L'homélie du dimanche (prochain)

21 août 2022

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Homélie pour le 22° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
28/08/2022

Cf. également :
Recevoir la première place
Plus humble que Dieu, tu meurs !
Dieu est le plus humble de tous les hommes
Un festin par-dessus le marché
Le je de l’ouie

Le U4 d’Uckange

Uckange - Parc du haut-fourneau U4Des hauts-fourneaux à l’abandon. Ce complexe industriel en Moselle près de Florange et Thionville aurait pu devenir une friche insalubre et lugubre comme le XX° siècle nous en a tant laissé dans la région. Mais lorsque vous arrivez sur site, des bénévoles en bleu de travail vous attendent pour vous faire visiter. Ce sont d’anciens fondeurs, à la retraite, qui ont connu le démarrage, l’apogée, le déclin puis la fermeture de l’usine dans les années 90. Ils racontent leur labeur quotidien d’autrefois en vous emmenant de la réception du minerai et du charbon au chargement des fours, à l’écoulement du métal fondu, jusqu’aux quais d’expédition. Avec leur témoignage, les machines reprennent vie, les postes de travail sont peuplés de visages en sueur, les armoires des vestiaires parlent encore un peu de l’intimité de chaque ouvrier, et on devine comment des centaines de familles ont été marquées pendant un siècle par les cheminées et les sirènes de ces hauts-fourneaux.

Ces bénévoles du musée du haut-fourneau n°4 d’Uckange cherchent donc un public capable d’entendre leur histoire, collective et personnelle. Ils ont la juste intuition que transmettre cette histoire est un devoir, une nécessité. Ils racontent leur passé ouvrier pour que la sagesse forgée à nourrir la gueule béante des fours jour et nuit ne soit pas perdue.

 

Ben Sirac le Sage

St BenoîtNotre première lecture (Si 3,17-29) vieille de 3000 ans prônait déjà cette nécessité impérieuse qui s’impose aux sages : transmettre, par la parole.

« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ».

Le texte écrit : « une oreille attentive, voilà le désir du sage ». On pourrait croire que le sage cherche à être une oreille attentive, ce qui n’est déjà pas si mal. En fait, la traduction plus proche de l’original serait plutôt : « trouver une oreille attentive est le désir du sage » (καὶ οὖς ἀκροατοῦ ἐπιθυμία σοφοῦ). Autrement dit : l’idéal du sage n’est pas d’abord d’être une oreille attentive (ça c’est le boulot du disciple), mais à l’inverse de trouver quelqu’un qui sache l’écouter avec une qualité d’attention qui lui permette de recevoir la sagesse ainsi transmise.

Et cela passe d’abord par la parole. La 2e lecture (He 12,18-24) nous rappelle que le Dieu d’Israël est à entendre et non à voir : « Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes… »
Circulez, il n’y a rien à voir ! L’écoute nous libère de ce que la pulsion scopique contient de possession, domination, asservissement. L’interdit de représenter Dieu ou les visages dans le judaïsme et dans l’islam est la trace de cette importance première de l’ouïe sur la vue : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! » (Dt 6,4). Tu ne te feras aucune représentation de Dieu. Car Dieu n’est pas à voir, mais à entendre.

En christianisme, l’Esprit atteste de l’invisibilité de Dieu, et c’est cet Esprit de sagesse qui parle à nos cœurs dans la prière, l’étude de l’Écriture, les évènements, la nature… : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! », ne cesse de répéter l’Apocalypse.
La Règle de St Benoît depuis des siècles invite les moines à être d’abord une grande oreille face à Dieu, dont le père abbé a la charge de transmettre la voix : « écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur… » (Prologue de la Règle de St Benoît)

 

Quel sage êtes-vous ?

ConfuciusVous objecterez : cela concerne les sages, mais je ne suis pas sage ! Erreur ! Tout être humain avec les années accumule des expériences de vie et une forme de réflexion sur son existence. Les retraités en bleu de travail du haut-fourneau n° 4 d’Uckange ne savent pas qu’en racontant leur usine ils transmettent en même temps une philosophie de leur métier, des solidarités vécues, de l’œuvre accomplie… Mais, en créant ce musée à force de passion, ils sont bel et bien devenus des maillons vivants de la chaîne de transmission du caractère d’une région, de ses familles, de ses fiertés, échecs et réussites mêlées.

Qui n’est pas sage en tel domaine, sur tel point précis ? Il faudrait être fou pour ne pas croire déceler quelque once de sagesse ! Sagesse pratique (artisanat, bricolage), artistique, intellectuelle, humaine, technique. Même les plus démunis ne sont pas démunis de sagesse ! J’ai rencontré des SDF manifestant une bienveillance étonnante ; des personnes isolées en EHPAD qui sourient à la vie alors qu’elles ne quittent pas leur fauteuil ni leur établissement etc.
La première invitation de Ben Sirac, est alors d’identifier le Sage qui est en nous, la part de sagesse qui s’est accumulée – souvent à notre insu – limon de toutes les alluvions des événements et personnes marquantes de notre parcours humain.
Que serait un père ou une mère de famille qui n’aurait rien à dire à ses enfants de ce qu’il ou elle a traversé ? Une réussite professionnelle n’apporte-t-elle pas une sagesse de vie ? Et un échec encore davantage ?
Personne n’est si pauvre qu’il n’ait rien à transmettre. C’est sur cette conviction qu’ATD a lancé ses Universités populaires du Quart-Monde, soirées de parole et d’écoute où chacun est invité à raconter, sur un thème précis, ce que les galères de la misère lui ont appris.

 

Cherchez votre oreille attentive

Chacun, découvrant en en soi ce trésor de sagesse, a alors le choix entre 3 attitudes :

– le garder pour soi.

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ? dans Communauté spirituelleNe rien dire, ne rien transmettre. Sous prétexte parfois de fausse humilité. Ou de paresse. Ou par manque de confiance en soi. On appelle d’ailleurs syndrome de l’imposteur la culpabilité qu’éprouve quelqu’un à occuper un poste ou à prendre la parole alors qu’il ne s’en croit pas capable ou pas digne.
On peut également se taire par misanthropie, en désespérant de la capacité des autres à recevoir. Car certains vous diront que l’expérience ne se partage pas, et qu’on n’apprend que par soi-même. La Bible parie sur le contraire : c’est en écoutant l’autre que l’on devient soi-même. Et d’abord le Tout-Autre. Le premier commandement de la Torah ne commence-t-il pas par ce verbe écouter, à l’impératif : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! ». Dieu le premier cherche en Israël une oreille attentive à sa sagesse. Il ne peut se taire, car partager la sagesse fait partie de la sagesse.
Si vous taisez la sagesse qui est en vous, vous l’empêchez d’atteindre sa plénitude, car elle s’accomplit en se disant, et vous en priverez ceux qui en ont absolument besoin. Ce genre de mutisme est une forme de non-assistance à personne en danger.
Par égoïsme ou par orgueil, par jalousie par dépit, le Sage qui ne cherche pas d’oreille attentive se condamne lui-même à l’inachevé ; et condamne d’autres à se dessécher à côté d’une source.
Même les ermites épris de solitude dans les déserts d’Égypte ne refusaient pas leur enseignement au visiteur cherchant des appuis dans sa quête spirituelle.

le galvauder en l’éparpillant à tout vent.

carrementfleurs_pissenlit2 maître dans Communauté spirituelleSelon l’adage populaire, parler de ce trésor de sagesse à n’importe qui n’importe quand, c’est « donner de la confiture à des cochons ». Devant certains, à certains moments, il vaut mieux se taire et attendre. Le maître doit choisir avec discernement les disciples capables et désireux de recevoir son enseignement, ainsi que les moments où il le fera.
Jésus a su choisir les Douze pour leur confier ses paroles et son secret. Même le choix de Judas était un acte de sagesse, car il avait l’enthousiasme et le courage des révolutionnaires à mettre au service du royaume de Dieu. Il a été une oreille attentive à l’enseignement du Christ. Malheureusement prisonnier de sa grille de lecture idéologique du conflit juifs vs romains, il a dilapidé ce trésor en cherchant à l’instrumentaliser.
Jésus quant à lui savait quand parler et quand se taire, quand secouer la poussière de ses sandales ou quand demeurer à enseigner longuement. Il se réjouit de trouver en Marie de Béthanie une oreille attentive qui boit ses paroles. Il est bouleversé par les foules qui l’écoutent au désert le ventre vide ou pendant des heures autour du lac de Tibériade.
Discerner si l’autre face à moi aura l’oreille attentive à ce que je peux lui confier fait partie de la sagesse.

choisir une oreille attentive.

Marthe-Marie oreilleC’est le 3e choix possible quand on prend conscience de la sagesse qui est en nous : discerner avec soin à qui livrer notre enseignement, et quand.
Sans imposer de certitudes, mais au contraire en apprenant à poser les bonnes questions, les questions essentielles, les questions puissantes.
Sans pathos excessif, sinon l’amitié spirituelle grandissante entre maître et disciple.
Sans autre motif que le partage, car ce sont les gourous qui sont intéressés à multiplier les adeptes, pour leur argent et tous les abus imaginables sur ceux qu’on domine. Le sage ne domine personne : par ses questions, ses récits, ses paraboles, ses métaphores, il éveille la liberté de l’écoutant, il l’invite à chercher en lui-même.

Rien de plus pénible que la suffisance de ceux qui veulent faire la leçon à tout le monde à la moindre occasion ! Comme dans la partition musicale d’une œuvre symphonique, les silences du sage rendent possible sa parole. Les mélomanes savent bien que pour apprécier pleinement un chef-d’œuvre musical, l’écouter attentivement allongé dans le noir est la meilleure manière de mobiliser toute leur énergie au service d’un seul sens, l’ouïe, les autres étant au repos.

« Une oreille attentive, voilà le désir du sage ».
Pourquoi le texte biblique dit-il une oreille, et pas deux ? Peut-être parce que dormir sur ses deux oreilles c’est ne plus rien entendre. Ou parce que deux oreilles présentent le risque que la parole entre par une oreille et ressorte par l’autre… Alors que tendre l’oreille est le signe d’une quête, d’un désir, comme celui du peuple écoutant attentivement Esdras proclamer la Loi retrouvée au Temple : « sur la place située devant la porte des Eaux, Esdras lut dans le livre, depuis l’aube jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes et de ceux qui avaient l’âge de raison : tout le peuple tendait l’oreille au livre de la Loi » (Ne 8,3).

Quelles sont les oreilles attentives que vous pourriez choisir afin d’être écouté ?
Un parent livre facilement son expérience à un enfant qui partage avec lui une même passion (sport, loisirs, discipline). Un professeur ressent tout de suite la connivence qu’il établit envers tel élève plutôt que tel autre. Un grand professionnel repère assez rapidement parmi ses jeunes collègues celui ou celle qui reprendra le flambeau. Un grand malade saura choisir à qui confier ce que sa maladie lui a enseigné.

Allez-vous garder pour vous ce que la vie vous a appris ?
Quelle graine de sagesse devez-vous semer autour de vous ?
Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage
Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Psaume
(Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
 (cf. Lc 1, 52)

Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
À l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

Deuxième lecture
« Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant » (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle.

Évangile
« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 1.7-14)
Alléluia. Alléluia. 
Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ; devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Alléluia. (cf. Mt 11, 29ab)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

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15 août 2018

Les fous, les sages, et les simples

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Les fous, les sages, et les simples


Homélie pour le 20° dimanche du temps ordinaire / Année B
19/08/2018

Cf. également :

La sobre ivresse de l’Esprit
Éternellement
Manquez, venez, quittez, servez
L’homme ne vit pas seulement de pain
Le pain perdu du Jeudi Saint
Les bonheurs de Sophie
Donne-moi la sagesse, assise près de toi


Le livre des Proverbes que nous lisons ce dimanche (Pr 9, 1-6) personnifie la Sagesse de manière unique dans la Bible. Il la décrit comme une grande dame (sa demeure à 7 colonnes ressemble plus à un palais qu’à une bicoque), généreuse (elle invite largement aux alentours), soucieuse de faire progresser ses contemporains sur le chemin de l’intelligence :

La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité : « Vous, étourdis, passez par ici ! » À qui manque de bon sens, elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. »

Les fous, les sages, et les simples dans Communauté spirituelle 41579_apercu

Les commentateurs chrétiens ont tour à tour identifié Dame Sagesse avec le Christ et l’Esprit Saint. Les juifs maintiennent que c’est la sagesse divine, c’est-à-dire Dieu lui-même se manifestant aux hommes.

Le plus intéressant pour nous est la dimension très actuelle de cette figure de la sagesse. Beaucoup de nos contemporains en effet cherchent à explorer des voies nouvelles autour du bien-être, du développement personnel, de pratiques de méditation ou autres sagesses abordant l’unité humaine de façon non occidentale. D’autres s’engagent pour un développement durable, fait d’énergies alternatives et renouvelables, d’un mode de vie plus sobre, d’une production et d’une consommation raisonnées etc. Tous ceux-là pourront entendre l’appel de la Sagesse à un festin différent. Leur porte d’entrée dans le mystère de Dieu ne sera pas la Révélation, les Écritures ou l’Église, mais plutôt cette quête intérieure d’une existence savoureuse et conviviale. Le festin que leur prépare la Sagesse biblique les enchantera par la qualité des mets servis et la fraternité des convives !

Pour la Sagesse, il y a en gros trois catégories d’humains : les fous, les sages et les simples.

 

Les fous

1044094109 fou dans Communauté spirituelleLes fous sont ceux qui poursuivent des objectifs illusoires, qui courent après des chimères. Ils se vendent pour du vent sans s’en apercevoir. Ils sont également appelés insensés, car ils se privent de but véritable et leurs actions désordonnées n’ont aucune signification, sinon la recherche trompeuse de leur intérêt individuel.

La plupart du temps, les fous sont idolâtres, car c’est rendre un culte aux idoles que de s’étourdir dans les divertissements, ou de vouloir s’enrichir toujours plus, ou de tout sacrifier pour obtenir la gloire et la renommée. Ils sont en cela « stupides », « niais », voire « méchants ».

Le livre des Proverbes oppose Dame Folie à la Sagesse, quelques versets après notre première lecture :

Dame Folie est impulsive, niaise et ne connaissant rien !
Elle s’assied à la porte de sa maison, sur un trône, en haut de la cité, pour appeler les passants, ceux qui vont droit leur chemin.
« Qui est simple? Qu’il fasse un détour par ici! » À l’homme insensé elle dit:
« Les eaux dérobées sont douces, et savoureux le pain du mystère ! »
Or il ignore qu’il y a là des Ombres et que ses invités sont aux vallées du shéol. (Pr 9, 13-18)

L’opposition entre les deux est nette, malgré le parallélisme apparent : Dame Folie invite elle aussi, mais elle est seule, sans servantes. Elle invite avec clinquant et bling-bling (« elle est tapageuse »). Elle détourne les gens de leur droit chemin pour les tenter avec « des eaux dérobées » et des « mets clandestins ». La séduction d’un whisky de contrebande en pleine prohibition en quelque sorte ! Les insensés se laissent prendre au piège : ils se laissent attirer par l’obscurité et la mort des vaines idoles, sans le savoir.

 

Les sages

Les sages sont faciles à distinguer des fous : ils préfèrent l’humilité au clinquant, la sobriété à la démesure, la droiture en pleine lumière aux coups tordus dans l’ombre. En fait, les sages s’appuient sur leur confiance en Dieu pour affronter les épreuves et les adversaires. Ils savent que leur force n’est pas en eux, mais en Lui qui fait tout concourir au bien de ceux qu’il aime (Rm 8,28). Ils réfléchissent sur leurs échecs, ne s’enivrent pas de leurs réussites. Ils veulent transmettre à leurs enfants un trésor de vie plus qu’un héritage immobilier ou financier. Ils ont conscience de n’être qu’une poussière d’étoiles, ce que la Bible appelle « craindre le Seigneur », c’est-à-dire avoir conscience de sa transcendance et de notre petitesse.

Que demander dans la prière ? dans Communauté spirituelle rafael-salomon2b

Le recueil des proverbes attribués à Salomon qui commence en Pr 10 joue sans cesse de cette opposition entre le sage et le fou. Un exemple parmi tant d’autres : « un esprit sage accepte des préceptes, mais l’homme aux propos stupides court à sa perte » (Pr 10,8).

 

Les simples

410ITv6JOKL._SX342_BO1,204,203,200_ ProverbesUn troisième terme s’intercale pourtant entre le fou et le sage : le simple. C’est le public que Dame Sagesse cherche à inviter pour le faire progresser : « y a-t-il un homme simple ? qu’il vienne par ici ! ». Dame Folie vise également ce public, mais pour le perdre.

Les simples ne sont pas encore sages, mais ils ont déjà quitté leur folie antérieure s’ils en ont eu. Ils sont comme un champ en labours attendant les graines à faire germer. L’ivraie et le bon grain se le disputent. Mais la sagesse a une prédilection pour eux, car elle a tout à leur donner.

Les simples sont sans détour (en latin simple se dit simplex = sans pli, sans repli sur soi). Ils  cherchent Dieu en toute chose, le « craignent » avec respect, comme l’écrit Pr 9,10 : « la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ». Ils acceptent humblement de recevoir. Les événements heureux (cf. le roi Salomon, archétype de la sagesse de gouvernement) ou malheureux (cf. Job, sage confronté au malheur innocent) les font grandir, sans euphorie ni résignation. Les amis et même les ennemis les aident finalement à écouter la voix de Dieu en eux, et ils apprennent sans cesse : « qui aime l’éducation aime la science, qui déteste les avis est stupide » (Pr 12,1).

Peut-être Jésus pensait-il à eux dans sa première béatitude : « heureux les pauvres en esprit, le royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3) ?

En tout cas, Jésus fait sûrement référence à notre passage de Pr 9,1-6 lorsqu’il imagine sa parabole des invités au festin des noces (Mt 22, 1-14). Le Roi envoie ses serviteurs comme la Sagesse ses servantes ; il fait en sorte que tout soit prêt pour le repas de noces comme la Sagesse. Les insensés refusent l’invitation, pour leur malheur. Les simples acceptent et remplissent la salle des fêtes du mariage.


SageSimpleFouLes trois en nous

Ne nous identifions pas trop vite à l’une de ces trois figures !

Il y a en chacun de nous un sage qui aime méditer sur ce qui le dépasse, un fou insensé qui se laisse étourdir par la vanité mondaine, et un simple en quête de mets délicieux…

La proportion de ces trois profils en nous évolue avec l’âge, les événements, les rencontres.

Appuyons-nous sur ce qui est simple pour progresser vers la sagesse en renonçant à nos folies personnelles !

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé » (Pr 9, 1-6)

Lecture du livre des Proverbes

La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité : « Vous, étourdis, passez par ici ! » À qui manque de bon sens, elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. »

Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 10-11, 12-13, 14-15)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (cf. Ps 33, 9)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Saints du Seigneur, adorez-le :
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim ;
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.

Venez, mes fils, écoutez-moi,
que je vous enseigne la crainte du Seigneur.
Qui donc aime la vie
et désire les jours où il verra le bonheur ?

Garde ta langue du mal
et tes lèvres des paroles perfides.
Évite le mal, fais ce qui est bien,
poursuis la paix, recherche-la.

Deuxième lecture
« Comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur » (Ep 5, 15-20)

Lecture de la lettre de saint Paul aux Éphésiens

Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite ; soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint. Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur. À tout moment et pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, rendez grâce à Dieu le Père.

Évangile
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58) Alléluia. Alléluia.
Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui, dit le Seigneur. Alléluia. (Jn 6, 56)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

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