L'homélie du dimanche (prochain)

15 février 2015

Mercredi des cendres : de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 13 h 59 min

Mercredi des cendres :
de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile

Homélie du Mercredi 18 Février 2015
Mercredi des Cendres

cf. également :
La radieuse tristesse du Carême
Carême : quand le secret humanise
Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner
Le symbolisme des cendres

Mercredi des cendres :  de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile dans Communauté spirituelleConnaissez-vous « Le Parfum », de Patrick Süskind ? C’est un roman assez extraordinaire, où le héros nous fait découvrir le monde de l’odorat, comme un 5ème continent oublié.

Grenouille, ce héros, a un nez extraordinaire. Il devient parfumeur ; il apprend à tirer la quintessence olfactive des fleurs, des choses, et même des êtres humains (hélas ! car il en deviendra meurtrier).

Au-delà de l’aventure romanesque de ce personnage qui capte l’odeur des autres pour en faire la sienne, l’auteur nous entraîne dans un univers étonnant de communication non verbale.

Beaucoup de choses sont dites, ressenties et perçues grâce et à travers les parfums de nos vies : la fragrance d’un concentré de lavande, l’épice d’un musc ambré, la sensualité d’un mélange aromatique exotique… Vous savez bien que l’odeur corporelle de quelqu’un est capable d’attirer ou de repousser plus fortement que ses paroles. Chacun de nous a une empreinte olfactive, comme une empreinte digitale, unique. Elle est souvent liée à notre identité spirituelle. Chacun de nous a une « odeur spirituelle » qui nous fait laisser une trace odoriférante derrière nous, suave ou puante …

Bref, il existe dans le parfum un pouvoir relationnel, pour le meilleur et pour le pire, dont nous sommes largement inconscients, et qui pourtant influence fortement nos relations.

J’imagine facilement Jésus lui-même écarquillant les narines pour sentir le monde à plein nez.

Il a du goûter les odeurs du bois de charpentier dans l’atelier de Joseph, les effluves des champs autour de Nazareth, la senteur des soldats romains ou celle des esclaves, le souffle presque marin du Lac de Tibériade, la puanteur de la vallée de la Géhenne, le mélange des essences au marché de Jérusalem etc.…

Il a appris que la relation de l’homme à l’univers et aux autres humains passe aussi par l’odorat.

Aussi, quand il nous dit aujourd’hui : « Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête », il nous invite à communiquer notre joie de Carême par une autre forme de présence que la parole : le parfum de notre vie.

Paradoxalement, au lieu d’être une privation, le jeûne devient une exhalaison pour les autres.

Au lieu d’afficher le manque, notre visage diffuse une bonne odeur de joie.
Au lieu de promener une « face de Carême », notre tête rayonne d’une odeur subtile d’Évangile.
Comme on dit de quelqu’un qu’il est mort « en odeur de sainteté », le Carême nous appelle alors à vivre « en odeur de joie » !

Femme-au-parfum.jpg* Rappelez-vous la femme qui avait gaspillé 300 deniers pour acheter du parfum précieux et le répandre sur les pieds de Jésus : « et la maison s’emplit de la senteur du parfum » dit Jean (12, 3).
L’annonce prophétique de la Passion du Christ est passée par cette odeur de nectar précieux.

* Rappelez-vous l’autel des parfums que Dieu demanda à Moïse : « Procure-toi des essences parfumées : storax, ambre, galbanum, encens. Tu es feras un parfum mélangé, travail de parfumeur : salé, pur, sacré »(Ex 30). Et ces parfums fumaient sur l’autel, et ils devenaient des « parfums d’apaisement » pour Yahvé.
La prière peut émaner de nous comme une baguette d’encens brûle sur l’autel…

* Rappelez-vous le chant d’amour du Cantique des Cantiques : « L’arôme de tes parfums est exquis… » « Qui est celle-là qui monte du désert, vapeur de myrrhe et d’encens et de tous parfums exotiques ? » « Le parfum de tes vêtements est comme le parfum du Liban… »
Notre désir d’aimer s’exhale de nous, inconsciemment, et les autres le perçoivent alors clairement, plus qu’un discours…

Dans le livre de l'Apocalypse, 7 anges tiennent 7 fléaux ou 7 plaies dans les 7 coupes pleins de la colère de Dieu. Leur pouvoir de destruction est immense. La colère de Dieu s'accomplit par eux. * Rappelez-vous encore la grande liturgie odoriférante de l’Apocalypse, où l’encens fume à flots, où les 4 vivants tiennent dans leurs mains des coupes d’or pleines de parfums qui sont, précise St Jean, « les prières des saints »(Ap 5, 8). Et à l’ouverture du 7ème sceau, l’Ange fait monter devant Dieu la fumée des parfums qu’il offre « avec les prières de tous les saints », sur l’autel des parfums placé devant le trône (Ap 8,2 4).
Notre communion des saints se reconnaît à la colonne de parfum qui monte de nous-mêmes…

Alors se parfumer la tête pour jeûner en Carême, ce n’est pas seulement répandre quelques gouttes d’Instant de Guerlain ou J’adore de Dior, c’est répandre en tous lieux la bonne odeur du Christ, diffuser des effluves de joie, laisser s’exhaler à travers soi des senteurs pleines de vie, mystérieuses de profondeur, envoûtantes d’énigmes.

Un jeûne de Carême produit des chrétiens qui respirent la confiance, qui fleurent la bonté, qui sentent bon dans leur manière d’être…

Être chrétien, ça se sent ! Ça ne fait pas que se voir, se dire, se goûter ou se toucher : ça se sent !

Le Christ, qui nous appelle au « secret » du Carême, nous invite en même temps au « parfum » du Carême : cette bonne odeur du Christ qui, au-delà des mots, communique à tous un message sans parole, rien que par les « arômes spirituels » qui émanent d’une présence.

« Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête » : que l’Esprit du Christ soit notre ‘huile essentielle’, notre concentré de senteurs, pour que ce Carême diffuse un parfum d’Évangile à ceux qui croisent notre route.

 

1ère lecture : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (Jl 2, 12-18)
Lecture du livre du prophète Joël

Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et laisser derrière lui sa bénédiction : alors, vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu. Sonnez du cor dans Sion : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra- t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” »  Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.

Psaume : 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché ! (cf. 50, 3)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave- moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint

Rends- moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

2ème lecture : « Laissez- vous réconcilier avec Dieu. Voici maintenant le moment favorable » (2 Co 5, 20 – 6, 2)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui- même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez- vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable je t’ai exaucé,au jour du salut je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut.

Evangile : « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 1-6.16-18)

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance.Aujourd’hui, ne fermez pas votre coeur, mais écoutez la voix du Seigneur. Ta Parole, Seigneur, est vérité,et ta loi, délivrance. (cf. Ps 94, 8a.7d)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps- là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
 Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux- là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
 Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux- là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux- là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume- toi la tête et lave- toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,

9 avril 2011

Une puanteur de 4 jours

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Une puanteur de 4 jours

 

Homélie pour le 5° dimanche de Carême / Année A

Dimanche 10 Avril 2011

 

Flash-post sur le parfum

Dans ce récit de la résurrection de Lazare, Jean a recours à un curieux procédé littéraire, symétrique du flash-back au cinéma. Il fait en quelque sorte une avance sur image, un flash-post et précise que Marie, la soeur de Lazare, versera du  parfum odoriférant lors de l’onction à Béthanie qui débutera la Semaine Sainte de Jésus en Jn 12.

Pourquoi ?

Sans doute à cause de l’odeur du parfum que Marie versera sur les pieds de Jésus. Le contraste entre le nard  précieux et la senteur fétide du cadavre est si fort qu’il ne peut pas ne pas être voulu.

Une puanteur de 4 jours dans Communauté spirituelle- Le corps de Lazare sent la mort.

- Le corps de Jésus sera oint d’un parfum de grand prix.


- Jésus fait ouvrir le tombeau en roulant la pierre, et la puanteur de la décomposition s’échappe au nez de la foule.

- Marthe ouvrira le flacon de parfum, et « toute la pièce en est remplie ».

 

- Lorsque coulent des larmes de Jésus, des témoins de la scène protestent (v37) contre le gaspillage de temps (v6) qui du coup n’a pas empêché Lazare de mourir.

- Judas protestera contre le gaspillage d’argent que représentera le geste de Marie.

 Lazare dans Communauté spirituelle

 

Marie-parfum / Marthe-senteur

Bizarrement, ce flash-post ne mentionne que pour Marie le lien de famille avec Lazare, alors que Marthe est également sa soeur (11,2) ! Le rédacteur signale ainsi que Marie est du côté du parfum de vie, alors que Marthe est liée à l’odeur de mort (v39). Le verset 45 ne mentionne à nouveau Marie comme soeur de Lazare qu’à la fin de l’épisode.

 

Dure discrimination entre Marie et Marthe, que Jésus aime pourtant toutes les deux (v5).

 

Cette différenciation sur l’odeur n’est donc pas anodine : la figure de Marthe ici sert d’avertissement pour tous ceux qui se laisseraient fasciner par le morbide, par ce qui se décompose, par ce qui va du côté de la mort.

Les déclinologues en tout genre se reconnaîtront dans cette figure…

Hélas, cette tendance morbide est toujours à l’oeuvre, individuellement et collectivement.

À l’inverse, la figure de Marie sert d’invitation à dilater le parfum de vie à toutes les pièces de nos existences, jusqu’à les remplir de « la bonne odeur du Christ ».

 

Les quatre jours

Pourquoi alors insister sur le caractère affreux de l’état du cadavre avec la précision des quatre jours ? ! On se croirait à un épisode de la série « Les Experts », qui vont passer le cadavre au crible et faire parler la chair décomposée.

 

v 17 : Jésus, étant arrivé, trouva que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le sépulcre.

v 39 : Marthe, la soeur du mort, lui dit: Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là.

 

Plusieurs hypothèses sont possibles.

- Une croyance populaire de l’époque décrivait l’âme du défunt tournant autour du corps, tant qu’elle peut le reconnaître. Après quatre jours, quand le visage se décompose, l’âme quittait pour toujours ? pensait-on – les alentours de la tombe.

 

- Trois jours, c’est la durée de la résurrection dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau. Après trois jours donc, normalement, « c’est plié », c’est impossible.

 

Mais rien n’est impossible à Dieu !

Même lorsque la mort paraît avoir gagné à ce point, ce n’est pas encore fini. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » là où n’y avait plus d’espoir.

Car lorsqu’il n’y a plus d’espoir humain, il y a encore l’espérance (à la manière de Dieu).

Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s’exercer, il n’empêche ni la pourriture ni l’odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l’engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu’on voie bien que ce qui va se passer est l’oeuvre de Dieu, non de l’homme. Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu’à ce qu’il puisse l’annoncer lui-même et déclarer qu’il ira vers lui (saint Pierre Chrysologue : sermon LXIII).

 

« Sors ! »

L’ordre du Christ est extraordinairement efficace pour nous sortir de nos « 4 jours », de notre fascination pour les odeurs de mort, de nos reproches envers le silence de Dieu devant notre détresse.

 

« Sors ! » : cet ordre est salutaire.

C’est la voix du Maître, l’ordre du Roi, le commandement du Souverain : « Sors ! » Dépose la corruption et retrouve ta peau dans l’incorruption : « Lazare, sors ! » Que les Juifs sachent que l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et vivront : « Sors ! » La pierre d’achoppement est ôtée, avance vers moi qui t’appelle : « Sors ! » Je m’adresse à toi comme un ami, mais je t’ordonne comme un maître : « Sors ! » Moi qui fais lever du tombeau un mort de quatre jours, les Juifs sauront qu’à bien plus forte raison je ressusciterai moi-même après trois jours, si je dois goûter à la mort : « Lazare, sors ! » La mort n’est pas une fin. Sors enveloppé de bandelettes et entouré d’un suaire, que les Juifs ne croient pas ta mort simulée. Ils verront tes mains et tes pieds liés, tes yeux recouverts ; qu’ils ne restent pas incrédules devant ce miracle : « Sors ! » L’odeur fétide de ton corps sera le garant de ce que tu es bien revenu à la vie. Les Juifs délieront eux-mêmes les bandelettes qui t’entourent, et reconnaîtront celui qu’ils avaient déposé dans le tombeau : « Sors ! » Recouvre la vie, reprends haleine et marche hors de ton cercueil. Montre comment, en un instant, les morts se retrouvent avec un corps entièrement animé, au son de l’ultime trompette de la résurrection générale des morts : « Sors ! »(saint André de Crète : Discours VIII sur Lazare le mort de quatre jour).

 

·       Quels sont les tombeaux dans lesquels une partie de nous-mêmes est prisonnière, comme le corps de Lazare enserré de bandelettes ?

Quelles sont nos fascinations pour ce qui se décompose ?

Où aller respirer le parfum de vie de Marie ?

Qu’avons-nous enfoui depuis plus de « 4 jours » ?

Pourquoi ne pas croire que Dieu a le pouvoir en Jésus-Christ de réveiller nos Lazares perdus ?

 

 

Résurrection de Lazare

 

Jean  11  1  Il y avait un homme malade, Lazare, de Béthanie, village de Marie et de Marthe, sa soeur.  2  C’était cette Marie qui oignit de parfum le Seigneur et qui lui essuya les pieds avec ses cheveux, et c’était son frère Lazare qui était malade.  3  Les soeurs envoyèrent dire à Jésus: Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade.  4 Après avoir entendu cela, Jésus dit: Cette maladie n’est point à la mort; mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle.

  5 Or, Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare.

  6 Lors donc qu’il eut appris que Lazare était malade, il resta deux jours encore dans le lieu où il était,  7 et il dit ensuite aux disciples: Retournons en Judée.  8 Les disciples lui dirent: Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée!

  9 Jésus répondit: N’y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu’un marche pendant le jour, il ne bronche point, parce qu’il voit la lumière de ce monde;

  10 mais, si quelqu’un marche pendant la nuit, il bronche, parce que la lumière n’est pas en lui.

  11  Après ces paroles, il leur dit: Lazare, notre ami, dort; mais je vais le réveiller.  12  Les disciples lui dirent: Seigneur, s’il dort, il sera guéri.  13  Jésus avait parlé de sa mort, mais ils crurent qu’il parlait de l’assoupissement du sommeil.  14 Alors Jésus leur dit ouvertement: Lazare est mort.  15 Et, à cause de vous, afin que vous croyiez, je me réjouis de ce que je n’étais pas là. Mais allons vers lui.  16 Sur quoi Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples: Allons aussi, afin de mourir avec lui.

  17  Jésus, étant arrivé, trouva que Lazare était déjà depuis quatre jours dans le sépulcre.  18 Et, comme Béthanie était près de Jérusalem, à quinze stades environ,  19  beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère.  20  Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie se tenait assise à la maison.  21  Marthe dit à Jésus: Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.  22 Mais, maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera.  23 Jésus lui dit: Ton frère ressuscitera.  24 Je sais, lui répondit Marthe, qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour.

  25 Jésus lui dit: Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort;

  26 et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela?

  27 Elle lui dit: Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde.

  28  Ayant ainsi parlé, elle s’en alla. Puis elle appela secrètement Marie, sa soeur, et lui dit: Le maître est ici, et il te demande.  29 Dès que Marie eut entendu, elle se leva promptement, et alla vers lui.  30 Car Jésus n’était pas encore entré dans le village, mais il était dans le lieu où Marthe l’avait rencontré.  31  Les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison et qui la consolaient, l’ayant vue se lever promptement et sortir, la suivirent, disant: Elle va au sépulcre, pour y pleurer.

  32 Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus, et qu’elle le vit, elle tomba à ses pieds, et lui dit: Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort.  33   Jésus, la voyant pleurer, elle et les Juifs qui étaient venus avec elle, frémit en son esprit, et fut tout ému.  34 Et il dit: Où l’avez-vous mis? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois.  35 Jésus pleura.  36 Sur quoi les Juifs dirent: Voyez comme il l’aimait.  37 Et quelques-uns d’entre eux dirent: Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point?  38  Jésus frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au sépulcre. C’était une grotte, et une pierre était placée devant.  39 Jésus dit: Ôtez la pierre. Marthe, la soeur du mort, lui dit: Seigneur, il sent déjà, car il y a quatre jours qu’il est là.  40 Jésus lui dit: Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?

  41 Ils ôtèrent donc la pierre. Et Jésus leva les yeux en haut, et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.

  42  Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais j’ai parlé à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.

  43  Ayant dit cela, il cria d’une voix forte: Lazare, sors!  44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit: Déliez-le, et laissez-le aller.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

12 juin 2010

Chassez les mauvaises odeurs !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Chassez les mauvaises odeurs !

 

Homélie du 11° Dimanche du temps ordinaire / Année C

13/06/2010.

 

Quand mettons-nous du parfum sur notre corps ?

Dans l’Antiquité, lorsque l’hygiène était moins accessible et régulière, l’utilité première du parfum était de cacher des odeurs corporelles pour le moins gênantes… Cette utilité physiologique est toujours à la base du réflexe du déodorant du matin : le spray sous les aisselles, le stick large sur le torse doivent assurer une « protection » rapprochée – comme disent les publicités ! – pour toute la journée de travail. Afin de ne pas sentir mauvais, tout simplement.

 

Très vite, le parfum a été utilisé en même temps pour séduire. Sans connaître encore la puissance des phéromones, hommes et femmes ont su que la communication entre eux passe également par le nez : les odeurs expriment l’appartenance à un groupe (pêcheurs ou carnivores, forêts ou savanes…), la subtilité d’un arôme a pour effet d’attirer ou de repousser… Le roman de Patrick Süskind : « le parfum » a immortalisé l’extraordinaire importance sociale du lien olfactif. Pas de sentiment amoureux, pas de collaboration de groupe (pensez aux effluves dans le vestiaire d’une équipe sportive !), pas d’amitié ou de travail sans une communication olfactive, d’autant plus efficace qu’elle souvent inconsciente.

 

Cela peut-il éclairer le geste étonnant de cette femme (souvent confondue d’ailleurs  avec la Marie-Madeleine de Lc 8,2) dans notre page d’évangile ?

 

Elle répand du parfum, non pas sur son propre corps, mais sur le corps d’un autre. Comme c’est une « pécheresse » (une prostituée ? Pas sûr, ce n’est pas dit), ce geste est doublement scandaleux : elle est impure et ose toucher un juif, quitte à le rendre impur lui aussi. Et elle fait un geste terriblement ambigu et lourd de sens inconscient, à tel point que Simon le pharisien est paralysé et n’ose rien dire, alors qu’il n’en pense pas moins.

 

En fait, c’est à un véritable lavement des pieds au cours d’un repas auquel cette femme procède. On ne peut s’empêcher de voir en elle la figure de Jésus, lui-même identifié au péché (« il a été fait péché pour nous » 2 Co 5,21), lavant les pieds de l’autre Simon, le disciple, qui en est scandalisé (Jn 13).

Le parallélisme entre les deux scènes est trop fort pour ne pas voir en cette femme l’accomplissement de la figure du Christ lavant les pieds de ses disciples : « vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14).

La première à mettre en oeuvre cette attitude du lavement des pieds, c’est cette femme, pécheresse.

Avec ses larmes et ses cheveux, elle lave et essuie les pieds de Jésus. Avec sa bouche, elle les embrasse (on comprend que cette affection débordante ait  troublé Simon !), alors que c’est par un autre baiser que Judas a trahi le fils de l’homme. Et ensuite, elle répand du parfum sur ses pieds.

 

Les autres évangélistes raconteront la scène avec chacun sa propre interprétation. Matthieu y voit l’annonce des rites funéraires d’embaumement que les femmes feront sur le corps de Jésus : cette femme est ainsi prophète de la mort et de la résurrection du Christ (Mt 26,6-13).

Marc reprend cette lecture, en insistant sur le scandale économique du gaspillage d’un parfum très cher (Mc 14,3-18).

Jean oppose plus nettement encore le geste de cette femme (identifié par lui à Marie, soeur de Lazare) à celui de Judas. Il insiste également sur la diffusion de cette essence rare : « la maison fut remplie de ce parfum » (Jn 12,3).

 

Luc visiblement ne durcit pas l’opposition avec Judas. Et s’il mentionne l’argent, ce n’est pas pour dénoncer le gaspillage, mais pour louer la remise de dettes, grâce à la  petite parabole des deux débiteurs qui devaient beaucoup d’argent et peu d’argent.

Luc insiste sur le lien entre le parfum et la miséricorde : « si ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c’est parce qu’elle a montré beaucoup d’amour ».

 

Il flotte donc comme un parfum de miséricorde dans ce geste odoriférant.

Comme le parfum cache et chasse des mauvaises odeurs corporelles qui gênent la relation avec autrui, le pardon recouvre « ce qui sent mauvais » dans nos vies, mieux que le désodorisant du matin sous les aisselles…

Comme le parfum rend un corps séduisant, désirable, attirant, la miséricorde renouvelle le désir d’être uni au Christ.

L’onction d’huile parfumée faite au baptême ou à la confirmation sur le corps du catéchumène (la chrismation) rappelle ce geste de la femme pécheresse : le corps du Christ, auquel le baptisé-confirmé est uni, irradie d’une fragrance qui le rend  désirable ; et « la maison tout entière est remplie de son parfum », c’est-à-dire que « la bonne odeur du Christ » (2 Co 2,15 ; Ph 4,18) se répand dans l’univers entier à travers le témoignage des baptisés.

 

La miséricorde est le moment où le flacon de parfum est ouvert pour être répandu.

 

Quelle odeur émane de nos comportements (on dit bien que la sainteté en a une) ?

Flotte-t-il dans nos journées comme un parfum de miséricorde ?

Ai-je le nez assez fin pour détecter les parfums d’Évangile que les rencontres d’aujourd’hui vont diffuser à mon égard ?

Comment éduquer mon « odorat intérieur » pour me laisser attirer par le parfum de la miséricorde, plus sûrement que par N°5 de Chanel ou « l’Instant » de Guerlain ?

Deuxième livre de Samuel 12,7-10.13. 
Alors Nathan dit à David : « Cet homme, c’est toi ! Ainsi parle le Seigneur Dieu d’Israël : Je t’ai sacré roi d’Israël, je t’ai sauvé de la main de Saül, 
puis je t’ai donné la maison de ton maître, je t’ai donné les épouses du roi ; je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda et, si ce n’est pas encore assez, j’y ajouterai tout ce que tu voudras. 
Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l’épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l’as prise pour femme ; lui, tu l’as fait périr par l’épée des fils d’Ammon. 
Désormais, l’épée ne cessera plus de frapper ta maison, pour te punir, parce que tu m’as méprisé et que tu as pris la femme d’Ourias le Hittite pour qu’elle devienne ta femme. 
David dit à Nathan : « J’ai péché contre le Seigneur ! » Nathan lui répondit : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas. 

Psaume 32(31),1-2.5.7.11. 
Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! 
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est sans fraude ! 
Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts. J’ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » Et toi, tu as enlevé l’offense de ma faute. 
Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse ; de chants de délivrance, tu m’as entouré. 
Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre allégresse ! 

Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 2,16.19-21. 
Frères, nous le savons bien, ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ pour devenir des justes par la foi au Christ, mais non par la pratique de la loi de Moïse,car personne ne devient juste en pratiquant la Loi. 
Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ) j’ai cessé de vivre pour la Loi afin de vivre pour Dieu. Avec le Christ, je suis fixé à la croix : 
je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. 
Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien. 

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 7,36-50.8,1-3. 
Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. 
Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. 
Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum. 
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » 
Jésus prit la parole : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Parle, Maître. » 
Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante. 
Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l’aimera davantage ? » 
Simon répondit : « C’est celui à qui il a remis davantage, il me semble. – Tu as raison », lui dit Jésus. 
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. 
Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n’a pas cessé d’embrasser mes pieds. 
Tu ne m’as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m’a versé un parfum précieux sur les pieds. 
Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » 
Puis il s’adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 
Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » 
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! » 
Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l’accompagnaient, 
ainsi que des femmes qu’il avait délivrées d’esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons), 
Jeanne, femme de Kouza, l’intendant d’Hérode, Suzanne, et beaucoup d’autres, qui les aidaient de leurs ressources.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , ,