L'homélie du dimanche (prochain)

30 juin 2019

Je voyais Satan tomber comme l’éclair

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Je voyais Satan tomber comme l’éclair

Homélie pour le 14° Dimanche du temps ordinaire / Année C
07/07/2019

Cf. également :

Secouez la poussière de vos pieds
Les 72
Briefer et débriefer à la manière du Christ
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »

Bigre ! Revoilà Satan, que la modernité avait cru évacuer à grand renfort de démythologisation. Il y a bien l’Exorciste, Amityville, Annabelle et tout autre film terrifiant que les effets spéciaux rendent de plus en plus efficaces ; mais c’est du cinéma. Il y a certes les soi-disant marabouts venus d’Afrique ou d’ailleurs qui pullulent pour exploiter la misère sociale en promettant force désenvoûtements et autres « travaux occultes ». Mais globalement, Satan n’a plus guère de place dans la culture ambiante, ni dans la foi des catholiques non plus.

Comment recevoir alors la désignation du combat que les démons eux-mêmes attribuent à Jésus : « Tu es venu pour nous perdre » (Lc 4,34).
Comment interpréter la joie de Jésus félicitant les 72 comme après une victoire : « je voyais Satan tomber comme l’éclair » (Lc 10,18) ?

Il se trouve que ce verset est également le titre d’un livre de René Girard, célèbre anthropologue français ayant enseigné aux USA, mort en 2015. René Girard propose une lecture originale et séduisante de cette déclaration de Jésus. Essayons d’en préciser les grandes lignes pour en tirer quelques pistes d’actualisation de notre évangile (Lc 10, 1-20).

Si Satan tombe comme l’éclair du ciel vers la terre grâce à la mission de 72, c’est parce que les disciples en annonçant le Royaume de Dieu désamorcent le cercle proprement infernal de la violence (notons au passage que les 72 le font… avant les 12 !).

En effet, d’où vient la violence ? Pour René Girard, s’appuyant sur le Décalogue (commandement 6 à 10 : « tu ne convoiteras pas… »), la violence vient essentiellement du désir mimétique, de la convoitise de ce qui appartient à autrui, de l’envie d’être l’autre. En convoitant ce qu’il a et ce qu’il est, le désir mimétique fait naître et grandir une violence meurtrière : prendre la place de l’autre.

Je voyais Satan tomber comme l'éclair dans Communauté spirituelle 10.%2BTu%2Bne%2Bconvoiteras%2Bpas%2Ble%2Bbien%2Bdes%2BautresLe bien d’autrui est désirable justement en cela qu’il est à autrui. Le désir devient infernal lorsqu’il est mimétique : vouloir, à travers la possession de l’objet appartenant à l’autre, devenir l’autre lui-même, à sa place (désir de la marchandise, pour parler le langage contemporain). Donc désir qui, par nature, est homicide dans son principe : désirer être l’autre, c’est déjà vouloir le tuer. « Homicide dans son principe » est la définition biblique de Satan. Satan, nous dit Girard, c’est justement tout le cycle mimétique dans son ensemble.

Cette prolifération de la violence culmine en une crise généralisée dangereuse pour tous. La seule issue est alors celle du bouc émissaire : trouver une victime et lui faire porter tout le poids du désordre, l’exclure pour exclure ainsi la violence, du moins pour un temps. Des sacrifices humains aztèques à la tentative de sacrifice d’Isaac jusqu’aux pogromes ou autres lynchages racistes, les rites païens essaient de réguler la violence mimétique en désignant un coupable à éliminer.

Image illustrative de l’article Bouc à AzazelLes rites juifs ont transformé cette logique en ne supprimant pas le bouc émissaire, mais en le chassant au désert « pour Azazel » après avoir prononcé sur lui un rite d’absolution (Lv 16). Pour les pèlerins musulmans, c’est la lapidation d’un pilier représentant le grand Satan qui lors du pèlerinage à la Mecque (le hadj) en sera une résurgence.

Le christianisme quant à lui reconnaît en Jésus la victime innocente, injustement condamnée pour soi-disant sauver le peuple : « il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple » (Jn 11,50 ; 18,14). En prenant le parti des victimes, en refusant que l’innocent soit déclaré coupable, en dévoilant la convoitise à la racine de la violence, les disciples de Jésus révèlent au grand jour ce qui devait rester caché pour exercer son emprise. Il prive ainsi Satan de son pouvoir sur des hommes.
« C’est maintenant le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors. » (Jn 12,31)
« Qui commet le péché est du diable, parce que depuis l’origine le diable est pécheur. C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu » (1 Jn 3,8).
« Il est vaincu l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12,10).

C’est par l’Esprit de Dieu que Jésus défait Satan. « Si c’est par l‘Esprit de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Mt 12,28). René Girard explique ce pouvoir libérateur de l’Esprit par son autre nom, le Paraclet :

J’ai commenté ce terme dans d’autres essais mais son importance pour la signification de ce livre est si grande que je dois y revenir. Le sens principal de parakleitos, c’est l’avocat dans un tribunal, le défenseur des accusés. Au lieu de chercher des périphrases, des échappatoires, dans le but d’éviter cette traduction, il faut la préférer à toutes les autres, il faut s’émerveiller de sa pertinence. Il faut prendre à la lettre l’idée que l’Esprit éclaire les persécuteurs sur leurs propres persécutions. L’Esprit révèle aux individus la vérité littérale de ce qu’a dit Jésus pendant sa crucifixion : « Ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il faut songer aussi à ce Dieu que Job appelle : « mon Défenseur ».
La naissance du christianisme est une victoire du Paraclet sur son vis-à-vis, Satan, dont le nom signifie originairement l’accusateur devant un tribunal, celui qui est chargé de prouver la culpabilité, des prévenus. C’est une des raisons pour lesquelles les Évangiles font de Satan le responsable de toute mythologie.
Que les récits de la Passion soient attribués à la puissance spirituelle qui défend les victimes injustement accusées correspond merveilleusement au contenu humain de la révélation, tel que le mimétisme permet de l’appréhender.

Il est intéressant de noter que Satan n’est pas défini en lui-même, mais par sa fonction : accuser l’homme, ou par sa chute comme l’éclair.
Cette révélation du ressort mimétique de la violence est en marche avec les 72 bien avant la Croix. Avec la Passion-Résurrection, cette dénonciation de la convoitise conduisant au bouc émissaire s’incarnera au plus haut point en Jésus de Nazareth. Il est, lui, l’innocent, que tous comptent parmi les pécheurs. Il est condamné pour les coupables alors qu’il n’a jamais rien fait de mal. En ce sens il est l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. En le faisant se lever d’entre les morts, Dieu apporte sa caution à cette dénonciation du désir mimétique. Il appose son sceau à l’œuvre de dévoilement opéré par cet obscur prophète éliminé pour maintenir la paix à Jérusalem.

Voilà pourquoi Satan tombe comme l’éclair, rapidement et avec puissance, de la terre au ciel : sa chute est la conséquence de la prédication de l’Évangile où l’humilité, l’esprit de pauvreté et l’amour des ennemis désarment l’envie et la violence qui dressent des hommes les uns contre les autres. D’ailleurs, notre passage insiste sur cet esprit de non-possession qui va triompher de Satan : « Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales ». Lorsqu’on ne veut rien posséder, l’autre n’est pas une menace. Lorsqu’on veut aimer l’autre comme soi-même, ni plus ni moins, la tentation de la violence s’efface devant la reconnaissance de l’autre. Le désir mimétique s’évanouit devant le désir de communion. Chaque fois que les Églises se sont éloignées de cet esprit de pauvreté – et ce fut souvent ! – elles sont elles-mêmes tombées dans le piège de Satan et ont généré une violence en complète contradiction avec leur message évangélique.

En demandant aux 72 d’être « comme des agneaux au milieu des loups », Jésus brise le ressort infernal de la violence : la non-violence répondra à la violence, le pardon à l’offense, le don au vol, la bénédiction à la persécution.

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En leur demandant de ne rien posséder comme lui-même n’a ni terrier ni pierre où poser la tête (Lc 9,58), Jésus prive Satan du levier par lequel il soulève les antagonismes entre les hommes. La cupidité des riches n’a pas de limites (cf. l’affaire Carlos Gohsn !). Seul un cœur de pauvre peut extirper cette volonté folle de posséder et d’amasser sans cesse.

Même le geste si fort de secouer la poussière de ses pieds en cas de non-accueil coupe l’herbe sous le pied à la violence : en refusant de s’imposer par la force, en ne sacrifiant pas la vérité à la concorde, en s’éloignant des violents sans pour autant fermer la porte pour toujours.

Reconnaître en Satan le mimétisme violent, c’est achever de discréditer le prince de ce monde, c’est parachever la démystification évangélique, c’est contribuer à cette « chute de Satan » que Jésus annonce aux hommes avant sa crucifixion. La puissance révélatrice de la Croix dissipe les ténèbres dont le prince de ce monde ne peut pas se passer pour conserver son pouvoir.

Satan tombe comme l’éclair du ciel vers la terre. C’est donc que sur terre il n’a pas fini de faire des dégâts… Il est potentiellement vaincu, mais pas encore pleinement. Il faudra attendre la manifestation du Christ en gloire pour que cette victoire soit totale, un peu comme il a fallu attendre le 8 mai 1945 après le 6 juin 1944, entre débarquement et armistice, entre D-Day et triomphe final.

Et nous, à la suite des 72, comment allons-nous couper court à la violence en nous et autour de nous ?
Comment allons-nous désarmer Satan et le faire
« chuter comme l’éclair » ?
Si la racine du péché est la convoitise comme l’écrit Jacques :
« chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’amorce et l’entraîne. Ensuite la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché, et le péché, lorsqu’il est consommé, engendre la mort » (Jc 1,14-15), alors le remède est simple : cesser de se comparer, cesser de convoiter, se réjouir de ce que l’autre a sans l’envier, se réjouir de ce que l’autre est sans le jalouser. Ce qui n’empêche nullement de se battre contre les structures d’un système injuste. Au contraire, car le combat est alors pur de toute recherche égoïste. La recherche du bien commun demande en effet des cœurs libres de tout attachement excessif.

Travaillons sur nous-mêmes afin d’étouffer dans l’œuf la violence infernale du désir mimétique qui pollue notre carrière professionnelle, nos relations familiales, notre vie spirituelle…

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66, 10-14c)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez !
Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. Car le Seigneur le déclare : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. » Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.

Psaume
(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur !
(cf. Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,

ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.

Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;
Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

Deuxième lecture
« Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus » (Ga 6, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates

Frères, pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Ce qui compte, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter, car je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.

Évangile
« Votre paix ira reposer sur lui » (Lc 10, 1-12.17-20)
Alléluia. Alléluia.
Que dans vos cœurs, règne la paix du Christ ; que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse. Alléluia. (Col 3, 15a.16a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : ‘Le règne de Dieu s’est approché de vous.’ » Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.’ Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Les 72 disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »

Patrick BRAUD

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27 avril 2016

Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous

 

Homélie du 6° Dimanche de Pâques / Année C
01/05/2016

Cf. également :

L’Esprit et la mémoire

La gestion des conflits

 

L’Esprit, mon avocat

Afficher l'image d'origineAvez-vous déjà eu recours à un avocat ? Que ce soit pour un divorce, un litige professionnel, une affaire judiciaire ou autre, avoir un avocat à ses côtés change bien des choses. Car le Code civil (comme le Code du travail !) est si complexe que seul un professionnel peut en débrouiller les lignes pour y repérer vos droits. Car la machine accusatrice est si violente que y répondre seul équivaut à se jeter dans la gueule du loup. Car sans avocat pas de contestation possible, ni de défense réellement construite. Évidemment, cette aide coûte cher, très cher. Et les avocats commis d’office ne garantissent pas la même qualité de travail.

Notre évangile de ce dimanche nous promet un avocat gratuit, et le meilleur ténor du barreau ! Jésus sait que les chrétiens vont être en procès dans le monde, pour longtemps. Lui-même va expérimenter devant Caïphe puis Pilate qu’un accusé seul est déjà condamné. Alors il rassure ses disciples à l’avance : oui, vous serez mis en accusation, mais près de vous se tiendra le Paraclet, l’Esprit saint, votre avocat devant les hommes.

Le terme de Paraclet n’est employé que quatre fois dans toute la Bible (Jn 14, 16.26. ; 15,26 ; 16,7), et uniquement par Jean. Sans doute parce que c’est le plus tardif des évangiles (écrit vers 90), au moment où les persécutions éclatent partout et où les juifs comme les païens risquent leur vie à demander le baptême.

L’étymologie explique pourquoi le Paraclet est souvent traduit par avocat : para-kletos (en grec) = être appelé aux côtés de quelqu’un = ad-vocatus = avocat (en latin).

L’Esprit que promet Jésus est donc celui qui se tient à nos côtés pour nous défendre lorsque que le monde nous prend en haine. C’est vraiment le soutien dont nous avons besoin pour ne pas perdre coeur devant les accusations antichrétiennes.

Jésus avait précisé ce rôle de conseiller que joue l’Esprit :

« On portera la main sur vous, on vous persécutera, on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous traduira devant des rois et des gouverneurs à cause de mon Nom, et cela aboutira pour vous au témoignage. Mettez-vous donc bien dans l’esprit que vous n’avez pas à préparer d’avance votre défense : car moi je vous donnerai un langage et une sagesse, à quoi nul de vos adversaires ne pourra résister ni contredire » (Lc 21, 12-15)

Nombre de martyrs chrétiens témoignent de cette sagesse inspirée lorsqu’ils répondent tranquillement à leurs bourreaux. Leurs interrogatoires sont remplis de ces défenses provenant directement de l’Esprit.

Ainsi Jeanne d’Arc devant ses juges :

   «- êtes-vous en état de grâce
- si j’y suis, Dieu m’y garde ; si je n’y suis pas, Dieu m’y mette.»

Ainsi Kisito et Charles Lwanga devant leurs tortionnaires ougandais : « Tu me brûles, dit Charles, mais c’est comme si tu versais de l’eau pour me laver ! »

Ainsi Blandine et les martyrs de Lyon : « Après les fouets, les bêtes, le gril, elle fut mise dans un filet et livrée à un taureau. Plusieurs fois projetée en l’air par l’animal, elle n’avait plus le sentiment de ce qui se passait tant elle était prise par son espérance et son entretien avec le Christ… Les corps des martyrs furent exposés aux injures de l’air pendant plusieurs jours. Ensuite on les brûla. Les cendres furent balayées jusqu’au Rhône. »

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Ainsi le vieillard Ignace d’Antioche : « Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : c’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu. Je suis le froment de Dieu et je suis moulu par, la dent des bêtes pour devenir le pain immaculé du Christ. »

 

Si nous croyons que réellement l’Esprit saint est à nos côtés pour défendre la foi au Christ, alors nous ferons l’expérience de cette source d’inspiration qui viendra naturellement mettre sur nos lèvres les paroles et les arguments qui conviennent.

 

Le Paraclet et l’Église

Le mot Église vient lui aussi du verbe grec kaleo = appeler au-dehors. Les membres de l’Église (ekkletoï) sont donc ceux qui sont appelés à sortir d’eux-mêmes, pour se laisser rassembler au-dehors.

Paraclet (para-kletos) et Église (ek-klèsia) sont très proches en grec. L’un est à nos côtés et l’autre nous rassemble en nous appelant hors de nous-mêmes. Dans le credo, nous proclamons notre confiance dans l’Église (credo Ecclesiam) est la conséquence de notre foi en l’Esprit saint (credo in Spiritum sanctum). C’est bien parce que l’Esprit mène l’Église que nous pouvons compter sur elle. Son rôle devrait être de permettre à chacun de faire l’expérience de l’Esprit saint : être soutenu, défendu, consolé par Dieu lui-même.

pentecote-vitrail- Taizé

Concrètement, c’est à travers la prière fraternelle, la solidarité paroissiale, l’accueil gratuit et chaleureux que nos communautés d’Église doivent faciliter et manifester le travail de l’Esprit saint en chacun. Sans Paraclet, pas d’Église. Et si l’Église n’est pas ouverte à l’action de l’Esprit saint en elle, alors mieux vaut ne pas avoir d’Église…

 

Le Paraclet et Mohamed

Curieusement, bon nombre de musulmans s’appuient sur une fausse traduction de notre évangile de Jean 14 pour faire annoncer à Jésus la venue du prophète Mohammed.

En effet, il est écrit dans la Sourate du Rang (Al Saff) 61.6, de l’an 3 de l’Hégire :

 » Et quand Jésus fils de Marie dit : O Enfants d’Israël, je suis vraiment un messager de Dieu à vous… annonciateur d’un messager à venir après moi dont le nom sera AHMAD.
Puis celui-ci vient à eux avec des preuves, ils disent : C’est de la magie manifeste ! « 

En arabe, les noms aHMaD (plus loué) et muHaMmaD (très loué) ont le même radical et des sens voisins. Voilà la raison pour laquelle les musulmans affirment que ce texte est une prophétie à peine voilée, faite par Jésus et s’accomplissant en Muhammad.

À l’évidence, il n’existe pas dans les évangiles une telle prophétie. Il a donc fallu poursuivre des investigations plus poussées au cours des années. Quelques musulmans ont alors essayé de changer les voyelles du mot Parakletos ( a-a-e-o) avec celles du mot periklytos (e-i-y-o). Or Ahmad ou Muhammad = « le Loué », sont des traductions du mot grec periklytos. Parakletos serait donc une lecture corrompue de periklytos, si bien que les paroles originales de Jésus en Jn 14 étaient une annonce prophétique de la venue de Muhammad, que les chrétiens auraient dissimulé en trafiquant l’écriture grecque…

Mais il faut savoir qu’en grec, et contrairement à l’arabe, toutes les voyelles s’écrivent dans le texte. Par conséquent, pour changer parakletos en periklytos, il faut altérer trois lettres écrites. De plus il n’existe aucune preuve textuelle d’une telle lecture. Aucune copie de l’évangile de Jean, depuis la plus ancienne qui remonte à l’an 200 environ, jusqu’aux plus récentes, ne possède le mot periklytos la place du mot parakletos. Le mot periklytos ne repose donc sur aucune justification textuelle ou linguistique.

Et voilà comment un tour de passe-passe permet de faire croire que Mohamed est en fait le véritable Paraclet promis par Jésus dans l’Évangile ! Évidemment, ce genre d’altération est très difficile à suivre, et pas seulement s’il faut changer trois voyelles qui en grec sont pourtant bien présentes dans tous les manuscrits (à la différence de la langue ancienne du Coran qui elle ne comporte pas de voyelles).

Jésus et Mohammed

Oeuvre tirée d’un ouvrage persan du XIVe siècle expliquant la vie des prophètes (« qisas al-anbiya »).
 La vision du prophète Isaïe :
Jésus (que l’islam considère comme un prophète) 
et Mahomet chevauchant côte à côte.
Manuscrit iranien du IXe siècle de l’Hégire (XVIe siècle)

Le débat est-il anecdotique ?

Pas tant que cela, car le Jésus du Coran n’a pas grand-chose à voir avec celui du Nouveau Testament. Il ne serait pour la tradition musulmane qu’un prophète de l’islam, dont les chrétiens auraient falsifié la vie et le message après coup.

Après les persécutions romaines ou les accusations des maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud), les procès intentés aux chrétiens le sont aujourd’hui par les musulmans. Et pas seulement avec des kalachnikovs hélas. Avec également des arguments idéologiques dont les chrétiens peuvent et doivent démontrer l’inexactitude historique, scientifique, et l’incompatibilité profonde avec la foi au Christ. Là encore, ils peuvent s’appuyer sur l’Esprit saint pour assurer leur défense paisiblement, sans violence ni haine, devant leurs accusateurs.

 

Le Paraclet n’a donc pas fini de nous être précieux, aujourd’hui comme hier !

Si le Christ  nous l’a promis, si la Pentecôte l’a répandu en plénitude sur l’Église, alors n’ayons pas peur de faire appel a lui pour être notre avocat lorsque notre foi est mise en accusation d’une manière ou d’une autre.

 

 

1ère lecture : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci qui s’imposent » (Ac 15, 1-2.22-29)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

 En ces jours-là, des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. Les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude, appelé aussi Barsabbas, et Silas. Voici ce qu’ils écrivirent de leur main : « Les Apôtres et les Anciens, vos frères, aux frères issus des nations, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut ! Attendu que certains des nôtres, comme nous l’avons appris, sont allés, sans aucun mandat de notre part, tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, nous avons pris la décision, à l’unanimité, de choisir des hommes que nous envoyons chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Bon courage ! »

Psaume : Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8

R/ Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble ! ou : Alléluia. (Ps 66, 4)

Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse,
que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
tu gouvernes les peuples avec droiture,
sur la terre, tu conduis les nations.

La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : « Il me montra la Ville sainte qui descendait du ciel » (Ap 21, 10-14.22-23)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange. En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau.

Evangile : « L’Esprit Saint vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 23-29)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia. (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »
Patrick BRAUD

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3 mai 2013

L’Esprit et la mémoire

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L’Esprit et la mémoire

Homélie du 6°dimanche de Pâques / Année C
05/05/2013

Dans l’évangile de Jean, l’Esprit Saint est intimement lié à deux fonctions essentielles de la vie chrétienne : le pardon et la mémoire.

Le pardon y apparaît comme un fruit de l’Esprit répandu sur les disciples lors de l’équivalent de la Pentecôte chez Jean, lorsque Jésus nécessité « souffle » à ses disciples le pouvoir de pardonner : « il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » » (Jn 12,22-23)

La mémoire quant à elle apparaît clairement liée à l’envoi de l’Esprit Saint par le Père lui-même : « il vous enseignera tout, il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». (Jn 14,26)

Attardons sur ce deuxième effet spirituel qui est au coeur de la page d’évangile de ce Dimanche : l’Esprit et le souvenir.

 

Du travail de mémoire

Si le Christ nous promet l’Esprit Saint au secours de notre mémoire, c’est donc que naturellement, par nous-mêmes, nous avons du mal à nous souvenir. Notre mémoire sélectionne à notre insu, fait un tri dont la clé nous échappe. Il suffit d’écouter les personnes âgées raconter leur vie pour deviner ce qui n’est pas dit… La même mésaventure est arrivée aux disciples de Jésus alors qu’ils étaient encore à ses côtés. Comme le dit la sagesse populaire, ses paroles sont bien souvent rentrées par une oreille et sorties par l’autre !

Jésus est donc obligé de les faire souvenir de ses paroles et de ses actes, pour les aider à comprendre ce qui leur arrive.

Ainsi devant le choc des persécutions qui s’annoncent : « Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront ; s’ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi ils la garderont. » (Jn 15,)

Au lieu du Messie glorifié devant tous, voilà que les arrestations, emprisonnements, coups de fouet et autres humiliations vont s’abattre sur les premiers chrétiens. Se souvenir de la fin lamentable de Jésus sur la croix, et de sa parole : « le serviteur n’est pas plus grand que son maître » aidera les croyants à ne pas se décourager, à déchiffrer les persécutions comme une voie d’union intime au Christ. Les martyrs ont affronté les supplices et la mort en s’appuyant sur cette parole, vivant trésor de l’Église grâce à l’Esprit Saint qui la maintenait actuelle en la faisant circuler sur les lèvres des premiers témoins.

De même en Jn 16,3-4 : « On vous exclura des synagogues. Bien plus, l’heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu. Et cela, ils le feront pour n’avoir reconnu ni le Père ni moi. Mais je vous ai dit cela, pour qu’une fois leur heure venue, vous vous rappeliez que je vous l’ai dit. »

Quand on n’y voit plus clair, quand on n’y comprend plus rien, se rappeler les paroles du Christ sur l’exclusion et le fanatisme religieux meurtrier à l’encontre des chrétiens permet de comprendre : au-delà de leur victoire apparente, les persécuteurs en fait vont manifester le vrai dessein de Dieu, à savoir la victoire de l’amour sur la haine.

Nous sommes tellement bouchés que Jésus est obligé de son vivant d’interpeller vivement ses disciples : « Avez-vous donc l’esprit bouché, des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ? Et ne vous rappelez-vous pas, quand j’ai rompu les cinq pains pour les 5.000 hommes, combien de couffins pleins de morceaux vous avez emportés ? » Ils lui disent: « Douze »  –  « Et lors des sept pour les 4.000 hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? » Et ils disent: « Sept. » Alors il leur dit: « Ne comprenez-vous pas encore ? »  » (Mc 8,18-21).

Pour interpréter le sens des gestes de Jésus, au-delà de leur signification matérielle immédiate, il faut ce travail de l’Esprit en nous.

Après le sens littéral, c’est donc qu’il y a un sens spirituel aux événements qui nous affectent. C’est justement le rôle de l’Esprit que de nous introduire dans une intelligence plus profonde, plus subtile des événements de notre histoire 1.

Les intégristes se limitent à une lecture fondamentaliste, littérale, des textes. Ils se ferment à une lecture authentiquement spirituelle, c’est-à-dire inspirée par l’Esprit Saint, où ces textes d’hier deviennent une parole pour aujourd’hui.

Devant le tombeau vide et l’étonnement des femmes, les anges font appel à leur souvenir des paroles de Jésus : « Rappelez-vous comment il vous a parlé, quand il était encore en Galilée : « Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » Et elles se rappelèrent ses paroles. » (Lc 24,7-8)

Pour interpréter la Passion et la croix comme librement assumées par Jésus, il faut faire mémoire de ses paroles où il y a vu l’aboutissement de la volonté du Père (« aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus », en allant les rejoindre au plus bas).

De même, devant le choix bizarre de Jésus : pourquoi vouloir un petit âne pour entrer triomphalement dans Jérusalem ? « Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus selon qu’il est écrit : « Sois sans crainte, fille de Sion : voici que ton roi vient, monté sur un petit d’ânesse. » Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d’abord; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de lui et que c’était ce qu’on lui avait fait. » (Jn 12,15-16)

Là, c’est le souvenir – après-coup – de la parole du prophète qui permet d’éclairer le comportement de Jésus. Sur le moment, ses disciples n’y ont rien compris. C’est seulement après, avec la venue de l’Esprit Saint, que leur intelligence s’est ouverte. Ce n’est qu’après coup qu’on peut mettre des paroles sur des événements ; et c’est le rôle de l’Esprit.

D’où l’importance d’apprendre l’Écriture par c?ur, afin que ce travail se fasse à partir du plus profond de nous-mêmes, à partir du c?ur de notre être : Jésus avait appris par coeur les paroles des psaumes, qui lui sont remontées naturellement aux lèvres lorsqu’il lui a fallu faire face à l’horreur de la croix (« j’ai soif » ; « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; « Père entre tes mains? »)

Pierre fait également l’expérience de la force du souvenir d’une parole du Christ : « Alors il se mit à jurer avec force imprécations : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite: « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement. » (Mt 26,74-75)

Le souvenir de la parole de Jésus permet la contrition, c’est-à-dire le regret sincère de ce qui nous a éloigné de lui. On retrouve ainsi le lien entre l’Esprit Saint et le pardon.

Même les ennemis de Jésus se souviennent de ses paroles ! Ils contribuent sans le savoir à les accomplir : « Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate et lui dirent: « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur  a dit,  de son  vivant : Après  trois jours je ressusciterai ! Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : Il est ressuscité des morts! Cette dernière imposture serait pire que la première. » » (Mt 27,63-64) Les grands prêtres veulent éviter une supercherie, mais cela tourne finalement à renforcer le témoignage des femmes : qui aurait pu déjouer la surveillance de ces forces de sécurité romaines ?

Bien des choses qui nous arrivent sont obscures sur le moment. À l’image de Marie, ne comprenant pas tout, nous pouvons cependant garder et méditer toutes ces choses en notre coeur. Alors l’Esprit fera son chemin, et tissera les liens entre notre histoire et la parole de Dieu qui nous permet de déchiffrer cette histoire.

« Les Juifs lui dirent alors: « Il a fallu 46 ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras? » Mais lui parlait du sanctuaire de son  corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite. » (Jn 2,21-22)

Ce n’est qu’après la résurrection que les disciples comprirent la parole de Jésus. Nous aussi, c’est bien souvent après une expérience spirituelle forte de renaissance que nous pouvons interpréter autrement les destructions ou les bouleversements qui ont jalonné notre parcours.

Devant un acte provoquant et choquant, seule la mémoire de l’Écriture peut permettre de voir ces événements sous un autre angle, et ainsi de les interpréter autrement :« aux vendeurs de colombes il dit: « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : « Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Jn 2,16-17)

Pierre, devant le centurion Romain Corneille inondé d’Esprit Saint, est interloqué : comment, des païens ont eux aussi accès à la vie dans l’Esprit, à égalité avec les juifs ? «Je me suis alors rappelé cette parole du Seigneur : Jean, disait-il, a baptisé avec de l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint. Si donc Dieu leur a accordé le même don qu’à nous, pour avoir cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu. » » (Ac 11,16-17)

On ne comprend rien à l’Église, à sa Tradition vivante, si on ne se souvient pas comme Pierre que l’Esprit tire sans cesse du neuf de l’ancien, et conduit l’Église là où elle-même n’aurait jamais pensé aller.

À l’approche de son supplice qui va dérouter bien des baptisés, Pierre encouragera la communauté de Rome à se souvenir : « Je crois juste, tant que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par mes rappels, sachant, comme d’ailleurs notre Seigneur Jésus Christ me l’a manifesté, que l’abandon de ma tente est proche. Mais j’emploierai mon zèle à ce qu’en toute occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire. » (2P 1,13-15)

Et Paul insistera : c’est un vrai travail que de se souvenir des paroles de Jésus. « De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. » (Ac 20) Ce souvenir de Paul nous livre une phrase de Jésus inconnue des 4 évangiles : comme quoi la mémoire vivante déborde largement la lettre de l’Écriture !

 

La mémoire chrétienne n’a pour autant rien à voir avec l’invention de faux souvenirs.

Afficher l'image d'origineUne expérience de psychologie sociale menée en 2010 auprès de 5269 participants aux USA indique que 50 % des participants se sont « souvenus » de la fameuse poignée de main entre Obama et Ahmadinejad (président d’Iran) 2. Or ce soi-disant événement… n’a jamais existé ! C’est ce qu’on appelle un faux souvenir, un souvenir qui est induit par une pression ou un contexte extérieur ambiant qui le rend crédible. Ces faux souvenirs induits ont fait des ravages dans beaucoup de familles aux USA comme en Europe : sous couvert de travail thérapeutique de mémoire, des soi-disant thérapeutes induisaient chez leurs patients la remontée de paroles ou d’actes n’ayant jamais existé, mais auxquels les patients finissent par croire dur comme fer.

Rien de tel dans la mémoire chrétienne : l’Esprit Saint nous conduit « vers la vérité tout entière », pas vers une manipulation de nos souvenirs. Les témoins du Ressuscité n’ont pas inventé le souvenir de leurs rencontres avec lui. Les évangélistes n’ont pas imaginé ce qu’ils racontent. Les premières communautés chrétiennes n’ont pas reconstruit les actes de Jésus pour les utiliser à légitimer leur pratique. Non : le travail de l’Esprit est de se souvenir fidèlement, et bien souvent de manière critique, c’est-à-dire interrogeant la communauté elle-même au lieu de lui donner raison sur tout. C’est ce qu’un théologien (Henri-Jérôme Gagey) appelle « la tradition d’un rapport critique à la Tradition ». Ce travail de mémoire qu’opère l’Esprit Saint n’est pas un travail de légitimation de ses intérêts en s’appuyant sur de faux souvenirs habilement reconstruits, mais un travail critique de remise en cause de l’Église elle-même pour devenir plus fidèle à ce que la parole du Christ attend d’elle aujourd’hui.

Vous le voyez : le lien entre l’Esprit Saint et la mémoire est très étroit.

La langue française en garde d’ailleurs quelques traces : perdre l’esprit va de pair avec perdre la mémoire ; il nous faut rassembler nos esprits pour pouvoir nous souvenir ; et avoir à l’esprit quelque chose, c’est justement ne pas l’oublier.

Si nous ne voulons pas qu’un Alzheimer intérieur nous prive de notre identité profonde, comment cultiver une mémoire chrétienne des paroles et des actes qui ont compté pour nous ?

La liturgie de l’Église est une éducation à cette mémoire chrétienne :

« Dans la Liturgie de la Parole l’Esprit Saint  » rappelle  » à l’Assemblée tout ce que le Christ a fait pour nous. Selon la nature des actions liturgiques et les traditions rituelles des Églises, une célébration  » fait mémoire  » des merveilles de Dieu dans une Anamnèse plus ou moins développée. L’Esprit Saint, qui éveille ainsi la mémoire de l’Église, suscite alors l’action de grâces et la louange (doxologie). » (Catéchisme de l’Église catholique n° 1103)

À quelle source allons-nous puiser pour laisser l’Esprit nous faire souvenir de ce que le Christ a dit et fait pour nous tout au long de notre histoire ?

 

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 1. Ici, en Mc 8,18, c’est le symbolisme des chiffres de la multiplication des pains : 5000 hommes pour le peuple de la Torah (les 5 livres de la Loi), 12 couffins pour les 12 tribus d’Israël, 4000 hommes pour les 4 coins de l’horizon, 7 corbeilles pour les 7 jours de la création, et donc finalement l’universalité de l’eucharistie réunissant à la fois Israël et l’Église.

2. Journal of Experimental Social Psychology, Vol. 49, 2013.

 

1ère lecture : L’Église décide d’accueillir les païens sans leur imposer la loi juive (Ac 15, 1-2.22-29)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Certaines gens venus de Judée voulaient endoctriner les frères de l’Église d’Antioche en leur disant : « Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

Finalement, les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude (appelé aussi Barsabbas) et Silas.
Voici la lettre qu’ils leur confièrent : « Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement les païens convertis, leurs frères, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie.
Nous avons appris que quelques-uns des nôtres, sans aucun mandat de notre part, sont allés tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi. Nous avons décidé à l’unanimité de choisir des hommes que nous enverrions chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul qui ont consacré leur vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit :
L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang, ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! »

Psaume : Ps 66, 2b-3, 5abd, 7b-8

R/ Dieu, que les peuples t’acclament ! Qu’ils t’acclament, tous ensemble !

Qu ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.

Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : L’Agneau est la lumière du peuple de Dieu (Ap 21, 10-14.22-23)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui m’entraîna par l’esprit sur une grande et haute montagne ; il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu.
Elle resplendissait de la gloire de Dieu, elle avait l’éclat d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin.
Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes gardées par douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël.
Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident.
La muraille de la cité reposait sur douze fondations portant les noms des douze Apôtres de l’Agneau.
Dans la cité, je n’ai pas vu de temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l’Agneau.
La cité n’a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l’illumine, et sa source de lumière, c’est l’Agneau.

Evangile : La promesse de la venue de l’Esprit (Jn 14, 23-29)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ressuscité demeure au milieu des siens : il leur donne sa paix. Alléluia. (cf. Jn 14, 25.27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »
Patrick Braud

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8 mai 2010

La gestion des conflits

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La gestion des conflits

 

Homélie du 6° Dimanche de Pâques / année C

09/05/2010

 

On ne s’attend pas à trouver dans la Bible un séminaire de formation professionnelle sur la gestion des conflits en entreprise !

Et pourtant…

 

Rien que dans le livre des Actes des Apôtres, lecture essentielle de ce temps pascal, il y a de multiples situations de désaccords graves, de conflits explicitement mentionnés. Rappelons-en quelques-unes :

 

- Ananie et Saphire, couple de chrétiens, ne veulent pas tout donner à Pierre du prix de vente de leurs propriétés. Ce mensonge va leur valoir la « mort » symbolique à l’Église (on suppose qu’ils ont été excommuniés hors de la communauté, solution violente mais radicale au conflit ; cf. Ac 5,1-11).

Il est d’ailleurs remarquable que Luc n’emploie le terme Église (ekklesia) pour la première fois qu’au dénouement de ce conflit (5,11), pas avant. Comme si l’Église n’était vraiment l’Église qu’après un conflit traversé…

 

- Les « récriminations » des Grecs contre les Hébreux ont failli mal tourner (Ac 6). Le problème était grave : oubli des pauvres (les veuves grecques), risque de perdre du dynamisme missionnaire (« délaisser la parole de Dieu pour le service des tables ») », division ethnique de la communauté (grecs vs hébreux). L’invention des Sept (les futurs diacres) naîtra de la résolution de ce conflit (comme quoi la gestion des conflits peut devenir très féconde !).

 

- Le conflit entre Paul et Barnabé lui aussi a failli dégénérer en bagarre aux poings ! (Ac 15,36-40).

Leur désaccord s’aggrava tellement que la seule solution à cette incompatibilité d’humeur fut d’accepter de se séparer : chacun alla de son côté, en souhaitant bonne route à l’autre, mais sans pouvoir le garder comme collaborateur proche.

Bon nombre de conflits en entreprise doivent se résoudre à cette issue… La gestion des conflits dans Communauté spirituelle apotres

 

- Et il y a Ac 15,1-35, notre deuxième lecture de ce 6° dimanche de Pâques, passage célèbre souvent appelé « le concile de Jérusalem ».

Là encore, le conflit est sérieux : faut-il oui ou non imposer la circoncision juive aux  non-juifs qui veulent devenir chrétiens ? Faut-il leur imposer le respect de la Torah, de la loi juive si contraignante dans la vie quotidienne ?

 

La gestion de ce conflit dans les Actes des Apôtres (qu’on devrait appeler les Actes de l’Esprit, surtout dans ce passage) est exemplaire. Encore aujourd’hui, ce chapitre 15 peut inspirer une « méthode » évangélique pour traverser les inévitables conflits rencontrés dans une communauté (et une entreprise n’est-elle pas une communauté humaine ?).

 

 

 

1. D’abord mettre des mots sur le problème, verbaliser le désaccord.

Plutôt que des murmures dans le dos des personnes concernées, mieux vaut parler.

Paul et Barnabé ne veulent pas nier le conflit. Ils ne font pas l’autruche. Ils n’espèrent pas que « ça va s’arranger » tout seul avec le temps, sans rien faire. Ils ne minimisent pas non plus les désaccords (des « discussions assez graves » les opposent aux partisans de la circoncision). Ils n’usent pas d’arguments lénifiants : « il faut supporter cela avec patience », ou faussement religieux : « priez et ça ira mieux ».

Non : ils font face, ils discutent, ils mettent des mots sur les enjeux, ils ne se taisent pas.

 

2. Devant ce constat d’opposition grave, la communauté cherche une médiation.

« On décida qu’ils monteraient à Jérusalem trouver les apôtres et les anciens à propos de ce différend ».

Ne pas rester dans un face-à-face avec l’adversaire dans un conflit est une précaution de sagesse…

C’est l’Église d’Antioche qui organise (et paye) cette démarche de médiation.

C’est l’Église de Jérusalem qui les accueille.

La résolution du conflit est donc ici vraiment vécue et pensée comme une démarche ecclésiale, pas individuelle.

 

3. Pour résoudre le conflit, on fait intervenir trois niveaux d’autorité, et le recours aux Écritures.

 

Les trois niveaux d’autorité

La discussion devient vive à Jérusalem (15,7), où les opposants à Paul et Barnabé ont eux aussi droit à la parole.

 

* L’autorité personnelle

Alors Pierre intervient et fait une déclaration solennelle (15,7-11).

C’est le niveau personnel d’une autorité qui s’engage en disant « je ».

Pierre s’appuie sur son expérience du baptême du centurion païen Corneille, où l’Esprit Saint n’avait rien exigé de plus que la foi pour le baptiser.

 

* autorité collégiale

Puis Paul et Barnabé, à leur tour, racontent.

Et Jacques lui aussi prendra la parole, pour une autre argumentation, à partir de l’Écriture (un passage du livre d’Amos 9,11 en grec).

Avec la présence de ces apôtres, et les anciens qui participent à la décision (15,22), c’est le niveau collégial de l’autorité qui est ici mis en oeuvre.

Jamais un avis seul : une autorité personnelle cherchera toujours à s’appuyer sur un discernement collégial pour dénouer la crise.

 

* autorité communautaire

Le troisième niveau d’autorité nécessaire est explicitement mentionné en 15,22 : « d’accord avec toute l’Église », et dans la lettre exposant le dénouement du conflit : « les apôtres, les anciens et les frères » (15,23), et encore plus dans la fameuse expression : « l’Esprit saint et nous-mêmes avons décidé que », le « nous » incluant toute l’Église. C’est la dimension communautaire de la réflexion nécessaire pour dénouer une crise.

 

Les Écritures

Jacques va puiser dans le prophète Amos l’argument qui va ouvrir le c?ur des juifs à l’accueil des nations païennes.

C’est une manière de revenir au projet fondateur, aux valeurs essentielles qui unissent la communauté humaine concernée par le conflit.

 

Trouver une solution à un conflit demande donc de faire jouer ces trois niveaux de l’autorité : personnel / collégial / communautaire, en les ancrant dans la référence aux valeurs fondamentales que vit la communauté, exprimée ici par les Écritures.

 

4. La recherche d’un compromis

La solution qui permet de traverser le conflit est rarement une victoire des uns contre les autres, ce qui serait une pure domination. Il y a toujours dans l’accord, surtout quand il est « inspiré », la prise en compte de la part de vérité que détiennent les minoritaires, ou ceux qui paraissent avoir tort. Ici, c’est le respect des juifs devenus chrétiens qui est intégré à la décision finale (15,28-30) : ne pas choquer ces chrétiens d’origine juive en mangeant des viandes idolâtres ou non-casher, et autres prescriptions qui leur permettent de sortir du conflit la tête haute.

Ne pas humilier l’adversaire, trouver une solution gagnant-gagnant, intégrer la part de vérité de l’autre : ce sont des conditions essentielles d’une bonne résolution des conflits.

 

5. La communication de la décision

Résoudre un conflit ne suffit pas, encore faut-il le faire savoir ! Ce sera le rôle des « médiateurs du retour », Judas et Silas, envoyé par l’Église de Jérusalem pour accompagner et expliquer la décision de sortie de crise.

C’est capital de prendre ce temps de la communication après le conflit.

 

6. L’invitation à reprendre ensemble un projet commun enthousiasmant

Judas et Silas s’y emploient à Antioche (Ac 15,30-33).

Le conflit n’est vraiment terminé que lorsqu’il débouche sur la reprise de l’aventure commune (ou sur la « séparation fraternelle », comme Paul et Barnabé plus loin).

 

Reprenez ces différents éléments de la gestion des conflits qu’opère notre « concile de Jérusalem ».

Essayez de les transposer aux inévitables conflits que vous vivez dans le monde du travail, en entreprise.

Vous verrez : l’Écriture est souvent un meilleur coach que bien des coaches sur le marché…

 

 

 

Lecture du Livre des Actes des Apôtres : Le « concile de Jérusalem »

01 Certaines gens venus de Judée voulaient endoctriner les frères de l’Église d’Antioche en leur disant : « Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. »

02 Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

03 L’Église d’Antioche pourvut à leur voyage. Ils traversèrent la Phénicie et la Samarie en racontant la conversion des païens, ce qui remplissait de joie tous les frères.

04 A leur arrivée à Jérusalem, ils furent accueillis par l’Église, les Apôtres et les Anciens, et ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux.

05 On vit alors intervenir certains membres du parti des pharisiens qui étaient devenus croyants. Ils disaient : « Il faut obliger ces gens à recevoir la circoncision, et à observer la loi de Moïse. »

06 Les Apôtres et les Anciens se réunirent pour examiner cette affaire.

07 Comme cela provoquait des discussions assez graves, Pierre se leva et leur dit : « Frères, vous savez bien comment Dieu a manifesté son choix parmi vous dès les premiers temps : c’est par moi que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi.

08 Dieu, qui connaît le coeur des hommes, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous ;

09 sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs coeurs par la foi.

10 Alors, pourquoi mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur les épaules des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas été capables de porter ?

11 Oui, c’est par la grâce du Seigneur Jésus, nous le croyons, que nous avons été sauvés, de la même manière qu’eux. »

12 Toute l’assemblée garda le silence, puis on écouta Barnabé et Paul rapporter tous les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis par eux chez les païens.

13 Quand ils eurent terminé, Jacques prit la parole : « Frères, écoutez-moi.

14 Simon-Pierre vous a rapporté comment, dès le début, Dieu a voulu prendre chez les nations païennes un peuple qui serait marqué de son nom.

15 C’est ce que confirment les paroles des prophètes, puisqu’il est écrit :

16 Après cela, je reviendrai pour reconstruire la demeure de David,qui s’est écroulée ;je reconstruirai ce qui était en ruines,je le relèverai ;

17 alors, le reste des hommes cherchera le Seigneur,ainsi que les nations païennes sur lesquelles mon nom a été prononcé. Voilà ce que dit le Seigneur. Il réalise ainsi ses projets,

18 qui sont connus depuis toujours.

19 Je suis donc d’avis de ne pas surcharger ceux des païens qui se convertissent à Dieu,

20 mais de leur écrire qu’ils doivent s’abstenir des souillures de l’idolâtrie, des unions illégitimes, de la viande non saignée et du sang.

21 En effet, depuis les temps les plus anciens Moïse a, dans chaque ville, des gens qui proclament sa Loi, puisqu’on en fait la lecture chaque sabbat dans les synagogues. »

22 Alors les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude (appelé aussi Barsabbas) et Silas.

23 Voici la lettre qu’ils leur confièrent : « Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement les païens convertis, leurs frères, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie.

24 Nous avons appris que quelques-uns des nôtres, sans aucun mandat de notre part, sont allés tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi.

25 Nous avons décidé à l’unanimité de choisir des hommes que nous enverrions chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul

26 qui ont consacré leur vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ.

27 Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit :

28 L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent :

29 vous abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang, ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! »

30 Alors on invita les messagers à se mettre en route, et ils se rendirent à Antioche. Ayant réuni l’assemblée des fidèles, ils communiquèrent la lettre.

31 À sa lecture, tous se réjouirent de l’encouragement qu’elle apportait.

32 Jude et Silas, qui étaient aussi prophètes, parlèrent longuement aux frères pour les réconforter et les affermir ;

33 après quelque temps, les frères les laissèrent repartir vers ceux qui les avaient envoyés et leur souhaitèrent la paix.

35 Paul et Barnabé, eux, séjournaient à Antioche : ils enseignaient et, avec beaucoup d’autres, ils annonçaient la Bonne Nouvelle de la parole du Seigneur. Patrick BR

Patrick BRAUD

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