L'homélie du dimanche (prochain)

6 février 2022

Conjuguer le bonheur au présent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Conjuguer le bonheur au présent

Homélie du 6° Dimanche du temps ordinaire / Année C
13/02/2022 

Cf. également :

Les malheuritudes de Jésus
La « réserve eschatologique »
Toussaint : le bonheur illucide
Aimer Dieu comme on aime une vache ?

Ouganda, 1886. Le nouveau roi Mwanga prend ombrage de la présence des missionnaires Pères Blancs qu’il suspecte de vouloir le renverser. Il proclame alors un édit royal interdisant de se proclamer chrétien. Une quarantaine de fraîchement baptisés et catéchumènes refuse. Ils sont condamnés à être brûlés vifs, chacun enroulé dans une natte empilée en un bûcher-holocauste terrifiant. Sur les 60 kms de piste les menant au lieu du bûcher, les condamnés cheminent péniblement, se heurtant les uns contre les autres, tant sont gênants, par leur étroitesse, les liens qui les enchaînent. Ceux qui se plaignent, ceux qui ne peuvent plus avancer, on les tue et on les laisse sur le bord de la piste. La veille de l’Ascension de 1886, le bûcher s’allume : Charles Lwanga et ses compagnons rayonnent de joie. « Entendez-vous ces idiots ? ricane un des bourreaux. On dirait vraiment qu’ils vont à la noce et que nous allons leur servir un festin ! »…

Cette joie des martyrs chrétiens déborde des multitudes de récits des premiers siècles, où les fauves dans l’arène ne pouvaient faire taire les chants de ceux et celles qui allaient au supplice. Cette joie paradoxale habitait il y a peu dans le camp de concentration d’Auschwitz où le Père Maximilien Kolbe prenait la place d’un père de famille pour être exécuté en se substituant à lui. Elle régnait dans le cœur d’Etty  Hillesum déportée volontaire au camp de concentration de Westerbok. À coup sûr, cette joie continue d’étonner les bourreaux de toutes obédiences qui aujourd’hui encore se chargent d’exécuter leurs semblables uniquement parce qu’ils osent dire : je suis chrétien (plus de 340 millions de chrétiens ont été fortement persécutés ou discriminés en raison de leur foi dans les 50 pays répertoriés en 2020, estime l’ONG évangélique Portes Ouvertes).

Entendons-nous bien : la béatitude des martyrs chrétiens n’a rien à voir avec la folle soumission des kamikazes japonais à leur empereur, ni avec l’excitation fanatique des islamistes persécutant les infidèles. Les martyrs chrétiens sont des victimes ; les kamikazes ou les terroristes sont des bourreaux. Les uns offrent leur vie par amour, les autres prennent la vie des autres par haine.

Si l’on a bien écouté l’Évangile de ce dimanche (Lc 6, 17.20-26), on s’étonne moins, car les 4 Béatitudes de Luc semblent écrites précisément pour ceux qui souffrent ainsi à cause de leur foi. Et notamment les 2 dernières béatitudes que les baptisés d’Ouganda ont vécues jusqu’à l’extrême : « Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme ».

L'opium du pauvreCes quelques lignes de Luc alternent passé / présent / futur avec audace. Car la déclaration de bonheur est au présent : « heureux êtes-vous… », alors que la situation du moment est critique : pauvreté, pleurs, haine, rejet, insultes, diffamation… On imaginerait plus volontiers un futur, que les prédicateurs ultérieurs ont d’ailleurs largement exploité hélas : ‘vous souffrez maintenant, mais vous serez récompensés plus tard. Résignez-vous à votre sort aujourd’hui pour être heureux plus tard dans l’autre vie’. Ce type d’argumentation prêchant la résignation volontaire au nom du bonheur futur a largement servi à cautionner un ordre social injuste, que ce soit sous l’Ancien Régime (pauvreté de la paysannerie, privilèges de la noblesse et du clergé) ou ensuite pendant la Révolution industrielle (misère des ouvriers, exploitation et quasi-esclavage des salariés). Ainsi, en Occident, les Béatitudes sont devenues largement inaudibles, voire insupportables : ‘n’allez pas anesthésier le peuple avec vos vaines promesses de bonheur futur, alibi parfait de leur soumission présente !’

Or, répétons-le, les Béatitudes sont au présent ! Luc n’écrit pas : ‘vous serez heureux en paradis si vous acceptez votre pauvreté d’aujourd’hui’. Mais bien : « vous, les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ! » Et le royaume de Dieu est le domaine de la justice et de la paix, de la vérité et de l’amour. Donc, si ce royaume est vôtre dès maintenant, vous les pauvres avez chacun et ensemble la force de le manifester. Vous pouvez démasquer au grand jour les mensonges des puissants. Vous possédez la liberté des enfants de Dieu qui ne plient devant aucun tyran, qui n’ont pas peur devant les chars, qui n’idolâtrent aucune autorité fût-elle royale, seigneuriale, patronale ou même épiscopale.

Osez conjuguer le bonheur au présent est plus révolutionnaire qu’il n’y paraît ! Car c’est la source d’une liberté intérieure que rien ne peut arrêter, ni la Bastille, ni les soldats du pouvoir, ni les escadrons de la mort… Puisque le royaume de Dieu est à vous, il n’est pas aux puissants, il n’appartient pas aux riches, il ne se confond pas avec le pouvoir politique du moment !

Certes, ce présent des Béatitudes est encore inachevé, puisqu’il y a un futur promis : « vous serez rassasiés, vous rirez ». En fait, ce sont les deux seuls verbes au futur des Béatitudes de Luc (avec leurs symétriques pour le malheur des riches : « vous aurez faim, vous pleurerez »). Car curieusement, la dernière béatitude est au présent, comme la première : « votre récompense est grande dans le ciel ». Ce n’est pas seulement une promesse, c’est déjà un acquis. C’est comme si l’avenir (le ‘ciel’) faisait irruption dans le présent pour le transformer dès maintenant, afin qu’il s’ajuste au mieux à ce qui l’attend en plénitude : être rassasiés, rire.

Ce battement présent / futur s’enrichit en finale de la référence au passé : « c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes ». Les 3 fils s’entrecroisent pour tisser la trame du bonheur en Dieu : le passé garantit que cela est bien arrivé aux prophètes ; le présent – appuyé sur cette mémoire et ouvert à l’avenir que Dieu donne déjà – permet de l’expérimenter dès maintenant ; l’avenir nous le fera vivre en plénitude.

Conjuguer le bonheur au présent dans Communauté spirituelle 3-fils

Dans la pauvreté, dans les pleurs, dans les persécutions, il y a déjà un présent de l’avenir promis, que la mémoire prophétique garantit et rend crédible. Saint Augustin a longuement parlé du temps humain dans son Livre XI des Confessions. Il en arrive très simplement à la conclusion que seul le présent existe, ce qui dans le cas des Béatitudes explique pourquoi l’on peut être heureux au milieu de l’épreuve et du dénuement.

51ZJOVWFKzL._SX349_BO1,204,203,200_ Augustin dans Communauté spirituelle

Futur Présent Passé SablierQu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l’expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant – je le dis en toute confiance – je sais que si rien ne se passait il n’y aurait pas de temps passé, et si rien n’advenait, il n’y aurait pas d’avenir, et si rien n’existait, il n’y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d’être alors que le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l’éternité.

Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu’en passant au passé, quel mode d’être lui reconnaître, puisque sa raison d’être est de cesser d’être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l’être seulement parce qu’il tend au néant. [...] Enfin, si l’avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s’ils y sont, futur il n’y est pas encore, passé il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils n’y sont que présents. Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens. […]

Il est dès lors évident et clair que ni l’avenir ni le passé ne sont, et qu’il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l’avenir, mais qu’il serait exact de dire : il y a trois temps, un présent du passé, un présent du présent, un présent de l’avenir.

(Augustin, Confessions, Livre XI)

La présence du passé, c’est la mémoire qui se souvient et se re-présente ce que les prophètes ont subi pour rendre témoignage à la vérité.
Le présent du futur, c’est la conviction que ce que nous serons transparaît déjà dans ce que nous sommes, et que nous pouvons laisser émerger aujourd’hui celui que nous serons demain en Dieu.
Le présent du présent, c’est cette intensité de relation à soi, aux autres, au monde, qui nous fait goûter avec joie ce qu’ils nous donnent, même à travers l’épreuve.
Les 3 fils du temps s’enchevêtrent dans la connaissance de ce présent gracieux : « le royaume de Dieu est à vous ». Il n’est pas pour plus tard, mais pour le présent d’aujourd’hui et le présent de demain. Il n’est pas révolu, gisant dans le passé, car notre mémoire le garde vivant en nous le rendant présent, efficace, actuel pour ce que nous avons maintenant à traverser.

Si cela vous paraît trop philosophique, pensez simplement à l’enfant Kizito (14 ans), à  Charles Lwanga, Joseph Mukassa et leurs compagnons ougandais qui ont trouvé dans leur foi chrétienne l’antidote au poison de la terreur du bûcher humain qu’ils allaient former. Si des enfants, des paysans et des serviteurs ont pu marcher au supplice en chantant, pourquoi ne pourriez-vous pas affronter l’épreuve en gardant la joie au cœur, cette joie que « nul ne peut nous ravir » selon l’engagement de Jésus ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.

Psaume
(Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
 (Ps 39, 5a)

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants,
qui ne suit pas le chemin des pécheurs,
ne siège pas avec ceux qui ricanent,
mais se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira.

Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent.

Le Seigneur connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perdra.

Deuxième lecture
« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.

Évangile
« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia. 
Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel. Alléluia. (Lc 6, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Patrick BRAUD

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27 novembre 2017

Laissez le présent ad-venir

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Laissez le présent ad-venir


Homélie du 1° Dimanche de l’Avent / Année B
03/12/2017

Encore un Avent…
Bonne année !
Se laisser façonner
Gravity, la nouvelle arche de Noé ?
Sous le signe de la promesse
L’absence réelle
La limaille et l’aimant
La « réserve eschatologique »
Le syndrome du hamster

La météo du jour

Laissez le présent ad-venir dans Communauté spirituelle

- Savez-vous quel temps il fera demain ?
- Facile ! me direz-vous. Un clic sur le site de météo France et j’ai les prédictions : « pluies éparses ».
- N’y a-t-il pas une autre information à côté du nuage avec ses gouttes ?
- Si : un chiffre. 3.
- Et donc ?
- ? ? ?
- C’est ce qu’on appelle l’indice de confiance des prédictions météo. Il varie entre 0 (très peu sûr) à 5 (quasi certain). Car en réalité, il n’y a rien de plus difficile à prévoir que la météo, terrestre ou marine. La prédiction du lendemain est à peu près fiable (quoique localement cela puisse varier beaucoup !). Celle de la semaine est moyennement fiable. Celle à 15 jours n’est qu’une indication de tendance. Et on a pu démontrer qu’au-delà de 15 jours, il est strictement impossible (mathématiquement) de prédire quel temps il fera…

 

À l’improviste

Jésus ne pouvait connaître la théorie du chaos qui sous-tend cette imprévisibilité radicale de ce qui va arriver. Mais il en a l’intuition spirituelle. Pour lui visiblement, le présent de Dieu n’est pas la simple prolongation du passé humain. Il peut se produire du neuf à tout instant, déjouant les plans, les stratégies, les calculs. « Vous ne savez pas… » : ce constat d’inconnaissance revient très souvent dans les Évangiles. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment. [...]  Vous ne savez pas quand vient le maître de la maison…»

Ici, c’est l’ignorance de la date du cambriolage, du retour du maître parti en voyage, du royaume de Dieu lui-même. C’est « à l’improviste » que se manifeste l’arrivée du maître.

slide_2 Avent dans Communauté spirituelleLe présent de Dieu ne peut donc pas se programmer, se planifier. Il n’est pas prédictible, plus encore que la météo à 15 jours. Surveiller ou contrôler ne sert à rien. C’est veiller qui est l’attitude juste, c’est-à-dire guetter les signes d’une ad-venue inattendue et imprévisible.

Le présent de la foi chrétienne est un événement, au sens littéral du terme : ex-venire = ce qui vient d’ailleurs. Il nous est donné par un Autre. Il échappe à toute mainmise.

Plus encore : ce présent nous vient du futur. Le Christ ressuscité venant à notre rencontre engendre dans notre vie ces événements par lesquels il nous invite à orienter notre existence vers la plénitude finale. « Deviens qui tu seras » : notre vocation en Christ reflue sur notre condition actuelle, tel le mascaret remontant de la mer au fleuve par l’embouchure en une étrange vague à contre-courant…

D’où le nom du temps liturgique qui commence : ad-ventus = Avent = ce qui vient vers nous.

 

De Laplace à Planck

Les conséquences spirituelles de cette conception adventiste du présent sont majeures. Prenons une comparaison avec les sciences physiques. La mécanique classique d’Isaac Newton et Johannes Kepler assignait une place et une vitesse à chaque chose, à chaque instant, de façon sûre et certaine. Le physicien Pierre-Simon de Laplace affirmait triomphalement que les lois de la nature avec les conditions initiales suffisaient à tout prévoir de l’évolution du monde [1] !

Puis est venu Henri Poincaré avec la démonstration qu’on ne sait mathématiquement pas résoudre les équations de l’attraction gravitationnelle de trois corps distincts. À trois c’est impossible, alors avec des myriades de planètes… !

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Konrad Lorenz a enfoncé le clou avec son fameux effet papillon pour illustrer l’imprédictibilité de la météo : les battements d’ailes d’un papillon au Brésil peuvent provoquer de proche en proche un ouragan sur les côtes du Texas ! Les équations du temps sont trop sensibles aux infimes variations des conditions initiales pour qu’on sache réellement où elles conduisent. Elles se mettent à diverger très vite.

Benoît Mandelbrot a enchaîné avec sa théorie des fractales, où de surprenantes figures apparaissent d’elles-mêmes dans la nature comme dans les mathématiques.

Werner Heisenberg et Max Planck avec la mécanique quantique ont troublé encore davantage la vieille conception déterministe en démontrant que dans l’infiniment petit, on ne pouvait pas connaître à la fois la masse et la vitesse d’une particule, et qu’il fallait donc parler de probabilité de présence plutôt que de présence…

« Vous ne savez pas… » semble être le refrain de cette théorie du chaos, déterministe (Lorenz) ou indéterministe (Planck). Le fait d’accepter de ne pas savoir permet paradoxalement d’observer des phénomènes inaperçus autrement. C’est comme si le nuage d’inconnaissance (ouvrage anonyme du XIV° siècle) ou la docte ignorance (c’est le titre d’un ouvrage de Nicolas de Cues au XV° siècle) filtraient la lumière pour éclairer des événements surgissant à l’improviste. Dans cette nouvelle physique, le réel possède la capacité de s’auto-organiser, sans autre apport que lui-même. De nouvelles structures, de nouvelles organisations émergent sans que personne les aient prévues, sans qu’on ait pu les annoncer, les décrire ou même les imaginer auparavant.

 

Un présent adventiste

61PpiWFUwWL._AC_UL320_SR194,320_ effectuationToutes proportions gardées, le présent du royaume évoqué par Jésus ressemble à l’émergence des physiques du chaos. Les psychanalystes et les tenants du développement personnel vous répètent à l’envie que c’est notre passé qui vous détermine. Avec une approche très mécaniste, ils croient que c’est en plongeant dans la préhistoire de la souffrance qu’on peut s’en libérer, par la parole, la reconnaissance de victimes et de coupables. Symétriquement, les idéologies politiques du XX° siècle nous ont vendu une autre approche elle aussi très mécaniste : faire table rase du passé et fabriquer le surhomme (communiste ou nazi) à la force du poignet.

Le présent évoqué par Jésus ne relève ni de Freud, ni de Marx ou Nietzsche. C’est un présent émergeant, événementiel, où la confession de non-savoir entraîne la vigilance, qui permet de discerner les signes d’une émergence inouïe, d’une advenue étonnante. C’est un présent qui nous vient de notre avenir en Christ et non de notre passé humain.

C’est par exemple Jacques Fesch devenant saint en allant vers l’échafaud.
C’est Paul Claudel surpris et bouleversé par un Magnificat à Notre-Dame de Paris.
C’est Thérèse de Lisieux entendant son père soupirer après la ‘comédie’ de Noël faite pour elle.
C’est l’Abbé Pierre laissant éclater sa colère devant un bébé mort de froid en l’hiver 1954.
C’est la facture de la jambe d’Ignace de Loyola qui l’immobilise et lui fait lire la vie des saints.
C’est Bernadette Soubirous attentive à l’inhabituel dans la tutte aux cochons (grotte de Massabielle) lorsqu’elle va ramasser du bois mort pour sa famille.
C’est Augustin le manichéen qui dans sa quête intérieure entend le fameux : ‘tolle et lege’ (‘prends et lis ’) pour découvrir la Bible.
C’est…

Le Christ vient aujourd’hui dans nos vies, comme un voleur, « à l’improviste ». Il y a des surgissements qui ne s’expliquent qu’ainsi, des événements qui en sont la trace, des émergences spirituelles qui en prennent des formes surprenantes. Le tout est d’être assez éveillés pour ne pas les manquer, assez vigilants pour en accueillir l’imprévu.

L’Avent est le temps de cette radicale disponibilité au présent de Dieu, capable de faire surgir ce qui n’aurait pas dû ou pas pu arriver, capable de créer du si neuf qu’il en est inimaginable ou impossible auparavant.

 

Du management à l’effectuation

Un petit clin d’œil pour terminer. Ce débat entre déterminisme et imprédictibilité qui agite les scientifiques rebondit de façon intéressante dans un autre domaine. Il oppose en management les tenants d’une conception classique à ceux qui essaient de penser le chaos et l’auto-organisation en entreprise. Les tenants du management classique sont connus : Ford et le taylorisme, Toyota et le lean management, les psys ou les coaches individuels et le développement personnel, les entraîneurs sportifs et le coaching d’équipe etc. Les offres pullulent sur le marché des cabinets conseils ! Chacun essaie de bâtir son concept-clé (organisation scientifique du travail, lean, coaching, équipe performante etc.), écrit des livres dessus, et trouve ainsi des clients pour tester leurs théories.

couvertureUn autre courant (avec le même risque) essaie depuis peu de s’inspirer de la théorie du chaos pour mieux libérer l’énergie des travailleurs. Plutôt que de contrôler, de prévoir et d’organiser, les managers et dirigeants auraient peut-être intérêt à accompagner, laisser s’auto-organiser, favoriser l’émergence [2] de ce qu’on n’a pas prévu. La co-construction, l’itération, la centration sur les moyens disponibles plus que sur des objectifs irréalistes, la confiance dans l’initiative sont quelques-unes des valeurs clés de ces nouveaux leaders. Cela relève de la maïeutique (accompagner le réel pour qu’il accouche de lui-même) et non du calcul prévisionnel. Ce management par effectuation se caractérise par le discernement des effets possibles, des efforts produits par les libres interactions entre les collaborateurs, et avec le marché [3]. Il cherche à profiter des opportunités qui surgissent et non à les provoquer, à laisser le chaos proliférer au lieu de tout contrôler en mode directif descendant, confiant dans la capacité d’auto-organisation et d’émergence qui fera surgir de ce chaos de nouvelles initiatives. Bref : en management également, laisser advenir le présent est peut-être plus humanisant, plus fécond, que de diriger les hommes et finalement de les manipuler (c’est la même racine que le mot management).

Que ce temps de l’Avent nous convertisse à l’ouverture du cœur : laissons le présent advenir en nous.

 


[1]. C’est le fameux « démon de Laplace » : « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. », Essai philosophique sur les probabilités, 1814.

[2]. Une structure est dite émergente si elle apparaît brutalement et est issue de la dynamique, c’est-à-dire que ses propriétés n’existaient pas préalablement dans les éléments qui l’ont composée. On appelle « émergence » une combinaison préexistante d’éléments préexistants produisant quelque chose de totalement inattendu. Un exemple classique de ce type de phénomène est celui de l’eau, dont les caractéristiques les plus remarquables sont totalement imprévisibles au vu de celles de ses deux composants, l’hydrogène et l’oxygène ; pourtant la combinaison des deux ingrédients donne naissance à quelque chose d’entièrement neuf.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! » (Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7)
Lecture du livre du prophète Isaïe

C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face.
Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.

PSAUME

(79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19)
R/ Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! 79, 4 

Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

DEUXIÈME LECTURE
Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 1, 3-9)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

ÉVANGILE

« Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison » (Mc 13, 33-37) Alléluia. Alléluia.
Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia. (Ps 84, 8)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Patrick BRAUD

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30 décembre 2015

Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?

 

Cf. également :

Baptême du Christ : le plongeur de Dieu

L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture

« Laisse faire » : éloge du non-agir

Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »

« Laisse faire » : l’étrange libéralisme de Jésus

Lot de consolation

Tauler, le métro et « Non sum »

Yardén : le descendeur

 

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année C
03/01/2016

 

Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ? dans Communauté spirituelle 220px-Sant%27Apollinare_Nuovo_00En cette fête de l’Épiphanie, les mages offrent trois présents à l’enfant qui vient de naître. Or visiblement, il n’en a aucun usage immédiat ! Il eût mieux valu donner des vêtements chauds, une chambre à l’auberge, le secours d’une servante…

La question redouble quand on fait attention au terme grec utilisé pour ces fameux cadeaux des mages : δρον (dōron).

Dans le Nouveau Testament, il y a 19 usages de ce mot [1], essentiellement pour désigner des offrandes faites à Dieu lui-même. Par exemple : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère; puis reviens, et alors présente ton offrande. » (Mt 5, 23-24)

Première indication donc : Mathieu veut nous dire que les mages reconnaissent déjà la divinité de cet enfant, puisqu’ils lui font des présents comme si c’était le Dieu du Temple de Jérusalem. Étonnant !

Cela ne résout toujours pas la question : pourquoi Dieu aurait-il besoin qu’on lui offre quelque chose ? Manquerait-il de richesses pour qu’on lui offre de l’or ? Aurait-il faim pour qu’on lui sacrifie des taureaux ou des colombes ?

Les prophètes de l’Ancien Testament avaient déjà réfléchi sur ces coutumes sacrificielles où il fallait soi-disant donner quelque chose à Dieu. Leur cheminement progressif les amène à contester ces pratiques (d’origine païenne)« C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices », rappelle Jésus en Mt 12,7 citant Os 6,6.

Le véritable sacrifice, c’est de s’offrir soi-même. « Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé… » (Ps 50, 18-19)

« En entrant dans le monde, le Christ dit: Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit: Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté. » (He 10, 5-7).

 

Alors quel est le sens de ces cadeaux des mages à l’enfant-Dieu qui n’en a nul besoin ni envie ? Et pourquoi continuons-nous cette tradition des cadeaux entre nous, à Noël, pour le Nouvel An, comme si nous étions des mages et des enfants-Dieu les uns pour les autres ?

 

1. Offrir n’est pas marchander

Éliminons déjà une fausse piste qui empoisonne pourtant tous les gestes religieux qui sont les nôtres. Acheter un cierge pour réussir un examen reste très populaire, mais surtout rentable pour le clergé qui fait commerce de ces cierges… La relation à Dieu n’est plus marchande en régime chrétien, depuis que Jésus a justement chassé les marchands du temple (cf. Le principe de gratuité)

. Si les cadeaux signifient : je te donne ceci pour que tu me donnes cela, alors c’est un trafic indigne qui n’a aucune chance de réussir avec Dieu. Ce genre de tentation de manipulation ou de pression ne fait que compromettre une amitié humaine.

Nos cadeaux ne sont pas des calculs, mais des dons sans espoir de retour ; pas des investissements, mais des jaillissements d’affection sans contrepartie. Sinon, mieux vaut déposer ces trésors au mont-de-piété…

 

2. Des cadeaux pour ne pas être tout

Lorsqu’on fait des présents aussi précieux que ceux des mages, c’est qu’on accepte de prendre sur ses richesses, de ne pas tout garder pour soi. Et en même temps, c’est dire à l’autre : tu comptes pour moi, tu es plus précieux à mes yeux que cet ordre/argent/myrrhe pourtant de grande valeur. C’est donc limiter sa volonté de toute-puissance, accepter de ne pas être tout, et laisser ainsi de la place à l’autre, rappel de mon incomplétude. Les mages par leurs offrandes reconnaissent en Jésus quelqu’un de plus grand qu’eux.

Nous disons à nos amis qu’ils nous manquent, que nous ne sommes pas nous-mêmes sans eux, lorsque nous arrivons avec un bouquet de fleurs à un repas ou une boîte de chocolats au chevet d’un malade. Les cadeaux nous aident à limiter notre désir inné d’autosuffisance pour vouloir avoir besoin de l’autre. Offrir nous fait aimer notre finitude…

 

3. Des cadeaux pour accepter de manquer

Dans l’Ancien Testament, c’est ainsi que le livre de l’Exode interprétait le prélèvement d’argent pour construire le sanctuaire.

Afficher l'image d'origineDonner son argent implique une limitation du désir de toute-puissance. Le désir de Dieu, de sa présence en moi et dans la communauté, implique la purification de mon désir d’être tout, que l’argent symbolise au plus haut point : si je ne paye pas, si je ne prélève pas de mon argent pour Dieu, la vérité de ce désir ne pourra pas se réaliser. Bien avant Freud, le peuple juif a expérimenté que l’argent comme le désir suscitent une soif inextinguible, une quête infinie. Cet infini peut faire de l’argent une idole : Mammon. C’est pourquoi Dieu demande au peuple de prélever sur ses richesses pour donner de l’argent afin de construire son Temple. « Voici le prélèvement que vous prendrez d’eux : de l’or, de l’argent, du bronze, de la pourpre de lin, du poil de chèvre. Ils me feront un sanctuaire et j’habiterai en eux » (Ex 25,2). Dieu n’habite pas le sanctuaire, mais le cœur de l’homme qui sait limiter et éduquer son désir, grâce à l’offrande.

Parce que nous acceptons de manquer, Dieu viendra faire sa demeure en nous. L’offrande à Dieu est donc l’appel d’air qui permet au feu divin de prendre en nous, de l’intérieur. Le cadeau fait à l’autre est l’appel à une relation d’amitié sans laquelle je ne suis pas pleinement moi-même.

 

4. Des cadeaux pour recevoir du Christ notre vocation de baptisés

L’Épiphanie (manifestation) du Christ aux mages montre clairement que les païens peuvent rencontrer le Christ, et revenir chez eux « par un autre chemin », c’est-à-dire profondément transformés par cette rencontre. Leurs trois présents ont une signification symbolique.

L’or désigne la royauté étonnante de cette enfant, annoncée par les prophètes (cf. première lecture), accomplie de manière déroutante sur la croix. Cette royauté est devenue celle des baptisés qui eux aussi – le Christ vivant en eux – exercent leurs responsabilités, leur pouvoir, leur profession comme un service royal.

L’encens désigne la prêtrise exercée par le Christ, puisque les parfums d’encens brûlaient sur l’autel du Temple lorsque les prêtres offraient des sacrifices. Or le Christ s’est offert lui-même au lieu des animaux. C’est de ce sacerdoce dont vivent les baptisés en Christ, faisant de leur existence « une vivant offrande à la louange de la gloire de Dieu » (prière eucharistique n° 4). Le sacerdoce commun des baptisés consiste à s’offrir soi-même en présent pour ceux qu’on aime, et plus encore pour ceux que nous n’arrivons pas à aimer ou qui ne nous aiment pas.

La myrrhe est un produit funéraire pour embaumer les corps. Elle annonce symboliquement l’ensevelissement de Jésus, après la croix, cette déchéance inacceptable pour les juifs comme pour les Romains ou pour le Coran. Offrir de la myrrhe à un enfant serait une faute de goût si le bois de la mangeoire n’annonçait pas déjà celui de la croix. Cette capacité prophétique à discerner ce qui est en jeu dans le présent est devenue celle des baptisés. Nous recevons du Christ d’être prophétiques lorsque nous discernons les véritables enjeux par exemple de la crise écologique actuelle, ou des formidables progrès des sciences et technologies pour l’être humain etc.

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Offrir des présents au Christ, c’est donc accepter de recevoir de lui qui nous sommes réellement : prêtre/prophète/roi. Sans cette démarche des mages, nous pourrions avoir l’illusion de croire pouvoir l’être par nous-mêmes. Faire ces cadeaux nous sauve de l’auto-suffisance, de l’auto-réalisation.

 

5. Des cadeaux pour que l’amour circule entre nous

Afficher l'image d'originePrélever quelques objets ou un peu d’argent pour offrir peut donc devenir un authentique chemin de communion à l’autre. Si on purifie ce geste de tous les relents de calcul et de domination, on peut y deviner l’amorce de la circulation de ce que l’anthropologue Marcel Mauss appelait le don / contre-don (cf. Le potlatch de Noël) : offrir, c’est accepter que l’autre me manque, et entrer dans une relation où le cadeau fait à l’un l’entraînera à offrir lui-même à un autre et ainsi de suite. La seule dette qu’il nous faut conserver entre nous, c’est celle de l’amour, écrivait saint Paul. Les cadeaux reçus nous obligent en ce sens que, en les recevant, nous contractons une dette à faire circuler. En les donnant, nous entrons dans une relation vivante et ouverte.

 

Même après ces fêtes de fin d’année, continuons donc à nous offrir des présents, sans autre raison que de laisser l’amour de Dieu circuler entre nous…

 


[1]. Mt 2,11/ Mt 5,23 / Mt 5,24 / Mt 5,24 / Mt 8,4 / Mt 15,5 / Mt 23,18 / Mt 23,19 / Mt 23,19 / Mar 7,11 / Lc 21,1 / Lc 21,4 / Ep 2,8 / He 5,1 / He 8,3 / He 8,4 / He 9,9 / He 11,4 / Ap 11,10

 

1ère lecture : Les nations païennes marchent vers la lumière de Jérusalem (Is 60, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.
Regarde : l’obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ; mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi.
Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore.
Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras.
Alors tu verras, tu seras radieuse, ton coeur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations.
Des foules de chameaux t’envahiront, des dromadaires de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges du Seigneur.

Psaume : 71, 1-2, 7-8, 10-11, 12-13

R/ Parmi toutes les nations, Seigneur, on connaîtra ton salut.

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux ! 

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

2ème lecture : L’appel au salut est universel (Ep 3, 2-3a.5-6)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :
par révélation, il m’a fait connaître le mystère du Christ.
Ce mystère, il ne l’avait pas fait connaître aux hommes des générations passées, comme il l’a révélé maintenant par l’Esprit à ses saints Apôtres et à ses prophètes.
Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

Evangile : Les mages païens viennent se prosterner devant Jésus (Mt 2, 1-12)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple. »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Sur ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie.
En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

 

 

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10 décembre 2014

Un présent caché

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Un présent caché

Homélie du 3° Dimanche de l’Avent / Année B
14/12/2014

cf. également : Tauler, le Métro et Non Sum


« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jn 1,6-28).

Un présent caché dans Communauté spirituelle arton33

C’est au présent que Jean-Baptiste annonce la venue du Christ au milieu de nous. Après l’impératif du 1er Dimanche de l’Avent (« Veillez ! ») et le futur du 2ème Dimanche (« il vous baptisera dans l’Esprit Saint »), voici maintenant que l’Avent se conjugue au présent : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Cette déclaration prophétique de Jean-Baptiste peut d’abord s’appliquer à chacun de nous. Nous connaissons si mal nos voisins, nos amis, et même notre famille !

Je me souviens, lorsque mon père est mort, nous avons fait comme beaucoup de familles : nous nous sommes assis autour de la table pour parler de lui, évoquer nos souvenirs, rassembler notre vie avec lui. Ce fut comme un puzzle dont chacun détenait quelques pièces : en les mettant en commun, peu à peu se dessinait le portrait d’un homme plus riche et plus complexe que ce que chaque enfant croyait en connaître. Surprise en effet pour nous 5, les frères et sœurs : nous n’avions pas eu le même père ! Au sens où sa manière d’être père pour l’aîné n’était pas sa manière d’être père pour le 5ème, 10 ans après … Il avait changé avec les années, il ne se révélait pas de la même manière à chacun de ses 5 enfants : bref au milieu de nous se tenait un père que nous ne connaissions pas vraiment. Ce n’est qu’après sa mort que nous apprenons qui il était, en sachant bien que Dieu seul nous le fera connaître en plénitude…  

Les responsables de l’animation pastorale doivent avoir ce souci : faire en sorte que des liens personnels se nouent  dans la paroisse (dans l’aumônerie etc.) ; que nos assemblées ne soient pas impersonnelles et froides ; que le tissu relationnel entre nous soit suffisamment chaleureux pour qu’un nouveau venu ne s’y sente pas un inconnu. Certains doivent assumer ce rôle de climatiseur qui souffle un air de fraternité à travers toute l’Église !

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

C’est vrai également de beaucoup de personnes ignorées dans la société.

- Dans une entreprise, c’est le salarié que personne ne remarque et qui pourtant fait merveille dans la vie associative ou culturelle en dehors.

- Dans une maison de retraite, c’est le pensionnaire qui passe inaperçu, mais dont on réalise  après son départ qu’il était le ciment, le lien entre tous les autres pensionnaires, par sa gentillesse et son sourire.

La_maison_de_Matriona_et_autres_recits avenir dans Communauté spirituelle- Alexandre Soljenitsyne raconte que dans l’été 1953, de retour d’exil, sans attache et sans le sou, il trouve un petit emploi de professeur de mathématiques en Russie. Dans le village, une vieille femme – Matriona – accepte de l’héberger, plus pour lui rendre service qu’autre chose. L’auteur nous raconte la vie misérable de Matriona, et le terme accidentel de son existence : la brave femme encaisse tous les travers et n’agit que pour aider son prochain. Le livre : « la maison de Matriona » s’achève par cette phrase superbe : « … elle n’avait pas accumulé d’avoir pour le jour de sa mort. Une chèvre blanc sale, un chat bancal, des ficus… Et nous tous qui vivions à ses côtés, n’avions pas compris qu’elle était ce juste dont parle le proverbe et sans lequel il n’est village qui tienne. Ni ville. Ni notre terre entière. »

Au milieu de ce village se tenait cette vieille femme, Matriona, que personne ne connaissait vraiment, mais qui pourtant soutenait le village à bout de bras de manière  invisible…

Les responsables de l’animation pastorale ont pour mission de valoriser chacun dans la communauté. Non pas de tout faire à la place des autres, mais d’appeler des autres à faire vivre le Corps du Christ. S’appuyant sur le Conseil Paroissial, les responsables des différents services paroissiaux, sans oublier les communauté de religieux-ses, ils vont chercher à discerner le charisme de chacun, et à lancer des appels en fonction du bien commun. Ne passons pas à côté des Matrionas d’aujourd’hui. Aidons-nous à rester vigilants sur la place unique, la valeur unique  de chacun.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

bon-cadeau-cheque-cadeau futurBien sûr, la déclaration prophétique de Jean-Baptiste – et vous voyez que le rôle d’un prophète est de dévoiler le présent bien plus que de prédire le futur – vise d’abord Jésus, la présence de Jésus, Messie ignoré, au milieu de son peuple. C’est Jésus au présent, c’est le présent de sa présence pourrait-on dire en français, avec le double sens du mot présent : il se tient là au milieu de nous, le plus souvent ignoré, mais réellement efficace aujourd’hui. Et il est le véritable cadeau, le présent que Dieu nous fait, gracieusement, gratuitement.

- Inconnu, il se sert de tant de visages et d’évènements pour se laisser découvrir.

- Méconnu, il supporte patiemment caricatures et clichés, sans cesser de se livrer, et d’irriguer secrètement la vie du Père.

- Méprisé, il ne rend pas le mal pour le mal, et ne désespère jamais du changement du cœur de l’homme.

- Adoré, il échappe à la connaissance de ceux qui voudraient le posséder, et les emmène toujours ailleurs, vers un Dieu toujours plus grand…

Les responsables de l’animation pastorale doivent passionnément lire les signes des temps, localement. Quels signes révèlent la présence du Christ au milieu de nous ? Quelles personnes nous parlent du passage du Christ dans nos vies ? Des enfants du caté et leurs parents aux familles en deuil ou aux adultes qui demandent le baptême, le Christ ne cesse de nous donner des signes de sa présence. Aidons-nous à déchiffrer sans cesse les évènements de nos vies à la lumière de l’Évangile du Christ.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Notre Avent prend donc une couleur de présent : celui que nous attendons est déjà là au milieu de nous, en nous.

Ouvrons les yeux sur ce présent qui ne demande qu’à se manifester : la richesse et la complexité de nos proches, le rôle secret et caché des Matrionas d’aujourd’hui, l’amitié du Christ dans nos joies et dans nos peines.

 

« Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».

Alors ne cessez pas de le chercher, et de le chercher encore…

« Le chercher avec le désir de le trouver, le trouver avec le désir de le chercher encore » (St Augustin)

Pour ne pas passer à côté de lui sans le remarquer.

Pour ne pas gâcher le présent que Dieu nous donne.

 

 

1ère lecture : Le Sauveur apporte la joie (Is 61, 1-2a.10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer une année de bienfaits, accordée par le Seigneur.

Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a enveloppé du manteau de l’innocence, il m’a fait revêtir les vêtements du salut, comme un jeune époux se pare du diadème, comme une mariée met ses bijoux. De même que la terre fait éclore ses germes, et qu’un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur fera germer la justice et la louange devant toutes les nations.

Psaume : Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54

R/ J’exulte de joie en Dieu, mon Sauveur !

Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse

Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.

Il comble de bien les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour.

 

2ème lecture : Comment préparer la venue du Seigneur (1Th 5, 16-24)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne repoussez pas les prophètes, mais discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de tout ce qui porte la trace du mal.

Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, le Dieu qui vous appelle : tout cela, il l’accomplira.

 

Evangile : « Il se tient au milieu de vous » (Jn 1, 6-8.19-28)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Prophète du Très-Haut, Jean est venu préparer la route devant le Seigneur et rendre témoignage à la Lumière. Alléluia. (cf. Lc 1, 76 ; Jn 1, 7)
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean

Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.

Et voici quel fut le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il le reconnut ouvertement, il déclara : « Je ne suis pas le Messie. » Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Non. — Alors es-tu le grand Prophète ? » Il répondit : « Ce n’est pas moi. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Si tu n’es ni le Messie, ni Élie, ni le grand Prophète, pourquoi baptises-tu ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. »
Patrick BRAUD

 

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