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Incendie de Notre Dame de Paris : « Le sanctuaire, c’est vous »
L’incendie de « la forêt » (la charpente) de Notre Dame de Paris nous bouleverse, nous émeut aux larmes. En ce début de semaine sainte, elle est déjà crucifiée, l’effondrement de sa charpente la marquant d’un immense stigmate rouge flamboyant dans le ciel de Paris. Des milliers de parisiens la contemplent, incrédules, dans un impressionnant silence qu’on aurait auparavant qualifié « de cathédrale ». Des millions de par la terre entière se sont joints à eux par leurs écrans envahis de reportages en direct. Choqués, ils ont fait bruisser les réseaux sociaux d’une immense rumeur de stupéfaction, de chagrin, de colère aussi.
Viendra le temps du bilan, puis de l’analyse des causes, des responsabilités, et ensuite de la reconstruction.
Ce soir c’est une immense tristesse qui étreint les amoureux de la beauté de cette cathédrale, des œuvres d’art qu’elle recèle, de l’histoire de France qui lui est intimement liée.
Cependant, la foi chrétienne sait bien que les demeures des hommes ne sont pas éternelles. Jésus lui-même a choqué les habitants de Jérusalem en annonçant qu’il ne resterait pas pierre sur pierre de son Temple pourtant magnifique (Lc 21, 5-11). Et Paul nous demande de ne pas nous tromper de sanctuaire :
« Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (1Co 3,16)
Non, la nature n’est pas sacrée, ni les bois, ni les pierres. Non, le sanctuaire n’est pas fait d’or ou d’argent, mais de chair et le sang, car « le sanctuaire c’est vous ».
Le peuple hébreu se l’est entendu dire dès le début de l’Exode :
« Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux » (Ex 25,8)
Vous avez bien lu. Le texte ne commet pas de faute. Normalement, on aurait dû lire : « vous construirez ce sanctuaire afin que j’habite en lui ». Mais non ! Israël a construit le Temple pour que Dieu habite dans le cœur de chacun, et non dans les pierres. L’Église construit des cathédrales, non pour y enfermer l’Esprit du Christ, mais pour que l’Esprit du Christ habite en nous. Les bâtiments sont des symboles, des médiations, pour que Dieu fasse de nous son Temple vivant. Même si Notre-Dame de Paris était détruite dans l’incendie ou dans une prochaine guerre, la foi chrétienne n’en serait pas détruite pour autant, car l’inhabitation de Dieu en chacun n’est pas liée au sort de nos cathédrales.
Reste que notre attachement à ce symbole de notre peuple nous fait tous désirer que la reconstruction ne tarde pas. Les collectes, les élans de générosité, les solidarités de tous bords ne manqueront pas, soyons en sûrs. L’espérance non plus.
Puisse ces flammes raviver le désir de devenir nous-mêmes le vrai sanctuaire de Dieu parmi les hommes.
NB : Dans son roman « Notre-Dame de Paris » publié en 1831, Victor Hugo avait décrit, avec une imagination qui fait froid dans le dos ce soir, la possibilité de cette destruction de Notre Dame :
« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. »
L’ancien évêque brésilien de Récife, Dom Helder Camara, racontait autrefois :
Un jour, une délégation est venue me voir, ici, à Recife : - « Vous savez, Dom Helder, il y a un voleur qui a réussi à pénétrer dans telle église. Il a ouvert le tabernacle. Comme il ne s’intéressait qu’au ciboire, il a jeté les hosties par terre, dans la boue… Vous entendez, Dom Helder : le Seigneur vivant jeté dans la boue !… Nous avons recueilli ces hosties et les avons portées en procession jusqu’à l’église, mais il faut faire une grande cérémonie de réparation !… » - « Oui, je suis d’accord. On va préparer une procession eucharistique. On va réunir tout le monde. On va vraiment faire un acte de réparation. Le jour de la cérémonie, quand tout le monde était là, j’ai dit : « Seigneur, au nom de mon frère le voleur, je te demande pardon. Il ne savait pas ce qu’il faisait. Il ne savait pas que tu es vraiment présent et vivant dans l’Eucharistie. Ce qu’il a fait nous touche profondément. Mais mes amis, mes frères, comme nous sommes tous aveugles ! Nous sommes choqués parce que notre frère, ce pauvre voleur, a jeté les hosties, le Christ eucharistique dans la boue, mais dans la boue vit le Christ tous les jours, chez nous, au Nordeste ! Il nous faut ouvrir les yeux ! » Et je disais que le meilleur fruit de la communion au Corps du Christ dans l’Eucharistie serait que le Christ ainsi reçu nous ouvre les yeux et nous aide à de reconnaître l’Eucharistie des pauvres, des opprimés, de ceux qui souffrent. C’est sur cela que nous serons jugés, le dernier jour… [1]
Contestant toutes les réductions de la spiritualité chrétienne à des états d’âme intérieurs, Dom Helder Camara rappelait dans cet épisode célèbre le cœur de la désacralisation biblique que Paul résumait ainsi dans notre première lecture :
Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. (1Co 3,16)
Les juifs, découvrant l’altérité radicale d’un Dieu unique, contestent logiquement les sacralisations opérées par les polythéismes ambiants. Non, la nature n’est pas sacrée, ni les bois, ni les pierres, ni les fétiches construits par de soi-disant sorciers. Non, le sanctuaire n’est pas fait d’or ou d’argent, mais de chair et le sang, car « le sanctuaire c’est vous ».
Le peuple hébreu se l’est entendu dire dès le début de l’Exode : « Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux » (Ex 25,8)
Vous avez bien lu. Le texte ne commet pas de faute. Normalement, on aurait dû lire : « vous construirez ce sanctuaire afin que j’habite en lui ». Mais non ! Israël a construit le Temple pour que Dieu habite dans le cœur de chacun, et non dans les pierres. L’Église construit des cathédrales, non pour y enfermer l’Esprit du Christ, mais pour que l’Esprit du Christ habite en nous. Les bâtiments sont des symboles, des médiations, pour que Dieu fasse de nous son Temple vivant. Si Notre-Dame de Paris était détruite dans une prochaine guerre, la foi chrétienne n’en serait pas détruite pour autant, car l’inhabitation de Dieu en chacun n’est pas liée au sort de nos cathédrales.
Même l’eucharistie, sacrement suprême de la présence divine, ne peut être idolâtrée. Car ce serait idolâtrer l’eucharistie que de la chosifier (en la limitant aux hosties consacrées par exemple) en la coupant de sa réalisation humaine. La vérité de l’eucharistie est dans la justice rendue aux pauvres, dans le droit protégeant les faibles, dans la solidarité établissant la dignité des moins que rien.
Imaginez que vous vous approchiez du Christ pour l’embrasser au visage alors que vous lui écrasez les pieds avec de gros souliers ferrés. Eh bien – s’écriait saint Augustin – « le Christ criera plus fort pour ses pieds qu’on écrase que pour sa tête qu’on honore » !
Et le cardinal Ratzinger écrivait autrefois :
« seul célèbre vraiment l’Eucharistie celui qui l’achève dans le service divin de tous les jours qu’est l’amour fraternel » [2].
L’évangile du jour nous montre Jésus dessinant les contours du culte nouveau, « en esprit et en vérité » : ne pas riposter aux méchants, aimer son prochain comme soi-même, tendre l’autre jour, aimer ses ennemis, être parfait comme notre Père céleste est parfait (Mt 5 ; Lv 19,2).
La tradition chrétienne parle d’ailleurs du sacrement du frère indissociable du sacrement de l’autel, les deux se renvoyant mutuellement sans cesse l’un à l’autre. Impossible en effet d’aimer ses ennemis sans aller puiser à la source de l’amour gratuit et inconditionnel qu’est le don de soi du Christ dans son eucharistie. Car aimer celui qui me fait du mal n’est pas naturel. C’est sur-naturel, disaient les anciens à juste titre. Impossible également d’adorer le Saint Sacrement sans en même temps honorer la dignité d’enfants de Dieu des plus petits, les étrangers, des méprisés, des sans-grades…
Le véritable sanctuaire de Dieu, c’est vous.
Paul dynamite les pseudo-spiritualités qui voudraient soit à faire retour à la Terre-mère (sous prétexte d’écologie ou de vagues influences orientales), soit faire retour à une dévotion désincarnée (même revisitée d’une manière charismatique ou folklorique) qui a eu ses heures de gloire autrefois et tente à nouveau des jeunes générations sans repères.
Tout homme est une histoire sacrée: nous avons raison de le chanter. Adorer Dieu dans son sanctuaire et l’adorer en chaque être humain sont des mouvements distincts, mais indissociables : l’un implique l’autre, comme l’amour de Dieu implique l’amour du prochain et réciproquement.
Impossible alors à qui entre dans le sanctuaire divin de se désintéresser de ce que devient l’identité divine de chacun très concrètement : un logement décent, la possibilité d’un travail humanisant, être protégé contre toute forme de domination et d’exploitation etc.
À l’approche des présidentielles françaises, il est bon de rappeler ce lien eucharistie - engagement social. Voter, c’est prendre position sur des questions sociales complexes et mouvantes. Personne ne peut rêver d’être 100% cohérent entre sa pratique dominicale et son vote politique. Ce qui engendre un pluralisme nécessaire et légitime. Cette tension est constitutive de la double identité chrétienne que décrivait la lettre à Diognète au III° siècle :
« Les chrétiens se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois. Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent. On les méconnaît, on les condamne ; on les tue et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. On les méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie et ils sont justifiés. On les insulte et ils bénissent. On les outrage et ils honorent. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans la joie comme s’ils naissaient à la vie. »
Cette tension et féconde, lorsqu’elle nous oblige à revisiter nos options politiques à la lumière de l’Évangile, comme à revisiter nos pratiques religieuses à l’aune du critère du respect de l’humain en lequel réside l’Esprit de Dieu.
Le véritable sanctuaire de Dieu, c’est vous.
Regardez-vous dans le miroir du matin avec cette phrase de Paul. Vous y décernerez un autre visage de vous-même…
Regardez vos proches, vos collègues, vos voisins avec cette conviction de Paul : chacun est habité par l’Esprit de Dieu, il est plus sacré que toutes les idoles environnantes…
[1] . Dom Helder Camara, Les conversions d’un évêque, Seuil, 1977, p. 145, chapitre « L’Eucharistie du pauvre ».
[2] . Joseph Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, Paris, 1971, p. 17.
1ère lecture : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »(Lv 19, 1-2.17-18) Lecture du livre des Lévites Le Seigneur parla à Moïse et dit : « Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël. Tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur. »
Psaume : Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 8.10, 12-13 R/ Le Seigneur est tendresse et pitié. (Ps 102, 8a)
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint !
2ème lecture : « Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1 Co 3, 16-23) Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Il est écrit en effet : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté. Il est écrit encore : Le Seigneur le sait : les raisonnements des sages n’ont aucune valeur ! Ainsi, il ne faut pas mettre sa fierté en tel ou tel homme. Car tout vous appartient, que ce soit Paul, Apollos, Pierre, le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.
Evangile : « Aimez vos ennemis » (Mt 5, 38-48) Acclamation : Alléluia. Alléluia. En celui qui garde la parole du Christ l’amour de Dieu atteint vraiment sa perfection. Alléluia. (1 Jn 2, 5)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »