L'homélie du dimanche (prochain)

9 novembre 2016

Nourriture contre travail ?

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Nourriture contre travail ?

Homélie pour le 33° dimanche du temps ordinaire / Année C 13/11/2016

Cf. également :

« Même pas peur »…

La « réserve eschatologique »

La destruction créatrice selon l’Évangile

Personne ne nous a embauchés

 

« Celui qui ne veut pas manger, qu’il ne travaille pas non plus »

·      St Paul dans notre 2° lecture (2 Th 3, 7-12) tonne contre ceux rajoutent du désordre à une communauté déjà fortement perturbée.

À y réfléchir, Le lien travail-nourriture nous est très familier !

« Travailler c’est trop dur, et mendier c ‘est pas beau » : ce refrain d’une chanson cajun des années 90 exprime bien la tension entre lenvie de paresse et la nécessité du travail.

Le Préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946 écrit noir sur blanc : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » (n° 5). Le devoir de travailler est donc inscrit dans la Constitution !
La Torah, mis par écrit au IV° siècle,  enseigne : « Quand tu bêches ton champ et qu’on t’annonce l’arrivée du Messie, finis d’abord de bêcher ton champ, lave-toi les mains, puis va accueillir le Messie ».
L’Ancien Testament se méfie de l’oisiveté comme de la peste. Il fustige au moins une trentaine de fois ce comportement humain, essentiellement dans le Livre des Proverbes.
« La paresse fait tomber dans l’assoupissement, et l’âme nonchalante éprouve la faim ». (Pr 19,15)
« Le paresseux dit : Il y a un lion dehors ! Je serai tué dans les rues ! » (Pr 22,13 : les paresseux ont toujours des excuses pour ne pas travailler. Dieu n’aime pas la paresse).
« Le paresseux est semblable à une pierre crottée, tout le monde le persifle. Le paresseux est semblable à une poignée d’ordures, quiconque le touche secoue la main » (Si 22,1-2).
« L’oisiveté enseigne tous les mauvais tours » (Si 33,28).
« L’oisiveté amène la pauvreté et la pénurie, car la mère de la famine, c’est l’oisiveté » (Tobie 4,13).

·      « Celui qui ne veut pas manger, qu’il ne travaille pas non plus » (2 Th 3,10).

Deux débats de société sont venus mettre à nouveau ce lien en question : les décisions du conseil général de Strasbourg de conditionner le RSA à quelques heures de travail bénévole [1], et la proposition d’un revenu (ou allocation) universelle qui apparaît dans des programmes des primaires présidentielles de 2017, à droite comme à gauche [2].

Vous le voyez : le lien entre travail et nourriture a fait l’objet de réflexions innombrables. Saint Paul en est un témoin : « Celui qui ne veut pas manger, qu’il ne travaille pas non plus ». Cette phrase a eu une postérité extraordinaire, pour le meilleur et pour le pire.

 

L’excuse eschatologique

De quoi s’agit-il ?

Le contexte dans lequel Paul écrit est très particulier. Les chrétiens de la ville de Thessalonique sont persuadés que le Christ va se manifester bientôt, et donc que la « fin », l’accomplissement de ce monde est proche. Dans ce climat d’attente eschatologique, toutes les priorités semblent bouleversées. Paul lui-même hésite : à quoi bon se marier, fonder une famille, alors que le Christ revient demain ? Et certains Thessaloniciens renchérissent : à quoi sert de travailler, d’amasser de l’argent, des biens, si le jugement dernier est à nos portes ? Le « chômage » de ces chrétiens un peu illuminés, « affairés sans rien faire », est donc théologique : ce n’est pas de la paresse volontaire, ni du sous-emploi, c’est une dérive presque sectaire de gens qui se désintéressent de l’ici-bas parce que l’au-delà est imminent.

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L’obligation du travail pour les riches

« Celui qui ne veut pas manger, qu’il ne travaille pas non plus ».

·      Cette phrase servit à éviter l’oisiveté, la mère de tous les vices comme dit la Bible, dans les monastères. Car l’abondance de terres et de revenus agricoles ou commerciaux des grandes abbayes les rendirent très riches. D’où la tentation de certains moines de s’installer comme rentiers, en faisant vaguement semblant de prier et d’étudier, mais surtout désireux de se mettre à l’abri d’une « honnête retirade » comme l’avouait Saint Vincent de Paul lui-même pour le début de son ministère. Car on oublie trop souvent que la maxime paulinienne s’applique aux riches comme aux pauvres ! L’obligation spirituelle de gagner son pain permit aux abbayes de rayonner pendant des siècles grâce à leur travail incessant. « Ora et labora » (prie et travaille) : la règle de saint Benoît inscrite sur la porte des abbayes inspire toujours l’équilibre de vie des bénédictins, constitué d’un tiers de sommeil, un tiers de prière, un tiers de travail.

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Cela devrait faire réfléchir les rentiers d’aujourd’hui, ne comptant que sur le revenu de leur patrimoine et non sur leur intelligence créatrice…

·      De même, au Moyen Âge, l’injonction de Paul a contribué à réhabiliter les activités productives, notamment manuelles, mais également marchandes. Les seigneurs, les princes, les évêques ou abbés avaient tendance à se reposer sur la seule force de travail du Tiers État.
Rappelons quand même qu’on brandissait ce lien travail-nourriture contre les gueux et les marginaux, afin de consolider un ordre social basé sur le travail voulu par Dieu…

 

La naissance du capitalisme

C’est avec l’avènement du capitalisme au XIII° siècle en Europe, avec les grandes foires, le développement des marchands, la circulation et l’échange, que la maxime de saint Paul trouve son apogée. Travailler est un impératif spirituel, et pour autant il doit se conjuguer avec l’interdiction évangélique de tomber dans les péchés capitaux du luxe et de l’avarice. Le sociologue allemand Max Weber a théorisé cette « affinité élective » quil découvre entre l’esprit du capitalisme et l’éthique protestante du XVI° siècle, qui s’est beaucoup appuyée sur ce lien travail-nourriture-richesse-sobriété considéré comme une bénédiction divine :

Afficher l'image d'origine« Le travail … constitue surtout le but même de la vie, tel que Dieu l’a fixé. Le verset de saint Paul : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » vaut pour chacun, et sans restriction. La répugnance au travail est le symptôme d’une absence de la grâce…

La richesse elle-même ne libère pas de ces prescriptions. Le possédant, lui non plus, ne doit pas manger sans travailler, car même s’il ne lui est pas nécessaire de travailler pour couvrir ses besoins, le commandement divin n’en subsiste pas moins, et il doit lui obéir au même titre que le pauvre. Car la divine providence a prévu pour chacun sans exception un métier qu’il doit reconnaître et auquel il doit se consacrer. Et ce métier ne constitue pas… un destin auquel on doit se soumettre et se résigner, mais un commandement que Dieu fait à l’individu de travailler à la gloire divine.

Partant, le bon chrétien  doit répondre à cet appel : si Dieu vous désigne tel chemin dans lequel vous puissiez légalement gagner plus que dans tel autre (cela sans dommage pour votre âme ni pour celle d’autrui)  et que vous refusiez le plus profitable pour choisir le chemin qui l’est le moins,  vous contrecarrez l’une des fins de votre vocation, vous refusez de vous faire l’intendant de Dieu  et d’accepter ses dons, et de les employer à son service s’il vient à l’exiger.

Pour résumer ce que nous avons dit jusqu’à présent, l’ascétisme protestant, agissant à l’intérieur du monde, s’opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation, notamment celle des objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l’éthique traditionaliste le désir d’acquérir. Il a rompu les chaînes qui entravaient pareille tendance à acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi … en la considérant comme directement voulue par Dieu…

Plus important encore, l’évaluation religieuse du travail sans relâche, continu, systématique, dans une profession séculière, comme moyen ascétique le plus élevé et à la fois preuve la plus sûre, la plus évidente de régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l’expansion de cette conception de la vie que nous avons appelée, ici, l’esprit du capitalisme.

L’Éthique protestante et l’esprit du Capitalisme, trad. J. Chavy, Plon, 1964, p. 208-236.

L‘obligation de travailler structurant la Réforme lui a permis de concilier richesse et salut, travail profane et bénédiction divine, accumulation de capital et austérité de vie, donc réinvestissement de plus en plus productif

 

Le soupçon de paresse sur les pauvres

Afficher l'image d'origineAux temps modernes, à partir du XVII°-XVIII° siècle, d’autres courants idéologiques se saisirent de la phrase de Paul. Ils l’appliquèrent, non plus aux riches, mais aux pauvres. Le raisonnement de la Réforme avait déjà presque disqualifié les pauvres comme réprouvés par Dieu (puisque la richesse est une bénédiction divine, signe du salut accordé). La Révolution industrielle fit naître le soupçon de paresse : ces pauvres le sont parce qu’ils veulent profiter des aides sociales sans rien faire, profiter de l’État-providence sans fournir le moindre travail en compensation. On est allé jusqu’à contraindre les indigents au labeur forcé, en les enfermant dans des maisons surveillées ! Karl Marx a sacralisé la valeur-travail dans la droite ligne de la phrase de Paul, qui est entrée comme mot d’ordre socialiste dans le texte de la constitution soviétique de l’URSS en 1936 !

Plus tard les ultralibéraux comme Milton Friedman ou Margareth Thatcher l’ont utilisée  comme condamnation de l’assistanat et de l’oisiveté… des plus pauvres ! Les fortunes boursières ou industrielles pouvaient quant à elles se passer du travail…

 

Le débat sur l’allocation universelle (ou revenu universel d’existence)

Afficher l'image d'origineLe débat sur certaines exigences en contrepartie du versement des allocations sociales vient de . Alors que d’autres vont également défendre la dignité du travail et sa capacité d’harmonisation d’humanisation en cherchant à réinsérer au lieu d’assister. Ainsi Emmaüs, qui demande aux compagnons un vrai travail : chine, réparation, vente, services etc. pour pouvoir garder leur place dans une communauté Emmaüs.

L’idée d’une allocation universelle inconditionnelle s’inscrit dans cette ligne de discussion : pour les uns (libéraux), elle va remplacer toutes les aides actuelles, afin de responsabiliser celui qui devra ainsi gérer son revenu de base. En outre elle aurait le mérite d’éliminer le maquis bureaucratique qui gère l’aide sociale. L’argument du pourtant très libéral Friedrich Hayek (volume 3 de Law, Legislation and Liberty) est méconnu, mais fonde ce revenu universel sur la légitime autonomie de chacun pour ne pas dépendre de l’assistanat :

« L’assurance d’un certain revenu minimum pour tous, une espèce de plancher en-dessous duquel personne ne devrait tomber même lorsqu’il n’arrive pas à s’auto-suffire, apparaît non seulement comme une protection tout à fait légitime contre un risque commun à tous, mais un élément nécessaire de la Grande Société dans laquelle l’individu n’a plus de demande spécifique pour les membres d’une communauté particulière dans laquelle il est né ». 

L’économiste Guy Sorman défend cette approche. 

Pour les autres (plutôt à gauche), c’est au titre de notre qualité d’être humain que chacun a droit à une part de la richesse collective, même s’il ne travaille pas. De toute façon ce revenu universel d’existence n’est jamais conçu comme se substituant au travail. Son montant ne sera jamais suffisant pour vivre dans l’oisiveté. Thomas Piketty est représentatif de cette approche (quitte à le moduler en fonction des revenus).

Dans les primaires de l’élection présidentielle à gauche, Manuel Walls récuse l’idée d’un revenu universel comme contraire à sa vision du travail. Benoît Hamon veut au contraire pousser cette idée, et l’expérimenter par étapes en commençant rapidement par les moins de 25 ans. Qui l’emportera ?

Vous voyez que la phrase de St Paul sur le lien travail-nourriture n’a pas fini d’alimenter ces débats…

 

Et nous ?

« Celui qui ne veut pas manger, qu’il ne travaille pas non plus ».

Ce rapide parcours historique montre que la phrase de Paul est omniprésente dans l’histoire sociale de l’Occident ! Au début avertissement destiné à des millénaristes ; puis appliquée aux riches, aux pauvres ; récupérée par des idéologies libérales, socialistes ; nourrissant le développement d’une économie d’accumulation de richesses ainsi qu’une sobriété productive…

Et nous ?

Quel lien faisons-nous entre notre travail et notre nourriture, notre niveau de vie ?

Comment faisons-nous notre chemin entre paresse et labeur, sobriété et création de richesses, équilibre de vie entre travail et non travail ?

 


[1]. « Pas de bénévolat, pas de RSA » : le principe que souhaitait appliquer le Conseil départemental du Haut-Rhin et son président, Éric Straumann, à partir du 1er janvier 2017, a été jugé illégal par le Tribunal administratif de Strasbourg le 05/10/16. Cette mesure très controversée a été prise le 05/02/16 par le Conseil départemental. Elle imposait aux allocataires du RSA de réaliser sept heures de bénévolat hebdomadaires pour des associations, collectivités locales, maisons de retraite ou établissements publics.
[2]. Cf. par exemple la tribune d’une plateforme d’économistes dans la tribune du quotidien Libération du 12/11/2015 : http://www.liberation.fr/debats/2015/11/12/pour-un-revenu-universel-inconditionnel_1412916

1ère lecture : « Pour vous, le Soleil de justice se lèvera » (Ml 3, 19-20a)

Lecture du livre du prophète Malachie Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

Psaume : Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9

R/ Il vient, le Seigneur, gouverner les peuples avec droiture.  (cf. Ps 97, 9)

Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ; au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !

Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ; que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie.

Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre, pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture !

2ème lecture : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 7-12)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné.

Evangile : « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 5-19)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.  Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. Alléluia. (Lc 21, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 En ce temps-là, comme certains disciples de Jésus parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’ariver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.

 Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
Patrick BRAUD

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4 novembre 2015

Le Temple, la veuve, et la colère

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Le Temple, la veuve, et la colère

 

Homélie du 32° dimanche du temps ordinaire / Année B
08/11/2015

Cf. également :

Les deux sous du don…

 

C’est fou ce que Jésus doit aux femmes !

De Marie de Nazareth à Marie de Magdala, en passant par la cananéenne et ses petits chiens, Jésus n’a cessé de recevoir des femmes de sa vie de quoi exister, annoncer, grandir. Ici, c’est une pauvre veuve qui va le révéler à lui-même, en confortant son désir de se jeter à corps perdu dans la réforme du judaïsme.

Pour décrypter le fonctionnement religieux du Temple, Jésus se poste dans le parvis de femmes, sur les marches d’un escalier de pierre.

Le parvis des femmes, c’était une vaste cour carrée entourée de trois côtés par une colonnade supportant une galerie d’où les femmes pouvaient assister aux cérémonies religieuses. Un large escalier semi-circulaire de quinze marches conduisait au parvis d’Israël. C’est sans doute sur l’un de ces degrés que Jésus s’était assis ; de là, il voyait sur sa gauche la salle du trésor le long de laquelle, d’après le Talmud, se trouvaient treize troncs au goulot étroit et évasé par le bas, d’où leur nom de trompettes. Les fidèles y jetaient leurs aumônes et, à l’époque de la Pâque, l’affluence autour des troncs était énorme. Certains en profitaient pour jeter à pleines mains et avec ostentation de la monnaie de cuivre ou de bronze. Ils auraient pu s’acquitter plus commodément de la même offrande en monnaie d’argent, mais leur générosité aurait été moins bruyante et n’aurait pas attiré l’attention des pèlerins…

Afficher l'image d'origineTiens, aujourd’hui encore, c’est donc en se plaçant aussi chez du côté des femmes que nous pouvons décrypter la vérité sur notre société. Les féministes du « Care »  disent des choses vraies sur ce qui manque à nos relations de travail, de politique etc. Les théologiennes américaines écrivent des choses vraies sur le système religieux catholique, encore trop dominé par les hommes.

Jésus aurait aimé se placer dans ces parvis des femmes contemporains, pour contempler les foules de nos entreprises, de nos cités, et y révéler à la fois l’hypocrisie des riches et l’aliénation des pauvres. L’Église doit accepter de décaler ainsi son point de vue (sur l’économie, la politique, la famille, l’Église etc.) en regardant et écoutant ce que les femmes disent des relations humaines de notre temps.

Jésus entend le bling-bling clinquant des riches versant ostensiblement leur obole dans les vases de la collecte, mais il entend plus encore le silence – l’énorme silence si lourd de conséquences - de la pauvre veuve jetant de son nécessaire.

 

La colère contre l’institution religieuse du Temple

À lire le texte, on ne sait pas si c’est l’admiration (de la veuve) ou l’indignation (contre le Temple) qui prévaut en Jésus. Le contexte de ce passage est en effet une controverse entre Jésus et les pouvoirs religieux du Temple de Jérusalem : « ils dévorent les biens des veuves ». On peut penser qu’au lieu d’admirer les deux sous du don de cette femme, il continue au contraire à frémir de colère envers le Temple. Comment, ce Temple a été érigé pour la gloire de Dieu et le voici qui dévore tout ce que cette veuve a pour vivre !? Comment la foi d’Israël a-t-elle pu engendrer un système d’offrandes aussi injuste ? D’autant plus que ce Temple, Jésus annonce qu’il n’en restera bientôt plus pierre sur pierre ! Jésus dénonce le caractère stérile et absurde de ces offrandes pour une cause condamnée à disparaître.

Il aurait frémi de colère devant les sacrifices humains exigés par Hitler, Lénine, Staline ou Mao. Il renverserait aujourd’hui les écrans des changeurs de la Bourse et s’indignerait que l’épargne des plus petits soit utilisée pour d’autres buts que la vraie solidarité. Il dénoncerait à nouveau les chefs religieux – les chrétiens, musulmans ou autres - qui vivent comme des nababs aux dépens de leur communauté. Il ne supporterait pas qu’une pauvre veuve soit trompée dans son espérance par les politiques, les puissants.

Afficher l'image d'origineL’aliénation de cette femme est d’autant plus terrible que son don et volontaire : elle a donc intériorisé ce que le système exige d’elle, plus que les puissants n’auraient osé rêver. Hegel a montré que dans la dialectique maître-esclave, la domination est maximum lorsque l’esclave consent à son exploitation et y collabore. C’est cette aliénation que Jésus démasque en public. C’est à cela que les disciples du Christ sont appelés aujourd’hui : démasquer l’hypocrisie des riches qui font semblant de donner, et à grand bruit ; libérer les pauvres de la fausse obligation de se sacrifier pour un système condamné à disparaître.

On comprend que cette charge contre le Temple de Jérusalem a été une accusation majeure contre Jésus lors de son procès, suffisante pour éliminer celui qui dit la vérité, pour reprendre des paroles de Guy Béart.

 

La pauvre veuve, icône du Christ

Afficher l'image d'origineIl y a plus encore que l’indignation prophétique de Jésus dans ce texte. Car cette veuve annonce le Christ lui-même dans sa vie, jetée sans rien garder pour lui-même. Vous aurez peut-être remarqué que ce verbe jeter, ballo en grec, revient à sept reprises dans le très court récit consacré à l’obole de la veuve. La foule jette dans le tronc… Des riches jettent beaucoup… Une veuve jette deux petites pièces… Elle a jeté plus que tous ceux qui jettent dans le tronc… Tous ont jeté du superflu… Elle a jeté tout ce qu’elle possédait. A noter que jeter beaucoup en dispersant se rattache en grec au verbe dia-ballo, qui a donné diable en français… Alors que la veuve jette ensemble les deux pièces, syn-ballo en grec, ce qui a donné symbole en français. Le geste de la veuve est symbolique (d’une vie cohérente jusqu’au bout), alors que le geste des riches est diabolique (éparpillant l’être comme les pièces).

Ces deux sous jetés dans le trésor du Temple sont une icône du don total que Jésus va faire de lui-même. Mais lui pourra par ce sacrifice subvertir la logique de domination : le système religieux qui le condamnera sera lui-même renversé par la victoire du Christ dans sa résurrection. Ce que la veuve dans sa faiblesse n’avait pas pu réaliser : la fin de l’iniquité du Temple, le Christ l’obtiendra dans la puissance de l’Esprit qui lui fera traverser la mort. La même offrande : jeter tout son nécessaire, portera des fruits enfin en plénitude.

En voyant cette pauvre veuve donner tout ce qu’elle a, Jésus se voit lui-même devoir aller jusqu’au bout de ce dépouillement de soi, non pour se soumettre à un pouvoir injuste, mais pour « renverser les puissants de leur trône et élever les humbles ».

 

La pauvre veuve, icône de l’Église

Du coup, cette pauvre veuve est également une figure de l’Église. Les Pères de l’Église ont bien vu en elle la vocation des chrétiens : se donner par amour, pour libérer avec le Christ les plus pauvres de la domination des systèmes inhumains.

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Ne reconnaissez-vous pas dans cette pauvre veuve l’Église qui apporte ses présents à Dieu ? Elle est pauvre, car elle repousse loin d’elle l’esprit de superbe et l’amour des richesses de la terre. Elle est veuve, car son époux a subi la mort pour elle, et maintenant il est bien loin d’elle. Et pendant que les Juifs offraient orgueilleusement à Dieu leur justice acquise par les œuvres de la Loi, l’estimant une richesse immense, l’Église offrait avec humilité, s’estimant heureuse de la voir acceptée par Dieu, la double obole de sa foi et de sa prière, ou encore de son amour de Dieu et du prochain. En les regardant par rapport à sa faiblesse, elle les estimait peu de chose ; mais à cause de la pureté de son intention, son offrande l’emportait de beaucoup sur l’offrande fastueuse des Juifs.
Saint Bède le Vénérable : commentaire de l’évangile selon saint Marc

 

Que l’indignation prophétique du Christ devienne également la nôtre, pour que les systèmes religieux contemporains arrêtent d’exploiter les plus pauvres.

 

 

 

1ère lecture : « Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l’apporta à Élie » (1 R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie.

Psaume : Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10

R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! (Ps 145, 1)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

2ème lecture : « Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude » (He 9, 24-28)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Evangile : « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres » (Mc 12, 38-44)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux !
Alléluia
(Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
 Patrick Braud

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10 novembre 2012

Les deux sous du don…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Les deux sous du don…

Homélie du 32° Dimanche / Année B
Dimanche 11 Novembre 2012

Le mil de l’hospitalité

Un coopérant en Afrique racontait cette anecdote :
« Un jour, en pleine saison des pluies, surpris par un gros orage en mobylette en brousse, la piste se transforme en torrent de boue. Je demande l’hospitalité à des cases toutes proches. La famille m’accueille une journée et me nourrit avec des restes froids de mil. Je n’ose pas refuser. Et j’apprends après, en parlant avec eux, en cette période de soudure entre deux récoltes, qu’ils ne préparent le mil que tous les 3 jours jusqu’à la prochaine récolte : ils m’avait donné ce qui leur restait. « Mais, disaient-ils, avec l’aide de Dieu, on tiendra bien les 2 jours qui viennent ». Ils ne connaissaient pas le chapitre 12 de l’Évangile selon St Marc que nous venons de lire, mais ils venaient de l’écrire devant moi avec leur simplicité, leur joie et leur confiance.
Me donner à moi, un étranger, un blanc, même le mil nécessaire pour leur famille !…
J’étais heureux d’avoir pu accepter, car refuser aurait été leur faire injure. »

Enlever à quelqu’un la capacité de donner, de se donner, c’est le priver de toute dignité humaine. Et, dans l’ordre du don sans retour, les pauvres souvent sont nos maîtres.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Ce serait même humilier quelqu’un que de ne plus oser lui demander de donner quelque chose de lui-même.

 

Donner à l’autre de se donner

Élie, l’a bien compris : dans sa première lecture, il ose demander à la veuve de Sarepta, le peu de pain qu’elle peut encore faire cuire. Il ose lui demander la seule nourriture qu’il lui reste. Parce qu’il sait l’effet multiplicateur de l’amour : ce que la veuve donnera avec confiance lui sera redonné au centuple.

Élie ne donne rien à la veuve. Il lui donne de donner. Plus encore : il lui donne de se donner.

Personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

Jésus, lui aussi a bien compris que la dignité de la veuve du Temple réside dans sa capacité à donner encore, malgré sa pauvreté. Enlevez à quelqu’un la possibilité de donner, de se donner, et vous le rabaissez à n’être qu’un assisté perpétuel.

Souvenez-vous des débuts des chiffonniers d’Emmaüs : un désespéré relevant juste d’une tentative de suicide, demande à l’Abbé Pierre de l’aider. L’Abbé lui répond : « je ne peux pas t’aider. Mais toi, tu peux aider ceux qui sont dans la rue. Viens, on va voir ce qu’on peut faire avec eux.’ Et les chiffonniers d’Emmaüs étaient nés ».

Regardez les jeunes des cités actuellement : ils désespèrent, pas d’abord à cause du manque de subventions publiques, mais parce qu’ils n’ont pas pu rencontrer ou écouter des adultes qui les appelleraient à donner d’eux-mêmes : « donne de ton temps pour encadrer des plus jeunes, donne de ta présence pour faire reculer la solitude des plus âgés ; donne de toi-même, de tes talents (musique, théâtre, sport) pour faire vivre ton quartier, on compte sur toi ! »

La meilleure façon d’aider quelqu’un c’est souvent de l’appeler à se donner?

Et personne n’est jamais si pauvre qu’il ne puisse rien donner.

On est alors sur une autre piste que les scribes médiatiques actuels, Téléthon ou autres dîners de galas solidaires, où il faut montrer qu’on signe de gros chèques, comme les riches du Temple de Jérusalem faisaient clinquer les pièces de monnaie dans les troncs.

 

Puiser dans le don de l’autre la force de son propre don

Jésus s’émerveille de la capacité de don qu’a cette femme, pauvre et seule. Le regard de Jésus sait discerner dans la foule du Temple, non pas ceux qui veulent être vus, mais celle qui donne tout ce qu’elle a pour vivre. Il reconnaît en elle une soeur, sa soeur, car lui aussi va bientôt sur la Croix donner toute sa vie, pauvre et seul. Peut-être même puise-t-il chez cette femme le courage d’aller lui aussi jusqu’au bout du don de soi ?…

 

Changer de regard

Patrick BraudEn tout cas, pour observer cette scène, Jésus a dû se retirer dans le parvis des femmes. Car vous savez qu’au Temple de Jérusalem, les hommes et les femmes ne se mélangeaient pas. Une vaste cour carrée entourée de colonnades était réservée aux femmes qui pouvaient assister aux cérémonies depuis une galerie. C’est sans doute sur l’une des marches de l’escalier qui permettait aux femmes d’accéder à la salle du Trésor que Jésus a passé un long moment à observer la foule de ceux qui déposaient de l’argent dans les 13 troncs.

Et c’est en se plaçant du côté des femmes, dans le Temple, que Jésus a pu s’émerveiller de la force du don de soi.

Bonne Nouvelle : pour Dieu, la manière dont nous donnons est beaucoup plus importante que le montant versé. Jésus ne regarde pas les zéros alignés sur le chèque, mais le coeur de celui qui donne (ce qui d’ailleurs n’empêche pas les zéros, mais les remet à leur place, seconde).

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?

St Vincent de Paul – « Monsieur Vincent » – disait : « Heureusement pour les pauvres qu’il y a des pauvres : eux savent donner ». 

 

Une veuve à deux sous…

Les Pères de l’Église ont vu dans cette pauvre veuve la figure de l’Église : son époux est mort, mais elle donne au monde, avec confiance, les 2 pièces de la foi et de la charité. Une « veuve à deux sous » en quelque sorte, comme il y a des ‘romans de quatre sous’?

Ou bien encore les 2 pièces peuvent figurer l’image et la ressemblance de l’homme avec Dieu, car l’Église sait que le Trésor de Dieu, c’est l’humanité vivante.

Mais cette veuve à 2 sous continue de nous émerveiller lorsque, sous les traits de telle ou telle personne modeste, elle donne ce qu’elle a pour vivre. Jusqu’à donner le pain eucharistique qui chaque jour se renouvelle, comme pour la veuve de Sarepta. Jusqu’à se donner soi-même, comme le Christ sur la Croix :

Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse rien donner?.

Que l’Esprit du Christ nous donne de discerner avec émerveillement la qualité du don de chacun, au-delà des apparences. Jusqu’à nous aussi oser donner de notre nécessaire, de notre indigence même.

 

1ère lecture : La veuve de Sarepta (1R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

Le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? »
Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. »
Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. »
Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi un petit pain et apporte-le moi, ensuite tu feras du pain pour toi et ton fils.
Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. »
La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger.
Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par la bouche d’Élie.

Psaume : 145, 5-6a, 6c-7ab, 8bc-9a, 9b.10

R/ Je te chanterai, Seigneur, tant que je vivrai.

Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob,
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre.

Il garde à jamais sa fidélité, 
il fait justice aux opprimés ; 
aux affamés, il donne le pain. 

Le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger. 

Il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera : 
ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! 

2ème lecture : Le sacerdoce du ciel (He 9, 24-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu.
Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice.
Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Evangile : L’ostentation des scribes – L’aumône de la pauvre veuve (brève : 41-44) (Mc 12, 38-44)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de c?ur : le Royaume des cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques,
les premiers rangs dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners.
Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes.
Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes.
Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Patrick Braud

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