui sauve

Medium is message

Quelle autorité !

Une autorité à faire rêver bien des parents, des éducateurs, des professeurs : « Jésus parlait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes ».

Qu'est-ce que ·     Tiens ! : avez-vous remarqué au passage qu’on ne sait même plus ce qu’enseignait Jésus… Seule reste dans le texte la forte impression d’autorité qu’il a laissé sur son auditoire. Intéressant pour réfléchir sur l’autorité ! La manière de parler de Jésus est au moins aussi importante que le contenu qu’il exprime. La forme et le fond sont inséparables. Un théoricien des médias a formulé ce constat en un adage célèbre : Medium is message’ (Mac Luhan) : le message, c’est le média lui-même, c’est-à-dire la personne qui parle et la manière dont on elle parle.
Goethe disait la même chose autrement: « le but est dans le chemin ».

Nous sommes souvent obnubilés par le contenu soi-disant objectif de ce que nous voulons transmettre. Mais sommes-nous assez attentifs à la manière dont nous le disons ? Il ne suffit pas d’avoir raison, ou de savoir les bonnes connaissances : encore faut-il permettre à l’autre qui m’écoute de recevoir ma parole, et pour cela d’y mettre les formes. C’est d’abord cela l’autorité de Jésus. Que ce soit en couple, en famille, à l’école, au travail ou en Église, il y a tant de mal-entendus, qui proviennent plus de notre façon de communiquer que du contenu de notre parole !

 

 

 

Faire grandir l’autre 

·     La 2ème caractéristique de l’autorité de Jésus dans ce texte (le mot revient au début et à la fin : belle inclusion) est d’être au service de la croissance de l’autre.

Regardez cet homme tourmenté qu’on amène à Jésus. Il ressemble à bien des enfants difficiles dans nos classes, à bien des jeunes jugés ‘sauvageons’ par les adultes. Il ne parle plus, il ne sait plus que vociférer et crier. Bien des jeunes sont ainsi, prisonniers de la violence de leur quartier, de leur famille, de leur histoire personnelle. Pire encore, cet homme alterne de façon inquiétante le « je » et le « nous » : « es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es ». Sa personnalité est éclatée, il n’arrive pas à faire l’unité de son moi profond. Comme quoi le fait de savoir ne suffit pas pour garantir l’identité, la santé, le salut…

Nous dirions aujourd’hui que cet homme souffre d’un très fort clivage de la personnalité, un peu Dr Jekyll et Mr Hyde ! Il est divisé, fragmenté. Incapable d’unifier sa personnalité, il hésite sans cesse entre le je et le nous, le singulier et le pluriel, comme si il n’arrivait pas à être vraiment lui-même. Cette division intérieure, ce clivage de l’identité personnelle, nous le voyons souvent à l’œuvre hélas, surtout chez ceux qui sont fragiles, dans des périodes délicates de leur vie où ils se cherchent, surtout lorsqu’ils sont soumis à des influences extérieures qui les fragmentent et les éparpillent encore plus.

Eh bien, l’autorité de Jésus va justement être d’exorciser ce démon de la division intérieure ! Avec force, Jésus rétablit en cet homme la possibilité d’être un au lieu d’être plusieurs, de parler au lieu de crier…

 

Les deux racines du mot autorité 

Voilà qui rejoint l’étymologie du mot autorité.

Vous savez que ce mot se rattache à deux racines latines qui aident à réfléchir sur notre propre autorité aujourd’hui (cf. les études de Annah Arendt) :

 arendt dans Communauté spirituelle* autorité vient de « augere » = augmenter.

Dans la cité de Rome, l’autorité consistait à augmenter et à accroître les fondations de la vie commune, de la cité, posées par les ancêtres. Être en position d’autorité à Rome, c’était s’inscrire dans cette lignée ininterrompue de successeurs, depuis Romulus et Remus. C’était être relié à ses propres origines. Cette autorité permet à la fondation de perdurer, à la cité d’augmenter son pouvoir.

Jésus fait preuve de cette autorité lorsqu’il reprend la loi de Moïse pour l’accomplir et la porter à son incandescence : « on vous a dit, eh bien moi je vous dis »(Mt 5)

C’est l’autorité des parents qui cherchent à faire croître leur enfant, à augmenter ses capacités, à développer en lui ce qu’il a de meilleur.

On redécouvre aujourd’hui l’importance de cette autorité parentale-là : si les parents n’exercent pas cette autorité de croissance, les enfants sont appauvris et diminués.

On redécouvre également cette forme d’autorité dans le management en entreprise : les managers doivent davantage servir la croissance - individuelle et collective - de leur équipe (servant leader) que faire sentir leurs galons hiérarchiques façon « chef » (command & control).

 

* autorité vient aussi de « auctor » = être l’auteur d’une initiative qui rallie tous les suffrages. C’est ce qu’on disait de Jésus : il enseignait avec autorité et non comme leurs scribes. Il « faisait autorité ». L’autorité du Christ, c’est sa force de persuasion, la persuasion d’une parole vraie et profonde qui suscite l’enthousiasme des auditeurs et leur fait dire :  » c’est vrai, j’adhère à ce que dit et fait cet homme, j’ai envie de le suivre ». En cela, Jésus se révèle être un authentique servant leader, quelqu’un qui suscite le désir de le suivre parce qu’on devient ainsi davantage soi-même.

C’est donc une autorité basée sur un consensus qu’elle sait créer.

L’intérêt de cette forme d’autorité, c’est qu’elle ne cherche pas l’obéissance mais la libre adhésion. Ceux qui semblent obéir à l’auteur d’une parole ou d’une initiative (que ce soit Jésus en Palestine, De Gaulle le 18 juin 1940, ou Luther King et ses marches non violentes) apportent en réalité leur soutien parce qu’ils se reconnaissent en lui. Cette autorité reçoit son pouvoir de ceux qui s’y rallient, et ne l’impose pas de l’extérieur. « Si tu veux, viens et suis-moi… » Les parents, les politiques, les dirigeants de l’Église gagneraient à pratiquer aussi cette forme d’autorité, par libre consensus…

 

schema_robbes autorité 


« On était frappé par l’enseignement de Jésus, car il parlait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes ».

Que l’Esprit du Christ nous apprenne à pratiquer cette  autorité-là, une autorité de service : pour la croissance de l’autre, pour créer des consensus permettant à chacun de se dépasser, de s’unifier…

 

 

1ère lecture : « Je ferai se lever un prophète ; je mettrai dans sa bouche mes paroles » (Dt 18, 15-20)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple :
« Au milieu de vous, parmi vos frères,
le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez.
C’est bien ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, au mont Horeb, le jour de l’assemblée, quand vous disiez :
“Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !”
Et le Seigneur me dit alors : “Ils ont bien fait de dire cela. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ;
je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles
que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte. Mais un prophète qui aurait la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d’autres dieux, ce prophète-là mourra.” »
– Parole du Seigneur.

Psaume : 94 (95), 1-2, 6-7abc, 7d-9

R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur,
mais écoutez la voix du Seigneur.
(cf. 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit
le troupeau guidé par sa main.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : La femme qui reste vierge a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée » (1 Co 7, 32-35)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères,
j’aimerais vous voir libres de tout souci.
Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur.
Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé.
La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur, afin d’être sanctifiée dans son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de ce monde, elle cherche comment plaire à son mari.
C’est dans votre intérêt que je dis cela ; ce n’est pas pour vous tendre un piège, mais pour vous proposer ce qui est bien,
afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

Evangile : « Il enseignait en homme qui a autorité » (Mc 1, 21-28)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. Alléluia. (Mt 4, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui. Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. » Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.

Patrick BRAUD

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