L'homélie du dimanche (prochain)

18 septembre 2022

Professer sa foi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Professer sa foi

 

Homélie pour le 26° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
25/09/2022

 

Cf. également :

Qui est votre Lazare ?

Le pauvre Lazare à nos portes

La bande des vautrés n’existera plus

Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?

Chameau et trou d’aiguille

À quoi servent les riches ?

Plus on possède, moins on est libre

 

La profession de foi

Professer sa foi dans Communauté spirituelle I-Moyenne-33576-image-de-communion-solennelle-garcon-j-ai-renouvele-les-promesses-de-mon-bapteme-blanc-sur-fond-bleu.netL’expression est devenue un peu péjorative, car on pense immédiatement aux enveloppes électorales qui polluent nos boîtes aux lettres à chaque échéance avec des papiers de mauvaise qualité sur lesquels les candidats promettent la main sur le cœur qu’ils feront tout pour notre bonheur. « Comptez sur moi, je suis fidèle à mes convictions », essaient-ils de nous persuader… Mais nous avons eu tant de revirements politiques, tant de changements de cap sous prétexte de pragmatisme que ces belles paroles nous paraissent suspectes.

Pour les plus anciens, la Profession de foi les ramène à leur ‘communion solennelle’ : procession en aube blanche, cierge allumé à la main, avec l’énorme repas de famille qui s’ensuit, et les cadeaux tant attendus des parrains, marraines et parents.

Image désuète, car la profession de foi ne concerne plus que 5% à 10% des enfants français maximum, la plupart en Enseignement catholique. Et encore, on ne parle pas de la Confirmation, qui a tout simplement disparu du paysage !

Désintérêt électoral, abandon populaire : la profession de foi n’a pas la cote ! Raison de plus pour retrouver son importance grâce à la deuxième lecture de ce dimanche (1Tim 6,11-16).

Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins.

Il y est question de deux professions de foi : celle de Timothée et celle du Christ. Examinons en quoi elles peuvent (elles doivent) devenir les nôtres.

 

La profession de foi de Timothée

Paul fait explicitement allusion à un moment donné de la vie de Timothée où celui-ci a  proclamé sa foi en public :

Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as professé (μαρτύρων = martureo) une belle confession en présence d’un grand nombre de témoins (1Tim 6,12).

Cela se voit au temps du verbe employé par Paul : c’est l’aoriste actif, le passé simple en grec, qui désigne un moment précis, dans des circonstances bien particulières. Lesquelles ? Le texte ne le dit pas. Plusieurs hypothèses ont été avancées.

 

 foi dans Communauté spirituelle– Paul ferait référence au martyr de Timothée, ou du moins à sa comparution devant un tribunal romain devant lequel il n’a pas renié Jésus mais a proclamé sa foi en lui. Le verbe μαρτύρων (martureo) employé par Paul semble nous mettre sur cette piste. Les martyrs chrétiens sont ceux qui témoignent publiquement de leur adhésion au Christ, quelles que soient les conséquences mortelles pour eux ou leurs proches. Rappelons la différence fondamentale entre martyrs et djihadistes ou kamikazes : les premiers préfèrent mourir plutôt que de renier leur foi, les seconds veulent faire mourir pour imposer leur foi aux autres. Rien à voir ! Timothée a peut-être été obligé de proclamer devant les autorités romaines ou juives sa foi au Christ : il a eu ce courage, et en cela il a été martyr, au sens premier du verbe martureo : témoigner devant tous, proclamer publiquement.

Nous est-il demandé d’être martyr nous aussi comme Timothée ? Vous me direz qu’heureusement on n’en est pas là en France. C’est vrai que la liberté religieuse garantie par la République nous protège en ce sens. Pour autant, nous n’en sommes pas quittes avec le martyre. Car il existe bien d’autres formes de martyres que la prison ou le goulag. Le martyre éthique par exemple nous demande d’assumer avec courage, publiquement, des positions éthiques au nom de notre attachement au Christ. Même si elles sont à contre-courant de l’opinion majoritaire. Même si elles nous valent à cause de cela l’opprobre, l’insulte, le mépris si facilement accordée aux fachos, aux gauchos, aux intolérants que nous sommes alors accusés d’être.

Le martyre idéologique est une autre forme de témoignage : à cause du Christ, nous osons penser différemment, nous osons contester des référentiels admis par tous, nous argumentons pour d’autres manières de penser le monde et l’humanité.

En entreprise par exemple, prendre position pour les plus petits au nom du Christ peut nous conduire à l’ostracisation, voire au rejet. En société, parler de Création et pas seulement de nature, dénoncer l’idolâtrie du marché, défendre la vie humaine dès le début et jusqu’à la fin, critiquer tous les ‘ismes’ qui s’érigent en pensée ultime sont des hérésies aux yeux de nos contemporains et peuvent nous valoir leur farouche opposition, voire leur haine.

Chacun de nous est appelé à devenir martyr comme Timothée : prendre publiquement position pour le Christ, quoi qu’il en coûte.

 

– Paul emploie également le mot ὁμολογία (homologia) [1] pour désigner la profession de foi de Timothée.

Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait une belle confession (homologia) en présence d’un grand nombre de témoins (1Tim 6,12).

En grec, ce terme signifie : une parole conforme, une parole pareille à une première, cohérente avec elle. Il s’agit là de la proclamation publique de Timothée, cohérente avec celle de toute l’Église. Certains exégètes ont pensé à l’ordination de Timothée. Lorsque Paul lui a imposé les mains, il a sûrement au préalable proclamé devant l’assemblée son ‘orthodoxie’, sa ‘pensée droite’ s’accordant à celle des Apôtres. L’appel de Paul concernerait donc ici particulièrement les ministres ordonnés de l’Église, ces « hommes de Dieu » (1Tim 6,11)  mis à part pour servir la communion ecclésiale.

Appel d’une urgence contemporaine absolue, si on veut bien voir les dégâts provoqués par les clergés de tous bords lorsqu’ils agissent en contradiction avec la proclamation publique de leur ordination ! Qu’on pense aux centaines d’autochtones canadiens pour le génocide culturel desquels le Pape François a demandé pardon lors de son dernier voyage au Canada. Qu’on pense bien sûr aux milliers de victimes d’abus en tout genre par des prêtres en tous pays. Sans tomber dans l’obsession pathologique de la repentance, force est de constater que plus on a de responsabilités dans l’Église, plus il faut écouter l’exhortation de Paul à Timothée afin de ne pas trahir en secret ce qu’on a proclamé en public.

Ordonné ou pas, l’avertissement vaut finalement pour chacun de nous : fais corps avec l’Église, sois cohérent, mets tes actes en accord avec tes paroles !

 

– Une troisième hypothèse, plus vraisemblable encore que les deux autres, serait que Paul fait allusion à la profession de foi baptismale de Timothée. En effet, baptisé adulte, Timothée a dû comme tous les autres confesser la foi de l’Église devant l’assemblée avant de recevoir le sacrement.

Celebration-de-la-Vigile-pascale martyrCertains pensent pouvoir se passer d’un tel acte public pour être chrétien. Ainsi Saint Augustin nous raconte l’histoire d’un certain Victorinus, rhéteur à Rome, qui se disait chrétien en privé, mais ne se joignait jamais à l’assemblée du dimanche (Confessions, Livre VIII, II, 3-4). Il raillait ouvertement ce qu’il considérait comme une hypocrisie : « Alors ce sont les murs qui font les chrétiens ? » aimait-il à répéter en riant. Pourtant, à force de lire et de ruminer l’Écriture tout seul, il désira bientôt rejoindre l’assemblée locale pour dire le Credo avec elle :

« En plongeant plus profondément dans ses lectures, il y puisa de la fermeté, il craignit d’être désavoué du Christ devant ses saints anges, s’il craignait de le confesser devant les hommes (Mt 10,33), et reconnaissant qu’il serait coupable d’un grand crime s’il rougissait des sacrés mystères de l’humilité de ton Verbe, […] et tout à coup, il surprit son ami Simplicianus par ces mots: ’Allons à l’église; je veux être chrétien !’ Et lui, ne se sentant pas de joie, l’y conduisit à l’instant. Aussitôt qu’il eut reçu les premières instructions sur les mystères, il donna son nom pour être régénéré dans le baptême, à l’étonnement de Rome, à la joie de l’Église. […]

Puis, quand l’heure fut venue de faire la profession de foi, qui consiste en certaines paroles retenues de mémoire, et que récitent ordinairement d’un lieu plus élevé, en présence des fidèles de Rome, ceux qui demandent l’accès de ta grâce ; les prêtres, ajouta Simplicianus, offrirent à Victorinus de réciter en particulier, comme c’était l’usage de le proposer aux personnes qu’une solennité publique pouvait intimider ; mais lui aima mieux professer son salut en présence de la multitude sainte. 

[…] Il prononça le symbole de vérité avec une admirable foi, et tous auraient voulu l’enlever dans leur cœur ; et tous l’y portaient dans les bras de leur joie et de leur amour ».

Que vient faire l’Église dans le salut ? Pourquoi est-il vital de s’agréger à la communauté des croyants ? Cette question rejoint celles que nous entendons souvent autour de nous : je suis croyant, mais à quoi sert l’Église ? Pourquoi serait-elle nécessaire pour croire, prier, et être sauvé ?

Ce récit d’Augustin montre plusieurs choses [2] :

- l’expérience individuelle de la foi peut prétendre se passer de l’appartenance à l’Église dans un premier temps. Or, si l’on considère la foi sous l’angle de l’expérience individuelle seulement, nous dit Saint Augustin, on la condamne à l’isolement. C’est donc qu’on ne peut séparer ce  qui est dit dans le Credo de ceux qui disent ensemble le Credo. Tous les « Je » qui disent ensemble « Je crois » forment un « Nous »: l’Esprit-Saint forme ce « Nous » des chrétiens qui constitue alors l’Église, dans la conjonction de la personne (« Je ») et de la communauté (« Nous »). C’est pour cela que le texte du Credo est fort justement appelé un Symbole (syn-balein en grec = acte de réunir ensemble des éléments séparés) : le fait de le réciter ensemble permet symboliquement à l’assemblée de se reconnaître d’Église.

- Victorinus, si savant et connaissant tous les philosophes, reconnaît avoir besoin du langage de l’Église pour dire sa foi personnelle. Nous sommes parlés avant que de parler nous-mêmes, dirions-nous aujourd’hui… Victorinus articula la formule de vérité avec assurance ; c’est dire que l’Église nous engendre à la foi tout autant que notre profession de foi constitue l’Église.

- la proclamation de foi publique devient proclamation du salut. Victorinus préféra proclamer hautement son salut devant la multitude sainte, plutôt que dans la sacristie. Il s’agit de ne pas rougir devant les hommes de « l’opprobre de la Croix ». « Car la foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres le salut » (Rm 10,10).

 

Professer sa foi comme Timothée, c’est donc revenir à la source de notre baptême, faire Église avec d’autres pour témoigner du Christ et proclamer ainsi publiquement notre attachement à Jésus de Nazareth, son message, sa personne.

Nul doute que l’importance de cette profession de foi baptismale a largement influencé Mohammed et la tradition musulmane : il suffit en effet de proclamer à haute voix la Chahada (« Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mohamed est son prophète ») pour devenir musulman. Tout le baptême chrétien a été comme ‘cristallisé’ par les musulmans en cet élément fondamental : témoigner du Dieu unique à haute voix devant tous. Notons cependant la différence : la Chahada énonce la foi en un Dieu unique comme un constat objectif (« il n’y a pas d’autre dieu que Dieu ») alors que le Credo chrétien manifeste un attachement subjectif, personnel : « je crois », « nous croyons ». La première se veut une vérité s’imposant à tous ; la seconde est le résultat d’une expérience relationnelle qui invite l’autre à vivre la sienne propre.

Notons d’ailleurs au passage que la profession de foi juive marie les deux aspects : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique » (Dt 6,4). En effet, elle est en même temps dialogale (Écoute, Israël) et objective (le Seigneur notre Dieu est l’Unique).

 

La profession de foi de Jésus-Christ

Jésus devant PilateC’est sur la question de la vérité de foi que Paul rebondit en comparant la profession de foi de Timothée à celle du Christ devant Pilate :

Je te recommande, devant Dieu qui donne la vie à toutes choses, et devant Jésus-Christ, qui fit une belle confession (homologia) devant Ponce Pilate (1Tim 6,13), de garder le commandement…

En quoi consiste-t-elle ? Paul ne le dit pas. Mais il a écouté les Apôtres et lu les Évangiles. Il sait que Jean met la question de la vérité au cœur de la comparution de Jésus devant Pilate : « qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18,38) À la question de Pilate, Jésus se tait. Car Pilate cherchait une doctrine, une vérité objective, alors que Jésus propose une relation personnelle, une adhésion de confiance, une amitié vitale : « Je suis la vérité, le chemin et la vie » (Jn 14,6). Jésus devant Pilate témoigne que la vérité n’est pas un objet à croire ou à imposer. C’est une personne, avec qui entrer en communion. Professer sa foi comme Jésus-Christ devant Pilate signifie alors quitter le terrain meurtrier des idéologies érigées en système. Et proclamer que seule la relation vivante est source de salut.

 

Jésus devant Pilate témoigne… que la vérité est ailleurs ! Pilate veut lui faire préciser en quoi consiste le royaume prêché, et s’il est vraiment le Roi des juifs que les foules acclament. En répondant à côté : « mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18,36), Jésus témoigne de l’altérité absolue de Dieu, qui ne se laisse enfermer dans aucun de nos concepts : royaume, grandeur, puissance etc. Témoigner que Dieu est toujours au-delà, indicible, irréductible à nos approches, plus grand que nos concepts : voilà également une belle profession de foi à laquelle notre baptême nous appelle, comme Jésus devant Pilate !

La vérité est ailleurs ; elle est relationnelle et non objective ; elle ne peut servir d’alibi à nos intérêts car nous engage à suivre le Christ dans sa Passion.

 

Notre profession de foi

Charles de Foucauld priait pour mourir martyr au milieu des Touaregs qu’il aimait tant. Prions nous-mêmes pour vivre martyrs au milieu de nos proches : en témoignant publiquement pour le Christ, en nous engageant à sa suite, en cherchant à mettre nos actes en cohérence avec cette belle proclamation de foi qui fut celle de Timothée, et d’abord de Jésus.


____________________________________________________

[1]. Il y a 6 occurrences du terme dans le NT. Outre les 2 usages dans notre lecture :
2Co 9,13 : « les fidèles glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession (homologia) de l’Evangile de Christ ».
He 3,1 : « Ainsi donc, frères saints, vous qui avez en partage une vocation céleste, considérez Jésus, l’apôtre et le grand prêtre de notre confession de foi (homologia) ».
He 4.14 : « En Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a traversé les cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi  (homologia) » (He 4,14).
He 10.23 : « Retenons fermement la profession (homologia) de notre espérance, car celui qui a fait la promesse est fidèle.

[2]. Cf. OCVIRK D., La foi et le Credo, Cerf, Coll. Cogitatio Fidei n°131, Paris, 1985, pp. 161-168.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

1ère LECTURE 

« La bande des vautrés n’existera plus » (Am 6, 1a.4-7)


Lecture du livre du prophète Amos

Ainsi parle le Seigneur de l’univers : Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres de l’étable ; ils improvisent au son de la harpe, ils inventent, comme David, des instruments de musique ; ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe, mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus.

 

PSAUME 

Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10

R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 145, 1b)

 

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

 

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

 

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

 

2ÈME LECTURE 

« Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur » (1 Tm 6, 11-16)


Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins.

Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen.

 

ÉVANGILE 

« Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance » (Lc 16, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : ‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’ Le riche répliqua : ‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !’ Abraham lui dit : ‘Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.’ Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.’ »
Patrick BRAUD

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9 décembre 2015

Faites votre métier… autrement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Faites votre métier… autrement


Homélie du 3° dimanche de l’Avent / Année C
13/12/2015

Cf. également :

La joie parfaite, et pérenne

Éloge de la déontologie

Tauler, le métro et « Non sum »

 

Devoir d’état

Et si la vie professionnelle était un des enjeux majeurs de la conversion personnelle ?

Écoutez Jean-Baptiste sur les rives du Jourdain. Des publicains lui posent la question qui hantera plus tard Lénine et tous les révolutionnaires : que faire ? Jean-Baptiste les renvoie à leur pratique professionnelle : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». De même pour les soldats : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde » (Lc 3, 10-18).

 

Afficher l'image d'origineC’est donc que le métier exercé est l’un des premiers lieux de la vie spirituelle. On parlait autrefois de devoir d’état, qui englobait tout ce qu’on devait faire au titre de son état de vie : le père de famille envers ses enfants, le mari / la femme envers son conjoint, et ici le travailleur envers sa mission. S’acquitter avec conscience et honnêteté de son devoir d’état est la première marche qui nous élève vers Dieu. Cela commence par assumer l’obligation de travailler, afin de pourvoir à ses besoins élémentaires (un toit, se nourrir, se vêtir) sans peser sur les autres. Comme écrivez saint Paul : « celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! » (2 Th 3,10) Même ceux qui sont au chômage ont une obligation morale envers la société qui les soutient : chercher activement du travail, se former, et peut-être rendre sous forme associative ou bénévole ce que la solidarité nationale leur offre en termes d’allocations et d’aides en tout genre.

 

Travailler est essentiel à la vocation humaine. Le mot allemand pour désigner la profession est Beruf, qui signifie également appel, vocation.

Jean-Baptiste renvoie les pénitents du Jourdain à leur métier : rien de plus incarné que cet appel prophétique à assumer son devoir d’état le mieux possible !

 

Rechercher la justice

Afficher l'image d'origineJean-Baptiste va plus loin : il invite publicains et militaires à pratiquer une certaine justice dans leur activité. Pas de pots-de-vin, pas de corruption ou d’enrichissement personnel pour les publicains. Mais au contraire la recherche d’une application juste et égale de l’impôt. Pour les soldats : pas d’abus de violence, pas d’abus de position dominante pour accuser à tort, pas de course aux salaires excessifs sous prétexte d’être indispensables. Mais au contraire endiguer la violence, rechercher le droit, être désintéressé.

Avouons que ces conseils sont toujours valables, pour nos hommes politiques, nos militaires, nos patrons du CAC 40 ou les fonctionnaires chargés de l’impôt…

 

La recherche de la justice est inhérente à la foi juive et chrétienne : « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6,33) a raison de répéter Jésus.

 

Et vous, cherchez-vous la justice dans la pratique de votre métier ?

Êtes-vous passionnés de justice au point d’oublier votre intérêt personnel et immédiat ? Osez-vous poser les bonnes questions, à vos supérieurs comme à vos équipes, pour que progresse ce sens de la justice au travail ? Depuis le respect des plus petits jusqu’aux échelles de salaires, des conditions de travail à l’exercice de l’autorité, la passion de la justice fait du croyant un collègue, un salarié, un indépendant ‘non-aligné’ sur les comportements et les pratiques les plus courantes dans le monde du travail…

 

Donner sens à son travail

Pour oser être ainsi un chercheur de justice au travail, il faut l’inscrire sur un horizon beaucoup plus large que la seule activité ordinaire. Un boulanger ne fait pas que du pain, il crée du bonheur à travers le goût donné aux instants du repas, et le pain a toujours été signe de fraternité, de solidarité partagée. De grandes entreprises ont ainsi réfléchi à leur but profond, à ce qui constitue leur raison d’être. Qu’est-ce qui motive réellement les salariés de Disney, de Nike ou de Ford ? En prenant le temps d’écouter leurs équipes et de se remémorer leur histoire, voici ce que certaines grandes entreprises ont répondu.

But fondamental 

Source : Harvard Business Review, Hors série Automne 2015.

Et vous, quelle est le but ultime de votre travail ? Quelle est la raison d’être de votre entreprise ? Qu’est-ce qui manquerait au monde si elle n’existait pas ? Et donc qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin pour aller travailler avec une motivation capable de se renouveler d’année en année ?

Prenons le temps d’y réfléchir, personnellement et avec d’autres. Tout change quand on sait pour quoi on travaille, et pas seulement comment ou pourquoi !

 

Travailler en accord avec ses valeurs

Jean-Baptiste ne le dit pas ici, mais les premiers chrétiens ont réfléchi aux liens entre baptême et métier. Ils en ont conclu que certains métiers aux premiers siècles leur semblaient incompatibles avec l’identité chrétienne : gladiateurs, prostituées, militaires…
Comment peut-on se dire disciple du Christ par exemple et faire profession de torturer des gens, que ce soit au goulag ou dans une police secrète ? On osait refuser le baptême chrétien à ceux qui ne voulaient pas quitter ces métiers…

« Qu’on fasse une enquête sur les métiers et professions de ceux qu’on amène pour les instruire.
Si quelqu’un est tenancier d’une maison qui entretient des prostituées, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est sculpteur ou peintre, qu’on lui apprenne à ne pas faire d’idole. S’il ne veut pas cesser, qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est acteur ou qu’il donne des représentations théâtrales, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un enseigne aux enfants les sciences profanes, il est préférable qu’il cesse; mais s’il n’a pas de métier, qu’on le lui permette. De même qu’un conducteur ou quelqu’un qui prend part aux jeux publics ou qui y va, cesse ou qu’on le renvoie. Qu’un gladiateur ou quelqu’un qui apprend aux gladiateurs à combattre ou quelqu’un qui s’occupe de la chasse ou un officier public qui s’occupe des jeux de gladiateurs cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est prêtre des idoles ou gardien d’idoles, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
A un soldat qui se trouve auprès d’un gouverneur, qu’on dise de ne pas mettre à mort. S’il en reçoit l’ordre, qu’il ne le fasse pas. S’il n’accepte pas, qu’on le renvoie, Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d’une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu’on le renvoie. Si le catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu’on le renvoie, car il a méprisé Dieu.
Qu’une prostituée, un sodomite ou quelqu’un qui fait ce dont on ne peut parler soit renvoyé, car il est souillé.
Que le mage ne soit pas non plus admis à l’examen. Qu’un sorcier, un astrologue, un devin, un interprète de songes, un prestidigitateur, ou un fabricant de phylactères cesse ou qu’on le renvoie.
Que la concubine de quelqu’un, si elle est son esclave, si elle a élevé ses enfants et si elle n’a de relations qu’avec lui, soit admise, sinon qu’on la renvoie. Qu’un homme qui a une concubine cesse et se marie légalement. S’il refuse, qu’on le renvoie.
Si nous avons omis quelque chose, prenez vous mêmes la décision convenable, car nous avons tous l’Esprit de Dieu.  »
Hippolyte de Rome, « La Tradition apostolique » 3° siècle

Aujourd’hui encore, comment ne pas souligner des contradictions flagrantes entre la foi au Christ et certaines professions ? ou au moins certaines manières de pratiquer certaines professions ? Comment peut-on se dire par exemple chrétien et mafieux ? Ou faire travailler des enfants dans des mines africaines ou des usines chinoises ? Ou organiser la traite d’esclaves en tout genre ? Ou vendre des armes de destruction massive à n’importe quel client ? Etc. etc.

Faites l’exercice de lister les valeurs les plus importantes pour vous (la beauté, l’innovation, l’amitié, la justice…). Si votre métier ne vous permet pas d’honorer et de vivre ces valeurs au travail, alors ayez le courage de démissionner ! Changez de métier ou d’entreprise avant qu’il ou elle ne vous change à son image. Car tous les métiers ne sont pas humanisants. Car toutes les entreprises ne sont pas au service du bien commun.

 

Devoir d’état, justice, sens, valeurs : oui la vie professionnelle est bien l’un des lieux majeurs de la vie spirituelle !

Que l’appel de Jean-Baptiste nous convertisse jusque dans cette dimension-là.

 

 

 

1ère lecture : « Le Seigneur exultera pour toi et se réjouira »(So 3, 14-18a)

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.

Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

Cantique : Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6
R/ Jubile, crie de joie,car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.  (cf. Is 12, 6)

Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.

Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut.

« Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : « Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-7)

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Evangile : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 61, 1)

 En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick Braud

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