L'homélie du dimanche (prochain)

31 août 2016

Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

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Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année C
04/09/2016

Cf. également :

S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout 

Notre 2° lecture est à la fois émouvante et révoltante pour notre conscience politique du 21° siècle.
Émouvante, parce qu’on y voit Paul s’engager envers l’esclave Onésime et son maître Philémon en des termes affectueux et suppliants.
Révoltante, parce qu’on se dit aujourd’hui que Paul n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique de fraternité. Au lieu de renvoyer l’esclave vers son maître, il aurait mieux fait de dénoncer l’esclavage pour le faire abolir…

 

Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

·       1° réponse : Parce que l’esclavage était une telle évidence sociale que même Paul ne pouvait penser l’abolir.

Il y a sans doute une grande part de vérité dans cet argument : chaque époque a ses « points aveugles », ses « angles morts », que même les penseurs les plus brillants ne peuvent débusquer. Pensez aujourd’hui à nos aveuglements sur l’eugénisme, l’élimination d’enfants à naître (avortements en Europe, suppression des filles en Chine ou en Inde etc.)…  Ce n’est qu’avec le temps que l’esclavage paraîtra inhumain. Pendant des siècles, il sera aussi « naturel » à ses contemporains que le sont pour nous les points aveugles de notre culture qui scandaliseront les générations futures…

Mais si la foi chrétienne ne permet pas justement de lever le voile sur des pratiques inhumaines, alors quelle est son utilité sociale ?!! Le Christ a bien su bouleverser les mentalités sur la condition des exclus de son temps, sur la condition des lépreux, des femmes etc.. Paul lui-même a osé proclamer qu’il n’y avait plus désormais « ni juif ni grec, ni homme ni femme, ni esclave ni homme libre » (Ga 3,28) : pourquoi n’en a-t-il pas tiré toutes les conséquences ?

Pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

·       2° réponse : Parce qu’il voulait la conversion des cœurs et non la réforme des structures.

Afficher l'image d'origineOn pourrait être tenté par cette réponse en lisant chez Paul la soumission aux autorités, le souci de ne choquer personne, de ne pas prêter le flanc aux critiques à cause des persécutions… Paul n’est pas un contestataire politique ou social ! Il ne veut pas renverser l’empereur, il ne veut pas réformer les lois et les structures des rapports sociaux de l’empire ; il prêche juste l’évangile du Ressuscité, la primauté de la grâce sur les œuvres, de la foi sur la loi.

Du coup, il reste comme bloqué dans sa pensée au niveau des seules relations interpersonnelles. Même lorsqu’il organise la collecte (« koïnonia ») pour l’Église de Jérusalem, il n’analyse pas les causes de la détresse matérielle de cette communauté (son ‘communisme’ trop radical et trop extrême notamment) : il se contente d’organiser la quête.

Si l’on s’en tient à cette lecture, la théologie de Paul pourrait devenir un formidable alibi (hélas !) pour dispenser les chrétiens de toute réforme politique et sociale (ou même ecclésiale…), et les focaliser sur la seule entraide individuelle. On entend encore ces discours faussement spirituels : ‘changer les structures ne sert à rien. C’est le cœur de l’homme qui seul compte.’ ‘Ne vous perdez pas dans l’action politique ou économique. Pratiquez la charité interpersonnelle, et laissez le reste à d’autres’….

Mais n’est-ce pas révoltant que l’Occident chrétien ait mis des siècles, avec ce genre d’arguments, avant d’ouvrir les yeux sur les horreurs de l’esclavage (l’abolition ne date que de la fin du 18° siècle) ? sur le travail des enfants ? sur la misère ouvrière ? sur la peine de mort ? sur les lois raciales ?…

La vision chrétienne de l’homme ne le réduit pas à sa dimension individuelle, ni collective : parce que chacun est une personne, chacun a le droit de vivre dans une société où les « structures de péché » sont combattues en tant que telles. Et l’esclavage est bien une structure de péché (qui perdure d’ailleurs aujourd’hui, sous d’autres formes).

 

Alors, pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

·       3° réponse : En proclamant l’égalité fraternelle entre l’esclave et son maître, Paul a introduit le ver dans le fruit, qui finira par tomber tout seul.

Voilà une lecture plus subtile de Paul.

Afficher l'image d'origineEn effet, appeler un esclave « mon enfant », « une part de moi-même », « un frère bien-aimé », c’est proclamer un lien d’égalité et de fraternité bien plus fort que sa condition sociale.

C’est affirmer que « vivre en communion » avec lui est plus important que d’utiliser son statut pour le dominer et l’exploiter.

Le mot « communion » (« koïnonia ») qu’emploie Paul pour la relation à vivre entre lui, Onésime et Philémon est si fort que l’Église a choisi ce mot pour désigner son essence, son identité la plus profonde, lors du Concile Vatican II (et dans le Catéchisme de l’Église catholique également).

Vivre en communion avec un esclave tout en le considérant comme un frère bien-aimé, c’est finalement terriblement subversif ! Et si un maître avait vraiment pratiqué cela, suivi par tous les maîtres, alors l’esclavage serait vite devenu une coquille vide.

Mais Paul était-il naïf au point de croire que la générosité fraternelle suffirait à faire tomber l’esclavage ? Ignorait-il que les « structures de péché » résistent, et doivent parfois être renversées avec le courage d’un Gandhi ou d’un Martin Luther King ? Il ne pouvait pas rêver que les murailles de Jéricho tomberaient toutes seules, sans tambours ni trompettes…

 

Alors, pourquoi Paul n’a-t-il pas voulu abolir l’esclavage ?

·       4° réponse : Paul a si fortement espéré le retour imminent du Christ qu’il en a oublié la transformation de la société en attendant.

Cette réponse-là est particulièrement séduisante.

C’est vrai qu’en l’an 50-70 environ où Paul écrit, il croit toujours voir de ses yeux revenir le Christ pour le Jugement Dernier. Cela nous paraît un peu naïf là encore, 2000 ans après, mais l’effervescence eschatologique du temps de Paul était énorme, à tel point qu’il était obligé quand même de rappeler aux chrétiens de Thessalonique de travailler à gagner leur vie au lieu de se tourner les pouces en attendant le retour du Christ.

Entièrement tourné vers cette espérance grandiose de voir enfin tout récapitulé dans le Christ à la plénitude des temps, Paul – on le comprend – s’intéresse beaucoup moins aux urgences sociales de son époque, aux injustices politiques, économiques pourtant criantes…

Quand tout va se terminer bientôt, ce n’est plus l’heure d’entreprendre de vastes réformes, lentes et laborieuses…

Certains chrétiens ont pu dans l’histoire prolonger faussement cette ligne eschatologique en prétendant se détourner du « monde », pour ne se consacrer qu’à l’au-delà. Pourquoi changer la misère actuelle des pauvres si la seule chose qui compte est leur bonheur après ? On voit ce que produit ce genre de raisonnement…

Reste que Paul, lui, authentiquement et sincèrement tourné vers la venue du Christ en gloire, considère ne pas avoir le temps de transformer les structures injustes, mais appelle cependant à une révolution radicale en accueillant l’esclave comme un frère bien-aimé.

Gardons la nouveauté extraordinaire du regard de Paul sur l’esclave Onésime, de sa vie « en communion » avec lui, et mettons en œuvre en même temps ce que la Doctrine sociale de l’Église a ensuite développé sur les révolutions nécessaires pour combattre les structures injustes.

Accueillons l’esclave tout en combattant l’esclavage : jamais l’un sans l’autre.

Transposez aux esclavages qui nous entourent, aux combats à mener aujourd’hui : conjuguer l’humanitaire et le politique par exemple, l’aide individuelle et la réflexion sur les causes profondes à changer etc…

Accueillir l’esclave tout en combattant l’esclavage : comment traduire cela dans l’usage de notre argent, de notre hospitalité, de notre temps… personnellement et ensemble ?

 


1ère lecture : « Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13-18)
Lecture du livre de la Sagesse

Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées. Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.

Psaume : Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.  (Ps 89, 1)

Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

2ème lecture : « Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé » (Phm 9b-10.12-17)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Philémon

Bien-aimé, moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon cœur. Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi.

Evangile : « Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 25-33)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Pour ton serviteur, que ton visage s’illumine : apprends-moi tes commandements.
Alléluia. (Ps 118, 135)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.

Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : ‘Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !’ Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Patrick BRAUD

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1 juin 2016

La déradicalisation selon saint Paul

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La déradicalisation selon saint Paul

 

Cf. également :

Naïm, ou la rétroactivité en marche

Homélie pour le 10° dimanche du temps ordinaire / Année C
05/06/2016

 

Le gouvernement de Manuel Valls a publié le 9 mai dernier 80 mesures pour lutter contre la radicalisation islamique qui chaque année pousse des centaines de Français à partir faire le djihad en Syrie ou ailleurs. La deuxième lecture de ce dimanche rejoint cette actualité. Paul raconte avec force détails combien il était fanatique avant d’avoir rencontré le Ressuscité :

« Vous avez entendu parler du comportement que j’avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire. J’allais plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui avaient mon âge, et, plus que les autres, je défendais avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères. » (Ga 1, 11-19)

Dans ces longs passages en forme de confession publique, on peut mettre en valeur deux éléments, deux dimensions de la conversion de Paul qui correspondent assez bien à ce qu’on appelle aujourd’hui le processus de déradicalisation.

 

Les personnes avant les idées

Afficher l'image d'origineLe pharisaïsme de Paul, c’était d’abord son attachement à la loi juive et aux coutumes dont les maîtres pharisiens l’avaient habillé. Pour l’ultra-religieux qu’il était devenu, le plus important était l’observance extérieure de tout ce qu’il fallait soi-disant faire pour être un bon juif : la circoncision évidemment, mais aussi le respect absolu du shabbat (jusque dans ses détails les plus absurdes et les plus contradictoires), le lavage des coupes, des mains, la manière de s’habiller (les hadissim contemporains sont toujours très sourcilleux de leurs papillotes, chapeaux de fourrure, les tephillim et autres distinctions vestimentaires) etc. Les islamistes n’ont rien inventé hélas : les intégristes juifs ont depuis longtemps enserré la vie quotidienne dans un carcan de règles frisant l’obsession pathologique. Le film Timbuktu raconte l’étonnement et l’incompréhension des villageois à qui les djihadistes demandent de porter des gants pour manipuler du poisson, de ne pas écouter de musique non religieuse, de ne pas jouer au football…

Des humoristes irakiens croquent régulièrement sur la télévision publique ce délire des fanatiques musulmans dans une émission appelée « Al-Basheer Show, l’émission qui combat Daech avec le rire » …. On y voit par exemple des « barbus » menacer ceux qui oseraient utiliser des W.C. dits ‘à l’occidentale’ parce qu’ils utilisent du papier au lieu de l’eau, seule purification autorisée par l’islam des djihadistes etc.

Les fanatiques sont obsédés par les choses à faire et en oublient les personnes à aimer. Ainsi a été Paul, barbu pharisien plus intransigeant que les terroristes, puisqu’il obtenait du pouvoir légal le droit de pourchasser, d’emprisonner et de faire tuer ces chrétiens « kouffars » (mécréants en arabe) comme diraient les terroristes aujourd’hui.

Ce qui l’a fait changer, c’est justement la rencontre d’une personne, de quelqu’un de vivant. « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9,5 ; 22,8 ; 26,15) : cette rencontre éblouissante va lui révéler dans quel aveuglement il s’égarait. Sa cécité passagère traduit alors sa prise de conscience des ténèbres de la pensée où il se perdait. À force de vouloir aimer la Loi, il ne respirait plus que haine et meurtre envers les chrétiens. On a connu ce même aveuglement avec les Allemands, pourtant intelligents et cultivés, qui avaient épousé l’idéologie nazie. Ou bien avec les Russes, les Chinois, les Cambodgiens qui voulaient imposer la révolution communiste façon Staline, Mao ou Pol Pot… Même Che Guevara dont on a fait un mythe romantique était dans la lignée de ce terrorisme violent et haineux, où les idées priment sur les personnes. « Il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que tout le peuple » (Jn 11,50) disait déjà le grand prêtre Caïphe en légitimant ainsi le meurtre de Jésus au nom de la raison d’État. La raison de l’État islamique légitime l’assassinat d’innocents au nom de la charia, cette loi idolâtrée qui ressemble à celle qui fascinait Paul autrefois.

 

Un élément de la déradicalisation - des jeunes notamment - tentés par le fanatisme religieux est donc la rencontre de personnes bien concrètes, en chair et en os, qui témoignent de la réalité des victimes du terrorisme. « Je suis Jésus que tu persécutes » se conjugue aujourd’hui en : « Je suis la mère de l’enfant qu’a tué Mohamed Merah en 2012 à Toulouse, et je peux te raconter la souffrance qui s’est installée dans ma vie depuis » (cf. le témoignage de Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad, tué par Mohamed Merah).

Les 80 mesures de Valls contiennent cette recommandation de faire témoigner et circuler le témoignage concret des victimes. Afin que la violence terroriste ne reste pas virtuelle, idéalisée, magnifiée, mais terriblement proche et personnelle, donnons la parole à ceux qui souffrent de la dictature des religieux de tous bords sur leur vie quotidienne, par l’imposition de règles vestimentaires, de coutumes culinaires, d’interdits culturels de toutes sortes.

 

Rompre l’enfermement algorithmique

« Enfermement algorithmique » : l’expression est dans les 80 mesures [1].

Elle désigne le processus maintenant connu où Internet joue comme un multiplicateur et un accélérateur de fanatisme. Lorsque vous cliquez sur un lien qui vous amène à une vidéo sur l’islam, par le jeu des analyses croisées, Youtube ou Google vous proposent immédiatement 10 autres vidéos sur le même sujet, allant plus loin dans la logique d’exposition. Et ainsi, de clic en clic, de lien en lien, de site en site, l’internaute rebondit sans cesse à l’intérieur d’un univers de pensée qui ne renvoie plus qu’à lui-même. Les algorithmes de recommandations peuvent réellement enfermer le surfeur dans une seule vague de pensée, de plus en plus radicale, de plus en plus étroite.

Paul a vécu quelque chose de cet enfermement algorithmique avant sa rencontre du Ressuscité. Il ne mangeait qu’avec ses coreligionnaires, il discutait avec des pharisiens ultra-convaincus, il ne lisait que des ouvrages sur l’observance de la Loi. À l’école de Gabriel, il devait encore être un étudiant ouvert à plusieurs courants de pensée. Pourtant il avait assisté et approuvé la lapidation d’Étienne. Son cercle des relations s’est sans doute rétréci, ses lectures également, et il a peu à peu devenu prisonnier d’un petit univers ne renvoyant qu’à lui-même.

Quand un jeune sélectionne ses amis au point de ne plus fréquenter qu’un seul style, quand il n’écoute plus qu’une seule musique ou ne s’habille que d’une seule mode vestimentaire, on peut craindre pour lui.

 

Rompre l’enfermement algorithmique est donc un autre atout essentiel à la déradicalisation.

Cela passe par la production d’un contre-discours idéologique apportant des arguments factuels, historiques, littéraires, théologiques, exégétiques…

Cela demande également de pratiquer l’ouverture d’esprit avec les jeunes dont on est en charge, avant qu’ils ne se durcissent et les refusent par principe. Le cinéma, l’art, d’autres lectures et surtout d’autres rencontres seront des pare-feu utiles pour éviter que l’embrigadement des esprits ne prolifère.

 

Afficher l'image d'originePour Paul, la rupture de l’enfermement algorithmique va se faire dans un premier temps chez Ananie, ce chrétien de Tarse qui l’a accueilli, écouté, soigné, baptisé. Jamais il ne serait entré dans une maison de non-pharisiens auparavant. Puis il a fallu à Paul trois ans de solitude, en Arabie, pour faire le point sur ses années pharisiennes, ouvrir les yeux sur ses égarements passés, et choisir de donner un nouveau sens à sa vie. Comme quoi l’intériorité, le silence, et un certain retour sur soi à travers une solitude habitée sont des aides puissantes pour se désintoxiquer du fanatisme et se retrouver pleinement. On aurait tort de négliger les ressources que représentent les monastères, de toutes religions, dans la lutte contre la radicalisation des esprits. Ils ont toujours été des lieux de relecture de son histoire, de reprise de soi, de conscientisation sur ses propres contradictions, d’aspiration à une unité intérieure non-violente, authentique.

 

Faire passer les personnes avant les idées.
Lutter contre l’enfermement algorithmique.

Ces deux éléments de la conversion de Paul ne valent pas que pour les djihadistes. Chacun de nous a besoin de travailler sur ses propres tentations dans ces deux domaines.

Qui peut dire qu’il ne s’est pas installé dans un système de croyance et de pensée qui l’empêche de rencontrer en vérité des personnes nouvelles ou différentes ?

Qui peut affirmer qu’il reste ouvert alors que les algorithmes sociaux nous poussent à fréquenter nos semblables uniquement et à penser comme eux ?

Travaillons à la déradicalisation du fanatique qui sommeille en chacun de nous.

 

________________________________

[1]. Mesure 59 : Lutter contre l’enfermement algorithmique.
Si les mécanismes de radicalisation chez les jeunes sont complexes, et divers, et qu’ils font généralement intervenir des contacts humains à un moment donné, Internet peut jouer un rôle dans le renforcement des convictions radicales des personnes fragiles et leur motivation jusqu’au départ vers les zones de combat. Les algorithmes de recommandation de certains réseaux sociaux ou plateformes vidéo ont l’effet imprévu d’enfermer l’utilisateur dans des contenus systématiquement orientés dans le même sens. La visualisation préalable d’un contenu vu ou aimé conduit mécaniquement à ce que la personne concernée s’en voit proposer 10 de nature similaire, puis 10 autres, jusqu’à ce que l’offre présentée à l’utilisateur soit parfois entièrement consacrée à ces contenus de haine. Ce phénomène d’enfermement algorithmique ne peut être combattu que par les acteurs économiques concernés, qui devront prendre en compte d’autres facteurs dans leurs mécanismes techniques de recommandation, comme par exemple les signalements et éventuels retraits passés de contenus similaires. Le Gouvernement a entamé un dialogue stratégique et technique avec les principaux acteurs concernés afin de parvenir à circonscrire ce phénomène, et aboutir à une limitation de l’enfermement pour les contenus de haine, voire à la recommandation de contre-discours dans l’offre de contenus.
Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) – 9 mai 2016

 

 

1ère lecture : « Regarde, ton fils est vivant ! » (1 R 17, 17-24)
Lecture du premier livre des Rois

En ces jours-là, le fils de la femme chez qui habitait le prophète Élie tomba malade ; le mal fut si violent que l’enfant expira. Alors la femme dit à Élie : « Que me veux-tu, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ! » Élie répondit : « Donne-moi ton fils ! » Il le prit des bras de sa mère, le porta dans sa chambre en haut de la maison et l’étendit sur son lit. Puis il invoqua le Seigneur : « Seigneur, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? » Par trois fois, il s’étendit sur l’enfant en invoquant le Seigneur : « Seigneur, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! » Le Seigneur entendit la prière d’Élie ; le souffle de l’enfant revint en lui : il était vivant ! Élie prit alors l’enfant, de sa chambre il le descendit dans la maison, le remit à sa mère et dit : « Regarde, ton fils est vivant ! » La femme lui répondit : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu, et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. »

Psaume : Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13

R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (Ps 29, 2a)

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

2ème lecture : « Dieu a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations » (Ga 1, 11-19)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates

Frères, je tiens à ce que vous le sachiez, l’Évangile que j’ai proclamé n’est pas une invention humaine. Ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par révélation de Jésus Christ. Vous avez entendu parler du comportement que j’avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire. J’allais plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui avaient mon âge, et, plus que les autres, je défendais avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères. Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations païennes. Aussitôt, sans prendre l’avis de personne, sans même monter à Jérusalem pour y rencontrer ceux qui étaient Apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie et, de là, je suis retourné à Damas. Puis, trois ans après, je suis monté à Jérusalem pour faire la connaissance de Pierre, et je suis resté quinze jours auprès de lui. Je n’ai vu aucun des autres Apôtres sauf Jacques, le frère du Seigneur.

Evangile : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi » (Lc 7, 11-17)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous : et Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïm. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on emportait un mort pour l’enterrer ; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule importante de la ville accompagnait cette femme. Voyant celle-ci, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : « Ne pleure pas. » Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. » Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » Et cette parole sur Jésus se répandit dans la Judée entière et dans toute la région.
Patrick BRAUD

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1 juillet 2015

Quelle est votre écharde dans la chair ?

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Quelle est votre écharde dans la chair ?

Homélie du 14° dimanche de l’année B
05/07/2015

 

L’écharde de Paul

Marchez pieds nus sur un vieux parquet en bois. Vous aurez bien des chances de ressentir une vive douleur à un moment où votre pied aura traîné et frotté sur le bois. Un petit éclat de lame de parquet est venu se ficher dans la peau, et s’est même infiltré en dessous, disparaissant complètement sous l’épiderme : une écharde ! Elle est venue se ficher en votre chair. Si bien qu’il faut d’abord localiser où est logé l’intruse, souvent invisible. Et ensuite procéder à l’extrusion de l’éclisse. Une pince à épiler et un couteau aiguisé font généralement l’affaire. Mais attention : si vous n’enlevez pas l’épine entière, le bout de bois qui restera va s’infecter et vous fera souffrir au point de ne pouvoir poser le pied par terre.

Quelle est votre écharde dans la chair ? dans Communauté spirituelle

C’est cette image de l’écharde que Paul a en tête lorsqu’il parle d’un mystérieux rappel à l’humilité inscrit en sa chair.

« Et pour que je ne sois pas enflé d’orgueil, à cause de l’excellence de ces révélations, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m’empêcher de m’enorgueillir. »
2Co 12,7 (2° lecture de ce Dimanche)

Quelle était cette écharde pour Paul ?

Les exégètes et historiens ont tout imaginé : tentations continuelles, adversaires tenaces, maladies chroniques (telles que des problèmes d’yeux, la malaria, des migraines ou des crises d’épilepsie), un problème d’élocution (cf. Moïse qui était bègue et a dû demander à Dieu d’être secondé par Aaron) etc.

Le mot écharde employé en grec (σκόλοψ= skolops) par Paul est unique dans toute la Bible (c’est un hapax). Impossible donc de le comparer à d’autres usages bibliques pour deviner ce que cela pourrait bien être. En fait nous ne savons pas ce à quoi Paul fait allusion. Lui-même ne veut pas le dire explicitement aux corinthiens. Peut-être en a-t-il honte ? Peut-être cela était-il connu des communautés chrétiennes ?

Paul devait avoir quelques problèmes de santé, puisqu’il mentionne par exemple aux Galates que c’est une maladie qui lui a permis opportunément de leur annoncer l’Évangile (comme quoi un problème de santé peut finalement servir l’évangélisation !).

« Vous le savez, ce fut une maladie qui me donna l’occasion de vous évangéliser la première fois, et, malgré l’épreuve que vous était ce corps infirme, vous n’avez marqué ni mépris ni dégoût; mais vous m’avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus ». (Ga 4,14)

Si cette écharde avait été une maladie, Paul l’aurait sans doute évoqué comme en Ga 4,14. Mais nous n’en savons rien. Conformément à la mentalité religieuse de son époque, Paul attribue à un « envoyé de Satan » l’origine de cette écharde. C’est donc qu’il ressent son écharde non pas tant comme une douleur que comme un obstacle à sa mission (Satan = obstacle en hébreu). Paul constate avec amertume qu’il y a quelque chose en lui qui l’empêche d’être parfaitement cohérent avec la mission qu’il a reçue. Et du coup, il ne peut se vanter d’être un super apôtre infaillible et impeccable.

Gabrielle Althen, La splendeur et l'échardeIl a conscience d’être à part : sa notoriété était grande chez les juifs avant sa conversion au Christ. Elle est encore plus grande chez les chrétiens après. Il écrit des lettres dont il sait qu’on en fait lecture publique dans les assemblées. Il parle d’égal à égal avec Pierre, avec les procureurs romains… Bref, il pourrait avoir la grosse tête !

Et voilà qu’une mystérieuse écharde le ramène régulièrement à ses limites, et l’empêche de se surestimer.

L’interprétation que Paul fait de sa faiblesse est finalement très positive : c’est pour bien attester que le trésor qu’il apporte ne vient pas de lui, mais de Dieu, et qu’il porte ce trésor dans un vase d’argile. Peu importe le vase : c’est le contenu qui compte.

Paul sait, avec sagesse et réalisme, qu’il n’est pas à la hauteur du message qu’il annonce. Au lieu de le désespérer, ce décalage va finalement servir sa cause : c’est le Christ qui compte, Paul n’est que son serviteur, avec ses contradictions et son génie.

 

Et vous, quelle est votre écharde ?

Du coup, la possibilité d’une écharde qu’il nous faut gérer à vie devient intéressante pour nous aussi… Bien sûr, dans la mesure du possible, chacun de nous s’évertue à extraire l’éclisse spirituelle qu’il découvre fichée dans son histoire. Mais les éradiquer toutes est impossible en réalité. Croire qu’on peut être 100 % cohérent avec nos convictions les plus profondes est un leurre. Avec l’âge et l’expérience, la sagesse recommande d’apprendre à vivre avec ce que l’on est plutôt que de chercher (illusoirement) à se changer totalement.

C’est vrai des petites douleurs physiques (arthrose, vue,…), même si aujourd’hui les prothèses peuvent apporter beaucoup d’améliorations ! C’est plus vrai encore des traits de caractère ou de personnalité. Si quelqu’un est colérique, il apprendra à mettre sa colère au service des causes justes. Si quelqu’un est solitaire, il apprendra à fêter sa solitude pour en faire un lieu habité. Si un autre est hyperactif, il sera mettre sa retraite au service de la vie associative etc. Et lorsque cette faiblesse devient un obstacle à la cohérence globale, alors se souvenir de Paul permettra de l’accueillir comme un salutaire rappel à l’humilité : qui suis-je pour juger mon frère, moi qui ai telle difficulté, tel gros défaut, telle limite peu glorieuse ? Celui qui se croit sans faiblesse devient dur et inhumain envers ses compagnons de route. Celui qui ne sent plus les éclisses fichées dans sa chair les  laisse infecter son corps tout entier.

 

Alors, quelle est votre écharde ?

affiche écharde dans Communauté spirituelleNe répondez pas trop vite. Car ce n’est sans doute pas celle dont vous auriez rêvé. Ce n’est pas vous qui la choisissez. Elle vous est imposée par la vie (par Satan, disait Paul dans sa culture). Elle risque fort d’être humiliante par moments. En tout cas, vous la reconnaîtrez lorsque vous pouvez dire avec un peu d’humour : « tiens, c’est bien moi ça, et ce n’est pas prêt de changer… »

Alors, il vaut mieux faire la fête à ce tweet vous ramenant à la réalité : « tu n’es pas tout-puissant » #uneéchardedanslachair.

L’écharde contemporaine peut être un deuil ou une séparation non résolue, des mauvaises habitudes inexpugnables, un défaut récurrent et impossible à éliminer, une infirmité limitante, une passion dévorante, un trait de caractère peu glorieux qui refait surface avec l’âge… Plutôt que de s’épuiser à combattre ce qui réapparaîtra ailleurs ou autrement, Paul nous invite à faire avec : ne luttez pas frontalement contre vos faiblesses invincibles, faites-en plutôt des alliées, afin de vous décentrer de vous-même, de faire confiance à un Autre, pour ne pas avoir la grosse tête…

 

Bienheureuse faiblesse qui nous recentre sur la force venant de Dieu !

Salutaire écharde qui nous amène humblement à sourire de nous-mêmes et nous dégonfle les chevilles !

 

 

1ère lecture : « C’est une engeance de rebelles ! Qu’ils sachent qu’il y a un prophète au milieu d’eux ! » (Ez 2, 2-5)

Lecture du livre du prophète Ézékiel

En ces jours-là,      l’esprit vint en moi  et me fit tenir debout.  J’écoutai celui qui me parlait.      Il me dit : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël,  vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi.  Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères  se sont soulevés contre moi.      Les fils ont le visage dur,  et le cœur obstiné ;  c’est à eux que je t’envoie.  Tu leur diras :  ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’      Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas  – c’est une engeance de rebelles ! –  ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »

Psaume : Ps 122 (123), 1-2ab, 2cdef, 3-4

R/ Nos yeux, levés vers le Seigneur, attendent sa pitié.

(cf. Ps 122, 2)

Vers toi j’ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel,
comme les yeux de l’esclave
vers la main de son maître.

Comme les yeux de la servante
vers la main de sa maîtresse,
nos yeux, levés vers le Seigneur notre Dieu,
attendent sa pitié.

Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous :
notre âme est rassasiée de mépris.
C’en est trop, nous sommes rassasiés 

du rire des satisfaits,
du mépris des orgueilleux !

2ème lecture : « Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2 Co 12,7-10)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, les révélations que j’ai reçues sont tellement extraordinaires  que, pour m’empêcher de me surestimer,  j’ai reçu dans ma chair une écharde,  un envoyé de Satan qui est là pour me gifler,  pour empêcher que je me surestime.  Par trois fois,  j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi.      Mais il m’a déclaré :  « Ma grâce te suffit,  car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »  C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses,  afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ  les faiblesses, les insultes, les contraintes,  les persécutions et les situations angoissantes.  Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

     – Parole du Seigneur.

 

Evangile : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays »(Mc 6, 1-6)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Alléluia. (Lc 4, 18ac)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là,     Jésus se rendit dans son lieu d’origine,  et ses disciples le suivirent.      Le jour du sabbat,  il se mit à enseigner dans la synagogue.  De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient :  « D’où cela lui vient-il ?  Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée,  et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?      N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie,  et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ?  Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »  Et ils étaient profondément choqués à son sujet.      Jésus leur disait :  « Un prophète n’est méprisé que dans son pays,  sa parenté et sa maison. »      Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ;  il guérit seulement quelques malades  en leur imposant les mains.      Et il s’étonna de leur manque de foi.  Alors, Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Patrick BRAUD

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21 janvier 2015

Qui est votre Ananie ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 00 min

Qui est votre Ananie ?

Fête de la Conversion de St Paul
Dimanche 25 Janvier 2014 – Année B

cf. également : Quel Éli élirez-vous ?

Qui est votre Ananie ?

Saint Paul raconte sa conversion par 3 fois !  : Ac 9, 1-19 / Ac 22, 1-21 / Ac 26, 1-29. C’est donc que c’est pour lui le vrai tournant de son existence. A l’écouter, on est frappé de l’importance jouée par ce personnage nommé Ananie, ce syrien de Damas, inconnu autrement des Écritures. Ananie a joué pour Paul le rôle de « frère aîné dans la foi », dirait-on avec nos mots actuels.

C’est grâce à Ananie – dont le nom signifie : ‘Dieu est favorable’ – que des écailles tombèrent des yeux de Saul et qu’il retrouva la vue. Ce qui veut dire sans doute qu’Ananie a aussi éclairé Paul sur la lecture des Écritures et son aveuglement d’autrefois.

C’est grâce à Ananie et par lui qu’il est baptisé, car Paul ne peut se baptiser tout seul : il découvre que c’est l’Église qui le baptise, cette même Église qu’il persécutait avant…

C’est grâce à Ananie qu’il prend de la nourriture, lui qui ne pouvait plus rien avaler depuis ce choc intérieur sur la route de Damas. Ananie le sauve de l’anorexie, tant physique que spirituelle, en lui donnant les aliments de la foi. On pense à la nourriture que l’on donne depuis toujours aux catéchumènes pour les fortifier sur leur route vers le baptême : l’imposition des mains lors des scrutins du Carême, la transmission du Notre Père et du Credo, la remise du livre des Évangiles…

Il est intéressant de ne pas dissocier Paul d’Ananie, ni Ananie de Paul.
Paul ne serait jamais devenu chrétien sans ce syrien, cet étranger de passage dans sa vie suite à une chute célèbre sur le chemin de Damas…

Il est intéressant également de se souvenir de l’autre Ananie, qui avec sa femme Saphire  a voulu tricher avec le partage dans la première communauté chrétienne de Jérusalem (Ac 5, 1-11) : là où l’Ananie de Paul donnera gratuitement (le baptême, la grâce), l’Ananie de Saphire a menti et gardé pour lui ce qu’il voulait soustraire au partage…

 

Et vous, qui a été votre Ananie ?

Qui est votre Ananie ? dans Communauté spirituelleFaites mémoire dans votre prière de ceux et celles qui ont joué ce rôle « d’aîné dans la foi » pour vous. Rendez grâce dans l’Eucharistie pour ces visages qui sont passés dans votre vie, quelquefois très vite, mais à qui vous devez tant…

Alors vous pourrez devenir à votre tour, un Ananie pour vos frères !

Comment ?

En acceptant de vous laisser envoyer vous aussi vers des étrangers et des gens de passage.

En surmontant votre peur de l’autre, comme Ananie surmontant sa peur du persécuteur juif qu’était Saul avant d’être Paul.

En accompagnant les catéchumènes et les chercheurs de Dieu d’aujourd’hui.

En les éclairant avec l’Évangile, en les nourrissant de la foi de l’Église, en leur redonnant des forces par un soutien fraternel…

Car Ananie symbolise le lien indissoluble qui existe entre Jésus et son Église.

Une même phrase revient dans les 3 récits que Paul fait de sa conversion : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ». Impossible d’être plus clair sur le lien qui unit le Christ-Tête à son Corps qu’est l’Église ! Faire du mal à l’Église, en paroles ou en actes, c’est persécuter Jésus lui-même. Mépriser l’Église, c’est faire insulte au Christ en personne. Serait-ce aimer que d’aimer la Tête de quelqu’un sans aimer son corps ? Et réciproquement… Imaginez – disait Saint Augustin – que vous vous approchez du Christ pour l’embrasser au visage alors que vous lui écrasez les pieds avec de gros souliers ferrés. Eh bien – s’écriait St Augustin – « le Christ criera plus fort pour ses pieds qu’on écrase que pour sa tête qu’on honore » !

Impossible d’être chrétien sans Église dans l’expérience de Paul, impossible d’être croyant sans avoir de lien avec une communauté, car le Christ et l’Église sont unis comme la Tête et le Corps, comme l’Époux et l’Épouse…

Cette découverte est tellement énorme pour Paul qu’il la raconte 3 fois dans le livre des Actes ! Trois fois, avec des variantes, des différences, et des points communs. Car celui qui a vécu une expérience forte de conversion ne se lasse pas de raconter ce qui lui est arrivé. Il en a besoin : pour lui-même, afin de mettre des mots sur cette rencontre éblouissante ; pour les autres, afin de les inviter eux aussi à raconter les grands virages, les grands tournants de leur existence. Avec les années, ce même récit se transforme : on se souvient d’autre chose, on mesure mieux la portée de tel détail, on va y puiser d’autres courages…

Et vous, pouvez-vous faire le récit des grands tournants de votre existence ?

Quand s’est-il passé pour vous quelque chose qui ressemble au chemin de Damas pour Paul ?

Ne dites pas : ‘moi je n’ai rien à raconter ; je n’ai rien vécu d’extraordinaire.’ Souvenez-nous de la ferveur première de votre couple si vous êtes à deux, souvenez-vous des premières expériences de la mort, de la beauté du monde, de la grandeur de votre moi intérieur, de la brûlure de certains textes bibliques… Racontez-vous à vous-mêmes, puis racontez à d’autres, les chutes éblouissantes qui vous ont laissé le souffle court, les yeux aveuglés, l’estomac noué devant l’indicible…

 

Alors vous retrouverez les Ananie qui on jalonné votre route.

Alors vous pourrez devenir des Ananie pour vos frères…

 

 

1ère lecture : Saint Paul raconte sa conversion (Ac 22, 3-16)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
Paul, menacé de mort par les Juifs de Jérusalem leur parlait ainsi : « Je suis Juif : né à Tarse, en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville, j’ai reçu, à l’école de Gamaliel, un enseignement strictement conforme à la Loi de nos pères ; je défendais la cause de Dieu avec une ardeur jalouse, comme vous le faites tous aujourd’hui. J’ai persécuté à mort les adeptes de la Voie que je suis aujourd’hui ; je les arrêtais et les jetais en prison, hommes et femmes ; le grand prêtre et tout le conseil des Anciens peuvent en témoigner. Eux-mêmes m’avaient donné des lettres pour nos frères et j’étais en route vers Damas : je devais faire prisonniers ceux qui étaient là-bas et les ramener à Jérusalem pour qu’ils subissent leur châtiment. 

Donc, comme j’étais en route et que j’approchais de Damas, vers midi, une grande lumière venant du ciel m’enveloppa soudain. Je tombai sur le sol, et j’entendis une voix qui me disait : ‘Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?’ Et moi je répondis : ‘Qui es-tu, Seigneur ? — Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes.’ » Mes compagnons voyaient la lumière, mais ils n’entendaient pas la voix de celui qui me parlait, et je dis : ‘Que dois-je faire, Seigneur ?’ Le Seigneur me répondit : ‘Relève-toi, va jusqu’à Damas, et là on t’indiquera tout ce qu’il t’est prescrit de faire.’ Comme je n’y voyais plus, à cause de l’éclat de cette lumière, mes compagnons me prirent par la main, et c’est ainsi que j’arrivai à Damas. Or, Ananie, un homme religieux et fidèle à la Loi, estimé de tous les Juifs habitant la ville, vint me trouver et, arrivé auprès de moi, il me dit : ‘Saul, mon frère, retrouve la vue.’ Et moi, au même instant, je retrouvai la vue, et je le vis. Il me dit encore : ‘Le Dieu de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la parole qui sort de sa bouche. Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu. Et maintenant, pourquoi hésiter ? Lève-toi et reçois le baptême, sois lavé de tes péchés en invoquant le nom de Jésus.’ »

Psaume : Ps 116, 1,2
R/ Allez par le monde entier annoncer la Bonne Nouvelle !

Louez le Seigneur, tous les peuples ;
fêtez-le, tous les pays !

Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
éternelle est la fidélité du Seigneur !

Evangile : « Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle » (Mc 16, 15-18)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Gloire au Christ qui est au dessus de tout, Dieu béni éternellement ! Alléluia. (Rm 9, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Jésus ressuscité dit aux onze Apôtres :
« Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création.
Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné.
Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront les esprits mauvais ; ils parleront un langage nouveau ; ils prendront des serpents dans leurs mains, et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Patrick BRAUD

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