L'homélie du dimanche (prochain)

3 avril 2021

Conjuguer Pâques au passif

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Conjuguer Pâques au passif

Homélie du Dimanche de Pâques / Année B
04/04/2021

Cf. également :

Pâques : le Jour du Seigneur, le Seigneur des jours
Pâques : les 4 nuits
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Trois raisons de fêter Pâques
Le courage pascal
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?

Nul ne peut se couronner lui-même

Sacre de l’Empereur Napoléon Ier et couronnement de l’Impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-dame de Paris le 2 décembre 1804 (détail)Le 5 mai prochain, la France commémorera le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte. L’image de son sacre comme « empereur des Français » vient aussitôt à l’esprit. La légende voudrait que Napoléon ait arraché la couronne impériale des mains du pape Pie VII pour se la mettre lui-même sur la tête. En réalité, il est allé la prendre sur l’autel, selon le rituel fastueux et froid [1] qu’il avait imaginé, et le pape n’était pas en position de force pour négocier. Le 2 Décembre 1804, cérémonie du couronnement de l’empereur, un témoin raconte : « la couronne étant placée sur l’autel, Napoléon la prit de ses mains et la posa lui-même sur sa tête ; cette couronne était un diadème de feuilles de chêne et de laurier en or ; des diamants formaient les glands et les fruits. Cela fait, l’empereur prit également sur l’autel la couronne destinée à l’impératrice, et la mit sur la tête de Joséphine à genoux devant lui. »

Napoléon s’est donc bien couronné lui-même empereur en se ceignant de cette couronne d’un autre temps. Chaque fois que le pouvoir politique ou économique oublie qu’il se reçoit d’un autre, des autres, il dérive en abus de pouvoir, violence, corruption, domination. Cet auto-couronnement illustre bien le côté sombre de celui qui a pourtant sauvé la Révolution française de l’invasion des armées étrangères. Il anticipe le mythe du self-made-man qui fera florès au XIX° siècle avec ses fortunes industrielles bâties à partir de rien. Si le libéralisme entretient toujours ce mythe, aux USA notamment, la légende de l’homme se faisant tout seul engendre de nouveaux avatars dans les diverses techniques de développement personnel, promettant l’harmonie et le bonheur à force d’exercices de méditation, ou dans l’individualisme contemporain, mettant l’autonomie de l’individu au-dessus de tout.

Rien de plus étranger quand on y réfléchit à l’esprit de la fête de Pâques que nous célébrons pendant 50 jours à partir d’aujourd’hui ! Car Pâques est fondamentalement un passif. La résurrection est davantage un don à recevoir qu’une tâche à accomplir. Voyons comment.

 

Le vocabulaire de la résurrection

Dans le Nouveau Testament, il est très clair que Jésus ne s’est pas ressuscité tout seul ! Les verbes utilisés pour évoquer cette réalité inouïe indiquent sans ambiguïté que c’est Dieu qui l’a relevé d’entre les morts par la puissance de l’Esprit :
« Dieu l’a relevé, le délivrant des douleurs de la mort » (Ac 2, 23-24). « Dieu l’a réveillé d’entre les morts » (Rm 10,9). « Certes, il a été crucifié du fait de sa faiblesse, mais il est vivant par la puissance de Dieu » (2 Co 13, 4). « Mis à mort en sa chair, il a été rendu à la vie par le Souffle » (1P 3,18). « Exalté par la droite de Dieu (…) le Seigneur lui a dit: assieds-toi à ma droite (…) ». « Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort (…) Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption. Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis (…) Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Ac 2, 22 36). « Dieu a glorifié son serviteur Jésus » (Ac 3,13). « Dieu l’a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,9).

On ne peut être plus clair : c’est Dieu qui a ressuscité Jésus, dans la puissance de l’Esprit. Jésus ne s’est pas ressuscité lui-même.

Monet a peint 25 tableaux de la meule de foin...!

Comment décrire une rencontre à nulle autre pareille ? Comment évoquer une expérience inouïe dans l’histoire de l’humanité ? Les mots ne suffisent pas, et il en faut donc une multitude pour tenter d‘approcher l’indicible, plus encore que Monet multipliant les tableaux (25 !) et les taches  de couleur pour évoquer une meule de foin sous le soleil… Les témoins de Pâques sont allés puiser dans leur culture les mots qui pouvaient porter quelque chose de l’inimaginable pascal, tout en sachant qu’aucun ne pourrait en épuiser la réalité.
On peut relever au moins quatre familles de verbes cherchant à raconter Pâques dans le Nouveau Testament :

Christ Résurrection Grünewald

a) Dans les Évangiles, le vocabulaire grec le plus utilisé est celui de l’éveil : être réveillé du sommeil de la  mort (egeireinen grec, 36 fois en Mt ; 19 fois en Mc ; 17 fois en Lc), traduit par le verbe ressusciter en français.
« Il n’est pas ici, car il est ressuscité (éveillé), comme il l’avait dit. [...] Allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là, vous le verrez.” » (Mt 28, 6.7) ; « Mais il leur dit : Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. [...] Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient contemplé ressuscité. » (Mc 16, 6.14). « Il n’est pas ici, il est ressuscité » (Lc 24, 6).

Ce vocabulaire de l’éveil n’est pas sans harmonique avec l’éveil spirituel qui caractérise le bouddhisme. Mais alors que l’éveil du Bouddha s’ouvre sur l’impermanence de toutes choses et l’illusion du réel, l’éveil de Pâques ouvre le Christ à une vie nouvelle dans un monde nouveau, indicible. La forme passive « être réveillé » (avec Jésus pour sujet) est appelée « passif théologique » car l’auteur de l’action (celui qui réveille) est implicitement Dieu, qu’on ne nomme pas dans la tradition juive (d’où le passif).

b) L’autre famille de vocabulaire utilisé pour la résurrection de Jésus est celui de l’anastasie comme disent les Grecs (anistanai: être relevé, être mis sur pied, se dresser, se lever, debout sur ses pieds au lieu de rester couché dans le tombeau (7 fois en Mt ; 18 fois en Mc et 29 fois en Lc). Là encore, le sujet réel de l’action est caché : si le Christ se lève d’entre les morts, c’est à l’appel d’un autre qui lui souffle – comme à Lazare – « sors dehors ! ». À première lecture, le verbe désigne souvent un changement d’attitude (ainsi: se lever de son siège) mais le contexte laisse deviner une signification plus mystérieuse (Mt 9,9…; Mc 1,35 ; 16,9a… ; Lc 4,16 ; 24,7.12.33).46…) : « Il faut que le Fils de l’homme soit crucifié et que le troisième jour il se lève » (Lc 24,7).

c) La troisième famille de termes employés pour décrire Pâques empreinte le vocabulaire de la vie (zèn = vivre). On le trouve surtout chez Paul et Luc (6 fois seulement chez Mt, 3 fois chez Mc, mais 10 fois chez Lc). Appliqué à Jésus Christ, il souligne l’unité du Galiléen et du Ressuscité (cf. Lc 24,5.23 : « Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? »). À chaque fois que les évangélistes évoquent la vie, c’est la vie donnée par Dieu, (ainsi en Mt 9,18, Mc 5,23 ou Lc 10,28), une vie reçue, une vie au passif en quelque sorte.

d) Un quatrième vocabulaire pascal tourne autour de l’exaltation, avec des verbes comme « exalter », « glorifier », « monter au ciel ». Avant de clore son évangile, Luc emploie le vocabulaire d’exaltation : « il fut emporté au ciel » (Lc 24,50). Là encore, les verbes sont fondamentalement conjugués au passif, car – sauf Napoléon ! – nul ne peut s’exalter lui-même en Dieu, nul ne peut se glorifier lui-même.


Tout à la fin de Marc, la deuxième finale (Mc 16,9-20) concentre tout le vocabulaire disponible : « s’étant relevé » (v.9), « il vit » (v.11), « lui ayant été réveillé » (v.14), « il fut enlevé » (v.19). Luc 24 fera de même mais dans la seule scène du tombeau vide : « le vivant » (v.5), « il est réveillé » (v.6), « le troisième jour il se lève » (v.7).

Ce rapide survol du vocabulaire employé pour la résurrection nous le redit sans ambiguïté : Pâques est fondamentalement un passif.
Ce passif c’est toute la différence.

 

La tentation de l’auto-rédemption

Conjuguer Pâques au passif dans Communauté spirituelle Personne-ne-se-sauve-tout-seulMême s’il s’y implique de tout son être, Jésus ne ressuscite pas tout seul, en ne comptant que sur lui. Au contraire : jusqu’au bout il s’appuie sur un Autre, il se laisse conduire, il reçoit ses paroles et ses actes de cette communion vivante qu’il entretient avec son Père, jusqu’à sa mort : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Se recevoir / se donner est sa respiration la plus intime.

Sur la croix, il affronte par trois fois l’ultime tentation qui est également la nôtre :
- « Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : “Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu !
- ” Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : “Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !”
- Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : “Celui-ci est le roi des Juifs.” L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : “N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi !” » (Lc 23, 35 39).

C’est bien cela que nous murmure l’air de notre temps : sauve-toi toi-même ! Chacun serait responsable de son bonheur (ou de son malheur), de son avenir. Il suffirait d’aller chercher les bonnes techniques (de méditation, de santé, de développement personnel etc.).

Je demandais récemment à une amie coach de résumer les présupposés de son activité de coaching. Elle a répondu sans hésiter : l’autonomie de l’individu, et sa liberté. Sous-entendu : il ne dépend que de toi d’atteindre ton objectif ; tu as toutes les ressources en toi. Le coach n’est là que pour libérer ce potentiel en toi. Cet individualisme méthodologique inspire déjà largement les théories économiques néolibérales. Il inspire désormais la poursuite du bien-être qui semble avoir remplacé le mythe de la révolution sociale des siècles précédents. Quel appauvrissement ! Car l’individu est supposé être indépendant des autres, alors que la personne est tout entière façonnée par ses relations avec autrui. L’autonomie de l’individu désigne ses capacités à se donner à lui-même sa propre loi. Alors que la personne humaine est appelée à vivre en communion, et pour cela intériorise la Loi qui la précède. Dans la Bible, l’Alliance crée le peuple, la Loi reçue au Sinaï fait grandir Israël comme un peuple de fils et de filles de Dieu. L’hétéronomie (recevoir la loi d’un autre) avant l’autonomie en quelque sorte ; la personne au-dessus de l’individu ou des masses.

Jésus pousse au bout cette conception filiale de l’être humain. En refusant de se sauver lui-même, il nous indique le chemin du salut : l’autre. L’enfer, ce n’est pas les autres (Sartre) mais l’indépendance, c’est-à-dire le refus de dépendre, de se recevoir de la communion avec autrui. Le mythe de l’individu autonome conduit d’abord au séparatisme (refus de l’autre communauté), puis à la solitude (rupture des liens familiaux, économiques, moraux…). La tentation de l’auto-rédemption fait le malheur de l’Europe depuis que les Lumières ont voulu établir un ordre sans transcendance, une société sans verticalité, une liberté où chacun serait son propre maître. Alors que la Raison, si justement redécouverte, plaide au contraire pour une anthropologie relationnelle où le salut vient des autres.

En tout cas, pour Jésus, vivre c’est se recevoir des rencontres faites en chemin, de l’amitié avec les Douze, des moments de grâce partagée avec des étrangers, des inconnus, des prostituées, des soldats, des lépreux… Pour lui, ressusciter n’est finalement que la prolongation de cet acte de réception de son être des mains des autres, et du tout-Autre en premier. C’est de Dieu qu’il reçoit la force de traverser la mort. C’est de son Père qu’il obtient de demeurer Fils dans l’ignominie de la croix et le silence du tombeau. C’est de l’Esprit qu’il tire la capacité incroyable de reprendre souffle après son dernier souffle. Il se laisse ressusciter, tout en s’impliquant lui-même totalement dans ce combat contre la mort.

 

Laissez-vous ressusciter

ChristusSurrexit Pâques dans Communauté spirituelleTel est donc notre chemin de vie : se recevoir sans cesse des autres, de Dieu, du cosmos, de nous-même. Jusqu’à ce que la mort vienne apparemment briser ce fil qui nous relie à notre univers.
Au matin de Pâques, les femmes au tombeau découvrent que Celui qui nourrissait l’être de Jésus a continué à le faire vivre, autrement. Car sur Lui la mort n’a nulle emprise.

Alors, à nous de vivre dès maintenant de cette façon : en laissant Dieu nous nourrir à travers les autres, les événements ; en nous appuyant sur Lui et sur ceux qui relaient son salut pour nous ; en comptant sur Lui plus que sur nos propres forces ; en désirant la communion plus que l’autonomie, la croissance de la personne plus que le sacre de l’individu.

Nul ne se fait naître lui-même. Nul ne traverse la mort par lui-même.
Celui qui se sacre empereur finira rejeté de tous. Celui qui se reçoit enfant de Dieu goûtera une communion que rien – pas même la mort – ne pourra lui ravir, car elle est enracinée en Dieu.

 


[1]. La foule parisienne avait raillé le faste en répandant l’anagramme suivante : « Napoléon, empereur des Français », « Ce fol empire ne durera pas son an », et reproché la dépense de 9 à 15 millions de francs pour la cérémonie, alors que l’économie du pays traversait sa première crise depuis l’avènement du Consulat.

 

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

PREMIÈRE LECTURE
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

 

PSAUME

(117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

DEUXIÈME LECTURE
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » (Col 3, 1-4)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre.
En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.

 

SÉQUENCE

À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Réssuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est réssuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié ! Amen.

 

ÉVANGILE
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Alléluia. Alléluia.Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick Braud

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10 avril 2020

Pâques : le Jour du Seigneur, le Seigneur des jours

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 16 h 00 min

Pâques : le Jour du Seigneur, le Seigneur des jours

Homélie du Dimanche de Pâques / Année A
12/04/2020

Cf. également :

Pâques : les 4 nuits
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Trois raisons de fêter Pâques
Le courage pascal
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?

Clocher octogonal ...Avez-vous déjà remarqué que la plupart des clochers des églises du Moyen Âge sont octogonaux ? Les baptistères également ? Pourquoi le vendredi est-il musulman, le samedi juif et le dimanche chrétien ? La semaine commence-t-elle le lundi ou le dimanche ? Le temps est-il cyclique, linéaire, en spirale ?

Ces questions peuvent paraître anodines, ou au contraire trop philosophiques. Pourtant elles dépendent de notre réponse à la question : crois-tu au Ressuscité ? Car notre représentation du temps est liée à Pâque plus que nous n’en en avons conscience. Voyons comment, grâce aux femmes qui courent au tombeau (vide) de Jésus en ce premier jour de la semaine.

« Le premier jour de la semaine » : ainsi commence notre évangile de ce dimanche de Pâques (Jn 20, 1-9). Évidemment, ce n’est pas seulement une indication journalistique factuelle : c’est également un témoin symbolique de l’exceptionnelle importance de l’événement de ce jour. On ne trouve que 7 mentions seulement de l’expression « le premier jour de la semaine » dans la Bible, et uniquement dans le Nouveau Testament bien sûr : pour désigner le jour de la Résurrection de Jésus, bien distingué du jour précédent du shabbat, ou bien dans les Actes pour désigner l’assemblée où Paul « rompt le pain » (signe que très tôt les chrétiens ont pris l’habitude de se rassembler ce jour-là pour l’eucharistie).

Jn 20,1: Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Jn 20,19: Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint…
Lc 24,1: Le premier jour de la semaine, de grand matin, elles vinrent à la tombe en portant les aromates qu’elles avaient préparés.
Ac 20,7: Le premier jour de la semaine, alors que nous étions réunis pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, adressait la parole aux frères et il avait prolongé l’entretien jusque vers minuit.
Mc 16,2: Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé.
Mc 16,9: Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons.
Mt 28,1: Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre.  

 

·      Le premier et le huitième jour

chiffre porte bonheur chinois : numéro 8Le symbolisme de ce qui deviendra le dimanche est multiple, car Pâques a changé radicalement notre rapport au temps.

Dire que Pâques est le premier jour de la semaine renvoient bien sûr au premier jour de l’univers connu : le début de la création du monde. C’est une manière de dire que la résurrection de Jésus était déjà présente en filigrane dès l’origine, que l’événement pascal est déjà là, en puissance, dès le surgissement de quelque chose émergeant du néant. Impossible de confiner le Christ dans la période de son existence terrestre ou même de l’ère chrétienne. Il est l’Alpha et l’Oméga, de toujours à toujours.

Car en commençant une nouvelle semaine, le premier jour est en même temps le huitième jour (7 + 1 !), C’est-à-dire le commencement d’une création nouvelle. Dans la Genèse, après les six premiers jours symboliques de sa création, Dieu s’est reposé le septième jour. Le début de la nouvelle semaine est donc un nouveau travail pour une nouvelle création. Cet achèvement du temps était attendu par l’espérance juive pour qui 8 est le chiffre du Messie à cause de cela. Les chrétiens reconnaissent dans ce jour de Pâques le huitième jour eschatologique qui voit l’irruption du futur absolu dans notre histoire.

Le Catéchisme de l’Église Catholique écrit (n° 1166) :
 » L’Église célèbre le mystère pascal, en vertu d’une tradition apostolique qui remonte au jour même de la Résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le Jour du Seigneur, ou dimanche  » (SC 106). Le jour de la Résurrection du Christ est à la fois le  » premier jour de la semaine « , mémorial du premier jour de la création, et le  » huitième jour  » où le Christ, après son «  repos  » du grand Sabbat, inaugure le Jour  » que fait le Seigneur « , le  » jour qui ne connaît pas de soir « . Le  » repas du Seigneur  » est son centre, car c’est ici que toute la communauté des fidèles rencontre le Seigneur ressuscité qui les invite à son banquet (cf. Jn 21,12 ; Lc 24,30) :

Aujourd’hui commence la re-création de ce monde. Tel le point focal de l’histoire humaine, le Ressuscité attire à lui tous les hommes (Jn 12,32) et oriente notre désir pour que nous devenions en plénitude ce que nous sommes appelés à être par-delà notre mort personnelle et collective. La Résurrection, événement historique qui renvoie à l’au-delà de l’histoire, est le point Oméga qui aimante notre course tout en la transformant déjà dès maintenant, de l’intérieur.

Christ ressuscité est le centre du temps humain (die Mitte der Zeit, Oscar Cullmann, 1947) récapitulant en lui les siècles précédents pour les ouvrir à l’avenir de Dieu. Voilà pourquoi nos clochers et nos baptistères sont octogonaux : pour planter le chiffre 8 messianique et pascal au cœur de nos villages et de nos liturgies. Un monde nouveau est déjà là, inauguré en ce jour de Pâques : ne le sentez-vous pas bourgeonner et fleurir ? Allez-vous accepter de vous laisser transformer, transfigurer, emporter par cette déferlante qui vient de notre avenir en Dieu ?

 

·      L’accomplissement du shabbat

Accomplissez la table de ShabbatLes juifs attendent le Messie. Les chrétiens célèbrent sa venue tout en attendant que sa victoire sur la mort soit totale en y incluant tous et tout. Les juifs célèbrent le repos du Seigneur le samedi, les chrétiens le travail de résurrection par Dieu le Père le dimanche. Voilà pourquoi le dimanche est différent du samedi : car Pâques est Dieu à l’œuvre en Jésus, alors que le shabbat est le repos de Dieu à l’issue de sa première création. L’Église a sans doute eu tort de ‘shabbatiser’ le dimanche en obligeant au repos absolu ce jour-là, alors qu’au contraire c’est le jour où Dieu travaille ! Puisque la résurrection du Christ est aussi la nôtre, le dimanche marque le travail de Dieu en nous et nous y associe. Plutôt qu’au repos, le dimanche invite à anticiper le monde à venir, en expérimentant ce jour-là des relations gratuites, fraternelles, un temps de communion avec le monde, avec soi-même, dont les activités culturelles, sportives, associatives et autres sont de bons laboratoires.

Accomplir le shabbat demande de le dépasser. Jésus l’avait bien compris qui a guéri, s’est nourri, déplacé le jour du shabbat alors que c’est interdit par la Loi juive. Les pharisiens et les religieux de son époque l’ont bien compris puisqu’ils en ont fait un motif d’accusation et de haine, jusqu’à le livrer à Pilate.

Célébrer Pâque chaque dimanche invite donc à goûter autrement la vie de famille, la réunion avec des amis, l’activité autour d’une passion, d’un hobby etc. Il ne s’agit pas de ne rien faire, ni de faire comme les autres jours, mais de faire autrement pour nous rappeler que nous sommes appelés à vivre autrement que pour le travail, l’argent et les survies habituelles. C’est laisser la fin du temps faire irruption dans notre présent, pour le transformer de l’intérieur. C’est se recevoir du futur au lieu de le construire. Car on ne construit pas le futur : on en vient…

L’accomplissement du shabbat nous fait changer symboliquement de semaine. Le jour de Pâques nous fait passer du régime de la Loi à celui de l’Esprit, de la lettre à l’inspiration, de la répétition à l’innovation.

 

·      Le jour commence le soir

Pâques : le Jour du Seigneur, le Seigneur des jours dans Communauté spirituelle vepresLa liturgie chrétienne a gardé la conception juive du jour. Les Romains comptent 24 heures de minuit à minuit, et d’ailleurs le calendrier officiel continue à le faire. Mais dans le temps biblique, le jour commence dès l’obscurité du soir jusqu’au déclin du soleil le lendemain. Le jour romain va de la nuit à la nuit, le jour juif et chrétien va de l’obscurité à la lumière. Voilà pourquoi nous disons que le Christ est ressuscité le troisième jour, alors que selon le calendrier officiel il ne s’est écoulé que deux jours à peine entre sa mort et sa résurrection, du vendredi 15 heures à la nuit du samedi. Comptez avec moi :
du vendredi 15 heures au coucher du soleil = 1 jour ;
du coucher du soleil vendredi à celui du samedi = 1 jour ;
du coucher du soleil samedi à la nuit du samedi = 1 jour.
Voilà pourquoi nous fêtons les saints dès l’office de Vêpres la veille au soir de leur fête, et pourquoi nous célébrons Pâques dans la nuit du samedi. Voilà pourquoi les messes du samedi soir sont réellement celle du dimanche. Pâque est la victoire de la lumière sur l’ombre de la mort. Nous n’allons pas de la nuit à la nuit comme les païens, mais de l’ombre à la lumière, de la mort à la résurrection.

 

·      Jour du Seigneur au jour du soleil ?

Les langues ont gardé cette hésitation entre jour romain et jour liturgique. Les Grecs, français, italiens, espagnols, portugais etc. ont appelé dimanche le jour de Pâques selon l’étymologie latine : dies dominus = jour du Seigneur. Mais les Anglais (sunday), les Allemands (Sonntag) ont continué à l’appeler ‘jour du soleil’, comme sous les cultes anciens. La première Apologie de St Justin écrivait en 67:  » C’est le jour du soleil que nous faisons tous notre réunion ». Puisque la résurrection du Christ est la vraie lumière en ce monde, il était facile de substituer le Christ au soleil. Les solstices christiques sur les tympans romans où sont sculptés les 12 signes du zodiaque en sont un beau témoignage.

Travail le dimanche et modification du contrat de travail

 

·      Le Seigneur des jours

Changer le nom du jour l’habille d’une importance primordiale : le jour du Seigneur devient ainsi le Seigneur des jours, selon la belle expression d’Eusèbe de Césarée :

« Le jour saint du dimanche est donc celui où l’on fait mémoire du Seigneur. C’est pourquoi on l’a appelé « le jour du Seigneur ». Et il est comme le seigneur des jours. En effet, avant la Passion du Seigneur, il n’était pas appelé « jour du Seigneur » mais « premier jour ». En ce jour, le Seigneur a établi le fondement de la résurrection, c’est-à-dire qu’il a entrepris la création ; en ce jour, il a donné au monde les prémices de la résurrection ; en ce jour, comme nous l’avons dit, il a ordonné de célébrer les saints mystères. Ce jour a donc été pour nous le commencement de toute grâce : commencement de la création du monde, commencement de la résurrection, commencement de la semaine. Ce jour, qui renferme en lui-même trois commencements, préfigure la primauté de la sainte Trinité. »
Homélie attribuée à Eusèbe d’Alexandrie (fin du V° siècle) Sermons sur le dimanche, 16, 1-2 ; PG 86, 416-421.

La Documentation Catholique N° 14 : La Sanctification Du Dimanche - Jean Paul Ii : Lettre Apostolique Dies Domini, Le Voyage Du Pape En Australie de CollectifSi le dimanche (et par excellence le dimanche de Pâques) est le Seigneur des jours, c’est pour nous ajuster à ce qu’il annonce : un monde nouveau, enfin libérée du péché et de la mort, où la communion en Dieu nous réunira pour toujours.

Le jour du Seigneur est donc à la fois le jour de l’Église, née de cet événement stupéfiant du tombeau vide, le jour de l’homme qui le révèle à lui-même en lui montrant sa vocation ultime, le Seigneur des jours qui nous donnent la clé d’interprétation des autres jours de la semaine.

Le jour du Seigneur – ainsi que fut désigné le dimanche dès les temps apostoliques – a toujours été particulièrement honoré dans l’histoire de l’Église, à cause de son lien étroit avec le cœur même du mystère chrétien. En effet, dans le rythme hebdomadaire, le dimanche rappelle le jour de la résurrection du Christ. C’est la Pâque de la semaine, jour où l’on célèbre la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, l’accomplissement de la première création en sa personne et le début de la « création nouvelle » (cf. 2 Co 5,17). C’est le jour où l’on évoque le premier jour du monde dans l’adoration et la reconnaissance, et c’est en même temps, dans l’espérance qui fait agir, la préfiguration du « dernier jour », où le Christ viendra dans la gloire (cf. Ac 1,11; 1 Thess 4,13-17) et qui verra la réalisation de « l’univers nouveau » (cf. Ap 21,5).

La résurrection de Jésus est la donnée première sur laquelle repose la foi chrétienne (cf. 1 Co 15,14): c’est une réalité stupéfiante, perçue en plénitude dans la lumière de la foi, mais attestée historiquement par ceux qui eurent le privilège de voir le Seigneur ressuscité; c’est un événement merveilleux qui ne se détache pas seulement d’une manière absolument unique dans l’histoire des hommes, mais qui se place au centre du mystère du temps. (Lettre apostolique Dies Domini,  Jean-Paul II, 1998).

 

On raconte qu’un jour, saint Benoît, perdu dans sa solitude d’ermite, reçut la visite d’un prêtre, sans savoir que c’était le jour de Pâques. Le prêtre qui était venu le visiter dit : «  Lève-toi et prenons de la nourriture car c’est Pâques aujourd’hui  ». À quoi l’homme de Dieu répondit : « Je sais que c’est Pâques, puisque tu es venu me voir ». En effet, demeurant loin des hommes, il ignorait qu’en ce jour, c’était la solennité de Pâques !

En ce temps de post-confinement, redécouvrons l’actualisation de l’évènement pascal que nous célébrons aujourd’hui : «  C’est Pâques, puisque tu es venu me voir…  »

 

« Voici le jour que fit le Seigneur. Jour d’allégresse et jour de joie ! » (Ps 117,24)
Habitons ce jour comme tous les dimanches avec au cœur l’invincible espérance de Pâques.

 

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

PREMIÈRE LECTURE
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

PSAUME
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! (Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

DEUXIÈME LECTURE
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » (Col 3, 1-4)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre.
En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.

OU AU CHOIX

DEUXIÈME LECTURE
« Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une Pâque nouvelle » (1 Co 5, 6b-8)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ.
Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.

SÉQUENCE

À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié ! Amen. 

ÉVANGILE
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Alléluia. Alléluia.Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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19 avril 2019

Pâques : il vit, et il crut

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 23 h 30 min

Pâques : il vit, et il crut

Homélie pour le Dimanche de Pâques / Année C
21/04/2019

Cf. également :

Deux prérequis de Pâques
Pâques : Courir plus vite que Pierre
Les Inukshuks de Pâques
Pâques n’est décidément pas une fête sucrée
Comment annoncer l’espérance de Pâques ?
Incroyable !
La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société
Les sans-dents, pierre angulaire

« Moi je suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu cet argument pour justifier le scepticisme vis-à-vis de la foi ? Or ce soi-disant argument comporte de nombreuses failles, dont l’une a trait à l’Évangile de Pâques lu ce dimanche.

 

1. Il n’y a pas pire sourd…

Pâques : il vit, et il crut dans Communauté spirituelleLes contemporains de Jésus ont vu ses miracles, et n’ont pas cru pour la plupart. Ils connaissaient l’aveugle-né et sa famille, ils évitaient soigneusement les dix lépreux avant qu’ils soient guéris, ils ont pleuré sur Lazare au tombeau, ils ont croisé au Temple l’homme à la main desséchée etc. Aucun de ces faits se déroulant sous leurs yeux ne les a convaincus. Alors, comme dit Jésus : « s’ils n’écoutent pas Moïse, ni les prophètes, même si quelqu’un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus (Lc 16,31) ».

Les miracles officiels reconnus à Lourdes ne convainquent toujours personne ou presque. Car la foi ne repose pas sur du prodigieux, du magique qui s’imposerait à tous. Au contraire, comme l’amour, elle se donne à qui veut l’accueillir, sans autre preuve qu’elle-même et ses effets induits dans l’existence des croyants.

 

2. Méfiez-vous de ce que vous voyez

Aujourd’hui encore les gens ne croient que ce qu’ils ont envie de croire, quelle que soit la réalité. On a déjà évoqué le concept de post-vérité, qui traduit le bricolage numérique notamment que chacun et chaque groupe fait des événements pour y retrouver les croyances qui le réconfortent. Rappelons sa définition : le terme post-vérité décrit une situation dans laquelle il est donné plus d’importance aux émotions et aux opinions qu’à la réalité des faits.

On savait déjà, en économie par exemple, que les croyances ne s’appuient sur rien, mais peuvent produire beaucoup d’impact. Ainsi les prophéties auto-réalisatrices  (self fulfilling prophecy) annoncent une tendance économique ou boursière, et parce que les acteurs économiques leur font confiance (à leurs auteurs, leur réputation) il se passe exactement ce qui était annoncé, car tous agissent en fonction de ce qu’ils  pensent voir arriver, et le font arriver par là-même ! Les cracks boursiers en sont hélas de lugubres exemples.

On pourrait également rappeler que la monnaie est toujours fiduciaire, c’est-à-dire qu’elle repose sur la confiance que font les acteurs de l’échange à un bout de papier, une ligne électronique dans un compte de banque, une monnaie de bronze ou d’argent. Si cette confiance s’en va, la valeur de la monnaie s’écroule, la banque fait faillite, car elles ne reposent que sur ce que les acteurs leur accordent comme valeur : pas de monnaie sans foi !

Bref, celui qui demande des preuves pour croire se cache derrière cet alibi pour justifier sa volonté de ne pas croire. C’est ce qu’on appelle… de la mauvaise foi.  Jésus a souvent pesté contre cette fringale de preuves qui en demande toujours plus sans pour autant se laisser toucher : « Cette génération est une génération mauvaise; elle demande un signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas donné d’autre que le signe de Jonas » (Lc 11,29).

Nos sens nous trompent : le réel est au-delà des apparences.

Une vidéo est devenue virale sur Internet et a été vue des millions de fois. On y voit Barack Obama critiquer vertement (et même insulter !) son successeur à la Maison-Blanche. Jusqu’à ce qu’un acteur vienne expliquer que ce n’est qu’un montage, un trucage digne de Photoshop mais en vidéo !

« Nous entrons dans une ère où nos ennemis peuvent faire croire que n’importe qui dit n’importe quoi à n’importe quel moment », peut-on entendre dans la bouche de Barack Obama. « Ainsi, ils pourraient me faire dire des choses comme, je ne sais pas, (…) le président Trump est un idiot total et absolu ! » lâche-t-il dans cette  vidéo partagée par le média Buzzfeed. Très vite, le subterfuge est révélé : il s’agit d’un montage d’images réalisé avec l’aide du cinéaste Jordan Peele et d’une intelligence artificielle spécialisée dans les « deepfake », ces faux créés à l’aide de méthodes d’intelligence artificielle particulièrement sophistiquées.

Nous devons apprendre, et apprendre à nos enfants, à nous méfier des documents ou témoignages produits par les médias, les réseaux sociaux, la communication officielle des États et des groupes de tous ordres. Il faut au minimum prendre le temps d’analyser, de croiser les sources, de soumettre à plusieurs expertises techniques etc. Il sera de plus en plus difficile de savoir si ce que l’on entend ou voit est vrai ou non (truqué, tronqué, coupé de son contexte). Le risque est grand de voir pulluler les mouvements d’opinion suite à des fake news ou deepfake, chacun se repliant sur ce qu’il a envie de croire quelle que soit l’avalanche d’informations dont on le bombarde.
Il est donc très dangereux de croire ce que l’on voit ou ce que l’on entend !
La nature également nous trompe, et nos sens ne sont pas assez fins pour discerner ce qu’il y a derrière tel phénomène optique, tel camouflage naturel, telle ruse de l’évolution…

 

4. Le suaire et les bandelettes

Au matin de Pâques, point de journalistes, point de caméras ni de blogueurs. Au contraire, des femmes : les moins fiables des témoins possibles à l’époque. Du coup, Jean et Pierre veulent faire l’expérience par eux-mêmes, et après tout c’est bien le mouvement de la foi : pouvoir dire « je » comme les samaritains retrouvant Jésus au puits. « Ce n’est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde » (Jn 4,42).
Pierre est alourdi par l’embonpoint et l’âge ; il court moins vite que le jeune Jean. Celui-ci penche la tête vers le tombeau vide ; il remarque le linge qui enveloppait le corps roulé à part, les bandelettes qui tenaient les mâchoires de la tête également pliées et rangées.

Il vit et il crut. Aurait-il eu plus de chance que Thomas ? Non, car ce n’est pas le ressuscité qu’il voit ici, mais son absence. Il voit les traces en creux d’une disparition qui vient en un flash éclairer et donner sens à tout ce qu’il a connu de Jésus auparavant. Comme sur le négatif d’une photographie argentique, il lit dans le suaire, les bandelettes, le vide du sépulcre autant d’indices concordants que la résurrection de Jésus est bien crédible. Sans être pour autant l’unique explication possible, car les autorités juives par exemple feront courir le bruit que les disciples sont allés voler le cadavre la nuit pour inventer une rumeur.

Jean « voit » l’absence, et il croit.

C’est peut-être dans les absences de nos histoires humaines qu’il faut chercher de quoi nourrir notre foi. Lorsque l’océan se retire lors des grandes marées, les grèves sont jonchées d’algues, de coquillages sur des kilomètres. Celui qui les parcourt peut deviner que la mer était là. Si l’archéologue sait déchiffrer les fossiles pétrifiés des forêts américaines ou des déserts africains, il pourra reconstituer ce qui s’est passé et qui témoigne de l’immersion de ces régions jadis. C’est donc nous aussi en retrouvant et déchiffrant patiemment les traces de l’action de Dieu dans notre histoire que nous pourrons y fonder nos raisons de croire aujourd’hui.

Il faut peut-être une certaine capacité – voire un certain courage – de scruter le vide autour de soi et en soi pour se découvrir croyant.
Tombeau-vide1-300x214 bandelettes dans Communauté spirituelleEt puis il y a le suaire « affaissé », les bandelettes (mentonnière) « roulées à part » : ces indices, presque des détails, qui nous mettent sur la voie. Ce n’est pas d’abord du suaire de Turin dont il s’agit (d’ailleurs son historicité reste débattue, et il ne convertit que peu de monde même s’il fascine les foules). Le suaire que Dieu vient « poser à plat » dans nos tombeaux vides est sans doute plus personnel : une pacification intérieure inexplicablement donnée après une épreuve, une mauvaise habitude qui s’en va sans effort, des béquilles psychologiques sociales qui deviennent inutiles, un deuil qui enfin accepte sereinement la perte, un regard d’amitié ou d’amour qui rend le rôle de composition inutile…

Nous passons tant de temps et d’énergie à envelopper les cadavres de nos vies ! Nous ferions mieux d’entendre l’ordre de Jésus aux proches de Lazare : « déliez-le, et laissez-le aller » (Jn 11,44).

Le Saint Suaire de Turin à Montigny-Montfort - Journées du Patrimoine 2016Restent les bandelettes, ces franges de tissu qui entouraient la tête pour maintenir les mâchoires fermées avant que la rigidité cadavérique ne déforme le visage sinon (cf. la trace de ces bandelettes le long des joues du visage sur le suaire de Turin). Comme si on voulait faire taire les morts. Avec l’embaumement, cela faisait partie des rites funéraires relevant de la thanatopraxie : autrefois on voulait que les morts soient les plus beaux possibles. Aujourd’hui encore certes (et surtout après des attentats ou des accidents de voiture), mais la vue des corps morts est actuellement insupportable à nos mentalités occidentales. Nos sociétés cachent cette réalité : dans les maisons funéraires, à l’écart du domicile. On fait des courtes visites, mais plus de longues veillées auprès du corps. On ne fait plus de masque mortuaire ni de photos sur le lit de mort (ce qui était encore très populaire dans les années 50), on ne touche plus les morts (on les embrassait autrefois) et on interdit aux enfants de s’en approcher de peur que cela les traumatise. Les bandelettes du sépulcre traduisaient le respect et l’affection pour un visage qu’on voulait jusqu’au bout préserver de la déchéance. Lorsqu’elles sont vides et rangées à part, Jean y voit un signe de la transfiguration de Jésus, dont le visage rayonnait d’une telle gloire que rien ne peut la contenir.

Peut-être nous faut-il prendre soin de la beauté des autres, de la dignité du visage des oubliés, pour nous aussi pressentir que leur carcan de souffrance et de misère les défigurant est désormais hors d’usage, roulé à part. Leur visage est libre de parole ; il n’est plus enserré par les liens du tombeau où on voulait les figer en leur imposant le silence.

Jean vit, et il crut.

Pas à la manière de Thomas. Plutôt à la manière du renard du petit Prince. Les yeux de la foi déchiffrent en creux dans les traces qui jonchent les grèves de nos existences les indices concordants qui font que le cœur s’affole et que l’intelligence s’éclaire : « il est vivant ! »

 

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

Première lecture
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

Psaume
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
(Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Deuxième lecture
« Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une Pâque nouvelle » (1 Co 5, 6b-8)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ.  Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.

Séquence

À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié ! Amen.

Évangile
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)
Alléluia. Alléluia.
Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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9 avril 2018

Le courage pascal

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le courage pascal


Homélie pour le 3° dimanche de Pâques / Année B
15/04/2018

Cf. également :

La parresia, ou l’audace de la foi
Reprocher pour se rapprocher
Emmaüs : mettre les 5 E dans le même panier
La grâce de l’hospitalité
Bon foin ne suffit pas
N’avez-vous pas lu dans l’Écriture ?
L’événement sera notre maître intérieur

Le courage pascal dans Communauté spirituelle catechisme_mComment annoncer l’espérance de Pâques ?

Les lectures du temps pascal sont remplies des premières annonces de la résurrection de Jésus. Ces annonces sont appelées kérygmes, du nom grec kerussein qui signifie crier, proclamer, comme fait le héraut qui publie une nouvelle importante avec force tambour. La première lecture nous fait entendre le kérygme de Pierre, l’un des premiers, au peuple d’Israël stupéfait de la guérison d’un handicapé à la Belle Porte du Temple de Jérusalem. À bien y regarder, on peut déceler quatre étapes dans cette prédication de Pierre (à vrai dire la première étape est le signe opéré auparavant, qui intrigue la foule) qui peuvent nous inspirer aujourd’hui afin que nous puissions nous-mêmes annoncer la joie de Pâques autour de nous.

 

Première étape : dire courageusement la vérité.

Pierre commence par choisir habilement ses mots pour parler au peuple sur fond de bienveillance : « hommes d’Israël, le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, le Dieu de nos pères… » Il tisse d’abord un lien d’identité commune avec ses auditeurs, en leur rappelant qu’ils font partie du même Israël, qu’ils ont les mêmes ancêtres dans la foi et donc le même Dieu, « le Dieu de nos pères ». ‘Nous sommes de la même famille’, commence-t-il par rappeler. C’est pour mieux préparer l’acte d’accusation en règle qu’il énonce juste après. Connaissant bien les risques qu’il encourt alors reprocher ainsi la mort de Jésus, Pierre fait courageusement le récit de sa Passion encore récente : « vous l’avez livré, vous l’avez renié, alors que Pilate voulait le relâcher, vous avez préféré gracier Barabbas, vous avez tué le Prince de la vie ». Terrible accusation qui ne peut provoquer que la haine ou la contrition. L’assurance (parresia) de Pierre lui vient de l’Esprit Saint à Pentecôte. Avouons qu’il en faut de l’assurance pour oser ainsi affronter une foule en lui révélant qu’elle a éliminé le Prince de la vie, rien moins que cela !

C’est donc qu’il y a des moments où dire la vérité, même terrible, est nécessaire. On peut cacher, tergiverser, calculer des discours plus policés ou des fenêtres de tir moins risquées. Pas quand il s’agit de la résurrection du Christ. Nous avons tous tendance à différer de telles mises au point éprouvantes, de telles opérations vérité où enfin on peut nommer les choses, appeler mal ce qui est mal et bien ce qui est bien. À force d’éviter la confrontation, le sel perd sa saveur, le témoignage disparaît derrière une fausse paix sociale ou familiale trompeuse. Mais reprocher permet de se rapprocher.

Ne pas dissimuler la vérité est le courage des apôtres. Il peut devenir le nôtre, au travail, en famille, entre amis. À condition de le faire sur fond de bienveillance comme Pierre, et de le faire suivre des étapes suivantes.

 

Deuxième étape : « vous avez agi dans l’ignorance ».

Le Nouveau Testament lie souvent l’ignorance et le mal. Pensez au Christ cloué sur le bois : « Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus semble convaincu que si quelqu’un réalisait vraiment la portée du mal qu’il commet, il ne le ferait pas. Les pires criminels sont ceux qui ne ressentent aucune empathie pour leurs victimes, qui ne peuvent ni ne veulent se mettre à leur place, et qui ne voient pas le mal commis. Si les Hutus avaient réalisé ce qu’ils faisaient, ils n’auraient pas sombré dans la folie du génocide des Tutsis. Si les djihadistes ressentaient la souffrance de leurs victimes, s’ils découvraient la présence de leur Dieu en elles, ils reculeraient, horrifiés d’avoir voulu honorer Dieu en le reniant ainsi. D’où la surprise annoncée par Jésus au Jugement dernier : « comment ? Tu étais nu et nous ne t’avons pas vêtu ? J’avais faim et soif et nous ne t’avons pas nourri ? » C’est par ignorance que le mal séduit et se perpétue.

René Girard a mis en évidence le rôle majeur de la révélation, du dévoilement « des choses cachées depuis la fondation du monde ». Tant que le mécanisme de la violence mimétique n’est pas démasqué, il se reproduit implacablement à l’insu de ceux qu’il manipule. Le sacrifice du Christ met en pleine lumière la logique du bouc émissaire et la désavoue à jamais. C’est le Saint, le Juste, le Prince de la vie que nous avons mis à mort, et non un criminel, et c’est ce qui se reproduit dans toute violence où l’ignorance de la dignité de la victime voile la conscience et fausse l’action de l’agresseur.

Proclamer Pâques, c’est dévoiler la source de la violence, c’est lever le voile d’ignorance qui aveugle les malfaiteurs de tous ordres.

« La vérité vous rendra libres », disait Jésus. Pierre fait l’expérience que la révélation de Pâques libère du mal en nous empêchant d’y adhérer, car désormais nous savons que Dieu s’identifie aux pauvres, que le Christ ne fait qu’un avec l’opprimé, que l’Esprit nous libère de la séduction du mal.

 

Troisième étape : s’appuyer sur les Écritures pour interpréter les événements.

Parlant à des juifs, Pierre sent bien que l’argument scripturaire va les toucher au cœur. De ce meurtre du Prince de la vie, Dieu fait surgir une promesse de résurrection pour chacun ! La Loi et les Prophètes l’annonçaient pour qui veut bien les lire à la lumière de Pâques.

C’est donc que revenir à la Bible pour déchiffrer ce qui nous arrive est déterminant. L’éclairage des Écritures pour interpréter les événements demeure indispensable, pour lever le voile d’ignorance qui nous aveugle.

Être libéré de l’adhésion à la violence demande de se nourrir des textes bibliques, semaine après semaine.

 

Quatrième étape : ouvrir un chemin d’avenir.

« Convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu, pour que vos péchés soient effacés ». Pierre termine son kérygme en ouvrant la possibilité du salut, par le pardon, la réconciliation et la vie nouvelle en Dieu. Affronter la violence au nom de la vérité ne se fait pas pour détruire l’autre, mais au contraire pour le sauver, fut-il Hitler en personne. Parce que l’apôtre a éprouvé qu’il avait lui-même renié, trahi, abandonné, il peut tendre la main à ceux qui ont fait pire encore. L’annonce de Pâques n’est pas pour condamner, mais pour ouvrir un chemin possible. La résurrection du Christ dégage un horizon en même temps qu’elle dévoile le mal commis.

Voilà pourquoi le pardon, pardon des péchés reçu de Dieu, pardon accordé à son frère ou reçu de lui, est la plus belle preuve de la victoire de la vie sur la mort. Tout pardon véritable est une renaissance, de la victime comme du bourreau. À nous d’aller jusque-là pour fêter Pâques en plénitude…

PARDON2 kérygme dans Communauté spirituelle

Dire la vérité avec le courage, lever les voiles d’ignorance, s’appuyer sur les Écritures, être pardonné et pardonner : cette séquence du kérygme de Pierre peut devenir la nôtre, dans tous nos compartiments de vie.

Que l’Esprit du Ressuscité nous mette sur ce chemin pascal, et si nous y sommes déjà, qu’il nous y garde !

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Vous avez tué le Prince de la vie, lui que Dieu a ressuscité d’entre les morts » (Ac 3, 13-15.17-19) 

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, devant le peuple, Pierre prit la parole : « Hommes d’Israël, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, alors que vous, vous l’aviez livré, vous l’aviez renié en présence de Pilate qui était décidé à le relâcher. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier. Vous avez tué le Prince de la vie, lui que Dieu a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins. D’ailleurs, frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. Mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait. Convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu pour que vos péchés soient effacés. »

Psaume  (4, 2, 4.7, 9)

R/ Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! ou : Alléluia ! (4, 7b)

Quand je crie, réponds-moi,
Dieu, ma justice !
Toi qui me libères dans la détresse,
pitié pour moi, écoute ma prière !

Sachez que le Seigneur a mis à part son fidèle,
le Seigneur entend quand je crie vers lui.
Beaucoup demandent : « Qui nous fera voir le bonheur ? »
Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage !

Dans la paix moi aussi,
je me couche et je dors,
car tu me donnes d’habiter, Seigneur,
seul, dans la confiance.

Deuxième lecture
« C’est lui qui obtient le pardon de nos péchés et de ceux du monde entier » (1 Jn 2, 1-5a)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement des nôtres, mais encore de ceux du monde entier. Voici comment nous savons que nous le connaissons : si nous gardons ses commandements. Celui qui dit : « Je le connais », et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui. Mais en celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection.

Évangile

« Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour » (Lc 24, 35-48)
Alléluia. Alléluia. Seigneur Jésus, ouvre-nous les Écritures ! Que notre cœur devienne brûlant tandis que tu nous parles. Alléluia. (cf. Lc 24, 32) 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Comme ils en parlaient encore,  lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : “Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.” » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »
Patrick BRAUD

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