L'homélie du dimanche (prochain)

8 janvier 2023

La portée animalière du sacrifice du Christ

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La portée animalière du sacrifice du Christ

 

Homélie pour le 2° Dimanche du temps ordinaire / Année A 

15/01/2023

 

Cf. également :

Alors Clarice, les agneaux se sont tus ?

Lumière des nations

Révéler le mystère de l’autre

Réinterpréter Jean-Baptiste 

Dès le sein de ta mère… 

 

Halte au massacre des nouveau-nés !

Jean-Baptiste désigne aujourd’hui Jésus comme l’Agneau de Dieu (Jn 1,29-34). Par un contresens effarant dont l’Histoire a le secret, des générations de chrétiens se sont crues obligées – et aujourd’hui encore – de manger un bon gigot d’agneau en hommage au sacrifice du Christ pour fêter Pâques ! Les statistiques officielles du Ministère de l’Agriculture évoquent environ 450 000 agneaux abattus pour la seule semaine pascale, plus de 4 millions sur l’année ! Cette frénésie meurtrière – qui fait penser à celle d’Hérode – envers les nouveau-nés des chèvres est d’autant plus inacceptable qu’elle est cruelle. L’association L214 a diffusé des vidéos insoutenables, filmées en caméra cachée, dans des abattoirs : on y voit des agneaux tremblant de peur, entassés les uns sur les autres, se débattant dans leurs excréments, malades, agonisants, achevés en plusieurs fois par des ouvriers écœurés obligés de s’endurcir devant ce spectacle de torture et de mort au quotidien… Comment un tel massacre pourrait-il se réclamer du Christ ? Comment une viande ainsi obtenue peut-elle honorer dans nos assiettes la vie promise par le Christ, elle qui provient d’une mort atroce ? Et encore, à la cruauté du massacre en abattoir il faut ajouter le sadisme de faire naître des petits pour les séparer de leur mère après 3 mois, les entasser dans des camions ou des wagons à bestiaux, les maltraiter sans eau ni nourriture, leur couper la queue ou les castrer sans analgésiques etc. Bien sûr, c’est la même chose pour les veaux : les enfants qui verraient leur supplice en abattoir refuseraient de toucher à leur viande dans l’assiette ensuite !

Les musulmans avec leurs moutons ne font pas mieux que les chrétiens avec leurs agneaux. Pour la fête de l’Aïd, ce sont des dizaines de milliers de moutons qui sont égorgés dans des conditions particulièrement cruelles, puisque la coutume halal veut que l’animal soit conscient, égorgé vivant par un couteau aiguisé qui laisse le sang se vider de la bête agonisante… Quelle est cette soi-disant pureté rituelle qui inflige à un animal une telle souffrance inutile ?

Plutôt que de faire feu sur la corrida, les députés feraient mieux de se pencher sur les conditions de l’abattage industriel en France ! Un tiers des abattoirs ne respecte pas les normes européennes en la matière… L’enjeu est autrement plus important pour le respect de la vie animale.

S’habituer à tuer les nouveau-nés des bêtes prépare les hommes à éliminer leurs propres nouveau-nés sans aucune objection de leur conscience, au contraire… Par quel obscurcissement de la raison en est-on venu à massacrer la vie à peine éclose au nom de Dieu, ou au nom du goût ? !

 

Du sacrifice humain à l’offrande de soi

Le mouvement historique de l’éveil spirituel humain va pourtant en sens inverse, quand on l’observe sur le temps long. L’humanité a commencé par croire que les dieux exigeraient du sang humain pour leur être favorables, ou pour se nourrir, ou pour rétablir l’ordre du monde. Les marches ruisselantes de sang des pyramides cultuelles des Olmèques, des Aztèques, des Incas racontent les milliers de sacrifices humains que les dieux exigeaient régulièrement pour soi-disant maintenir l’harmonie du cosmos, l’abondance des récoltes, la victoire sur les ennemis. Alors on décapitait, on éviscérait, on arrachait le cœur palpitant avec allégresse dans un culte sanglant, qui avait en outre l’immense avantage d’étendre le règne de la terreur… 

 

La portée animalière du sacrifice du Christ dans Communauté spirituelle En6yrmKVEAAV2ES-1Ces mentalités archaïques existent encore dans la Bible : même Abraham est tenté par le sacrifice humain, et croit comme les autres qu’immoler son fils sur l’autel plaira au nouveau Dieu qu’il commence à découvrir. La substitution Isaac-bélier (ou Ismaël-mouton selon la version coranique inventée par Mohamed pour arabiser le récit) était donc déjà un immense progrès : le peuple juif disait au monde entier que les sacrifices humains ne peuvent honorer Dieu. « Tu ne tueras pas » s’adresse d’abord à ces sacrificateurs barbares qui croient qu’éliminer une vie humaine peut glorifier Dieu !

Hélas, cette folie n’a pas disparu tout de suite, ni entièrement, de la Bible. Même le grand prêtre y cède lorsqu’il avoue un calcul sordide de tous les âges : « il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que tout le peuple » (Jn 11,50)… Sacrifions l’innocent pour sauver les coupables !
Staline affamant les ukrainiens par millions en 1932 (l’Holodomor), ou Poutine justifiant les mi
lliers de morts, de viols, de tortures et les millions d’exilés au nom de la « Sainte Russie » sont sans le savoir dans cette logique sacrificielle archaïque : il vaut mieux que quelques ukrainiens meurent pour préserver la Sainte Russie… Les Aztèques arrachant le cœur de leurs victimes sacrificielles étaient hélas des petits joueurs à côté des monstres de ces deux derniers siècles !

 

image026 agneau dans Communauté spirituelleReste que le peuple juif a réussi progressivement à substituer l’animal à l’homme dans le sacrifice rituel. Mais sans réfréner son ardeur pour faire pression sur Dieu afin d’obtenir ses faveurs : la fumée des holocaustes a tellement envahi le Temple qu’elle a fini par incommoder les narines divines : « Que m’importe le nombre de vos sacrifices ? – dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’y prends pas plaisir » (Is 1, 11).

 

Il faut saluer ici le travail des prophètes qui ont inlassablement œuvré à spiritualiser le sacrifice : ce n’est pas la multiplication des carcasses fumantes qui compte, mais la disposition du cœur qui se présente devant l’autel du Temple : « Le Seigneur aime-t-il les holocaustes et les sacrifices autant que l’obéissance à sa parole ? Oui, l’obéissance vaut mieux que le sacrifice, la docilité vaut mieux que la graisse des béliers » (1 S 15, 22). « Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas ; vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde même pas. Éloignez de moi le tapage de vos cantiques ; que je n’entende pas la musique de vos harpes. Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! » (Am 5, 22‑24)

Le prophète Jérémie semble même suggérer que les sacrifices d’animaux n’ont pas été voulus par Dieu, mais ne relèvent que d’une tradition purement humaine : « Je n’ai rien dit à vos pères, ni rien ordonné, à propos des holocaustes et des sacrifices, le jour où je les fis sortir du pays d’Égypte. Mais voici l’ordre que je leur ai donné : ‘Écoutez ma voix : je serai votre Dieu, et vous, vous serez mon peuple ; vous suivrez tous les chemins que je vous prescris, afin que vous soyez heureux’ » (Jr 7,22‑23).

 

Peu à peu s’est imposée l’idée que tuer les animaux étaient aussi peu agréable à Dieu que tuer des humains, et que le vrai sacrifice est de lui offrir un cœur humble et désireux d’aimer : « Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Ps 51,18‑19). 

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À tel point que, même si les juifs bâtissaient un troisième Temple à Jérusalem, les rabbins disent tous que leur interprétation de la Torah n’obligerait plus à y sacrifier des bœufs, des moutons, des agneaux ou des colombes en offrande rituelle. Car le véritable sacrifice n’est pas d’offrir quelque chose d’extérieur à soi, mais bien de s’offrir soi-même : « En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté » (He 10,4‑10).

Il est clair que par rapport à cette longue évolution de la conscience humaine, le retour au sacrifice du mouton par les musulmans à partir du VII° siècle est une régression historique difficilement supportable pour qui accorde du prix à la vie et veut échapper à l’archaïsme de l’échange païen troquant un animal contre une faveur divine… Et les animistes en Afrique noire continuent d’égorger des bœufs, des poulets etc. pour se concilier les bonnes grâces des ancêtres ou des esprits…

 

Le respect du bien-être animal et l’urgence écologique sont deux prises de conscience majeures du XXI° siècle (avec le féminisme en Occident), comme le furent l’abolition de l’esclavage au XVIII° siècle ou la décolonisation au XX° siècle. Les chrétiens s’en réjouissent, et y participent de tout cœur !

Par contre, l’Occident s’entête à faire du non-respect de la vie humaine à naître un droit individuel érigé en absolu, ce qui semble en contradiction totale avec le respect du vivant prôné pour l’animal ou l’écosystème… Incohérence flagrante qui sera jugée sévèrement par les générations futures.

 

La portée animalière de l’agneau de Dieu

Mais revenons à nos moutons, si l’on peut dire ! En désignant Jésus comme l’Agneau de Dieu, Jean-Baptiste le revêt d’un symbolisme universel : la douceur (sa laine, sa frimousse), son innocence (il n’est ni ne sera le prédateur de personne), son obéissance (il fait confiance à sa mère), son sens du collectif (le troupeau), sa promesse d’abondance (lait, laine, viande). Le contraste est alors saisissant avec l’Agneau immolé de l’Apocalypse : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange » (Ap 5,12). Si le Christ en croix est cet agneau immolé par la méchanceté humaine, comment continuer à mettre des agneaux à mort pour le plaisir de l’assiette ? Comment prétendre fêter l’Agneau de Dieu par un gigot pascal ?

 

Agneau Mystique (Gand) des frères Van EyckD’ailleurs, le terme grec mis par Jean sur les lèvres de Jean-Baptiste pour désigner l’agneau (μνς = amnos) n’est pas celui que la liturgie juive emploie pour l’agneau du sacrifice rituel (πρβατον = probaton). La liturgie au Temple sacrifiait matin et soir deux beaux agneaux à Dieu : « Voici ce que tu mettras sur l’autel : des agneaux de l’année, deux par jour, perpétuellement. Le premier agneau (πρβατον), tu le mettras le matin ; et le second agneau (πρβατον), au coucher du soleil. (…) Tel sera l’holocauste perpétuel que vous ferez d’âge en âge » (Ex 29,38‑42). Les chrétiens ont peut-être identifié trop vite ces deux sortes d’agneau. Il n’y a en effet que 2 occurrences du mot μνς dans les Évangiles, et c’est dans la bouche de Jean qui parle de l’Agneau de Dieu (sens filial). Les deux autres usages sont déjà des relectures sacrificielles après coup. Ainsi les Actes des Apôtres attestent que les premières communautés chrétiennes ont relu Isaïe et son serviteur–agneau à la lumière de la déclaration de Jean-Baptiste. Le diacre Philippe explique à l’eunuque éthiopien dans son char la lecture d’Isaïe qui l’intrigue : « Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : Comme une brebis (πρβατον), il fut conduit à l’abattoir ; comme un agneau (μνς) muet devant le tondeur, il n’ouvre pas la bouche » (Ac 8,32 citant Is 53,7). Ce qui superpose clairement les deux interprétations : filiale (μνς) et sacrificielle (πρβατον). 

 

Pour l’Exode, Moïse demande de sacrifier un agneau sans tache : « Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. » (Ex 12, 5). Pierre y verra la préfiguration du sacrifice du Christ : « Vous le savez : ce n’est pas par des biens corruptibles, l’argent ou l’or, que vous avez été rachetés de la conduite superficielle héritée de vos pères ; mais c’est par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ » (1 P 1, 18‑19). Jean renforcera ce sens sacrificiel en mentionnant que, comme pour l’agneau pascal, « les soldats ne brisèrent pas les jambes à Jésus, [...] Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé » (Jn 19,33.36 citant Ex 12,46 et Ps 34, 21). Le sang qui jaillit de son côté ouvert rappelle le sang de l’agneau sur le linteau des maisons des hébreux, les protégeant de la mort des nouveau-nés etc.

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Le mot agneau évoque donc irrésistiblement un sens sacrificiel : animal égorgé (sacrifice de communion) ou brûlé (holocauste). Quand on projette l’interprétation sacrificielle sur l’Agneau de Dieu de Jean-Baptiste, cela renforce encore davantage la portée animalière de ce sacrifice : trancher la gorge à des agneaux pour fêter le Christ serait l’immoler une deuxième fois ! Tuer le nouveau-né innocent, c’est annuler la dénonciation de la violence meurtrière que symbolise l’Agneau immolé toujours vivant de l’Apocalypse !

 

Si le vrai sacrifice est l’offrande de soi, uni au Christ, comment continuer les pratiques archaïques et finalement idolâtres des sacrifices d’animaux ?

 

Chaque fois qu’on vous servira une assiette d’un délicieux gigot aillé, d’une brochette rôtie ou d’une épaule juteuse, redites-vous la phrase de Jean-Baptiste : « voici l’Agneau de Dieu », et voyez alors si vous êtes capable de cautionner la violence qui a tué le Christ.…

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE

« Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 3.5-6)

 

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur. » Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

 

PSAUME

(Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)
R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté. (cf. Ps 39, 8a.9a)

 

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

 

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

 

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

 

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

 

DEUXIÈME LECTURE

« À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 1-3)

 

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus, et Sosthène notre frère, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.
À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.

 

ÉVANGILE

« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29-34)
Alléluia. Alléluia.« Le Verbe s’est fait chair, il a établi parmi nous sa demeure. À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » Alléluia. (cf. Jn 1, 14a.12a)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Patrick Braud

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30 mai 2021

L’Alliance dans le sang

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’Alliance dans le sang

Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ / Année B
06/06/2021

Cf. également :

Les 4 présences eucharistiques
Bénir en tout temps en tout lieu
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

L’Alliance dans le sang dans Communauté spirituelle rambouilletLa presse n’a guère souligné un aspect terrifiant du meurtre de Stéphanie Monfermé, l’officier de police assassinée le 23 avril dernier dans le commissariat de Rambouillet : son égorgement. Parler d’assassinat d’une policière était déjà suffisamment horrible ; pas besoin d’en rajouter. Pourtant, le fait que l’assassin ait utilisé un poignard et égorgé sa victime en citant le nom d’Allah comme on procède à un sacrifice rituel en islam ou à l’abattage d’un animal selon le rite halal fait immanquablement penser à un sacrifice religieux [1]. Circonstance aggravante : c’était un vendredi, jour de la prière, et le jour ne fut pas choisi au hasard. Et c’était pendant le mois du ramadan pendant lequel les djihadistes croient que leur soi-disant martyr les conduit  directement au paradis d’Allah.

Cette pratique d’égorgement nous est peu familière, depuis que le christianisme a aboli les sacrifices d’animaux en proclamant que le Christ est l’unique victime, rendant inutiles les sacrifices de la première Alliance. Et depuis la destruction du second Temple de Jérusalem en 70 après J.-C., les juifs ne pratiquent plus les sacrifices rituels qui lui étaient réservés, hormis peut-être le traditionnel agneau pascal, mais sans rites particuliers.

Or, nous redécouvrons avec l’abattage rituel que des religions pratiquent encore cet égorgement bestial en croyant obéir à Dieu (les animistes en Afrique, les musulmans partout dans le monde). Le Coran est clair sur ce point :

« Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui de Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévoré – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte » (Sourate 5,3, La Table servie).

Abattage hallalLa tradition musulmane a fixé le déroulement de l’abattage rituel (dhabiha en arabe) pour qu’il soit certifié halal. Il faut tuer l’animal en respectant trois points essentiels :
- il faut qu’il soit conscient, donc non étourdi
- il faut qu’il soit égorgé de façon large jusqu’aux vertèbres cervicales
- il faut que l’animal soit tourné vers La Mecque et que soit prononcée par un musulman agréé la formule : “Bismillah  Allahou Akbar”.
Cette invocation du nom d’Allah au moment de l’égorgement est une obligation. Sans cette invocation, le rituel sacrificiel n’est pas « hallal ».
Cet égorgement ne peut pas être fait par un non musulman.
La saignée doit être réalisée par une personne, forcément musulmane, formée et habilitée par l’un des trois organismes agréés depuis les années 1990 par l’État : la Grande Mosquée de Paris, la Mosquée d’Évry et la Grande Mosquée de Lyon. Par ailleurs, la tête de l’animal abattu doit être tournée vers la Kaaba, la pierre sacrée de La Mecque, pendant qu’il se vide de son sang. Enfin, la viande halal ne doit avoir aucun contact avec des carcasses qui ne le seraient pas.

Dans la pratique, il est très difficile de savoir si ces rites sont respectés. Car l’État n’intervient à aucun moment dans le processus de certification de la viande halal, et n’exerce aucun contrôle sur l’abattage rituel. La certification est donc le fait d’une quarantaine d’organismes privés et indépendants des pouvoirs publics.

Selon des chiffres de la Direction générale de l’alimentation, dépendante du ministère de l’Agriculture, 30% du gros milliard de bêtes abattues en France le sont selon des rites religieux. Mais rapporté au tonnage, la proportion tombe à 14%. Cette différence s’explique par le fait que le mouton ou l’agneau, plus légers que le bœuf ou le veau, sont privilégiés par les clients musulmans ou juifs. Cette production reste pourtant supérieure à la demande. À en croire l’Interbev (association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes), qui regroupe tous les acteurs du secteur, la demande de viande halal dans l’Hexagone représente environ 7% de la consommation totale, auquel il faut ajouter 2,5% pour la demande de viande casher.

Notons au passage qu’il y a un enjeu économique important à ce contrôle par les mosquées. Une rémunération de 10 à 15 centimes d’euros le kilogramme de viande est prélevée au titre de la certification, au bénéfice des organismes certificateurs.

Il y a des débats éthiques – légitimes – sur la souffrance animale provoquée par cet égorgement sans anesthésie, sans étourdissement préalable. Pas sûr que le bien-être animal soit vraiment respecté dans ces coutumes d’un autre âge.

Un boucher montre à des écoliers comment sacrifier un animal pour l'Aïd el-Kebir, Le Caire, Egypte, le 11 novembre 2010.Le sang coule également à flots lors de la fête de l’Aïd (ou Tabaski), la « fête du mouton », lorsque ces animaux sont égorgés par centaines de milliers pour commémorer le remplacement d’Isaac (Ismaël en fait dans la version arrangée du Coran) par un bélier.

Et il (Abraham) dit:  » Moi, je pars vers mon Seigneur et Il me guidera. Seigneur, fais-moi don d’une (progéniture) d’entre les vertueux « .
Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon (Ismaïl) longanime.
Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, (Abraham) dit:  » Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler Vois donc ce que tu en penses « .
(Ismaël) dit:  » Ô mon cher père, fais ce qui t’es commandé: tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants « .
Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre d’Allah) et qu’il l’eut jeté sur le front, voilà que Nous l’appelâmes :  » Abraham ! Tu as confirmé la vision C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants « .
C’était là certes, l’épreuve manifeste. Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse. Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité :  » Paix sur Abraham  » (Sourate 37, 99-109).

Le Christ a rendu inutile ce sacrifice sanglant en prenant sur lui la violence symbolique de ces anciens rites. Quelle régression spirituelle d’en revenir à des sacrifices d’animaux pour célébrer une alliance avec Dieu !

Le rite de la première Alliance que nous avons lu dans la première lecture (Ex 24, 3-8) est certes sanglant : Moïse asperge les 4 points de l’autel avec le sang des bêtes égorgées en l’honneur de HYWH. Dans la Bible, le sang c’est la vie, et la vie appartient à Dieu seul, qui en est le maître. L’homme ne peut donc pas prendre la part de sang qui ne lui revient pas :: en le laissant s’écouler hors de la bête sacrifiée, en le répandant sur l’autel, l’homme reconnaît ainsi symboliquement qu’il n’est pas le maître de la vie, et qu’à Dieu seul revient le titre de Créateur et Seigneur de tous les êtres vivants. Aucun souci hygiénique ou sanitaire dans ces pratiques qui sont avant tout religieuses.

image alliance dans Communauté spirituelleCe que Moïse accomplissait au désert avec le sang des animaux, ce que les prêtres juifs répétaient ensuite au Temple de Jérusalem, Jésus l’a accompli une fois pour toutes avec son propre sang, abolissant ainsi toutes les pratiques anciennes où égorger l’animal était supposé s’attirer les faveurs du divin. Parler de l’unique sacrifice du Christ, réalisé une fois pour toutes, non réitérable, est donc révolutionnaire : le vrai sacrifice dans l’eucharistie est de s’offrir soi-même, uni au Christ, et non d’offrir quelque chose d’extérieur à soi. L’eucharistie ne nous demande pas de tuer (un animal, un ennemi) pour être agréable à Dieu (que ce soit YHWH ou Allah), mais au contraire de donner notre vie pour ceux que nous aimons, et même pour ceux que nous n’aimons pas (nos ennemis).

La subversion du sacrifice est totale en christianisme : le sang de l’Alliance est celui du Christ, unique dans l’histoire humaine, et non celui d’animaux ou d’adversaires. Dans l’eucharistie, nous ne répétons pas cet unique sacrifice, accompli une fois pour toutes comme aime à le répéter cinq fois la Lettre aux Hébreux. Nous nous rendons contemporains de ce sacrifice, pour laisser le Christ nous unir à lui dans cette dépossession de lui-même, par amour, qui le conduit à la mort. « Afin que notre vie ne soit plus à nous-même, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous… », aime à dire la Prière eucharistique n° 4.

1409168298_99225_medium coranDepuis la croix, les sacrifices d’animaux nous paraissent à juste titre des rites régressifs et dangereux. De même que nous paraissent archaïques et obsolètes les interdits alimentaires de la cacherout et du halal, qui reposent sur une vision du monde périmée (le pur et l’impur, le permis et le défendu).

Respecter les autres croyants n’implique pas de supprimer le débat théologique ! Comment ne pas dénoncer le retour à ces pratiques d’un autre âge, qui enchaînent dans la peur et la soumission les enfants de Dieu appelés à la liberté, qui utilisent le sang des animaux comme ‘garantie’ de l’alliance ?

Célébrons donc l’eucharistie avec reconnaissance : nous n’avons plus à faire couler le sang des autres, mais à laisser celui du Christ nous unir à l’offrande de lui-même qu’il fait à son Père, dans la force de l’Esprit. Le sang sacramentel que nous buvons dans la coupe de la nouvelle Alliance est la subversion des anciens sacrifices païens, des sacrifices animistes ou musulmans d’aujourd’hui.

Notons au passage que cela devrait nous faire réfléchir sur l’utilisation de nos compagnons animaux, et notamment sur notre manière de les tuer pour nous nourrir…

Puisse la fête du Corps et du Sang du Christ nous faire voir autrement ce que conclure une alliance de sang signifie : donner sa vie par amour, et non prendre la vie des autres en instrumentalisant le Nom de Dieu, le plus manipulé de tous les noms en ce siècle…

 


[1]. La décapitation du professeur Samuel Paty le 16 octobre 2020 au nom d’Allah relevait d’une logique similaire.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Voici le sang de l’Alliance que le Seigneur a conclue avec vous » (Ex 24, 3-8)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et toutes ses ordonnances. Tout le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. » Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. Il se leva de bon matin et il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes garçons parmi les fils d’Israël d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur des taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des coupes ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

PSAUME
(115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)

R/ J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur.
ou : Alléluia ! (115, 13)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

DEUXIÈME LECTURE
 Le sang du Christ purifiera notre conscience » (He 9, 11-15)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir. Par la tente plus grande et plus parfaite, celle qui n’est pas œuvre de mains humaines et n’appartient pas à cette création, il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. S’il est vrai qu’une simple aspersion avec le sang de boucs et de taureaux, et de la cendre de génisse, sanctifie ceux qui sont souillés, leur rendant la pureté de la chair, le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau : puisque sa mort a permis le rachat des transgressions commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel jadis promis.

SÉQUENCE

« Lauda Sion » (ad libitum) () Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants. Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer. Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges. Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères. Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs ! C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution. À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne. L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit. Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui. Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut. C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang. Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature. L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin. Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces. On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier. Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître. Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort. Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent ! Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout. Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué. * Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens. D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères. Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants. Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

ÉVANGILE
« Ceci est mon corps, ceci est mon sang » (Mc 14, 12-16.22-26) Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque. Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
.Patrick Braud

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12 janvier 2020

Alors Clarice, les agneaux se sont tus ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Alors Clarice, les agneaux se sont tus ?

Homélie pour le 2° dimanche du Temps Ordinaire / Année A
12/01/2020

Cf. également :

Lumière des nations
Révéler le mystère de l’autre
Pour une vie inspirée
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?

Alors Clarice, les agneaux se sont tus ?

Le Silence des agneauxC’est la dernière réplique d’Hannibal Lecter à l’inspectrice du FBI qu’il a aidé dans l’identification du meurtrier en série qu’elle poursuivait. La jeune Clarice Starling (Jodi Foster) est en effet hantée dans ses nuits par les cris quasi-humains des agneaux qu’on égorgeait dans la ferme paternelle. L’effrayant psychopathe mais néanmoins brillant psychiatre Hannibal Lecter (Anthony Hopkins) avait tout de suite décelé de sa cellule qu’il y avait une faille béante dans la vie de cette jeune femme. Il monnaye la confession de Clarice contre des renseignements sur celui qu’elle veut arrêter (sinistrement surnommé Buffalo Bill, car il découpe la peau de ses victimes) avant qu’il ne massacre une autre fille récemment kidnappée. Elle accepte de lui ouvrir ses cauchemars, et il parvient à la guérir en faisant le rapprochement avec le meurtre de son père, shérif du comté, mort en service, sacrifié sur l’autel de la sécurité de la communauté. Quand on sait que les agneaux qu’on égorge hurlent comme des enfants, il y a largement de quoi traumatiser n’importe qui. Et quand ces cris nous hantent la nuit ou nous réveillent le matin, on peut imaginer à quel point ça rend fou et ce qu’on pourrait donner pour avoir un peu de paix. Alors Clarice se raconte. Et, de fait, « le silence des agneaux » revient pour Clarice à la fin, alors qu’Hannibal arrive à s’échapper de manière spectaculaire et sanglante.

Évidemment, Jean le Baptiste n’a pas vu ce film culte (de 1991) ! Il ne peut mettre cette dose d’horreur et de guérison tout à la fois dans l’expression « agneau de Dieu » par laquelle il désigne son cousin au Jourdain (Jn 1, 29-34). Mais, comme tous les juifs pratiquants, il a vu l’abattoir du Temple de Jérusalem fonctionner à plein régime dans des flots de sang lors des fêtes pascales ou du Yom Kippour notamment. Il a peut-être encore à l’oreille les bêlements apeurés de ces petits de quelques mois, trop proches du hurlement humain pour les oublier vite… Mettre fin à ces rituels meurtriers où de jeunes vies sont sacrifiées soi-disant ‘au nom de Dieu’, voilà une tâche messianique que Jean-Baptiste annonce bientôt réalisée en Jésus. « Voici l’agneau de Dieu » : en substituant la personne de Jésus à l’animal rituel, le prophète du Jourdain accomplit l’intériorisation largement commencée par les autres prophètes avant lui. Ce n’est pas quelque chose d’extérieur à soi qu’il convient d’offrir à Dieu, mais soi-même. Rien ne sert d’égorger des agneaux lors de la Pâque juive, des moutons lors de l’Aïd musulmane, comme l’exprime le psaume de ce dimanche : « tu n’as voulu ni sacrifice ni holocauste. Alors j’ai dit : voici, je viens pour faire ta volonté » (Ps 40,7 ; He 10,8). Certes le gigot pascal aux flageolets demeure le plat familial de ralliement pour le dimanche de Pâques, lointain souvenir du sacrifice des agneaux durant la nuit de l’Exode, dont le sang marquait le linteau des portes juives à épargner. D’ailleurs, les juifs continuent encore à mettre dans leur assiette symbolique du Seder Pessah un os d’agneau rôti, en mémoire de la nuit de l’Exode, à côté des herbes amères, de la compote, du pain azyme etc. Et les musulmans continuent d’égorger le mouton en souvenir de l’animal substitué à Isaac (Ismaël selon eux) pour exprimer la soumission d’Abraham à la volonté divine.

La substitution est inverse en christianisme : pas besoin d’égorger des brebis, des agneaux ou des bœufs comme dans les religions animistes, juive ou musulmane, car c’est à l’homme de s’offrir lui-même en présent à Dieu, sans se défausser sur un animal ou une offrande extérieure. L214 appréciera ce refus d’instrumentaliser un animal à des fins religieuses ! Comme l’exprimera Jésus avec des mots si simples : « aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices » (Mc 12, 28-34). En tant qu’agneau de Dieu, Jésus conteste radicalement tous les systèmes religieux (ou politiques) qui mettent à mort d’autres vivants pour obtenir le salut, au lieu d’inviter chacun à faire mourir en lui ses pulsions inhumaines.

C’est le même mouvement d’intériorisation qui guide Jésus lorsqu’il déclare tous les aliments purs (le porc, les volailles ou les reptiles interdites par la cacherout), car c’est du dedans et non du dehors que provient l’impureté des pensées, des paroles, du désir :

« Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. […]
Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur, parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ? » C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments.
Il leur dit encore : « Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur.
Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. » (Mc 7, 15-23)

« Voici l’agneau de Dieu » sonne donc le glas des systèmes sacrificiels où il faudrait tuer un autre un autre – animal ou humain – pour se rapprocher de l’absolu.

Jean-Baptiste ajoute que cet agneau de Dieu « enlève le péché du monde ». Il y a sans doute superposition dans ses paroles de l’agneau pascal avec le bouc émissaire, cet animal à qui l’on imposait les mains pour le charger de tous les péchés commis par Israël, avant de l’envoyer au désert, séparant ainsi symboliquement le peuple des péchés qu’il avait commis, lui permettant de retrouver sa sainteté originelle (Lv 16). Dans sa Passion, le Christ a revêtu l’humiliation et la dérision réservées aux pires criminels et aux séditieux les plus dangereux aux yeux des Romains. Sur le bois de la croix, « il a été fait péché pour nous » (2 Co 5,21), il incarnait le péché aux yeux des passants. C’est comme s’il s’identifiait à tous les pécheurs de tous les temps, comme s’il portait le péché du monde sur ses épaules avec le patibulum de la croix infamante. Il dénonce le mécanisme du bouc émissaire comme proprement infernal.

Il est bien « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », mis à l’écart comme le bouc émissaire, mais faisant corps avec les pécheurs pour les introduire au cœur de la communion divine. Une sainteté par communion, non par séparation. Unis au Christ, ses amis – quel que soit leur péché – goûterons à l’intimité d’amour qui l’unit à son Père dans l’Esprit. Le bon larron en est témoin. Jean-Baptiste également, dont le texte assure par deux fois qu’il est prêt à témoigner en faveur de Jésus dans le procès qui l’oppose au monde :

« Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

C’est donc que nous pouvons nous aussi – nous devons – prendre parti pour les innocents injustement massacrés, témoigner pour ceux qu’on accuse de tous les péchés par peur de les trouver en soi.

Témoigner pour ces chrétiens d’Orient que l’islam opprime (on pense aux chrétiens de Gaza interdits de célébration de Noël à Bethléem, ou aux centaines de milliers de chrétiens persécutés ou exilés d’Irak, d’Iran, du Liban etc. à cause de l’arrogance islamique).

Témoigner pour ces 220 000 enfants non-nés chaque année en France, sous couvert de Droits de l’homme ou de progrès social.

Témoigner devant les puissants en faveur des plus pauvres facilement sacrifiables sur l’autel du progrès néolibéral.

Témoigner pour le respect de toute vie, de toute dignité, des arbres aux animaux jusqu’aux plus fragiles d’entre nous.

Proclamer que Jésus de Nazareth est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » nous engage à la suite de Jean-Baptiste à déposer comme témoin des innocents à la barre des procès qu’on leur intente. Quitte à prendre des risques pour cela. Quitte à y laisser la vie. Le martyre éthique de Jean-Baptiste nous avertit : appeler mal ce qui est mal peut nous coûter cher, mais notre vocation prophétique nous pousse à ne pas se taire, à crier comme Jean au désert : « voici l’agneau de Dieu ! » Si nous nous taisons, les pierres crieront à notre place… (Lc 19,40).

Et Jésus ?

À la différence des agneaux de Clarice qui hurlaient dans sa mémoire, il n’ouvre pas la bouche lorsqu’il est injustement condamné et supplicié. Par son silence devant ses bourreaux, il apporte en lui une paix que rien ne peut troubler. Par son amour de ses ennemis, il offre une réconciliation qui fera taire la haine. Par sa non-violence, il désarme la fureur des persécuteurs d’aujourd’hui. Par sa victoire sur la mort, il éteint les cris hantant le passé de ceux qui ont fait le mal.

Isaïe l’avait pressenti :

« Devant Dieu, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris.
[…] Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s’est inquiété de son sort ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à mort pour les révoltes de son peuple. On a placé sa tombe avec les méchants, son tombeau avec les riches ; et pourtant il n’avait pas commis de violence, on ne trouvait pas de tromperie dans sa bouche. […]
C’est pourquoi, parmi les grands, je lui donnerai sa part, avec les puissants il partagera le butin, car il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs. » (Is 53, 2-12)

Cet agneau de Dieu peut exorciser les frayeurs terrifiantes qui peuplent nos regrets, nos remords, nos péchés les plus impardonnables.

Alors, cher(e) lecteur(rice), les agneaux de tes cauchemars se sont tus ?…

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 3.5-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur. » Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

 

PSAUME

(Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)
R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté. (cf. Ps 39, 8a.9a)

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

DEUXIÈME LECTURE

« À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 1-3)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus, et Sosthène notre frère, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.
À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.

 

ÉVANGILE

« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29-34)
Alléluia. Alléluia.« Le Verbe s’est fait chair, il a établi parmi nous sa demeure. À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » Alléluia. (cf. Jn 1, 14a.12a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Patrick Braud

 

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25 février 2015

Le sacrifice interdit

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le sacrifice interdit

Homélie du 2° dimanche de Carême / Année B
01/03/2015

 

Dieu serait-il pervers ?

On pourrait le croire à une lecture trop rapide du 1er texte d’aujourd’hui : « sacrifie pour moi celui que tu aimes » semble dire Dieu à Abraham dans la traduction  approximative qui nous est proposée.

Quel est le père qui pourrait entendre cela sans broncher ?

Dieu demanderait-il des sacrifices humains ?

Est-il assez pervers, soit pour pousser Abraham vers le désespoir, soit pour demander un meurtre, et le meurtre d’un fils ?

Cette fausse lecture d’un Dieu pervers qui s’amuserait à mettre Abraham à l’épreuve a produit la révolte de générations d’athées, refusant à juste titre cette fausse image d’un Dieu qui dévore ses enfants, comme l’ogre des contes d’enfants dévore ceux qui s’approchent de lui…

Or Dieu est Père, il n’est pas pervers.

(cf. Maurice Bellet : le Dieu pervers, DDB, 1998)

Comment sortir de cette fausse et dangereuse interprétation ?

Le sacrifice interdit dans Communauté spirituelle vaverstoiEn faisant attention au texte (cf. Marie Balmary : le sacrifice interdit, Grasset, 1989 et le moine et la psychanalyste, Albin Michel, 2005).

En effet, le texte dit littéralement à Abraham : « prends ton fils unique, élève-le en élévation », et on pas « offre-le en sacrifice ». Chouraqui traduit en hébreu : « fais-le monter en montée ». Évidemment, c’est moins clair, et Abraham fait comme nous : il croit entendre dans l’appel à faire « monter » son fils un appel au meurtre, un appel au sacrifice humain, comme les dieux païens Moloch l’exigeaient autour de lui dans les religions païennes.

Du coup il fait jouer à Dieu un rôle pervers en lui attribuant une volonté qu’il n’a jamais exprimée. Il interprète : « sacrifie ton fils » là où Dieu lui disait : « élève-le ».

Il entend : « immole », là où on lui demandait de « faire monter » son fils.

Il croit qu’il faut égorger celui qu’il aime alors qu’il faut l’élever.

Cela nous arrive à nous aussi de nous tromper dans l’interprétation de la Parole de Dieu, et du coup de l’affubler de nos projections infantiles ou perverses. Pensez aux djihadistes qui se font exploser pour tuer des ennemis au nom d’Allah. Pensez aux jansénistes qui croyaient que Dieu demande l’austérité et la répression de la chair.

Pensez à toutes les caricatures du visage de Dieu que nous autres croyants nous véhiculons parfois, plus violentes encore que les caricatures du Canard Enchaîné ou de Charlie Hebdo…

Pensez au Dieu vengeur, au Père Fouettard, au Dieu justicier… qui punit et prend plaisir à faire souffrir…

 

Les noms de Dieu 

Un indice de cette 1° erreur d’Abraham, c’est le double nom de Dieu dans le texte.

La 1° fois, quand Abraham croit qu’il faut tuer par obéissance, il croit entendre cela en direct de la bouche d’Elohims, nom hébreu qui est au pluriel, et qui évoque les idoles, les faux dieux des polythéismes ambiants.

La 2° fois, c’est non pas Elohims mais le Messager de YHWH, qui crie vers lui pour arrêter le meurtre.

Non plus Dieu soi-disant en direct, mais une médiation, un ange : un messager. Non plus un Dieu pluriel, mais YHWH, les 4 lettres imprononçables pour un Juif, le tétragramme, qui interdit de mettre la main sur Dieu (justement parce que son nom est imprononçable) qui interdit d’interpréter sa volonté selon nos fantasmes, nos peurs païennes, nos caricatures sur Dieu.

Ce changement de nom sur Dieu est le signe du changement qui s’opère chez Abraham : il sort de l’idolâtrie et découvre le Tout Autre ; il quitte les faux dieux qui veulent la mort et se tourne vers le Dieu Père qui veut la vie.

Sa foi se purifie pour ne plus obéir à un Dieu imaginaire, mais au vrai Dieu qui était à la source de son amour pour son fils.

 

Du sacrifice d’un autre à l’offrande de soi 

9782226158994-j Balmary dans Communauté spirituelleUn commentateur juif du Moyen Age, le célèbre Rachi, avait déjà commenté ce texte dans le sens de l’offrande et non de l’holocauste.

« Le texte dit littéralement : Fais-le monter.

Dieu ne lui dit pas : immole-le. Le Saint, béni soit-il !, ne voulait nullement cela, mais seulement le faire MONTER sur la montagne pour donner à la personne d’Isaac le caractère d’une offrande à Dieu.

Et une fois qu’il l’aura fait MONTER, il lui dit : « Fais-le redescendre ».

 

Vous comprenez alors pourquoi l’Esprit pousse Jésus à monter sur la montagne du mont Thabor ! Jésus désire que sa vie soit une offrande d’amour à son Père, et ce désir d’offrande le transfigure d’une beauté éblouissante.

Vous comprenez pourquoi dans la messe on parle de la procession de présentation des offrandes ; et pourquoi le but de la messe est de faire de nous « une vivante offrande à la louange de la gloire du Père » (Prière eucharistique n°4), grâce au Christ qui le premier est monté sur la montagne, mieux encore qu’Isaac, mieux encore qu’Abraham, si lent à comprendre que Dieu ne désire pas un sacrifice qui mutile, mais l’offrande qui élève.

Le chemin de Carême est alors celui de la purification de notre foi.

Croire, ce n’est pas se soumettre aveuglément à un Dieu pervers qui nous enverrait des épreuves, c’est laisser le Christ nous unir à lui dans l’offrande d’amour qu’il fait de sa vie à son Père.

Ça change tout…

En montant au Thabor, comme Isaac est élevé lors de la montée du mont Moriah, Jésus révèle la vraie beauté de l’être humain.

La bouleversante beauté qui transfigure son visage, notre visage, ne vient pas du sacrifice, mais de l’offrande.

Bonne Nouvelle : Dieu ne veut pas d’automutilation, mais la beauté de ses enfants !

Il n’exige pas de sacrifice humain, mais invite au libre dessaisissement de soi par amour.

 

C’est un bélier qui va se substituer à Isaac : un adulte animal est sacrifié à la place de l’enfant humain. C’est comme si Abraham devait tuer en lui le père possessif pour laisser son enfant être élevé plus haut que lui…

 

Dieu est Père, pas pervers !

Que ce Carême purifie nos fausses images idolâtriques de Dieu !

 

 

 

1ère lecture : Dieu met Abraham à l’épreuve, et lui renouvelle ses promesses (Gn 22, 1-2.9a.10-13.15-18)

Lecture du livre de la Genèse

Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! »
Dieu dit : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en sacrifice sur la montagne que je t’indiquerai. »

Quand ils furent arrivés à l’endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils.
Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! »
L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique. »
Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s’était pris les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils.
Du ciel l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham :
« Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis.
Puisque tu m’as obéi, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »

 

Psaume : Ps 115, 10.15, 16ac-17, 18-19

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants

Je crois, et je parlerai,
moi qui ai beaucoup souffert.
Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !

Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, 
moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple, 
à l’entrée de la maison du Seigneur,
au milieu de Jérusalem !

 

2ème lecture : Le sacrifice du Fils (Rm 8, 31-34)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Il n’a pas refusé son propre Fils, il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ?
Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? puisque c’est Dieu qui justifie.
Qui pourra condamner ? puisque Jésus Christ est mort ; plus encore : il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous.

 

Evangile : La Transfiguration (Mc 9, 2-10)

Acclamation : Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Du sein de la nuée resplendissante, la voix du Père à retenti : « Voici mon Fils, mon bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »
De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.

En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ». 
Patrick Braud

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