L'homélie du dimanche (prochain)

8 février 2024

La France vers une Constitution contraire à la vie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 11 h 08 min


Le très officiel site « Vatican News » publie le 7 Février 2024 une prise de position très claire contre le projet d’inscription de l’IVG dans la Constitution française.

 

 

La France vers une Constitution contraire à la vie


Éditorial Vatican News 07/02/24

https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2024-02/la-france-vers-une-constitution-contraire-a-la-vie.html 

 

La France débat de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Le Sénat sera appelé à se prononcer après que l’Assemblée nationale a voté en faveur de l’inscription du droit à l’avortement par 493 voix pour et 30 contre.

 

Massimiliano Menichetti - responsable des titres Radio Vatican et Vatican News

Le Sénat français devra se prononcer sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 28 février. «Un nouvel élan de foi, de charité et d’espoir». Il y a cinq mois à peine, en regardant dans les yeux plus de 50 000 fidèles au stade Vélodrome de Marseille, dernière étape de son 44e voyage apostolique international, le Pape s’adressait ainsi à l’Église, à la France et à toute l’Europe, les exhortant à la vie, à l’accueil, à la fraternité. À cette occasion, il a utilisé deux mots forts: «cynisme» et «résignation», fléaux qui blessent souvent nos réalités, il a invité chacun à lever les yeux vers le ciel, en faisant confiance au Seigneur qui «agit dans l’histoire, fait des merveilles et est à l’œuvre même dans nos sociétés marquées par un sécularisme mondain et une certaine indifférence religieuse». Il a regardé le drame du rejet de la vie humaine qui prend différentes formes, de la vie rejetée des migrants à celle des enfants à naître, en passant par celle des personnes âgées abandonnées, demandant de ne pas se détourner, d’aimer, de reconnaître l’autre: que ce soit dans un bateau au milieu de la mer, ou dans la condition la plus vulnérable dans le sein d’une mère. 

 

C’est un message fort d’espoir, de lumière et d’engagement que François a délivré en France. Pourtant, fin janvier, l’Assemblée nationale à Paris a approuvé l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. La réforme proposée par le gouvernement est actuellement examinée par le Sénat. Dans une Europe blessée par la guerre, minée par des élans souverainistes, populistes, consuméristes, et par des stratégies économiques qui tentent de détourner la vision des pères fondateurs - Alcide De Gasperi, Robert Schuman, Konrad Adenauer - cet élan de vérité, rappelé par le successeur de Pierre, qui illumine le visage de l’homme, est décisif.

L’avortement est un meurtre

Représentation de l'épisode du massacre des innocents raconté dans l'Évangile selon Matthieu.«L’avortement est un meurtre», a clairement déclaré François aux journalistes sur le vol de retour de Slovaquie en septembre il y a trois ans. Comment est-il possible de juxtaposer dans la charte fondamentale d’un État le droit qui protège la personne et celui qui sanctionne sa mort ? Nous vivons dans une société technologiquement avancée, informatisée et connectée. La croissance de l’être humain dès sa conception n’est plus un secret depuis des décennies.

Nous utilisons des mots tels que pré-embryon, embryon, nourrisson, enfant, adolescent, adulte, personne âgée pour indiquer des stades de développement dans lesquels le nombre de cellules change, dans lesquels l’aspect cognitif, le besoin d’assistance, évolue mais il s’agit toujours d’une personne. «Est-il juste de tuer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d’engager un tueur à gages pour tuer une vie humaine?», a demandé le Pape, s’adressant encore aux journalistes sur le vol retour de Bratislava à Rome. Une société ne se mesure pas à ses interdits, mais à sa capacité d’aimer, et «la liberté grandit avec l’amour», a expliqué François dans sa catéchèse lors de l’audience générale du 20 octobre 2021, «avec l’amour que nous voyons dans le Christ, la charité: c’est l’amour vraiment libre et libérateur». Les évêques français, au début du processus parlementaire, ont exprimé leur inquiétude face à cette modification de la Constitution et ont réaffirmé que toute vie est un don, un don fragile et précieux, infiniment digne, à accueillir et à servir depuis son commencement jusqu’à sa fin naturelle.

 

Une authentique culture de l’accueil 

Bénédiction Urbi et Orbi du lundi 25 décembre 2023.L’humanité a toujours condamné toute théorie eugénique, mais les embryons continuent d’être manipulés et sélectionnés comme s’ils étaient des matériaux et non des personnes. Dans ce contexte, l’avortement est à la fois prémisse et conséquence. Étrangement, c’est comme si nous n’étions plus capables de voir, d’être libres, de donner, d’aider. Dans un monde meurtri par tant de violence, il semble difficile de construire une bonne stratégie globale d’accueil et de soutien, de pouvoir allouer des fonds, de l’attention, de l’amour aux femmes qui vivent une grossesse difficile, aux enfants portés dans leur ventre. De nombreuses vies seraient pourtant sauvées, comme le démontre l’activité des Centri di aiuto alla vita italiens (Centres de soutien à la vie), si les femmes étaient soutenues sur les plans économique, juridique, psychologique, religieux et social, au moment dramatique où l’avortement semble être la seule solution.

“Nous nous enfermons souvent dans des oppositions politiques ou idéologiques stériles, mais le défi est de voter des lois et de modifier des constitutions avec des propositions de vie et non de mort. Des investissements et des mesures pour renforcer les structures et les réalités capables d’assumer le poids de la souffrance, de la peur, des situations extrêmes et dramatiques.”

Aider, c’est aimer, c’est être libre de choisir. Et cet horizon fraternel, qui prend en charge l’autre, la personne, construit des sociétés qui ne se résignent pas, mais marchent vers une authentique culture de l’accueil, du partage et de la paix.

 

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22 octobre 2023

Car vous étiez des immigrés au pays d’Égypte…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Car vous étiez des immigrés au pays d’Égypte…

Homélie pour le 30° Dimanche du temps ordinaire / Année A
29/10/2023

Cf. également :
Simplifier, aimer, unir
La bourse et la vie
Le cognac de la foi
L’amour du prochain et le « care »
Conjuguer le verbe aimer à l’impératif
Éthique de conviction, éthique de responsabilité

Les naufragés de la Méditerranée

Juin 2023, un vieux rafiot surchargé de migrants fait naufrage au large de la Grèce. Plus de 80 morts… Ces images terribles de vies humaines englouties avec leurs espoirs d’un avenir meilleur ailleurs font régulièrement la une de nos journaux télévisés. On estime à environ 30 000 depuis 2014 le nombre de ces naufragés qui ont péri en Méditerranée, cherchant à traverser d’un monde à l’autre [1]. L’organisme Missing Migrants Project a enregistré la mort de 58 339 personnes au total depuis 2014.
Nous ne savons pas quoi faire.
Nous, devant notre écran, qui voyons ces corps entourés de pneus en guise de bouées, sommes partagés entre la compassion et la peur. Compassion, car qui resterait insensible à tant de détresse et de souffrance ? Peur, car qui pourra maîtriser ces flux grossissants sans cesse, jusqu’à menacer peut-être notre économie, notre façon de vivre, notre culture, notre identité ?

Morts migrations au 16/10/2023

Morts migrations au 16/10/2023
Source : https://missingmigrants.iom.int/data

La liturgie de ce dimanche nous met très clairement en devoir de réfléchir aux migrations contemporaines, et d’agir en cohérence avec l’expérience spirituelle d’Israël qui est également la nôtre : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte » (Ex 22,20). Le triple commandement de l’amour qui résume la Loi selon Jésus (Mt 22,34-40) nous renvoie lui aussi à l’hospitalité envers l’étranger, à l’accueil de nos frères et sœurs en humanité : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » se décline très vite en : « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25,35).

Comment concilier les deux exigences qui nourrissent notre émotion et notre peur : accueillir l’étranger et protéger sa famille, son pays ? Comment « trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants » ? (Pape François, Fratelli tutti, n° 40)

 

Le pape François et l’immigration
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Pour son premier voyage hors du Vatican depuis son élection quelques semaines auparavant, le nouveau Pape se rendait sur la petite île italienne de Lampedusa, plaque tournante pour l’arrivée de migrants par bateaux entiers. C’était le 8 juillet 2013. Depuis un bateau des garde-côtes italiens, il avait alors lancé une couronne de fleurs en mémoire des migrants morts lors de leur tentative de traverser la Méditerranée après avoir prié de longues minutes. François allait dénoncer quelques instants plus tard lors de la messe célébrée sur l’île, « la mondialisation de l’indifférence » devant ce drame migratoire.
L’encyclique Fratelli tutti (2020) aborde abondamment cette question sociale. François est sans doute le pape qui s’est le plus exprimé sur cette question des migrations, avec simplicité et clarté. Et avec des gestes symboliques d’autant plus forts qu’ils étaient ultra médiatisés. Ainsi en avril 2016, il ramène avec lui dans son avion à Rome douze migrants syriens lors de sa visite au camp de réfugiés de Lesbos.
François se réfère à sa propre expérience d’Argentin, évêque de Buenos Aires, pour réaffirmer que les migrants peuvent être une chance plus qu’une menace (« si on les aide à s’intégrer », ce qui n’est pas une mince condition) :

La culture des latinos est « un ferment de valeurs et de possibilités qui peut faire beaucoup de bien aux États Unis. […] Une forte immigration finit toujours par marquer et transformer la culture locale. En Argentine, la forte immigration italienne a marqué la culture de la société, et parmi les traits culturels de Buenos Aires la présence d’environ deux cent mille Juifs prend un relief important. Les migrants, si on les aide à s’intégrer, sont une bénédiction, une richesse et un don qui invitent une société à grandir. (n° 135)

À Marseille le 23/09/23, François appelle une ne pas dépersonnaliser les personnes qui fuient leur pays : « Nous sommes réunis en mémoire de ceux qui n’ont pas survécu, qui n’ont pas été sauvés. Ne nous habituons pas à considérer les naufrages comme des faits divers et les morts en mer comme des numéros : non, ce sont des noms et des prénoms, ce sont des visages et des histoires, ce sont des vies brisées et des rêves anéantis. (…) C’est ainsi que cette mer magnifique est devenue un immense cimetière où de nombreux frères et sœurs se trouvent même privés du droit à une tombe, et où seule est ensevelie la dignité humaine. (…) Chers amis, nous sommes également à un carrefour : d’un côté la fraternité, qui féconde de bonté la communauté humaine ; de l’autre l’indifférence, qui ensanglante la Méditerranée. Nous sommes à un carrefour de civilisations ». François fustige les « tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence ».

Depuis toujours, le christianisme promeut une vision globale de l’humanité comme une seule famille et pas seulement une mosaïque de pays. Depuis toujours, le christianisme prêche la gratuité, qui s’enracine dans l’expérience de la grâce divine : « vous avez reçu gratuitement, donner gratuitement » (Mt 10,8). Pratiquer la gratuité envers les migrants sauve un pays, une culture, de l’isolement et du repli sur soi mortifère :

La vraie qualité des différents pays du monde se mesure par cette capacité de penser non seulement comme pays mais aussi comme famille humaine, et cela se prouve particulièrement dans les moments critiques. Les nationalismes fondés sur le repli sur soi traduisent en définitive cette incapacité de gratuité, l’erreur de croire qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres et qu’en se fermant aux autres on est mieux protégé. Le migrant est vu comme un usurpateur qui n’offre rien. Ainsi, on arrive à penser naïvement que les pauvres sont dangereux ou inutiles et que les puissants sont de généreux bienfaiteurs. Seule une culture sociale et politique, qui prend en compte l’accueil gratuit, pourra avoir de l’avenir. (n° 141)

François dénonce vigoureusement les idéologies qui surfent sur la peur de l’autre – sur tous les continents ! – pour diffuser « une mentalité xénophobe de fermeture et de repli sur soi » (n° 39). Les chrétiens qui adhéreraient à ces préférences politiques seraient en complète contradiction avec leur foi.

En même temps qu’il reprend l’exhortation biblique à aimer l’étranger, François n’est pas naïf : il sait bien que des passeurs exploitent la misère des pauvres ; il voit bien que le rêve d’une Europe riche et généreuse est une illusion savamment entretenue par ceux qui exploitent la misère (n° 35). Il en tire un droit naturel qui devrait sous-tendre la politique de coopération entre états : « le droit de ne pas émigrer » :

Malheureusement, d’autres « sont [attirées] par la culture occidentale, nourrissant parfois des attentes irréalistes qui les exposent à de lourdes déceptions. Des trafiquants sans scrupules, souvent liés aux cartels de la drogue et des armes, exploitent la faiblesse des migrants qui, au long de leur parcours, se heurtent trop souvent à la violence, à la traite des êtres humains, aux abus psychologiques et même physiques, et à des souffrances indicibles ». […]
Par conséquent, il faut aussi « réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre ». (n° 38)

Avec réalisme, le pape appelle également à la prudence, pour ne pas être dépassé par la suite à organiser après l’accueil : « Un peuple qui peut accueillir, mais qui n’a pas la possibilité d’intégrer, mieux vaut qu’il n’accueille pas. Là, il y a le problème de la prudence » (rencontre avec les journalistes sur le vol de retour de Dublin, 26 août 2018).

 

Oser parler des devoirs des migrants
La tradition chrétienne est donc unanime sur l’amour concret à pratiquer envers les immigrés, fondée sur le leitmotiv de notre première lecture de : « car vous étiez des immigrés au pays d’Égypte » [2].

Le Catéchisme de l’Église catholique résume ainsi cette longue tradition :

Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent. (n° 2241)

Cependant, il ajoute un deuxième paragraphe, peu cité :

RespectLes autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont ils ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.

Il s’agit donc de réaffirmer le rôle des responsables politiques dans la régulation de l’immigration. Et plus encore, il s’agit de rappeler aux migrants qu’ils n’ont pas que des droits, mais également des devoirs envers le pays hôte : le respect de ses valeurs, de ses lois, de son patrimoine, et le travail pour contribuer à la richesse commune. On trouve une trace de cette prudence chrétienne dans le texte de la Didachè (I° siècle), qui appelle à distinguer le vrai nécessiteux de l’imposteur et proportionne l’assistance aux services que le visiteur accepte de rendre, lorsqu’il est en bonne santé :

Quiconque vient à vous au nom du Seigneur doit être reçu (Mt 21,9 ; Ps 117,26) ; mais ensuite, après l’avoir éprouvé, vous saurez discerner la droite de la gauche : vous avez votre jugement. Si celui qui vient à vous n’est que de passage, aidez-le de votre mieux. Mais qu’il ne reste chez vous que deux ou trois jours, si c’est nécessaire. S’il veut s’établir chez vous et qu’il soit artisan, qu’il travaille et se nourrisse. Mais s’il n’a pas de métier, que votre prudence y pourvoie, en sorte qu’un chrétien ne soit pas trouvé oisif chez vous. S’il ne veut pas agir ainsi, c’est un trafiquant du Christ ; gardez-vous des gens de cette sorte » (XII.1).

Et encore ce texte ne parle-t-il que de l’hospitalité individuelle entre chrétiens ! Alors, quand il s’agit de flux importants et de brassage de toutes cultures et religions, on devine que le discernement auquel appelle la Didachè est bien plus redoutable…
L’amour du prochain qui s’exprime dans l’hospitalité ne doit pas céder à l’aveuglement naïf.
C’est la difficulté – relativement récente à cause de la mondialisation et de la facilité des voyages de masse – de passer d’une morale interpersonnelle à une politique nationale, ou comme aiment à le formuler les économistes, de passer du niveau micro (micro-entrepreneurs, individus) à un niveau macro (État, relations internationales), et vice versa.

 

Micro/macro : comment articuler les 2 dimensions

Deux exemples d’effets pervers
Prenons deux situations pour camper le problème. Deux exemples de ce que les économistes appellent un « effet pervers », ou de ce que le sociologue Max Weber appelait « le paradoxe des conséquences » [3] : un geste initialement bon au niveau micro peut se révéler finalement négatif et avoir des conséquences désastreuses lorsqu’il se généralise. Il peut y avoir des effets inattendus et non voulus (positifs ou négatifs) à des actions initialement visant initialement autre chose. La sagesse populaire sait depuis longtemps que l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Un triste exemple : le nombre des repas distribués par les Restos du Cœur est passé de 8 millions en 1986 à … 142 millions en 2022 ! Tout se passe comme si l’État se défaussait sur les associations, sans que la pauvreté recule. L’effet pervers du caritatif est ici le désengagement de l’État…
De même, l’aide humanitaire en Afrique peut produire des effets pervers, en masquant la corruption, le manque de démocratie, l’inefficacité économique etc. La série des récents coups d’État en Afrique de l’Ouest devrait nous alerter.
Le regroupement familial (décret de 1976) pour les migrants est une mesure humaniste, dont aujourd’hui on mesure cependant aujourd’hui l’impact numérique non imaginé à l’époque.
Soigner les symptômes permet parfois aux causes de proliférer…

 

– L’appel d’air
En matière d’immigration, l’exemple le plus connu est celui du différentiel d’assistance sociale entre deux pays. Si un pays garantit à tous ceux qui y résident la santé, l’éducation quasi gratuite, la prise en charge du chômage, des salaires minima et une qualité de vie supérieure, alors la tentation est grande pour ses voisins d’aller habiter ou travailler chez lui. Demandez aux Français frontaliers de la Suisse ou du Luxembourg qui chaque jour franchissent la frontière pour profiter des salaires suisses et luxembourgeois…

Ce qui d’un côté est une avancée sociale (niveau de vie) peut se transformer en appel d’air pour attirer des masses considérables si on attribue les mêmes droits aux étrangers, avec toutes les déstabilisations qui vont avec. Mieux les migrants sont accueillis, protégés et pris en charge dans un pays, plus cet effet d’aubaine se propage de bouche-à-oreille ailleurs, et crée un appel d’air pour immigrer dans ce pays de cocagne (ou du moins fantasmé comme tel). Et le débat est vif autour des aides accordées aux ONG secourant les migrants en Méditerranée : est-ce un cadeau fait aux passeurs ? un encouragement à traverser coûte que coûte ? …
Paradoxalement, l’aide aux migrants peut donc se retourner contre eux, en obligeant le pays à limiter sa générosité, qui n’est pas infinie.

 

– Les points de fixation
Campement de migrants
Autre effet pervers en matière de migration : si une ville, une région, s’organise pour mieux accompagner les migrants, alors elle va naturellement susciter une concentration de migrants qui va à terme l’empêcher de continuer cette politique d’accueil. Il y a ainsi une carte de France des villes où aller quand on vient d’ailleurs, qui se croise avec la carte des membres de la famille déjà installés, ou des regroupements de nationaux s’organisant en réseaux.
Les 13 % d’étrangers officiellement comptabilisés en France métropolitaine [4] ne sont pas répartis uniformément sur le territoire : il y a des points de fixation, de la Seine-Saint-Denis à Calais, des quartiers de Marseille aux courées du Nord. La mairie de Paris disperse régulièrement des camps de migrants agglutinés autour d’un métro ou d’un terrain vague, mais la misère se reconcentre ailleurs. À l’approche des Jeux Olympiques, l’État disperse lui aussi ces populations dans toute la France, espérant diluer le problème en l’éparpillant. Mais cela créera d’autres poches d’exclusion et de misère.

À travers ces deux exemples, on voit la difficulté de passer d’une pratique individuelle : aimer son prochain, à une politique globale : accueillir les migrants. Jésus dans les Évangiles parle très peu de relations internationales, de politique budgétaire ou de contrôle aux frontières… Son enseignement se porte essentiellement sur les relations interpersonnelles. C’est à la fois une de ses forces car il s’appelle à la conscience et la responsabilité de chacun. C’est en même temps une faiblesse, car on ne voit pas un projet de société se dégager des Évangiles. La Torah juive et le Coran musulman sont au contraire de véritables systèmes théocratiques, où toute la vie sociale (économie, santé, éducation, mariage, justice etc.) doit se conformer aux prescriptions extrêmement précises des textes sacrés. Judaïsme et Islam ont pour vocation de soumettre le niveau macro à Dieu. Le christianisme – lui – fait appel à la conscience individuelle, et situe le royaume de Dieu dans le cœur de chacun, pas dans le gouvernement d’un pays.

Max Weber l’a montré avec talent : conjuguer « l’éthique de conviction » et « l’éthique de responsabilité » demeure crucifiant, mais c’est la grandeur de la responsabilité politique…

 

L’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière
7 effet pervers dans Communauté spirituelle
En matière d’immigration comme pour l’économie, la politique etc., le Christ ne fixe pas de doctrine de gouvernement. Il énonce seulement le fondement du triple amour (de Dieu/soi-même/prochain) et il laisse ensuite aux disciples le soin d’inventer à chaque période de l’histoire la politique qui sera la mieux ajustée – ou la moins inadaptée – à ce principe fondateur. Il nous a fait cette promesse : « l’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière ». Ce qu’il faut faire en matière d’immigration n’est pas écrit par avance. Pour discerner ce que l’Esprit nous invite à faire en la matière aujourd’hui, nous devrons cependant nous souvenir de notre propre expérience d’exilés, d’immigrés, « car toi-même tu as été étranger au pays d’Égypte ».

Sans aller jusqu’aux théories extrême de la submersion ou du remplacement, la prudence commande d’examiner ce qu’il est possible de faire sans mettre en danger le pays qui accueille. Sans aller jusqu’à la naïveté parfois criminelle des ultra-mondialistes, le courage demande d’inventer ce qu’il est possible de faire pour accueillir notre part de la misère du monde.

Mais quelle est donc notre mémoire d’exil ?
Quels souvenirs avons-nous de notre étrangeté en ce monde ?
Ceci est une autre histoire…

 


[1]. L’organisme Missing Migrants Project a enregistré la mort de 58 339 personnes au total depuis 2014. Cf. https://missingmigrants.iom.int/data

[2]. Ex 22,21.23,9 ; Lv 19,33. 34 ; Dt 10,19 ; 23,7 ; 27,19 ; Ps 146,9 etc.

[3]. « Il est une chose incontestable, et c’est même un fait fondamental de l’histoire, mais auquel nous ne rendons pas justice aujourd’hui : le résultat final de l’activité politique répond rarement à l’intention primitive de l’acteur. On peut même affirmer qu’en règle générale il n’y répond jamais et que très souvent le rapport entre le résultat final et l’intention originelle est tout simplement paradoxale » (Le savant et le politique, 1919).

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Si tu accables la veuve et l’orphelin, ma colère s’enflammera » (Ex 22, 20-26)

Lecture du livre de l’Exode
Ainsi parle le Seigneur : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte. Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.
Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! »

PSAUME
(Ps 17 (18), 2-3, 4.20, 47.51ab)
R/ Je t’aime, Seigneur, ma force. (Ps 17, 2a)

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Lui m’a dégagé, mis au large,
il m’a libéré, car il m’aime.

Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire !
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie.

DEUXIÈME LECTURE
« Vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles afin de servir Dieu et d’attendre son Fils » (1 Th 1, 5c-10)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens
Frères, vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien. Et vous-mêmes, en fait, vous nous avez imités, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves, avec la joie de l’Esprit Saint. Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de Grèce. Et ce n’est pas seulement en Macédoine et en Grèce qu’à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout que nous n’avons pas besoin d’en parler. En effet, les gens racontent, à notre sujet, l’accueil que nous avons reçu chez vous ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.

ÉVANGILE
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 34-40)
Alléluia. Alléluia. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia.  (Jn 14, 23)

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Patrick BRAUD

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2 août 2023

JMJ Lisbonne : quels jeunes français y vont ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 10 h 38 min

JMJ Lisbonne : quels jeunes français y vont ?
Les Journées Mondiales de la Jeunesse débutent aujourd’hui à Lisbonne.
Près de 40 000 jeunes français sont attendus pour l’évènement.
C’est à la fois très peu et beaucoup.
Très peu, car le Portugal est un pays proche, culturellement et géographiquement, facile d’accès, pas cher.
Beaucoup, car les autres délégations européennes ne sont pas plus brillantes.
Reste que c’est un petit groupe, à l’échelle de la France, qui y participe.
Pourra-t-il jouer le rôle de levain dans la pâte ?

Le quotidien La Croix, dans son numéro du 25 Mai, a analysé la composition sociologique de cette délégation.

JMJ 2023 Sondage La Croix

 JMJ 2023 Sondage La Croix

Une légère inquiétude peut naître à la lecture de ce sondage :
- la plupart sont issus de familles cathos très pratiquantes (80% à 92%)
- ils viennent presque tous (87%) des classes sociales les plus riches…
- beaucoup ont pensé à la vocation religieuse, trace d’une culture familiale très influente en la matière. On peut penser que le style de ces vocations religieuses serait plus proche de la Communauté St Martin que de l’ordre jésuite…
- et finalement très peu (18%) se sentent en plein accord avec le pape François (qualifié de ‘progressiste’).

Si ce profil reflète fidèlement la jeunesse dans nos églises, on constate que le repli identitaire et plutôt traditionnel guette nos paroisses, nos diocèses…
Il suffit par exemple de le comparer à la poussée évangéliste dans les jeunes de milieux défavorisés pour pressentir un grand écart en train de se creuser entre des communautés chrétiennes ultra-minoritaires, issues des milieux aisés et conservateurs, se constituant en contre-sociétés alternatives radicales, et le reste de la société française, « archipélisée » et loin de l’institution Église.

Heureusement, cette tendance est très française : les autres pays ou continents ont une autre vigueur évangélisatrice !

 

Pour mémoire, voici la carte des précédentes JMJ, avec le nombre total de participants :

Carte JMJ

Source : https://eglise.catholique.fr/jmj-journees-mondiales-jeunesse/jmj-2023-lisbonne/quest-ce-que-les-jmj/451197-histoire-jmj/

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5 janvier 2023

De Ratzinger à Benoît XVI : un premier bilan

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 16 h 15 min

De Ratzinger à Benoît XVI : un premier bilan

Aujourd’hui même ont eu lieu les funérailles du pape émérite Benoît XVI à Rome. Même si c’est encore un peu tôt, essayons de dresser un (trop) rapide bilan de son apport à l’Église catholique et au monde. En fait, l’homme est devenu un acteur majeur de la vie ecclésiale depuis le début de sa carrière de professeur de théologie à l’université de Tübingen (1966). On peut distinguer trois périodes très différentes dans son immense travail au service de l’Église.


Ratzinger I : l’audacieux théologien éclairé

De Ratzinger à Benoît XVI : un premier bilan dans Communauté spirituelleEn tant qu’expert théologien, il a pris une part active à la préparation et au déroulé du Concile Vatican II. Son apport à la rédaction du document conciliaire sur la Révélation  (Dei Verbum) a été décisif. Ses écrits plaident pour les grands axes de la réforme de l’Église: égalité fondamentale tous les baptisés, refus de toute hiérarchie qui serait pyramidale, ouverture à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux etc. Il plaida également pour une réforme audacieuse du Saint Office de l’époque et de ses méthodes d’un autre âge.

Son livre : « Le nouveau peuple de Dieu » (1971) deviendra très vite un classique d’une ecclésiologie renouvelée grâce au recours aux Pères de l’Église, à une exégèse brillante, et un souci du dialogue avec la pensée contemporaine. Les trois ouvrages marquants de cette période traitaient de l’ecclésiologie (« Le nouveau peuple de Dieu »), de la dogmatique réinterprétée à la lumière de Vatican II (« Foi chrétienne hier et aujourd’hui », 1980), et de la théologie mariale renouvelée elle aussi par Vatican II (« Marie première Église », avec Urs von Balthasar, 1998).

Quelques citations pour évoquer la tonalité de ses écrits, que l’on ne retrouvera plus ensuite :

« Seul célèbre vraiment l’Eucharistie celui qui l’achève dans le service divin de tous les jours qu’est l’amour fraternel » (Le nouveau peuple de Dieu, Aubier, 1971, p. 17).

« La filiation divine de Jésus ne repose pas d’après la foi de l’Église, sur le fait que Jésus n’a pas eu de père humain ; la doctrine de la divinité de Jésus ne serait pas mise en cause si Jésus était né d’un mariage normal » (Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Mame, 1969,  p.192).

 

Ratzinger II : le Préfet sourcilleux

image Benoît XVI dans Communauté spirituelleVite promu archevêque de Munich quelques années (1977-1982), puis cardinal (1977), Préfet de la très puissante Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1981-2005), Joseph Ratzinger semble à ce poste tétanisé par tous les risques de dérives qui menacent l’unité de l’Église :

– dérives intégristes : après le schisme de Mgr Lefebvre (1988), il œuvrera dans l’ombre pour essayer de renouer avec les traditionalistes, avant de le faire dans la lumière lorsqu’il sera pape.

– dérives marxistes : on l’a oublié, mais c’est lui qui a retoqué plusieurs fois la théologie de la libération en Amérique latine (« Instruction sur la théologie de la libération », en 1984 puis 1986). Le ton était sévère, l’avertissement salutaire (ne pas céder à la tentation marxiste). Mais les pauvres du continent sud-américain se sont tournés vers les Églises évangéliques à partir de là…

- dérives éthiques : devant les progrès de la bioéthique, et surtout la fécondation artificielle, Ratzinger Préfet se raidit et veut interdire aux catholiques tout recourt à ces méthodes nouvelles de procréation. Dans son instruction Donum Vitae, il utilise 11 fois le terme illicite que l’on croyait suranné, pour condamner des pratiques jugées moralement inacceptables. Cette omniprésence du couple licite/illicite fait penser à l’obsession du permis/défendu chez les juifs les plus conservateurs ou les musulmans les plus traditionnels.

– dérives ecclésiales : alors que Vatican II a permis de reconnaître aux autres Églises une vraie dignité et même une participation (quoique incomplète) à l’unique sacramentalité de l’Église, Ratzinger Préfet semble céder à une « ecclésiologie du retour » d’avant Vatican II, où seul le retour dans le giron catholique des autres Églises leur assurerait la plénitude : « Les Communautés ecclésiales qui n’ont pas conservé l’épiscopat valide et la substance authentique et intégrale du mystère eucharistique ne sont pas des Églises au sens propre » (Dominus Jesus n° 17 , 2000).

C’est le temps où les condamnations pleuvent sur les théologiens dissidents (comme Hans Küng, Edward Schillebeeckx, Charles Curran, Roger Haight, Andrew Fox, Eugen Drewermann, Tissa Balasuriya, Josef Imbach, Leonardo Boff, Jon Sobrino etc.), faisant de Ratzinger le « Panzer-cardinal » bien éloigné de la figure du « doux et humble grand-père »  pape émérite décrit par le pape François en 2022.

Par contre, Ratzinger Préfet a obtenu d’enquêter dès 1995 sur le cardinal Hans Hermann Groër, et en 1998 sur le père Marcial Maciel, fondateur des légionnaires du Christ, tous deux soupçonnés d’abus sexuels sur des mineurs. En 2001, il envoie aux évêques la lettre De delictis gravioribus (Les délits les plus graves) leur imposant de faire remonter les dossiers d’abus sexuels à Rome.

Reste que Ratzinger II n’efface pas tout à fait le théologien Ratzinger I, et notamment son souci d’articuler foi et raison avec une intelligence et une culture exceptionnelles.

Même son discours de 2006 à l’université de Ratisbonne, si controversé à cause de la mention du lien entre islam et violence (citation de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue au XV° siècle [1]), serait à relire aujourd’hui, débarrassé de toute polémique. Poser en raison un débat sur le lien entre religion (l’islam en l’occurrence) et violence est plus urgent que jamais…

 

Ratzinger III : le pape conservateur (2005-2013)

836080-l-ancien-pape-benoit-xvi-est-mort-a-95-ans papeRappelez-vous : l’émotion planétaire suscitée par la mort de Jean-Paul II préfigurait ce qu’on a osé appeler l’élection d’un « pape de transition ». Après un tel géant de la foi, il fallait souffler un peu, digérer l’apport de Jean-Paul II et ne pas céder aux courants centrifuges  qui se manifestent toujours après la disparition d’un tel leader.

Le pontificat de Benoît XVI n’a duré que 8 ans. Il n’a pas pu (ni voulu ?) réformer vraiment la Curie. Il n’a pas pu (ni voulu ?) faire évoluer les ministères. Il a en pratique cherché à effacer l’autorité des conférences épiscopales (dans le domaine de la catéchèse, de la liturgie etc.).

Pire, il a continué à prendre des positions irrecevables :

– en matière éthique (son couplet en Afrique du Sud sur le préservatif qui augmenterait le Sida ne passe toujours pas !). Il réaffirme la théologie la plus conservatrice en matière de sexualité, qui du coup n’a pas évolué depuis Humanae Vitae (Paul VI, 1968).

– en matière liturgique : il autorise la célébration ‘old school’ en latin, dos au peuple, pour espérer rallier les intégristes, ce qui crée deux liturgies parallèles. Heureusement, Benoît XVI aura le courage d’annuler cette décision suicidaire qui minait l’unité dans les diocèses.

– en matière ecclésiale : depuis son pontificat, l’œcuménisme est au point mort et ne progresse plus.

Il a voulu poursuivre le dialogue interreligieux initié par Jean-Paul II en prolongeant l’esprit de la rencontre d’Assise entre toutes les religions du monde. Mais cela n’a pas eu d’écho véritable, et sa sortie à Ratisbonne sur le lien islam-violence lui avait fermé définitivement les portes du monde musulman.

- en matière de discipline ecclésiastique : Benoît XVI a voulu combattre les abus sexuels dans l’Église, et il a été le premier pape à faire condamner de hauts responsables. Son bilan reste pourtant mitigé, car on l’accuse d’avoir couvert des affaires pédophiles dans son diocèse autrefois.

Reste à l’actif de ce pape timide trois très belles encycliques sur les vertus théologales : la foi (Caritas in veritate, 2009), l’espérance (Spe salvi, 2007), la charité (Deus caritas est, 2005).

 

L'ancien pape Benoît Benoît XVI à Munich (Allemagne), le 22 juin 2020. (SVEN HOPPE / AFP)Le pape de la renonciation (2013-2022)
Avec humour, l’histoire ne retiendra sans doute finalement de ce pape que… sa renonciation ! Premier pape à oser quitter sa charge depuis Célestin V (1294), Benoît XVI a eu cette humilité et ce courage d’accepter la faiblesse de l’âge et d’en tirer toutes les conséquences. Après tout, le pape est un évêque lui aussi, pourquoi ne pas se soumettre à la démission qu’il exige des autres évêques à partir de 75 ans ? Benoît XVI a ainsi ouvert la voie (à son corps défendant peut-être !) à la conception d’un ministère confié pour un temps à quelqu’un, ce qui paraissait sacrilège à l’époque où l’on essentialisait le ministère pétrinien  en confondant la personne et la charge.

 

La coquille du blason
Blason pontifical de Benoît XVIJe garderai pour ma part de Benoît XVI la lumineuse exigence de travailler au dialogue entre foi et raison. La
 coquille présente au centre de son blason pontifical peut nous y aider. Elle veut rappeler la légende attribuée à saint Augustin qui, ayant rencontré un jeune garçon sur une plage qui cherchait avec un coquillage à mettre toute l’eau de la mer dans un trou de sable, lui demanda ce qu’il faisait. Celui-ci lui expliqua sa vaine tentative, et Augustin comprit la référence à son effort inutile de chercher à faire entrer Dieu, qui est infini, dans l’esprit humain limité. Son symbolisme spirituel est clair : elle invite à connaître Dieu en puisant à l’intarissable enseignement théologique, tout en restant humbles en raison de nos capacités humaines limitées.

Prions désormais pour que le pape François, dans les quelques années qui lui restent avant de renoncer à son tour pour raisons de santé, ait le courage d’aller au bout des réformes qu’exige l’évangélisation aujourd’hui…

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[1]. « (…) L’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l’âme ».

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