L'homélie du dimanche (prochain)

18 juillet 2014

Ecclésia permixta

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Ecclésia permixta

Homélie du 16e dimanche du temps ordinaire / Année A
20/07/2014

Les trois paraboles de ce dimanche peuvent être méditées selon la technique toute simple évoquée dimanche dernier : s’arrêter un à un sur chacun des acteurs du récit.

Une autre méthode d’interprétation consiste à replacer le texte dans son contexte pour bien comprendre le but dans lequel il a été écrit et pouvoir ensuite l’actualiser (méthode historico-critique).

Essayons d’appliquer cette grille de lecture sur la célèbre parabole du bon grain et de l’ivraie.

Quelle situation précise vise cette image du mélange entre le blé et les mauvaises herbes ?

Est-ce une réflexion philosophique sur l’origine du mal ? Ce n’est guère le mode de pensée sémite, beaucoup plus concret que la démarche grecque très conceptuelle. Même si on peut en tirer un vrai questionnement philosophique, l’art de la parabole vise d’abord à déchiffrer tel événement, telle situation, ou plutôt à savoir se poser les bonnes questions sur ce qui arrive.

Quand Mathieu écrit, vers 70-90 environ, les premières communautés chrétiennes sont déjà implantées en milieu juif, à partir du réseau des synagogues : Antioche, Alexandrie, Rome… Le succès croissant de la prédication des apôtres suscite bien des jalousies et des hostilités. Les autorités juives veulent réprimer et même éliminer ce courant considéré comme hérétique (cf. Saul se vantant d’avoir été un persécutant zélé contre « les disciples de la voie »). Le pouvoir romain voit avec inquiétude grossir les rangs de ces païens de chrétiens qui refusent d’adorer César et proclament que seul Jésus est Seigneur.

Les persécutions éclatent. Et comme toujours, certains membres de la communauté chrétienne sont prêts à retourner leur veste s’ils y trouvent un intérêt personnel (promotion romaine, considération juive), ou s’ils ont peur pour leur métier, leur famille (la peur des représailles a toujours été un puissant levier pour justifier la collaboration avec l’ennemi !). Tant et si bien que parmi les membres des communautés locales, certains ont préféré jouer le rôle d’informateurs auprès des autorités pour sauver leur peau ou obtenir des avantages. De plus, le pouvoir essayait d’infiltrer ces groupes de chrétiens, en y introduisant des espions pour mieux les surveiller, les déstabiliser en faisant courir de fausses rumeurs, les emprisonner plus facilement le cas échéant.

Les maquis de la Résistance en 39-45 ont connu le même problème douloureux : au milieu de nous il peut y avoir des traîtres, des « collabos ». Lorsque les premières communautés chrétiennes font cette triste découverte, elles peuvent douter d’elles-mêmes : sommes-nous vraiment le champ de blé, la vigne du Seigneur ? Pourquoi certains de nos frères nous trahissent-ils en actes et en paroles ? Que faire de ces traîtres une fois démasqués : les éliminer ? leur pardonner ?

Le problème a pris un tour aigu lorsque certains de ces chrétiens convaincus de connivence avec l’ennemi juif ou romain ont voulu ensuite se repentir et revenir vers l’Église. On les appelle les lapsi (lapsus = celui qui a chuté). Que faut-il faire de ces repentis ? Les exclure à jamais de l’Église pour garder le champ de blé pur de toute compromission ? Ou accepter de les réintégrer moyennant pénitence ? Le débat a fait rage longtemps, avec des positions extrêmes très dures et très intransigeantes (cf. Origène : « hors de l’Église point de salut » = celui qui a renié sa foi ne peut être sauvé). Heureusement, c’est la position du milieu qui a été retenue : l’Église ne sera jamais une secte de purs (cathares = purs). En mettant sur les lèvres de Jésus cette parabole du champ de blé mélangé à l’ivraie, Mathieu avertit les communautés auxquelles il écrit : acceptez que le bien et le mal soient mélangés en vous comme dans vos assemblées. Dieu seul est saint. Nous ne sommes que des vases d’argile, imparfaits et fragiles, qui portons un trésor.

Celui qui voudrait une Église de purs deviendrait aussi dur et inhumain que l’ennemi qui a semé l’ivraie.

 

Saint Augustin, confronté lui aussi à cette question des lapsi, avait trouvé cette formule géniale, directement tirée de notre parabole : Ecclésia permixta. Mot à mot : l’Église est une mixture, un mélange inextricable d’humain et de divin, de grandeur et de trahison, capable du meilleur et du pire. Acceptez que l’Église soit mélangée (permixta). Acceptez au passage que vous aussi soyez mélangés. Car les intransigeants ne font jamais que punir les autres de ce qu’ils ne se pardonnent pas à eux-mêmes.

Ceux qui ne s’acceptent pas mélangés, avec réalisme et humilité (voire humour) le font payer aux autres en étant très durs (c’est souvent le problème personnel des intégristes de tous bords).

Notre histoire personnelle est faite de ce mélange inextricable où le blé et l’ivraie croissent ensemble. La sagesse de Jésus nous invite à faire confiance à la puissance de vie qui se manifeste à travers cette croissance commune : ce qui compte c’est de grandir. Même s’il y a des échecs, des blessures, de l’ivraie par brassées, peu importe s’il y a également du désir, de l’amour, des épis par brassées.

Jésus va même jusqu’à suggérer que le mal finira par être utile : non seulement il n’aura pas pu empêcher le blé de pousser, mais à la fin on le liera en bottes et il  sera brûlé, signe que mystérieusement il sert au moins à procurer chaleur et lumière !

Ne pas vouloir éradiquer le mal semble être une attitude bien peu religieuse… L’Ancien Testament promeut une politique plus volontariste : « tu feras disparaître le mal du milieu du toi » est un leitmotiv qui parcourt tout le Deutéronome, justifiant ainsi la lapidation et autres exécutions des idolâtres notamment (Dt 13,6 ; 17,7.12 ; 19,19 ; 21,21 ; 22,21.22.24 ; 24,7). Le Christ ? lui - insistera sur la distinction entre le méchant et ses actes, au point d’inviter à dénoncer le mal sans pour autant éliminer celui qui le commet. Au contraire, l’amour des ennemis sera leur planche de salut.

Cette politique non-violente à l’égard du mal peut choquer. Qu’aurait-on fait contre Hitler si on l’avait appliquée à la lettre ? Pourtant, Hitler lui-même est le fruit de la violence contre le mal ! Le traité de Versailles en 1918 incarnait la revanche et le mépris des vainqueurs sur les vaincus : les Allemands étaient devenus l’ivraie de l’Europe. Les vainqueurs voulaient à tout jamais la museler, en éradiquant son venin par la force, et pour cela ils ont démantelé, humilié, appauvri l’Allemagne défaite. Seule Keynes s’est élevé contre ce traitement inique, pressentant qu’il annonçait des jours de malheur. Vouloir éradiquer le mal par la force engendre des violences plus grandes encore. Les guerres en Irak et en Iran le prouvent à nouveau, hélas.

L’histoire de l’Église n’est pas différente de la nôtre sur ce point. Elle comporte des saints splendides et des personnages sordides. Elle engendre Jean-Paul II et les Borgia, François d’Assise et l’Inquisition, des moines et des évêques capables de défricher et de servir comme de dominer et d’opprimer.

Celui qui voudrait une Église de purs n’a sans doute pas fait le travail sur lui-même qui lui permettrait de se voir tel qu’il est, sans complaisance, avec réalisme et humilité : mélangé.

Ecclésia permixta : plus que jamais, l’Église doit être humble en effet devant ses limites et ses failles. Plus que jamais elle doit en même temps proposer à tous le trésor de l’Évangile en le laissant rayonner à travers elle.

Il y a d’autres manières de juguler le mal, de l’empêcher de nuire, que de supprimer son auteur. C’est d’ailleurs la raison fondamentale pour laquelle l’Église est contre la peine de mort : supprimer l’ivraie compromet la croissance de tout l’ensemble. Les croisades contre « l’axe du mal » se terminent mal. Voilà pourquoi Jean-Paul II comme ses successeurs ont toujours dénoncé – isolés dans le concert des nations - les interventions militaires en Irak, en Iran, en Afghanistan.

Ecclésia permixta dans Communauté spirituelle epis-de-ble 

Finalement, cette petite parabole est révolutionnaire !

Le mal ne se combat pas frontalement par la violence, il se jugule par la croissance des épis de blé foisonnant autour de lui…

Ecclésia permixta.
Ce n’est pas seulement l’Église qui est mélangée, c’est l’humanité, notre humanité personnelle et collective.
L’accepter avec la sagesse du Christ permet de faire grandir le blé, de circonscrire l’ivraie, et même d’en faire quelque chose d’utile.

 

1ère lecture : La patience du Tout-Puissant (Sg 12, 13.16-19)
Lecture du livre de la Sagesse
Il n’y a pas de Dieu en dehors de toi, Seigneur, toi qui prends soin de toute chose, et montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes.
Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te rend patient envers toute chose.

Il montre sa force, l’homme dont la puissance est discutée, et ceux qui la bravent sciemment, il les réprime.

Tandis que toi, Seigneur, qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance.
Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain, et tu as pénétré tes fils d’une belle espérance : à ceux qui ont péché tu accordes la conversion.

Psaume : Ps 85, 5-6, 9ab.10, 15-16ab

R/ Toi qui est bon et qui pardonnes, écoute-moi mon Dieu !

Toi qui es bon et qui pardonnes,
plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,
écoute ma prière, Seigneur,
entends ma voix qui te supplie.

Toutes les nations, que tu as faites,
viendront se prosterner devant toi,
car tu es grands et tu fais des merveilles,
toi, Dieu, le seul.

Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, 
lent à la colère, plein d’amour et de vérité,
regarde vers moi, 
prends pitié de moi.

2ème lecture : C’est l’Esprit Saint qui nous fait prier (Rm 8, 26-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables.
Et Dieu, qui voit le fond des c?urs, connaît les intentions de l’Esprit : il sait qu’en intervenant pour les fidèles, l’Esprit veut ce que Dieu veut.

Evangile : Les paraboles du Royaume. L’ivraie – La graine de moutarde et le levain (brève : 24-30) (Mt 13, 24-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Dieu notre Père, Seigneur de l’univers, toi qui révèles aux petits les mystères du Royaume !Alléluia. (cf. Mt 11, 25)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus proposa cette parabole à la foule :
« Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla.
Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi.
Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’
Il leur dit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Alors, veux-tu que nous allions l’enlever ?’
Il répond : ‘Non, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps.
Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier.’ »
Il leur proposa une autre parabole :
« Le Royaume des cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a semée dans son champ.
C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel font leurs nids dans ses branches. »
Il leur dit une autre parabole : « Le Royaume des cieux est comparable à du levain qu’une femme enfouit dans trois grandes mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »
Tout cela, Jésus le dit à la foule en paraboles, et il ne leur disait rien sans employer de paraboles, accomplissant ainsi la parole du prophète : C’est en paraboles que je parlerai, je proclamerai des choses cachées depuis les origines.

Alors, laissant la foule, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. »
Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;
le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais.
L’ennemi qui l’a semée, c’est le démon ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.
Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et ceux qui commettent le mal, et ils les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Patrick BRAUD

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9 mai 2014

Prenez la porte

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Prenez la porte

Homélie du 4ème Dimanche de Pâques ? Année A
11/05/2014

Bien dans ses gonds

« Prenez la porte ! »

Cette injonction vous rappellera peut-être quelques souvenirs humiliants du collège ou du lycée. Lorsqu’un professeur excédé en vient à ordonner de prendre la porte, c’est qu’il ne voit plus que l’exclusion du fautif comme remède au désordre. Prendre la porte résonne donc comme une menace, une sanction, qui annonce bien des ennuis à venir (le surveillant général à voir, le mot aux parents, les heures de retenue à la clé…).

Ici, dans l’image prise par Jésus pour parler de son rôle, c’est exactement l’inverse. Quand il dit : « je suis la porte », il invite les mécréants de tout poil à prendre cette porte-là, dans le sens de la communion avec Dieu au lieu de l’exclusion par les hommes. Prenez la porte dans Communauté spirituelle tom-et-jerry-la-porte-fermee-sur-jerryUne entrée au lieu d’une sortie en somme. Voilà peut-être pourquoi les premiers à prendre cette parole au sérieux sont ceux qui se sont déjà pris des portes en pleine figure, qu’on leur a claquées au nez pour leur dire non.

 

Prendre la porte qu’est le Christ, c’est rentrer chez soi en quelque sorte.

C’est découvrir qu’en passant par lui, l’accès au plus intime de nous-mêmes se conjugue avec l’accès à Dieu le tout autre. Car Jésus ne conduit pas à lui-même. Il conduit à un Autre, que nul nom ne peut enfermer. Telle une porte, il ne cesse d’accompagner les hommes dans leur mouvement de découverte d’un plus grand que lui. Comme il ne sort jamais de ses gonds, il ouvre sur l’infini d’un mystère qu’il habite (et qui l’habite) au plus haut point, car une porte fait déjà partie de la pièce sur laquelle elle ouvre.

Charlot et la porte du grenier

GoldRushFiche Christ dans Communauté spirituelleVous connaissez sans doute cette histoire pleine d’humour que Chaplin a merveilleusement jouée : Charlot s’évertue à ouvrir la porte d’un grenier ; il tire, il s’évertue, il tire encore, il transpire. Rien à faire : le verrou semble solide, la poignée tourne dans le vide. Épuisé, Charlot s’affale de tout son long dans le couloir, et là surprise? la porte s’ouvre toute seule, de l’intérieur? 

Il en est de même ici : la porte qu’est le Christ n’est pas un effort  à faire, ce n’est pas une épreuve à passer, c’est au contraire une ouverture à accueillir, laquelle ne nous doit rien, mais se propose à nous gratuitement, sans mérite de notre part, comme la porte du grenier qui s’ouvre d’elle-même, de l’intérieur.

Qu’avez-vous fait, machinalement, pour venir à la messe ce Dimanche ? Vous avez franchi la porte d’une église. Sans vous en rendre compte, vous accomplissez à chaque fois une étape extraordinairement symbolique : franchir la porte. Passer du dehors au-dedans, pour participer à l’eucharistie. D’ailleurs, dans bien des églises médiévales, on accordait tant d’importance à ce passage de la porte qu’on l’entourait d’un narthex, le domaine réservé aux catéchumènes, c’est-à-dire aux non baptisés, pour qu’ils se préparent à entrer un jour dans l’Église par le baptême.

À la fin de la messe, nous franchissons cette porte en sens inverse, pour passer de l’assemblée au monde, du dedans au dehors, suite à l’envoi final : « allez dans la paix du Christ ».

C’est donc que la porte commande la respiration même de notre foi.

On comprend mieux l’enjeu spirituel de l’affirmation étonnante de Jésus dans l’évangile de ce Dimanche : « Je suis la porte ». Le mot porte est répété 4 fois dans ce chapitre 10 de St Jean, comme pour signifier l’universalité de cette porte qu’est le Christ pour tous les peuples, venant de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud (4 = les 4 points cardinaux).

 

Le slalom des portes de nos vies 

Du coup, on n’arrête pas de franchir symboliquement des portes tout au long de notre pèlerinage de la foi.

Chaque étape de notre vie, de notre naissance jusqu’à notre mort, nous fait passer d’une porte à l’autre, tels des skieurs qui enchaînent les accélérations et les virages de haut en bas du slalom spécial où ils courent pour la victoire.

 exclusion 

 « Je suis la porte »…

À quels moments de notre existence franchissons-nous cette porte qu’est Jésus lui-même ?

- Souvenez-vous : à chaque baptême, nous accueillons symboliquement l’enfant ou l’adulte sur le seuil de l’église. Par le baptême, accueilli à la porte, chacun est invité à entrer, grâce au Christ et par lui, dans un autre univers.

- Souvenez-vous : à chaque mariage, le prêtre (ou le diacre !) va chercher les fiancés à la porte, pour qu’ils la franchissent avec lui. C’est pour signifier que le mariage est un passage, une Pâque, lorsqu’on se marie « dans le Seigneur ». Et si la mariée est en blanc pour franchir la porte, c’est bien en rappel du baptême, car se marier participe à la mort et à la résurrection du Christ (mourir sans cesse à son égoïsme pour naître sans cesse à la communion avec l’être aimé).

– Souvenez-vous encore : lorsque nous célébrons les obsèques d’un proche, nous accueillons le cercueil à la porte de l’église. Celui qui est uni au Christ traverse la mort comme on passe la porte : simplement?

Ainsi de notre naissance à notre mort en passant par le mariage, tous les évènements de notre existence peuvent devenir à travers le Christ comme des seuils à franchir, des portes qui s’ouvrent sur un au-delà.

En affirmant : « Je suis la porte », Jésus nous invite ainsi à passer par lui pour découvrir la vraie vie, la vie « en abondance ».

Ceux qui ne passent pas par cette porte désignent pour Jésus les pharisiens à qui il adresse cette parole. C’est sans doute sous la plume de Jean les premières sectes soi-disant chrétiennes, gnostiques ou païennes en fait. Confronté à la fin du 1er siècle aux divisions dans les groupes chrétiens, Jean nous donne ainsi par son évangile un critère de discernement précieux. Ceux qui ne passeraient pas Jésus pour sauver l’homme risquent fort de n’être finalement que des bandits et des voleurs.

Hélas, la suite de l’histoire lui a souvent donné raison : les idéologies qui ont voulu se bâtir contre le Christ ou sans lui se sont finalement révélées inhumaines et destructrices. Des grandes hérésies des premiers siècles aux systèmes totalitaires du 20ème siècle, sans oublier les sectes ou les pensées néo-païennes d’aujourd’hui, le refus de passer par la porte qu’est le Christ se retourne contre l’humanité elle-même.

 « Je suis la porte »…

Dans les autres évangiles, Jésus appelle ses disciples à lutter pour entrer par la porte étroite (Lc 13,24).

Si vous avez eu la chance d’aller à Bethléem en pèlerinage, vous avez du vous courber et vous faufiler à travers la porte basse et étroite de la basilique de la Nativité. Ce n’est pas facile de passer par le Christ ! Il nous avertit : parvenir au lieu de notre vraie naissance est exigeant. Mais cette porte étroite débouche réellement sur la naissance de l’homme à la vie de Dieu, comme à Bethléem?

2a8ed538 parabole 

« Je suis la porte »…

Dans le livre de l’Apocalypse, Saint Jean  écrira une variation sur ce thème de la porte. « Voici : je me tiens à la porte et je frappe, dit le Christ. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi »(Ap 3,20). Et juste après, Jean a la vision d’une « porte ouverte au ciel », avec une voix qui lui dit : « Monte ici » (Ap 4,1).

Ainsi le Christ : il nous ouvre l’accès à nos greniers intérieurs, ces trésors de vie que l’Esprit de Dieu a déposé en nous. C’est par lui, avec lui et en lui, comme nous le chantons au sommet de la prière eucharistique, que nous pouvons avoir accès à nous-mêmes, ou plutôt avoir accès à Dieu en nous, et à nous en Dieu.

C’est cela, « avoir la vie en abondance », une « vie éternelle ».

 « Je suis la porte »…

Comment entendre cette parole aujourd’hui ?  

Eh bien : examinez tous les domaines où vous ne passez pas par le Christ pour faire vos choix.

Visualisez ces moments où le Christ n’est pas la porte de vos décisions, où vous ne voulez pas le mêler à vos affaires importantes : l’argent, la carrière, les loisirs, votre consommation, votre famille?.

C’est là-dessus qu’il vous faut alors travailler.

N’escaladez pas par-dessus, ne fracturez pas d’autres fenêtres : revenez au Christ, entrez par lui dans votre avenir.

 « Je suis la porte »…

Écoutons cette parole : qu’elle travaille en nous toute cette semaine…

 

1ère lecture : Pierre appelle à la conversion, et il baptise les premiers convertis (Ac 2, 14a.36-41)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Le jour de la Pentecôte, Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, avait pris la parole ; il disait d’une voix forte : « Que tout le peuple d’Israël en ait la certitude : ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ. »
Ceux qui l’entendaient furent remués jusqu’au fond d’eux-mêmes ; ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? »
Pierre leur répondit : « Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit.

C’est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. »
Pierre trouva encore beaucoup d’autres paroles pour les adjurer, et il les exhortait ainsi : « Détournez-vous de cette génération égarée, et vous serez sauvés. »

Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre se firent baptiser. La communauté s’augmenta ce jour-là d’environ trois mille personnes.

Psaume : Ps 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; 
il me conduit par le juste chemin 
pour l’honneur de son nom. 

Si je traverse les ravins de la mort, 
je ne crains aucun mal, 
car tu es avec moi : 
ton bâton me guide et me rassure. 

Tu prépares la table pour moi 
devant mes ennemis ; 
tu répands le parfum sur ma tête, 
ma coupe est débordante. 

Grâce et bonheur m’accompagnent 
tous les jours de ma vie ; 
j’habiterai la maison du Seigneur 
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Celui qui a souffert pour nous est devenu notre berger (1 P 2, 20b-25)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères, si on supporte la souffrance en ayant fait le bien, c’est une grâce aux yeux de Dieu.
C’est bien à cela que vous avez été appelés, puisque le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces, lui qui n’a jamais commis de péché ni proféré de mensonge : couvert d’insultes, il n’insultait pas ; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice.
Dans son corps, il a porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions mourir à nos péchés et vivre dans la justice : c’est par ses blessures que vous avez été guéris.
Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous.

Evangile : Jésus est le bon pasteur et la porte des brebis (Jn 10, 1-10)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie.Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus parlait ainsi aux pharisiens :
« Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit.
Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis.
Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir.
Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix.
Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus. »

Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire.
C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis.
Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage.
Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. »
Patrick Braud

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26 octobre 2013

Simul peccator et justus : de l’intérêt d’être pécheur et de le savoir

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Simul peccator et justus :
de l’intérêt d’être pécheur et de le savoir

Homélie du 30° dimanche du temps ordinaire / Année C
27/10/2013

Irréprochable ?

Simul peccator et justus : de l'intérêt d'être pécheur et de le savoir dans Communauté spirituelle 700-147577-Dipl%C3%B4me%20de%20l'homme%20le%20plus%20irr%C3%A9prochable« Moi ? Je n’ai rien à me reprocher. »

Cet argument, vous l’entendez sûrement mille fois lorsque les gens se mettent à taper sur « les autres ».

On peut ainsi justifier beaucoup de choses :

- allez à l’église le dimanche ne sert à rien puisque vous voyez bien que ceux qui y vont ne sont pas meilleurs.

- allez recevoir le pardon dans le sacrement de réconciliation est hors jeu, puisque grosso modo je n’ais rien à me faire pardonner.

- critiquer et les politiques et les acteurs sociaux devient facile, car eux ils ont plein d’affaires où ils ne sont pas irréprochables.

- tomber à bras raccourcis sur les braqueurs, les Roms, les délinquants en tout genre devient une évidence, car je ne fait pas partie de « ces gens-là », Monsieur *…

Bref : si je n’ai rien à me reprocher, je suis prêt à faire le procès de tous ceux qui visiblement ont franchi une ligne jaune dans leur vie.

 

Pas d’auto-rédemption

Le malentendu vient peut-être de cette forme auto-accusative ou auto-justificative.

C’est du moins ce vers quoi pointe de la parabole du pharisien et du publicain en prière au Temple.

Le publicain se situe devant Dieu et non pas devant lui-même. Ce n’est pas même devant sa conscience qu’il s’accuserait. Comme l’écrit St Jean : « notre coeur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre coeur » (1Jn 3,20). Non : c’est dans la relation à Dieu – le grand Dieu au-dessus de tout – qu’il reconnaît sa petitesse, et qu’il s’adresse en acceptant de ne pas cacher devant Dieu les contradictions qui le traversent.

Le pharisien lui aussi devrait être devant Dieu, mais il se tient en réalité « en lui-même ». Il ne respecte pas la distance entre lui et Dieu que le publicain marquait avec humilité. Sa longue prière est en fait un discours qu’il s’adresse à lui-même. Il énumère tout ce qu’il fait de bien dans le domaine moral et rituel, et juge au passage les autres hommes qui ne sont pas comme lui.

L’auto-justification aboutit toujours au mépris des autres.
L’auto-accusation n’aboutirait qu’au désespoir.

 

Simul justus et peccator

simul-justus-et-peccator justification dans Communauté spirituelleSeule une vraie relation à Dieu – le tout Autre – me permet de me découvrir à la fois justifié et pécheur, dans le même mouvement. C’est la fameuse formule de Luther : simul justus et peccator.

Catholiques et protestants se sont affrontés autour de cette formule. Les uns, catholiques, croyant en la réalité du salut offert dans le baptême, insistaient sur le renouveau intégral apporté par ce sacrement, si bien que l’homme n’est plus fondamentalement pécheur, mais réconcilié avec Dieu.

Les autres, suivant Luther et St Augustin, affirmaient l’expérience que tout en étant sauvé, l’homme continue à être intérieurement déchiré par une tendance à s’éloigner de Dieu, tendance qui n’est cependant plus dominante dans le régime de la grâce chrétienne.

Saint Paul semble déjà exprimer cette contradiction profonde dans un passage dramatique de l’Épître aux Romains :

« Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais [...] en réalité ce n’est plus moi qui accomplis l’action, mais le péché qui habite en moi. [...] Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur ; mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! » (Rm 7,15-24)

La solution à cette tension entre l’optimisme catholique (sur la réalité de la justification) et le réalisme protestant (sur la rémanence du péché) a été formulé dans un document récent (et capital pour l’oecuménisme) :

Déclaration conjointe  sur la doctrine de la justification de la Fédération Luthérienne Mondiale et de l’Église catholique (1999) :


4.4 L’être pécheur du justifié    

28. Nous confessons ensemble que, dans le baptême, le Saint-Esprit unit la personne humaine au Christ, la justifie et la renouvelle effectivement. Malgré cela, le justifié demeure sa vie durant et constamment dépendant de la grâce de Dieu qui le justifie sans conditions. Il n’est pas soustrait au pouvoir toujours encore affluant du péché et à son emprise (cf. Rm 6, 12-14), il n’est pas dispensé de combattre perpétuellement la convoitise égoïste du vieil homme qui le met en opposition à Dieu (cf. Ga 5, 16 ; Rm 7, 7.10). Même le justifié doit quotidiennement implorer le pardon de Dieu comme dans le Notre Père (Mt 6, 12 ; 1 Jn 1, 9). Il est constamment appelé à la conversion et à la repentance, et le pardon lui est toujours à nouveau accordé.  

29. Les luthériens veulent exprimer cela lorsqu’ils disent que le chrétien est « à la fois juste et pécheur » : Il est entièrement juste car Dieu lui pardonne son péché par la parole et le sacrement, et lui accorde la justice du Christ qui dans la foi devient la sienne et fait de lui, en Christ et devant Dieu, une personne juste. Face à lui-même cependant, il reconnaît par la loi qu’il demeure aussi totalement pécheur, que le péché habite encore en lui (1 Jn 1, 8; Rm 7, 17.20) car il ne cesse de placer sa confiance dans de faux dieux et n’aime pas Dieu avec cet amour sans partage que Dieu, son créateur, exige de lui (Dt 6, 5 ; Mt 22, 36-40 par.). Cette opposition à Dieu est en tant que telle véritablement péché. Cependant, par le mérite du Christ, le pouvoir aliénant du péché est brisé : le péché n’est plus péché « dominant » le chrétien car il est « dominé » par le Christ auquel le justifié est lié par la foi ; ainsi, tant qu’il vit sur terre, le chrétien peut, du moins partiellement, mener une vie dans la justice. Malgré le péché, le chrétien n’est plus séparé de Dieu car, né de nouveau par le baptême et le Saint-Esprit, il reçoit le pardon de son péché par le retour quotidien à son baptême ; ainsi son péché ne le condamne plus et n’entraîne plus sa mort éternelle. Lorsque les luthériens affirment que le justifié est aussi pécheur et que son opposition à Dieu est véritablement péché, ils ne nient pas que, malgré le péché, le justifié n’est plus, en Christ, séparé de Dieu et que son péché est un péché dominé. En cela ils s’accordent avec le partenaire catholique-romain malgré les différences dans la compréhension du péché du justifié.  

 

Simul peccator et justus

Nous pouvons donc – catholiques et protestants – nous reconnaître ensemble dans cette célèbre formule de Luther : simul justus et peccator, qui s’énoncerait presque dans l’ordre inverse dans notre parabole d’aujourd’hui : simul peccator et justus. Car c’est dans le mouvement même où il se reconnaît pécheur que le publicain est justifié, déclaré juste par Dieu. C’est parce qu’il confesse son péché qu’il est justifié dans le même mouvement. À l’inverse, le pharisien s’auto-déclare juste et par là même perd la grâce de la justification : il repart pécheur du Temple. C’est le reproche que Jésus formule aux pharisiens dans une autre controverse célèbre, à propos de l’aveugle qu’il avait guéri : « vous dites : nous voyons ! et votre péché demeure » (Jn 9,41).

Dieu nous reproche de nous vouloir irréprochables !

Un pasteur protestant résumait ainsi l’intérêt de cette parabole du pharisien et du publicain :

La parabole qui met en scène deux personnages qui, en réalité peut-être, n’en font qu’un, nous rappelle la tension féconde, libératrice et bénéfique dans laquelle nous nous tenons : à la fois pécheurs et justifiés, à la fois loin de Dieu, mais pourtant profondément assurés qu’il nous aime. Simul justus, simul peccator, semper penitens, écrivait si justement Luther : à la fois justes et pécheurs, et toujours pénitents, reconnaissant que c’est sa grâce qui nous libère, et non nos pauvres prétentions humaines, pour le service du Christ et des hommes. Nous voici donc à la fois assurés de sa grâce, comme le pharisien, à la fois conscients de notre finitude, de notre fragilité et de notre impuissance, comme le collecteur d’impôts, et toujours pénitents, mendiants mais rendus immensément riches de la pleine et entière indulgence du Christ -ce terme d’indulgence, ici, équivalant à celui de salut -.
François Clavairoly

http://www.erf-saint-esprit.org/Luc-18-9-14-Une-parabole-pour-dire#nh3

 

En guise de conclusion

1) Nous sommes très réalistement pécheurs. Nous faisons alors l’expérience d’être justifiés par le fait même de nous confier à Dieu tels que nous sommes, car il nous aime gratuitement. La confession de nos péchés nous ouvre à la justice, c’est-à-dire à une juste relation, une relation ajustée à Dieu.

2) Nous sommes de par notre baptême à la fois justes et encore engagés dans le combat contre le péché qui nous séduit toujours.

 

Que l’Esprit du Christ nous garde dans cette double tension intérieure !
C’est elle qui nous permettra de ne jamais désespérer de nous-mêmes (car nous sommes justifiés, et réellement, totalement).
C’est elle qui nous donnera de ne jamais mépriser ceux qui sont différents de nous (car nous sommes tous pécheurs).
Il y a là de quoi combattre toute violence religieuse qui se nourrit du mépris des autres, ce que Jésus dénonce dans cette parabole.

 

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* Comme le chantait Jacques Brel avant de repérer qu’il y avait Mathilde au milieu de ces gens-là

 

1ère lecture : Dieu écoute la prière du pauvre (Si 35, 12-14.16-18)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Le Seigneur est un juge qui ne fait pas de différence entre les hommes.
Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé.
Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin, ni la plainte répétée de la veuve.
Le Seigneur est un juge qui ne fait pas de différence entre les hommes.
Celui qui sert Dieu de tout son c?ur est bien accueilli, et sa prière parvient jusqu’au ciel.
La prière du pauvre traverse les nuées ; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable.
Il ne s’arrête pas avant que le Très-Haut ait jeté les yeux sur lui, prononcé en faveur des justes et rendu justice.

Psaume : Ps 33, 2-3, 16.18, 19.23

R/ Un pauvre a crié : Dieu l’écoute et le sauve.

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Le Seigneur regarde les justes, 
il écoute, attentif à leurs cris.
Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : 
de toutes leurs angoisses, il les délivre.

Il est proche du coeur brisé, 
il sauve l’esprit abattu.
Le Seigneur rachètera ses serviteurs : 
pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.

2ème lecture : Paul au soir de sa vie (2Tm 4, 6-8.16-18)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée

Me voici déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle. Je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur : dans sa justice, le Seigneur, le juge impartial, me la remettra en ce jour-là, comme à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation dans la gloire.
La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que Dieu ne leur en tienne pas rigueur. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse annoncer jusqu’au bout l’Évangile et le faire entendre à toutes les nations païennes. J’ai échappé à la gueule du lion ; le Seigneur me fera encore échapper à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer au ciel, dans son Royaume. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Evangile : Parabole du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu ne regarde pas l’apparence, comme font les hommes : il sonde les reins et les c?urs. Alléluia. (cf. 1 S 16, 7)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres :
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain.
Le pharisien se tenait là et priait en lui-même : ‘Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’
Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis !’
Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Patrick Braud

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16 juin 2012

Le pourquoi et le comment

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Homélie du 12° dimanche ordinaire / année B

17/06/2012

 

Le pourquoi et le comment

 

« Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. » (Mc 4,26)

Jésus utilise le savoir disponible de son époque, dans une société palestinienne, et rurale. Le pourquoi et le comment dans Communauté spirituelleLa culture préscientifique de ce temps-là n’autorise pas une connaissance très fine du comment de bien des choses. Pour les gens d’alors, la guérison est miraculeuse avec la même évidence qu’un médicament est efficace pour nous aujourd’hui. L’agriculture est encore soumise aux caprices de la météo interprétée comme une volonté divine mystérieuse. La semence plantée en terre grandit mais nul ne sait comment. Les lois de la biologie et de la génétique n’ont pas encore été découvertes. Jésus s’appuie sur le bon sens environnant pour constater que, même si les paysans ignorent comment la semence grandit, cela n’empêche pas le grain de germer, et la terre de produire une abondante récolte. C’est une « docte ignorance » que celle-ci, parce qu’elle permet de faire confiance à l’élan vital qui pousse la Terre à produire d’elle-même l’herbe, l’épi, le blé. L’important, c’est de croire que le royaume de Dieu se débrouille toujours pour pousser et grandir, à travers des minuscules graines d’amour et de vérité, même si on ne sait pas comment fait Dieu pour produire tant à partir de si peu.

 

La docte ignorance de l’agriculteur de cette parabole se retrouve tout au long des Évangiles. Marie ignore le comment de sa fécondation ; elle n’y comprend rien à vrai dire, mais fait confiance à la puissance qu’a la parole de l’annonciation pour grandir d’elle-même en son sein. Joseph également ne sait pas comment cet enfant peut venir du Tout-Autre, mais il fait confiance car il sait pourquoi cet enfant vient au monde.

Plus tard, Jésus sera surpris qu’une force sorte de lui, sans savoir comment, pour guérir une femme hémorroïsse rien que par le contact avec son manteau. Il ne sait pas non plus comment Dieu va procéder pour nourrir 5000 hommes avec cinq pains et deux poissons, mais il rend grâce par avance de ce qui va se passer. Sentant l’hostilité des chefs du peuple devenir critique, Jésus devine que cela va mal finir, mais il ne sait pas encore comment. Il pense au début être lapidé comme les prophètes. Même en ignorant encore le comment de sa mort – plus infâme que ce qu’il imaginait – il en sait pourtant le but ultime : « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52) ; « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 9,10).

 

On pourrait continuer la liste de ces doctes ignorances longtemps. Dans le livre des Actes des apôtres, Pierre ne sait pas comment l’Esprit peut descendre sur un païen comme Corneille, mais il découvre à travers cela que le royaume de Dieu grandit bien au-delà des frontières d’Israël. Paul ne sait pas comment le ressuscité a pu se manifester à lui. Mais il est convaincu que c’est pour qu’il annonce l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Même Jean dans son Apocalypse est obligé de recourir à des images, à des codes et à des symboles pour décrire « la fin » dont il ignore le comment, mais dont il révèle la finalité : vaincre la mort et le mal, en étant uni au témoin fidèle qui le premier a remporté cette victoire.

 

Bref, la question du comment n’est manifestement pas ce qui passionne les rédacteurs bibliques. Ils ne la méprisent pas ; ils la traitent avec les connaissances de leur époque, en l’état. Par contre, ce qui les motive, c’est de comprendre pourquoi tout cela arrive, vers quoi nous sommes appelés, pour qui cela vaut la peine d’aimer, de se donner, quel sens ultime peut ordonner les passions humaines.

 

D’où un formidable malentendu possible avec notre culture actuelle. Nous, nous sommes fascinés par le comment plus que par le pourquoi. Nous pianotons des heures sur notre smartphone pour en explorer toutes les possibilités en oubliant parfois que c’est censé être un outil pour mettre des humains en relation physique. Nous déchiffrons les secrets de l’univers, les lois de l’infiniment petit ; nous savons expliquer comment le grain devient épi de blé, comment l’enfant prend forme dans le sein de sa mère, comment la maladie est vaincue par les molécules, et bien d’autres choses plus ébouriffantes encore !

Ni la Bible ni les chrétiens ne mépriseront cette soif occidentale du comment des choses, au contraire. Car la nature n’est pas Dieu : elle a été confiée par Dieu à l’homme pour qu’il en soit le co-créateur. Explorer le comment de l’univers fait donc partie de la mission reçue.

 

Non, ce n’est pas sur la recherche du comment que la Bible va nous avertir, et bien plutôt sur l’oubli du pourquoi. Si nos formidables connaissances scientifiques et techniques, promises à une croissance exponentielle, oublient au service de quoi, de qui elles sont appelées à se développer, elles risqueront de nous déshumaniser. D’ailleurs, les scientifiques les plus pointus admettent avec humilité que leur ignorance grandit plus vite que leurs découvertes : le réel est plus complexe que ce que nous en saurons jamais. Reconnaître l’incomplétude de la science n’est pas l’humilier, mais la situer dans une quête inachevée par essence, ce qui lui ouvre un horizon infini et l’oblige à avancer de pair avec les interrogations sur le pourquoi de tout cela.

 

La parabole du bon grain qui germe tout seul nous redit qu’on peut ignorer beaucoup de choses, et faire confiance malgré tout à la puissance de vie qui se fraie son chemin elle-même à travers les événements de notre existence. L’essentiel n’est pas de connaître pour connaître, mais de laisser le royaume de Dieu grandir de lui-même à travers le soleil et la pluie, l’ivraie et le bon grain, le prévu et l’imprévu.

Il y a tant de choses que nous ignorons sur nous-mêmes ! Des gourous promettent de lever tous les voiles, des charlatans de tout maîtriser, des idéologues de tout expliquer, des savants fous de tout manipuler : le Christ promet seulement que les épis seront beaux si nous faisons confiance à l’action cachée du maître de la moisson.

 

 comment dans Communauté spirituelleC’est le secret de sa passion : découvrant peu à peu comment son engagement allait le conduire à l’horreur de la croix, il s’en remet à la puissance de son Père pour produire du fruit malgré tout à travers ce chemin innommable et impensable pour lui.

Nietzsche, l’athée de rigueur, ne disait pas autre chose : « si je connais le pourquoi, je peux endurer tous les comment ».

 

Ne perdons jamais de vue cette parabole du grain qui pousse tout seul : qu’elle nous aide à assumer tous les comment, même les plus incompréhensibles, en faisant confiance aux pourquoi révélés par le Christ.

 

 

 

 

 

1ère lecture : L’arbre planté par Dieu (Ez 17, 22-24)

Lecture du livre d’Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : À la cime du grand cèdre, à son sommet, je cueillerai un jeune rameau, et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je le planterai. Il produira des branches, il portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Tous les passereaux y feront leur nid, toutes sortes d’oiseaux habiteront à l’ombre de ses branches. Et tous les arbres des champs sauront que c’est moi, le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Moi, le Seigneur, je l’ai dit, et je le ferai.

 

Psaume : 91, 2-3, 13-14, 15-16

R/ Il est bon, Seigneur, de chanter pour toi !

 

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits. 

Le juste grandira comme un palmier, 
il poussera comme un cèdre du Liban ; 
planté dans les parvis du Seigneur, 
il grandira dans la maison de notre Dieu. 

Vieillissant, il fructifie encore, 
il garde sa sève et sa verdeur 
pour annoncer : « Le Seigneur est droit ! 
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »

 

2ème lecture : Nous sommes faits pour habiter auprès du Seigneur (2 Co 5, 6-10)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
nous avons pleine confiance, tout en sachant que nous sommes en exil loin du Seigneur tant que nous habitons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir. Oui, nous avons confiance, et nous aimerions mieux être en exil loin de ce corps pour habiter chez le Seigneur. Que nous soyons chez nous ou en exil, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive ce qu’il a mérité, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps.

 

Evangile : Germination et croissance du règne de Dieu (Mc 4, 26-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Semeur est sorti pour semer la Bonne Nouvelle. Heureux qui la reçoit et la fait fructifier. Alléluia. (cf. Mt 13, 3.23)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Parlant à la foule en parabole, Jésus disait :
« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. »


Il disait encore : « À quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples.
Patrick Braud

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