L'homélie du dimanche (prochain)

17 juillet 2010

Bouge-toi : tu as de la visite !

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Bouge-toi : tu as de la visite !

 

Homélie du 16° Dimanche du temps ordinaire / Année C

18/07/2010.

 

Deux hospitalités devenues légendaires.

Celle d’Abraham sous les chênes de Mambré.

Celle de Marthe à Béthanie.

 

À chaque fois, c’est Dieu lui-même qui est accueilli, grâce à ce simple geste d’ouvrir sa maison à un inconnu, d’offrir un repas à des voyageurs.

 

L’hospitalité d’Abraham est la plus célèbre.

On l’appelle « philoxénie » dans la tradition orthodoxe, c’est-à-dire « amour de l’étranger ». Car c’est en accueillant des étrangers avec amour qu’Abraham a pu accueillir lui-même le don de Dieu, l’enfant de sa vieillesse avec Sarah. « Retiens l’étranger si tu veux reconnaître ton Sauveur » écrira plus tard le génial Augustin…

 

Vous devinez combien ce thème de l’hospitalité, de l’accueil des voyageurs, des étrangers, est un thème socialement explosif ! Pensez aux « aires d’accueil » (si mal nommées) pour les gens du voyage dans nos communes. Pensez aux difficultés que nous avons à recevoir à notre table des gens d’un autre milieu social, d’une autre origine que la nôtre (culturelle, ethnique…).

 

Ni Adam l’exilé, ni Caïn le fratricide, ni Noé le survivant n’avaient pu pratiquer une telle hospitalité auparavant. Seul Abraham, le premier et en plénitude, indiqua au peuple juif (qui l’oublie souvent, comme nous hélas !) : « N‘oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges » (He 13,2).

 

·      Une hospitalité en actes

Une des caractéristiques de cette hospitalité est son empressement à agir.

Abraham fait beaucoup plus qu’il ne dit, ici. Il fait tout avec empressement.

Que fait Abraham (un vieillard qui vient de subir une opération, la circoncision) ?  

1. Il investit d’autres personnes pour réaliser au  plus vite la mitsva (commandement) et accueillir convenablement ses invités.  

2. Il fait faire des gâteaux de farine (des petits pains)

3. Il fait préparer un jeune et tendre bovin

4. Il offre (lui-même) aussi de la crème et du lait et le jeune veau.  

5. Il installe les anges sous un arbre, et reste avec eux pendant qu’ils mangent.  

Comme dit le psaume 119, 60 : « Je me suis dépêché et je n’ai pas traîné pour accomplir Tes commandements ».  

Dans Gn. 22, 3: Abraham se lève tôt pour aller au mont Moria. 

Gn. 28, 18: Jacob se lève tôt pour construire l’autel de l’Éternel. 

Ex. 34, 4: Moïse se lève tôt pour monter au Sinaï. 

On peut citer le principe hala’hique : « les zélés se lèvent tôt pour accomplir les mitsvot (commandements) ».  C’est pourquoi par exemple on fait la circoncision le matin après l’office, ou on prie avec le lever du soleil.

Pour le judaïsme, l’amour de Dieu passe par des actes, ce n’est pas un simple sentiment ou une émotion.  Le signe que la mitsva est accomplie dans l’amour de Dieu est la joie.

La hâte pour agir est l’une des qualités les plus importantes de l’hospitalité d’Abraham.

Elle nous fait penser à la hâte de Marie pour aller goûter l’hospitalité d’Élisabeth sa cousine. À celle de Bartimée qui court ? alors qu’il est aveugle — pour aller à la rencontre de Jésus. Ou même à la hâte de Marthe qui s’affaire à la cuisine pour accueillir Jésus chez elle.

L’accueil de l’autre, ce n’est pas des paroles en l’air : c’est un remue-ménage pour que l’autre soit nourri, rafraîchi, lavé, reposé…

Une charité en actes.

C’est d’autant plus impressionnant en ce qui concerne Abraham qu’il est alors un vieillard, convalescent à la suite de cette opération handicapante qu’est la circoncision pour un homme de plus de 80 ans… Or malgré son état, il court à la rencontre des trois visiteurs !

St Jacques en tirera toutes les conséquences :

« Si un frère ou une soeur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise: « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il?  Ainsi en est-il de la foi: si elle n’a pas les oeuvres, elle est tout à fait morte » (Jc 2,15-17).

 

·      Pourquoi trois visiteurs, et pas un seul ?

La tradition chrétienne y verra bien sûr la préfiguration de la Trinité, à l’?uvre dès l’Ancien Testament.

La tradition juive y voit 3 missions divines :

Un rabbin espagnol du 13° siècle (Ramban) commente :

Il lui est apparu: Citation de Rachi « pour rendre visite au malade ». 

Rabbi Hama bar Hanina enseigne: le troisième jour de sa circoncision, le Saint, béni soit-Il, vint s’enquérir de lui.  

Et voici trois hommes: les anges qui vinrent avaient une apparence humaine.  

Trois:

- l’un pour annoncer la bonne nouvelle à Sara [Michaël],

- un pour guérir Abraham [Raphaël] et

- un pour détruire Sodome [Gabriel]. 

Et Raphaël qui guérit Abraham, partit sauver Lot, car  ce ne sont pas deux missions, puisqu’il s’agissait d’un lieu différent ou bien les deux missions visaient à sauver (c’est donc une seule).  

 Cette visite divine a donc trois buts : sauver (un malade), annoncer (une naissance), détruire (Sodome).

 

·      La fécondité de l’accueil

Dieu visite l’homme blessé, il lui donne la force de courir à sa rencontre, de se dépenser sans compter pour lui offrir l’hospitalité. Dieu nous donne la force de l’accueillir : nous recevons de lui l’énergie pour le recevoir, pour nous recevoir de lui (à travers la promesse de la naissance d’un fils pour Sarah). Cette hospitalité sera féconde : non seulement à travers la fécondité promise à Sarah malgré sa vieillesse, mais aussi à travers l’histoire du peuple juif.

Les trois attitudes d’Abraham vis-à-vis de ses trois visiteurs procureront trois bénédictions à Israël :

Rabbi Hama fils de Hanina enseigne: par le mérite de ces trois actes, ses descendants méritèrent trois choses:

- par le mérite de « la crème et du lait », ils méritèrent la manne. 

- par le mérite de « il se tint au-dessus d’eux » (pour rester attentif à leurs besoins), ils méritèrent les nuées de gloire. 

- par le mérite de « il sera pris un peu d’eau », ils méritèrent le puits de Myriam.  

 

·      La délicatesse de l’accueilli

Les anges manifestent d?ailleurs une étonnante pudeur, pour respecter les coutumes locales de ceux qui les accueillent.

Rachi commente :

Ils mangèrent: ils montrèrent comme s’ils mangeaient.  De là nous apprenons qu’on ne doit pas changer les coutumes de l’endroit.  

 

Les êtres spirituels ne mangent pas, mais venus sur terre, ils font comme s’ils mangeaient.  De même Moïse en montant au Sinaï se conduisit comme les anges puisqu’ il ne mangea ni ne but durant quarante jours et quarante nuits. 

C’est une règle d’or pour ceux qui bénéficient de l’hospitalité d’autrui (missionnaires, touristes?) : respecter les coutumes locales, et les imiter, tant qu’elles ne contredisent pas formellement l’essentiel de la foi. Matteo RICCI en Chine ou les Pères Blancs en Afrique se souviendront de cette règle de savoir-vivre lorsqu’on est accueilli par un autre peuple?

 

  

·      Le but ultime de l’hospitalité

Même en réprimandant Marthe avec douceur, Jésus ne renie rien de l’hospitalité juive. Il apprécie la hâte avec laquelle Marthe fait tout pour le service ; il sait que sa foi est grande et se manifestera à la mort de son frère Lazare (Jn 11). Simplement, il lui rappelle que l’hospitalité a pour but d’être avec le visiteur, pas de le laisser seul…

Abraham a su, mieux que Marthe, « se tenir debout, très les visiteurs, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient ».

Voilà l’hospitalité qui est féconde : celle qui agit au lieu de parler, celle qui prend le temps d’être avec au lieu de laisser seul, celle qui écoute la parole de l’autre au lieu de se noyer dans les ordres à donner pour les préparatifs.

 

Une telle hospitalité fait surgir un avenir là où humainement c’était impensable. Sarah aura un fils malgré sa vieillesse, malgré son célèbre rire où elle doutera une telle transformation de son histoire, de son corps, de sa vie.

 

« N‘oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges » (He 13,2).

 

Et nous, avec qui allons nous pratiquer l’hospitalité cet été ?

À quels visiteurs allons-nous ouvrir notre porte ? Avec quel accueil ?

 

1ère lecture : Abraham donne l’hospitalité à Dieu, qui lui promet un fils (Gn 18, 1-10a)

Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour.
Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt, il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu’à terre et dit:
« Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur.
On va vous apporter un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.
Je vais chercher du pain, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « C’est bien. Fais ce que tu as dit. »
Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il lui dit : « Prends vite trois grandes mesures de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
Il prit du fromage blanc, du lait, le veau qu’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient.
Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. »
Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

 

Psaume : Ps 14, 1a.2, 3bc-4ab, 5

R/ Tu es proche, Seigneur : fais-nous vivre avec toi

 

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son coeur. 

Il ne fait pas de tort à son frère 
et n’outrage pas son prochain. 
A ses yeux, le réprouvé est méprisable 
mais il honore les fidèles du Seigneur. 

Il prête son argent sans intérêt, 
n’accepte rien qui nuise à l’innocent. 
L’homme qui fait ainsi 
demeure inébranlable.

2ème lecture : Le mystère du Christ s’accomplit dans la vie de l’Apôtre (Col 1, 24-28)

 

Frère,
je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église.
De cette Église, je suis devenu ministre, et la charge que Dieu m’a confiée, c’est d’accomplir pour vous sa parole,
le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté aux membres de son peuple saint.
Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste, au milieu des nations païennes, la gloire sans prix de ce mystère : le Christ est au milieu de vous, lui, l’espérance de la gloire !
Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme avec sagesse, afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ.

 

Evangile : Marthe et Marie accueillent Jésus chez elles (Lc 10, 38-42)

Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.
Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma soeur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses.
Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick BRAUD  

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