L'homélie du dimanche (prochain)

16 juin 2024

Meunier, tu dors ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Meunier, tu dors ?

 

Homélie pour le 12° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

24/06/24

 

Cf. également :

Jesus, don’t you care ?

Passage obligé 

Le dedans vous attend dehors

Le pourquoi et le comment

Qui a piqué mon fromage ?
L’amour du prochain et le « care »
La croissance illucide


Meunier, tu dors ?

Les enfants d’aujourd’hui chantent-ils encore la comptine que des générations avant eux connaissaient par cœur ?

Meunier tu dorsR/ Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop vite

Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop fort

 

Meunier tu dors, et le vent souffle souffle

Meunier tu dors, et le vent souffle fort

Les nuages, les nuages viennent vite,

Et l’orage et l’orage gronde fort !

Les nuages, les nuages viennent vite,

Et l’orage et l’orage gronde fort !

Le vent du Nord a déchiré la toile

Meunier, tu dors, ton moulin est bien mort

Dans notre Évangile de ce dimanche (Mc 4,35-41), Jésus est un peu le meunier de la comptine.
Pourquoi dort-il alors que la barque menace de chavirer ?
Le reproche des disciples n’est-il pas également le nôtre : où es-tu pendant que nous sombrons ?


1. Erreur de casting

Meunier, tu dors ? dans Communauté spirituelle image%2F1484046%2F20210626%2Fob_9dadd0_jesus-apaise-la-tempete-1Un premier élément de réponse vient de la place occupée par Jésus dans la barque. On se serait attendu à ce que les disciples le mettent à l’avant, en figure de proue, pour les avertir des dangers lors de la traversée du lac en furie. Ou bien ils auraient pu lui confier le gouvernail : avec Jésus à la barre, rien à craindre ! Eh bien non : ils l’ont cantonné dans la cabine arrière, sous le gouvernail. On a retrouvé une grande barque de pêcheurs de Tibériade où effectivement il y a un espace protégé, comme une cabine arrière, ne gênant pas les manœuvres, sous la grande barre manœuvrant le gouvernail. Les disciples ont donc fait une erreur de casting : ils n’ont pas attribué à Jésus le rôle de vigie ou de pilote, mais de fret en soute…

L’erreur est manifeste lorsqu’ils l’appellent pour le réveiller : « Maître (cela ne te fait rien que nous périssions ?) ». « Maître », (διδσκαλος, didaskalos, qui a donné didascalie =  enseignement supérieur) c’est un titre de respect certes, mais à distance, qualifiant Jésus sous l’angle du savoir. Or le savoir ne suffit pas pour accéder à Jésus, comme l’avait montré l’épisode du possédé de Capharnaüm : « je sais qui tu es » (Mc 1,24). Les démons savent, mais ne sauvent pas. Les disciples se sont mis eux-mêmes dans la peau d’élèves studieux voulant appliquer les leçons de leur maître sans leur maître.

Au moins l’épisode de la tempête aura fait chavirer leur point de vue ! Car, à la fin, ils ne sont plus sûrs du tout de connaître la véritable identité de celui qu’ils appelaient Maître : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Cette erreur de casting des piètres marins de Tibériade, nous la faisons souvent ! Nous acceptons peut-être Jésus comme passager, mais plus comme un poids mort que comme vigie ou pilote, plus comme un colis à trimbaler qu’un compas à consulter régulièrement, plus comme une leçon apprise qu’un GPS ou un sonar…

À quelle place se trouve Jésus dans notre barque ?

Pour mieux apprécier le sommeil de Jésus, regardons maintenant de plus près le verbe employé par Marc : καθεδω (katheudō), dormir. Il a des harmoniques très signifiantes dans l’Ancien Testament. Examinons deux ou trois d’entre elles.

 

2. Chez les marins : le syndrome Jonas

Jonas dort dans la cale du bateau en pleine tempêteLe verbe καθεδω (dormir) est employé dans la LXX (traduction grecque de l’Ancien Testament) pour le prophète Jonas, lui aussi dans un bateau, lui aussi dans la tempête. Tiens, ce n’est sûrement pas un hasard !

« Les matelots prirent peur ; ils crièrent chacun vers son dieu et, pour s’alléger, lancèrent la cargaison à la mer. Or, Jonas était descendu dans la cale du navire, il s’était couché et dormait d’un sommeil mystérieux » (Jon 1,5).

L’histoire est connue, et rappelle furieusement notre épisode de Tibériade : une embarcation est chahutée par les flots ; l’équipage a peur. Ils se demandent pourquoi l’orage les malmène, et commencent à chercher un coupable. Le juif Jonas embarqué pour fuir Ninive la païenne leur apparaît comme un coupable tout désigné (par le truchement d’un tirage au sort). Désigner un juif coupable du malheur ambiant, c’est vieux comme les juifs eux-mêmes hélas…

Le reproche fait à Jonas rejoint celui fait à Jésus : ‘Pourquoi dors-tu ? C’est de ta faute si nous coulons’.

 

Faire des reproches au dieu absent est un marronnier de la littérature. L’homme ne voit en Dieu que l’aide qu’il peut lui apporter, comme un maquignon ne voit que le lait et la viande, pas la vache. Il nous faut inverser cette logique pour guérir du syndrome Jonas (la désignation d’un coupable) : c’est nous qui pouvons et devons aider Dieu, pas l’inverse ! La jeune juive hollandaise Etty Hillesum – si proche du christianisme – l’avait compris au milieu des jours sombres du ghetto de Varsovie :

une-vie-bouleversee-lettres-de-westerbork barque dans Communauté spirituelle« Je vais T’aider, mon Dieu, à ne pas T’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas Toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons T’aider – et, ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de Toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à Te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. 

Oui, mon Dieu, Tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne T’en demande pas compte, c’est à Toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un Jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement, presque à chaque pulsation de mon cœur, que Tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de T’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui T’abrite en nous ».

Prière du Dimanche matin 12 juillet 1942 composée par Etty Hillesum (1914-1943), morte au camp de concentration d’Auschwitz le 30 novembre 1943.

 

Dieu serait peut-être en droit de nous faire des reproches : lui, pas nous. 

Dieu ne peut guère nous aider de manière magique, c’est à nous de l’aider, par notre foi, à apaiser la tempête qui nous déstabilise.

 

Le syndrome Jonas frappe les disciples de plein fouet. La ressemblance avec Jonas est accentuée par la destination de la traversée du lac : Gérasa (Mc 5,1), en plein territoire païen (Transjordanie actuelle), comme Ninive la grande ville païenne. On ne va pas chez les païens avec un maître d’université, fut-il prestigieux. On y va avec l’autorité du Christ sur les forces du mal. Le troupeau de porcs qui se précipitera du haut de la falaise dans le lac symbolisera cette libération du mal que le Christ apporte en plénitude à tous les peuples (Mc 5,13).

Et, comme pour Jésus, les marins du navire de Jonas s’interrogent alors sur sa véritable identité : « Quel est ton métier ? D’où viens-tu ? Quel est ton pays ? De quel peuple es-tu ? » (Jon 1,8).

 

Reconnaître ne pas connaître le Christ en vérité est le début du salut, notamment pour ceux qui sont « tombés dans la marmite quand ils étaient petits ». 

« Non sum » (je ne suis pas le Messie) avait humblement avoué Jean-Baptiste à ceux qui le prenaient pour le Christ. « Non cognosco » (je ne connais pas) est l’humble confession de non-savoir du vrai disciple qui refuse d’instrumentaliser le Christ comme maître, magicien, guérisseur etc.

 

3. Le coussin de Jésus

il_794xN.2579871073_lgft CantiqueLe texte grec dit que Jésus dormait, sur un coussin ou un oreiller : προσκεφλαιον (proskefalaion) ; littéralement : pour la tête. Ce terme est un hapax (usage unique) du Nouveau Testament. Il n’y a que deux autres usages dans la Bible, et c’est dans la traduction grecque du livre d’Ézéchiel. Le terme hébreu (mal) traduit par oreiller ou coussin est en réalité une amulette magique : סֶת (ke.set), faite de cordelettes autour du poignet : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : Quel malheur pour celles qui cousent des cordelettes à tous les poignets, qui fabriquent des voiles pour les têtes de diverses tailles, afin de capturer des vies ! Vous capturez la vie des gens de mon peuple, et voulez conserver la vôtre ? » (Ez 13,18). Cela fait sans doute allusion à d’obscures pratiques magiques, où des ‘sorcières’ attachaient des cordelettes aux poignets pour prendre possession des âmes de certains : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici, je m’en prends à vos cordelettes, avec lesquelles vous capturez les vies comme des oiseaux. Je les déchirerai sur vos bras, et je libérerai les vies que vous avez capturées comme des oiseaux » (Ez 13,20.) Une sorte de filtre d’amour ou de haine, de possession…

 

Faire allusion à ce passage d’Ézéchiel avec notre mot grec προσκεφλαιον si rare n’est pas une coïncidence. On peut y lire la dénonciation de tout usage magique du nom de Jésus. En laissant Jésus reposer sur ce coussin / lié par ces cordelettes, les disciples retombaient en quelque sorte dans le péché d’idolâtrie. Ils faisaient de Jésus une chose pour conjurer la tempête, un savoir magistral pour dominer les païens, un talisman pour éviter les naufrages. La tête sur ce coussin, Jésus reste un point mort, une chose qu’on manipule, une religion qu’on instrumentalise pour le pouvoir. Libéré de cet oreiller / cordelette, réveillé / ressuscité, Jésus devient une interrogation plus qu’un maître à penser, un compagnon plus qu’un bagage, un libérateur plus qu’une doctrine.

 

Et nous : quand avons-nous la tentation d’instrumentaliser le nom de Jésus ? Ou de le faire fonctionner comme une amulette ?

 

4. Chez Jésus, le syndrome Samuel

Samuel était couché dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu.Le verbe καθεδω (être couché, dormir) est utilisé cinq fois pour Samuel dans le célèbre passage de sa vocation nocturne (1S 3,3-10). Trois fois, le jeune Samuel couché dans le Temple entend dans son sommeil une voix l’appeler. Trois fois il se lève pour aller demander à Eli si c’est lui qui a parlé, et trois fois Eli lui répond : « non sum », ce n’est pas moi. Si bien que la dernière fois sera la bonne : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ».

En reprenant ce verbe, Marc trace – consciemment ou non – un parallèle entre Jésus et Samuel. Tous deux dorment à un moment crucial de leur existence où il leur faudra prendre une décision : accepter d’être le prophète de YHWH et aller oindre David roi (pour Samuel) ; aller libérer les païens du mal (pour Jésus ; cf. le possédé de Gérasa) juste après son débarquement sur l’autre rive. Il est bien question de vocation, d’appel dans les deux  cas. Comment servir YHWH (Samuel) ? Comment servir la volonté du Père (Jésus) ?

Car le succès remporté en Galilée a littéralement vidé Jésus : il est crevé, au point que ses disciples l’emportent « tel qu’l est », en vrac, épuisé et au creux de la vague (!) : « Et maintenant, que vais-je faire ? Continuer à prêcher et guérir en territoire juif, ou me risquer à annoncer l’Évangile aux païens ? »

Le sommeil de Jésus est sa façon de se reconnecter à YHWH au-delà de la griserie des premiers succès, en laissant les forces de son inconscient spirituel recomposer en lui son désir le plus fort pendant son sommeil.

Souvenez-vous : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (Ps 126,2)…

« Dans tes démarches, les préceptes de ton père te guideront, dans ton sommeil, ils te garderont, à ton réveil, ils te tiendront compagnie » (Pr 6,22).

 

Le syndrome Samuel est pour Jésus le retour à l‘écoute après la prédication, le laisser-faire au lieu du calcul, le choix de demeurer serviteur plus que Maître.

 

Que cet heureux syndrome de Samuel devienne nôtre, lorsque les succès nous auront tourné la tête, lorsque nous nous n’écouterons plus qu’une seule voix, la nôtre !

 

5. Je dors, mais mon cœur veille
Gustav Klimt : Le baiser 1907-1908Avec Jonas et Samuel, le verbe dormir fait encore irrésistiblement penser au Cantique des cantiques : « je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2). La bien-aimée est assoiffée du désir du bien-aimé, et le sommeil est pour elle une autre façon de veiller : celle où, justement parce que les barrières de surmoi sont levées, le cœur peut discerner celui qui vient « de nuit ». Jésus dort comme la bien-aimée du Cantique des cantiques : il est en quête de son Père, il désire son désir, il se laisse façonner par l’accomplissement de ce désir, « sur l’autre rive ». Si la tempête ne le réveille pas, c’est que sa veille est d’un autre ordre : veiller à rester fidèle à l’ouverture universelle de sa mission (Gérasa), sans se laisser accaparer ni instrumentaliser par ses disciples.

Et ce n’est pas une tempête qui le distraira de cette veille-là ! Par pitié pour le manque de foi de son équipage, il consent à faire un geste pour les rassurer. Mais son but est ailleurs : à Gérasa, sur l’autre rive, où l’attend parmi les tombeaux une humanité enchaînée qui s’automutile…

 

Alors, ce coup de vent Force 4 ou 5 Beaufort, ce n’est pas ça qui va le détourner de son but dont il vient de renforcer la prise de conscience pendant son sommeil !

« Je dors, mais mon cœur veille… » : si nous ne faisions qu’un avec Jésus / la bien-aimée, nous resterions alignés sur le cap vrai de notre combat intérieur, sans laisser le bruit et la fureur du monde nous détourner de notre vocation.…

 

Il y a encore d’autres usages bibliques du verbe dormir de ce dimanche. Mais Jonas, Samuel et la Bien-aimée du Cantique des cantiques nous en disent assez pour pratiquer nous aussi ce sommeil réparateur, où la vision intérieure de notre mission se construit en nous, illucide, sans que nous sachions comment (Mc 4,27)…

Souvenez-vous : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (Ps 126,2)…

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! » (Jb 38, 1.8-11)

 

Lecture du livre de Job

Le Seigneur s’adressa à Job du milieu de la tempête et dit : « Qui donc a retenu la mer avec des portes, quand elle jaillit du sein primordial ; quand je lui mis pour vêtement la nuée, en guise de langes le
nuage sombre ; quand je lui imposai ma limite, et que je disposai verrou et portes ? Et je dis : “Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots !” »

 

PSAUME
(106 (107), 21a.22a.24, 25-26a.27b, 28-29, 30-31)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !Éternel est son amour !ou : Alléluia ! (106, 1)

 

Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
qu’ils offrent des sacrifices d’action de grâce,
ceux qui ont vu les œuvres du Seigneur
et ses merveilles parmi les océans.

 

Il parle, et provoque la tempête,
un vent qui soulève les vagues :
portés jusqu’au ciel, retombant aux abîmes,
leur sagesse était engloutie.

 

Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur,
et lui les a tirés de la détresse,
réduisant la tempête au silence,
faisant taire les vagues.

 

Ils se réjouissent de les voir s’apaiser,
d’être conduits au port qu’ils désiraient.
Qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
de ses merveilles pour les hommes.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Un monde nouveau est déjà né » (2 Co 5, 14-17)

 

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine : si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.

 

ÉVANGILE
« Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4, 35-41)
Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
.Patrick Braud

 

 

 

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14 janvier 2012

Quel Éli élirez-vous ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Quel Éli élirez-vous ?


Homélie pour le 2° Dimanche ordinaire / Année B
15/01/2012

Rassurez-vous : il ne s’agit pas d’élection au sens politique du terme. Élire, c’est choisir. Les retraites d’élection dans l’esprit de St Ignace de Loyola constituent par exemple une méthode pour faire des choix accordés à notre vocation la plus personnelle.

Choisir ses compagnons de route n’est pas une mince affaire non plus.

Quel Éli élirez-vous ? dans Communauté spirituelle TEXT-breastplate-smLe jeune Samuel a la chance d’avoir auprès de lui un sage qui va l’aider à interpréter ce qui lui arrive. Il a Éli, sans l’avoir élu, mais en lui faisant confiance il le choisit comme son décodeur particulier.

Le célèbre passage des quatre appels de Samuel dans le Temple (1S 3) nous renvoie en effet à notre propre capacité d’interprétation des événements qui nous réveillent.

Le sommeil de Samuel peut figurer nos assoupissements, nos endormissements : lorsque nous ronronnons sur nos acquis ; lorsque nous ne grandissons plus, à l’instar de Samuel qui attend sans le savoir une parole pour grandir. « Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et aucune de ces paroles ne demeurait sans effet » (1S 3,19).

Ce sommeil figure également tous les moments où nos barrières sont levées, nos contrôles hors service, nos blocages apaisés. Pour qu’une voix se fasse entendre, il faut souvent ce sommeil de la volonté propre, où tous les check-points sont vides des policiers-douaniers du self-control dont nous les peuplons au réveil.

Alors survient – on ne sait d’où ni comment – cet appel étrange dont on ne découvre que très tardivement dans notre texte la forme exacte : « Samuel, Samuel ! ». Au début c’est une voix, ni extérieure ni intérieure. Elle nous empêche de mener une vie tranquille. Elle nous relance, parfois dans l’inquiétude, parfois dans l’exaltation. Pour Samuel, c’est au début le rappel à sa condition de jeune serviteur du responsable du Temple. Il ne peut interpréter ce mouvement en lui que dans le cadre de ce qu’il connaît, et « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur ». Ainsi, beaucoup de nos contemporains ressentent ces élans intérieurs, ces motions et émotions spirituelles, sans pouvoir leur donner un nom, car « ils ne connaissent pas le Seigneur ». C’est ici que le rôle d’Éli est capital. Samuel se confie à lui. Éli refuse de mettre la main sur ce qui se passe chez ce jeune homme. Il confesse : « je ne t’ai pas appelé ». À la manière de Jean-Baptiste qui confessait : « ce n’est pas moi » (« non sum »), Éli refuse de prendre possession de cette aventure, de se l’attribuer, de dominer Samuel à travers elle. C’est sans doute le premier critère d’un bon accompagnateur spirituel (cf. les fameux Exercices spirituels de St Ignace de Loyola donnés par les jésuites sur 30 jours, ou une semaine) : une attitude de dépossession, une reconnaissance du travail d’un Autre dans lequel l’accompagnateur n’est pour rien au départ. À la manière de Jean-Baptiste qui désigne Jésus à ses disciples : « voici l’agneau de Dieu ». Ce n’est pas moi, c’est lui que vous devez suivre. Je suis là que pour indiquer sa présence et orienter votre désir vers Celui qui en est la source.

À partir de cette triple reconnaissance négative (« je ne t’ai pas appelé ») Éli peut alors aider Samuel à comprendre ce qui lui arrive, à décrypter cette voix qui ne le laisse pas tranquille. Il révèle à Samuel qu’il est travaillé par l’appel de Dieu lui-même. Il lui indique la posture adopter désormais pour tenir compte de cette quête intérieure : « parle Seigneur, ton serviteur écoute ».

Sans Élie, pas de Samuel prophète, et donc pas de promesse messianique faite à David (2S 7,14) et donc pas de Jésus fils de David à l’horizon de l’histoire d’Israël !

Et vous ? Qui joue le rôle d’Éli pour recueillir vos appels intérieurs ? Qui écoute vos rêves ou vos cauchemars, votre quête intérieure, vos interrogations sur les vrais choix à faire ? Quel Éli élirez-vous ?

Si vous restez seul avec les voix qui vous réveillent la nuit, comment allez-vous les interpréter ?

Nos salons sont encombrés de décodeurs, de boxs, de modems et autres interfaces qui  appel dans Communauté spirituellenous permettent de déchiffrer tous les signaux numériques codés qui nous sont envoyés en masse. Sans ces appareils, la prise téléphonique resterait incompréhensible, le câble d’antenne rempli de borborygmes inhumains, les DVD saturés de hiéroglyphes, les MP3 énigmatiques…

Si nous savons nous entourer des bons objets pour traduire les signaux matériels qui nous assaillent, combien plus devrions-nous choisir les bons accompagnateurs spirituels pour interpréter dans les événements de nos vies les appels qui viennent de Dieu et ceux qui ne viennent pas de lui.

Ces Élis modernes peuvent revêtir bien des figures : de la médiation d’un groupe de parole à un réel accompagnement personnel régulier ; de la fréquentation d’auteurs spirituels à la participation à une communauté ecclésiale ; de l’écriture pour soi au témoignage pour d’autres ; de la retraite en abbaye aux voyages sabbatiques qui permettent une rupture … : les ressources sont immenses et variées !

On peut l’appeler direction de conscience comme autrefois, accompagnement spirituel, tutorat herméneutique, compagnonnage, initiation à une école de pensée ou tout autre vocable.

L’essentiel est de trouver l’Éli de votre croissance personnelle.

Et pour cela de ne pas étouffer ce qui vous réveille la nuit, d’accepter d’en parler à un autre, d’accepter d’être aidé pour comprendre.

Alors, quel Éli élirez-vous ?

 

 

 

1ère lecture : Vocation de Samuel (1S 3, 3b-10.19)
Lecture du premier livre de Samuel

Samuel couchait dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu. Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! » Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je ne t’ai pas appelé. Retourne te coucher. » L’enfant alla se coucher. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je ne t’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. » Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée.
Une troisième fois, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Retourne te coucher, et si l’on t’appelle, tu diras : ‘Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.’ » Samuel retourna se coucher. Le Seigneur vint se placer près de lui et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » et Samuel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. »
Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et aucune de ses paroles ne demeura sans effet.

Psaume : 39, 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd
R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté.

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi.
En ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

2ème lecture : Notre corps appartient au Seigneur (1Co 6, 13b-15a.17-20)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
notre corps n’est pas fait pour la débauche, il est pour le Seigneur Jésus, et le Seigneur est pour le corps ; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Quand on s’unit au Seigneur, cela ne fait qu’un seul esprit. Fuyez la débauche. Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais la débauche est un péché contre le corps lui-même.
Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre rachat. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps.

Evangile : Vocation des trois premiers disciples (Jn 1, 35-42)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
En Jésus Christ, nous avons reconnu le Messie : par lui nous viennent grâce et vérité. Alléluia. (cf. Jn 1, 41.17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit :
« Voici l’Agneau de Dieu. »
Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu’ils le suivaient, et leur dit :
« Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Rabbi (c’est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »
Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C’était vers quatre heures du soir.
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ).
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha » (ce qui veut dire : pierre).
Patrick Braud

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