L'homélie du dimanche (prochain)

24 décembre 2023

Le Noël du Prince de la paix

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le Noël du Prince de la paix

 

Homélie pour la fête de Noël / Année B 

25/12/2023

 

Cf. également :
Noël, l’anti kodokushi
Noël : assumer notre généalogie
Noël : La contagion du Verbe
Y aura-t-il du neuf à Noël ?
Noël : évangéliser le païen en nous
Tenir conte de Noël
Noël : solstices en tous genres
Noël : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune…
Noël : la trêve des braves
Noël : croyance dure ou croyance molle ?
Le potlatch de Noël
La bienveillance de Noël
Noël « numérique », version réseaux sociaux…
Noël : « On vous écrira… »
Enfanter le Verbe en nous…
Justice et Paix s’embrassent
Lier Pâques et paix
La Trinité en actes : le geste de paix
La paix soit avec vous

 

La guerre, à nouveau ?

Les deux conflits récents Ukraine–Russie et Israël–Palestine saturent nos écrans, nos fils d’actualité, et les commentaires en tous genres. Ils semblent même s’inviter chez nous en divisant les familles, les amis, en inspirant des attentats, des violences, des manifestations répliquant les fractures à l’œuvre à l’Est et au Moyen-Orient.

Le pire est que la liste ne s’arrête pas là : Sahel, Yémen, Syrie, Libye, Arménie, Éthiopie, Soudan, RDC … Si l’on ajoute les risques de plus en plus réels de guerre à Taiwan, entre [1]. les deux  Corées, ou l’embrasement de tout le Moyen-Orient, on se dit que nous vivons dans un monde plus dangereux que jamais. La paix – que nous voudrions perpétuelle en Europe après les deux guerres mondiales – semble s’éloigner chaque jour davantage.

 

Infographie: L'Europe, un long chemin vers la paix | StatistaC’est pourtant une erreur de perspective, due à notre courte vue historique. Replacez sur le long terme le nombre de victimes des  guerres dans le monde. Sur le graphique ci-contre, qui ne concerne que l’Europe, on voit que les guerres napoléoniennes ont provoqué une saignée invraisemblable rapportée à la population beaucoup plus faible à l’époque : 6,5 millions de morts ! Napoléon a mis l’Europe à feu et à sang, autant qu’Hitler, et bien plus que Poutine. Mais nous lui voulons un culte aveugle et partial. Depuis, le XX° siècle aura été le plus meurtrier de tous (n’oublions pas le génocide au Rwanda, en plus des deux guerres mondiales), si bien qu’on devrait être optimiste à la lecture de ces statistiques ! Malgré son indéniable visage sanglant, le XXI° siècle aura du mal – espérons-le ! – à égaler le triste record du précédent.

Ne désespérons donc pas : la situation n’est pas pire qu’avant. Il ne dépend que de nous de maintenir la paix à nos portes, car c’est en amont que peuvent se soigner les causes profondes des guerres, pas sur le moment.

 

Fêter Noël dans ce contexte est un peu une gageure : proclamer qu’en Jésus est né le Prince de la paix semble contredit dès l’ouverture du journal télévisé. Comment comprendre cette prophétie d’Isaïe de notre première lecture (Is 9,1-6) :

« Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » ?

Comment recevoir l’acclamation céleste et liturgique de l’évangile de cette nuit de Noël (Lc 2,1-14) : « paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » ?

 

Prince, et non roi

Devant le contraste – la contradiction – entre l’état du monde et le signe messianique promis par Isaïe, les juifs auraient raison de ne pas reconnaître en Jésus le Messie, puisqu’il n’a pas été capable d’apporter au monde la paix. C’est vrai que la venue de Jésus n’a rien changé à l’histoire mondiale sur ce plan. À l’échelle d’un homme ou de plusieurs millénaires, Jésus a échoué à instaurer un règne de paix, de justice et d’amour. Le monde n’est pas meilleur ni moins violent qu’il y a 2000 ans. « Rien de nouveau sous le soleil », énonçait déjà le sage biblique (Qo 1,9), à raison.

 

Constatant cet échec évident à instaurer un règne de paix, les chrétiens vont très vite reporter cette attente sur la seconde venue du Christ : puisque le premier Noël n’a rien changé à la violence du monde, c’est le second Noël – c’est-à-dire la Parousie, la venue ultime du Christ – qui connaîtra cette pacification humainement impossible. Jusque-là, il y aura toujours des meurtres, des conflits, des viols, des bombardements de civils, des réfugiés de guerre, des millions de victimes… Perspective peu réjouissante pour le présent, qui reporte l’espérance sur le futur. Peu opérationnel en quelque sorte, sinon pour maintenir l’attente des croyants en un avenir meilleur.

 

Et pourtant… C’est un prince qu’Isaïe annonce, pas un roi. En latin, prince se dit princeps : ce qui est au principe. À Noël, nous accueillons Jésus qui est comme le principe de la paix, et non un souverain qui établit son règne d’autorité. Il n’est pas « Guide spirituel des guerriers partis combattre tous ceux qui ne croient pas en lui », ni « Chef des armées de la chrétienté boutant les méchants hors de nos pays chrétiens et séparant le monde entre eux et nous ». Il n’annonce pas une campagne militaire contre l’ennemi du moment (l’occupant romain au I° siècle de notre ère, les djihadistes au XXI° siècle, pour ne prendre que quelques exemples).

Si Jésus est le principe de la paix, il inspire – par son Esprit – tous les artisans de paix de toutes les traditions religieuses, pour accueillir la paix comme un don à réaliser, le don fait par Dieu de vivre comme lui, en communion et non en opposition. Si Jésus est prince de paix et non roi, il propose et n’impose rien. Il inspire chacun au lieu de décréter pour tous.

 

Cette différence prince–roi en matière de paix repose chez Isaïe sur la mémoire traumatisée de l’expérience royale en Israël. Au début, les 12 tribus de Canaan vivaient comme une fédération entre égales, et elles se donnaient des Juges pour arbitrer les conflits inévitables. Mais Israël s’est pris de convoitise pour la puissance guerrière de ses voisins, l’Égypte en premier. Il a voulu à tout prix se doter d’un roi « comme les autres nations », s’exposant ainsi à perdre sa différence au profit d’un alignement sur l’organisation politique des païens ! Le prophète Samuel entend avec désolation cette revendication de plus en plus forte de son peuple. Ne pouvant plus la contenir, il capitule devant cette pression suicidaire, et va oindre Saül comme premier roi sur Israël. Mais avant cette onction, il prévient le peuple que ce choix va faire son malheur, car le roi va exploiter son peuple, s’enrichir à ses dépens, l’opprimer par l’impôt et par des guerres de conquête illégitimes (peut-on être plus actuel ?) :

Dragons et merveilles - Le très méchant roi - 1« Samuel rapporta toutes les paroles du Seigneur au peuple qui lui demandait un roi. Et il dit : “Tels seront les droits du roi qui va régner sur vous. Vos fils, il les prendra, il les affectera à ses chars et à ses chevaux, et ils courront devant son char. Il les utilisera comme officiers de millier et comme officiers de cinquante hommes ; il les fera labourer et moissonner à son profit, fabriquer ses armes de guerre et les pièces de ses chars. Vos filles, il les prendra pour la préparation de ses parfums, pour sa cuisine et pour sa boulangerie. Les meilleurs de vos champs, de vos vignes et de vos oliveraies, il les prendra pour les donner à ses serviteurs. Sur vos cultures et vos vignes il prélèvera la dîme, pour la donner à ses dignitaires et à ses serviteurs. Les meilleurs de vos serviteurs, de vos servantes et de vos jeunes gens, ainsi que vos ânes, il les prendra et les fera travailler pour lui. Sur vos troupeaux, il prélèvera la dîme, et vous-mêmes deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas !” 

Le peuple refusa d’écouter Samuel et dit : “Non ! il nous faut un roi ! Nous serons, nous aussi, comme toutes les nations ; notre roi nous gouvernera, il marchera à notre tête et combattra avec nous” » (1 S 8,10‑20).

Avec Isaïe, proclamer Jésus prince et non roi c’est racheter la folie royale qui pratique une politique de puissance guerrière, spoliatrice, injuste.

C’est donc une réponse à distance au crime originel d’Israël, l’institution de la royauté, par définition injuste et mortifère selon la Bible, « pharaonique ». Et précisément, en voulant être comme les Nations toutes pourvues d’un roi à l’époque, et un roi féru de conquêtes au dehors et d’exactions au dedans, Israël, dont la Torah voulait faire un peuple de frères et sœurs, se faisait Nation perverse.

Nous sommes aux prises avec ces deux textes à une opposition frontale : la Charte folle du roi selon 1 Samuel 8, et le blason du Prince de paix selon notre Isaïe.

 

Les fils d’Israël avaient résumé cyniquement la Charte du mauvais roi : « Donne-nous un roi qui marche devant nous pour guerroyer nos guerres », insistaient-ils devant Samuel, et c’était pour des guerres de conquête, à l’instar des Nations (1S 8,12). Lorsque les Écritures parlent de YHWH Dieu des Armées, c’est pour confisquer dans les Cieux les armées des rois et des peuples, soit leur folie homicide, ce qu’Israël a refusé. Devenant par là une nation parmi les Nations, Israël se reniait.

 

À Noël, nous fêtons Jésus au principe de la paix véritable, car elle a sa source en Dieu même : vivre des relations de communion comme celles qui unissent Jésus à son Père dans l’Esprit. Jésus–principe peut inspirer les hommes de bonne volonté pour devenir artisans de cette paix promise. Si Jésus avait été roi de paix, il aurait dû inaugurer l’ère messianique sans guerre, ni violence, ni conflit : cela n’est pas arrivé, et c’est pourquoi nous préférons avec Isaïe appeler Jésus prince de la paix et non roi de paix.

 

Une paix irénique ?

Mais de quelle paix Jésus est-il le principe ?

Nous ne savons pas très bien ce qu’est la paix, en réalité. La plupart des historiens doutent  d’ailleurs de son existence. Sur plusieurs millénaires, on observe des périodes d’accalmie, d’entre-deux-guerres, des intervalles de sortie de guerre et de préparation d’une autre, si bien que ce que nous appelons la paix serait plutôt un moment – bref – entre deux conflits. Le juriste Henry Maine écrivait en 1888 : « La guerre semble aussi vieille que l’humanité, mais la paix est une invention moderne ».

Le Noël du Prince de la paix dans Communauté spirituelle Raymond-aron-paix-et-guerreEt Raymond Aron la définit ainsi : « Une suspension plus ou moins durable des modalités violentes de la rivalité entre unités politiques ». Il distinguait 3 types de paix [2] :

•   La paix d’équilibre, lorsque les puissances en présence sont équivalentes.

C’est cette paix qui a prévalu en Europe après les boucheries napoléoniennes, grâce au Congrès de Vienne de 1815 où Talleyrand et Metternich posèrent les bases d’un concert des nations qui a assuré la stabilité européenne vaillent que vaille pendant presque un siècle.

•   La paix d’hégémonie, lorsqu’une puissance devient dominante et limite l’appétit des autres. La France de Louis XIV ou l’Allemagne de Bismarck ont pu jouer ce rôle. Les États-Unis d’Amérique ont pris un temps le relais.

•   La paix d’empire, où une puissance soumet toutes les autres à sa botte, écrasant tout conflit dans l’œuf. La Pax Romana a été une paix d’empire, relativement féconde d’ailleurs.

 

Quel type de paix vivons-nous en France en ce moment ?

Quoi qu’il en soit, n’allons pas la confondre avec la paix messianique. La paix du prince de Noël ne relève d’aucune de ces catégories trop humaines. Jésus, sans disqualifier les efforts politiques, tourne notre regard vers une paix qui vient d’ailleurs : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé » (Jn 14,27).

 

800px-Israel_and_Palestine_Peace.svg Aron dans Communauté spirituelleEn hébreu, shalom désigne dans l’Ancien Testament la tranquillité d’Israël au milieu de ses voisins. Shalom est plus encore que l’absence de guerre : c’est une juste relation entre les êtres, une plénitude de communion telle qu’elle est humainement possible. Shalom est par exemple le but d’une justice restaurative et non punitive uniquement. Avec l’Exil et la déportation à Babylone, avec les guerres incessantes, au sein même des 12 tribus (cf. le schisme Juda–Israël), shalom est devenu un terme eschatologique, reportant cette tranquillité à l’arrivée du Messie. Le souhait de Pessah : « l’an prochain à Jérusalem ! » (ville de la paix) devient le souhait d’une paix plus qu’humaine : ‘nous attendons une paix divine, car l’homme ne peut l’établir par lui-même’.

 

Dans la langue grecque des Évangiles, la paix se dit : ερνη (eirēnē), ce qui a donné l’adjectif irénique. Être irénique paraît péjoratif : l’irénique est taxé de naïveté, de compromission, voire de complicité involontaire en se faisant l’idiot utile du mal. Pourtant, eirēnē est si beau qu’on en a fait un prénom. Et Irénée de Lyon a montré que son irénisme n’avait rien de lâche ni de complice : il a combattu les hérésies gnostiques pied à pied, et jusqu’au courage du martyre. La paix de Noël n’est pas un doux arrangement avec le mal pour rester gentil le plus possible. Ce n’est pas sacrifier la vérité sur l’autel de la tranquillité. C’est la dénonciation du mensonge, de tout ce qui nous déshumanise, c’est le choix de la communion plutôt que de la division, c’est l’engagement total jusqu’à livrer sa vie par amour, jusqu’à aimer ses ennemis (qui pourtant sont des ennemis).

 

En regardant les images terribles des massacres terroristes du Hamas et de la riposte militaire d’Israël, nous rêvons à Noël au principe de toute paix : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ep 2, 14).

Ce principe demande des hommes et des femmes de courage pour négocier, signer des accords de reconnaissance mutuelle, ne plus vouloir l’élimination ni la haine, éduquer les jeunes générations en parlant d’avenir et en oubliant les horreurs du passé…

 

Reprenons les paroles du pape François en 2016 (déjà !) lorsqu’il formulait ses vœux de paix à Noël pour tous les peuples de la terre :

Colombe-Pape-Francois-193x300 guerre« - Paix aux femmes et aux hommes de la bien-aimée Terre Sainte, choisie et préférée par Dieu. Qu’Israéliens et Palestiniens aient le courage et la détermination d’écrire une nouvelle page de l’histoire, où haine et vengeance cèdent la place à la volonté de construire ensemble un avenir de compréhension réciproque et d’harmonie. […]

- Paix à qui a été blessé ou a perdu un être cher à cause d’actes atroces de terrorisme, qui ont semé peur et mort au cœur de tant de pays et de villes. 

- Paix – non en paroles, mais par des actes et des faits concrets – à nos frères et sœurs abandonnés et exclus, à ceux qui souffrent de la faim et à ceux qui sont victimes de violences. 

- Paix aux déplacés, aux migrants et aux réfugiés, à tous ceux qui aujourd’hui sont objet de la traite des personnes. 

- Paix aux peuples qui souffrent à cause des ambitions économiques d’un petit nombre et de l’âpre avidité du dieu argent qui conduit à l’esclavage. 

- Paix à celui qui est touché par les difficultés sociales et économiques et à qui souffre des conséquences des tremblements de terre ou d’autres catastrophes naturelles.
- Et paix aux enfants, en ce jour spécial où Dieu se fait enfant, surtout à ceux qui sont privés des joies de l’enfance à cause de la faim, des guerres et de l’égoïsme des adultes.
- Paix sur la terre à tous les hommes de bonne volonté, qui travaillent chaque jour, avec discrétion et patience, en famille et dans la société pour construire un monde plus humain et plus juste, soutenus par la conviction que c’est seulement avec la paix qu’il y a la possibilité d’un avenir plus prospère pour tous.

Chers frères et sœurs, « un enfant nous est né, un fils nous a été donné »: c’est le « Prince-de-la-paix ». Accueillons-le !

Pape François, Message de Noël 2016

 ____________________________________________

[2]. Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962.

 

 

MESSE DE LA NUIT

PREMIÈRE LECTURE
« Un enfant nous est né » (Is 9, 1-6)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés.
Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !

PSAUME
(Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc)
R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : ’est le Christ, le Seigneur.
 (cf. Lc 2, 11)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.

Il jugera le monde avec justice
et les peuples selon sa vérité.

DEUXIÈME LECTURE
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite
Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

ÉVANGILE
« Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)
Alléluia. Alléluia. 
Je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
 En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Patrick Braud

Mots-clés : , , , , , ,

7 janvier 2023

Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?

 

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année A 

08/01/2023

 

Cf. également :

Signes de reconnaissance épiphaniques
L’Épiphanie du visage

Épiphanie : tirer les rois
Épiphanie : êtes-vous fabophile ?
Épiphanie : l’économie du don
Épiphanie : Pourquoi offrir des cadeaux ?
Le potlatch de Noël
Épiphanie : qu’est-ce que l’universel ?
L’Épiphanie, ou l’éloge de la double culture
L’inquiétude et la curiosité d’Hérode
Éloge de la mobilité épiphanique
La sagesse des nations

 

Sant’Egidio 2022 - Emmanuel Macron : “les responsables religieux ont un rôle essentiel, ils contribuent à la trame de nos sociétés”Une intervention récente d’Emmanuel Macron est passée inaperçue, sans doute à cause de l’inculture philosophique et religieuse de nos journalistes, de leurs craintes de franchir les sacro-saintes barrières de la laïcité… Il s’agit de son discours devant la communauté Sant’Egidio, le 23 octobre dernier.

On sait le rôle très politique, notamment de médiation, que Sant’Egidio a déjà joué dans le passé dans des conflits armés. Réfléchissant sur la guerre en Ukraine, Sant’Egidio avait invité Emmanuel Macron à parler du rôle que peuvent jouer les religions en temps de guerre, de son point de vue de Président de la République française impliquée avec l’Europe et l’OTAN dans le soutien à l’Ukraine agressée par la Russie. 

« Que peuvent les religions ? Je pense qu’elles peuvent beaucoup et que les politiques que nous sommes, je le dis au sens générique du terme, en tant que femmes et hommes qui ont décidé de s’occuper de la vie de la cité, en ont besoin. (…) Donc je pense que les responsables religieux ont un rôle essentiel en tant qu’ils contribuent à la trame de nos sociétés, à ces relations entre les individus et à un rapport au temps long » [1].

Reconnaissons cependant que le reste de son discours n’était pas toujours très limpide…

Alors exerçons nous, à la lumière de l’Épiphanie fêtée ce dimanche, à plaider pour au moins quatre dimensions du rôle que les chrétiens (pas seulement les clercs !) - et toutes les religions ? - pourraient et devraient assumer en temps de guerre.

 

1. Ne pas instrumentaliser le Nom de Dieu

Le président russe Vladimir Poutine assiste seul à un office pour Noël dans une église du Kremlin, le 6 janvier 2023Hérode - « ce renard » comme dirait Jésus (Lc 13,32) – veut ruser avec les mages pour obtenir le lieu de naissance de son concurrent potentiel. S’il arrive à tuer ce prétendant dans l’œuf – ou du moins dès sa naissance – il aura le champ libre pour se prétendre la seule royauté autorisée par Dieu sur Israël. Se servir de l’Écriture pour justifier ses propres intérêts est le péché originel de tous les clergés, de tous les rois et autres pouvoirs se réclamant de Dieu. Le « Gott mit uns » sur le ceinturon des nazis est repris par le patriarche orthodoxe russe Kirill de Moscou, pour bénir les armées de Poutine et justifier l’injustifiable en Ukraine ! Au nom de la « Sainte Russie », de sa soi-disant mission de civilisation contre l’Occident hérétique et décadent, Kirill fournit au pouvoir russe un appui idéologique majeur, aussi meurtrier que l’était la justification de l’esclavage, de l’apartheid, de la colonisation ou de la peine de mort autrefois par les Églises.

Kirill, le primat de l’Église orthodoxe russe, avait donné sa bénédiction à l’opération militaire spéciale en mars 2022, en la présentant comme un affrontement eschatologique entre l’Occident décadent et la Russie championne des valeurs traditionnelles. Lors d’un sermon en septembre 2022, il était allé plus loin en affirmant que la mort au front en Ukraine était un « sacrifice qui lavait tous les péchés que l’on a commis ».

Dans une homélie au ton très politique, prononcée dimanche 27 février 2022 à la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, Kirill a fustigé ceux qui luttent – qualifiés de « forces du mal » – contre l’unité historique de la Russie et de l’Ukraine.

Il a félicité Vladimir Poutine, vendredi 7 octobre, pour son 70° anniversaire : « Dieu vous a placé au pouvoir pour que vous puissiez effectuer une mission d’une importance particulière et d’une grande responsabilité pour le sort du pays et de son peuple qui vous a été confié », a assuré le patriarche, âgé de 75 ans. « Que le Seigneur préserve la terre russe. (…) Une terre dont font partie aujourd’hui la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie (…) ».

 

Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ? dans Communauté spirituelle 309536_167643693329755_167581906669267_298812_1174912345_nInstrumentaliser le Nom de Dieu est le propre des gens très (trop) religieux, qui finissent par vouloir imposer leur conception du monde, et convoquent Dieu pour servir leurs intérêts. 

Pourtant le Tétragramme YHWH interdit aux juifs de prononcer le Nom de Dieu, justement pour ne pas l’instrumentaliser en croyant savoir qui il est. La charia est le type même de ce genre d’absolutisme prétendant dicter la voix de Dieu à la société et ne servant en réalité que les intérêts des oulémas, des mâles, barbus, s’enrichissant sur le dos du peuple. Les Afghanes, les Iraniennes, les Saoudiennes, les Yéménites etc. en savent quelque chose, hélas !

 

Pourtant c’est l’un des commandements du Décalogue : « Tu n’invoqueras pas en vain le Nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son Nom » (Ex 20,7).

 amour dans Communauté spirituelleCouvrir les ambitions de Poutine par l’encens et l’or des liturgies orthodoxes, soumettre les femmes par l’imposition d’un Coran ou d’une charia écrite de mains d’hommes, bénir les croisades, les dictatures de tous poils, justifier les pires crimes au nom de la défense d’une Église… : nous n’en avons pas fini avec cette hypocrisie religieuse qui à force de génuflexions et de prières finit par lapider l’innocent et crucifier le prophète.
L’Église orthodoxe russe notamment doit renoncer à la théorie de la « symphonie des pouvoirs » symbolisée par l’aigle bicéphale présent sur tous les drapeaux derrière Poutine (tout comme l’Église de Rome a fini par renoncer à la « théorie des deux glaives », qui subordonnait le pouvoir temporel au pouvoir spirituel, l’empereur au pape). Selon cette théorie, le patriarche de Moscou s’occupe des âmes pendant que le tsar s’occupe des corps, et les deux pouvoirs marchent main dans la main pour établir le royaume de Dieu sur la terre.

Le premier rôle des chrétiens est donc de dénoncer toute instrumentalisation de leur foi, qui n’est pas au service d’Hérode, ni de Pilate.

 

2. Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent (Ps 85,11)

À l’Épiphanie, les mages pratiquent l’amour en offrant leurs cadeaux, mais ils acceptent de faire pour cela une « opération vérité » : ils reconnaissent que non, les astres ne sont pas de minis-dieux dictant nos destinées. D’ailleurs l’étoile des mages s’efface à Jérusalem devant la lecture de la Bible, bien plus éclairante pour trouver le Messie que la lumière des astres. Et quand l’étoile réapparaît, c’est pour valider en quelque sorte l’interprétation biblique, et reconnaître que c’est elle qui a donné la bonne direction, pas l’astrologie ! Pas d’amour sans faire la vérité sur nos pratiques idolâtres…

À l’inverse, la pax romana qu’Hérode maintenait par la force en Israël était une paix injuste, extorquant impôts et taxes au petit peuple pour enrichir les puissants, les collabos, foulant aux pieds l’identité et la culture juive ne reconnaissant que YHWH comme empereur… Pas de paix sans justice !

 

 guerreLe risque est grand de vouloir résoudre la guerre en Ukraine par une lâcheté organisée : pour ‘avoir la paix’, l’Occident imposerait à l’Ukraine de renoncer à retrouver ses frontières garanties par le droit international. Or juifs et chrétiens ne cessent de proclamer avec le psaume 85 : « justice et paix s’embrassent ». Autrement dit : pas de paix sans justice, pas de justice sans paix. Si la paix est injuste, comme le fut celle après 1870 ou 1918, elle nourrira rancœurs, colères et sentiments de revanche. C’est peut-être l’erreur du monde en 1991, lors de la dislocation de l’empire soviétique : les puissants ont vite réparti les peuples entre des lignes dont on peut douter aujourd’hui de la pertinence totale.

Mais depuis, il y a eu le mémorandum de Budapest, les accords de Minsk, et les obligations du droit international pour garantir les frontières actuelles, sauf libre volonté de tous les pays concernés. Accepter que ces droits soient bafoués préparerait une paix sans justice dans un engrenage de violence à venir ensuite. D’un côté comme de l’autre. Sans compter que cela ouvrirait la voie à d’autres coups de force pour s’emparer violemment de territoires convoités (Taiwan, Arménie, Sahel, États baltes…).

 

Le psaume qui unit justice et paix unit également amour et vérité : « Amour et vérité se rencontrent ». Pas d’amour sans vérité : les chrétiens se battent pour que les mensonges russes (et ukrainiens s’il y en a) soient  démasqués. Dire la vérité sur la nature du régime de Poutine, sur la compromission des orthodoxes russes, sur les crimes de guerre commis par les soldats et le pouvoir russe etc. est au cœur de la mission prophétique de notre Église. On peut quelquefois regretter la trop prudente diplomatie vaticane qui n’ose pas assez élever la voix en la matière [2]. Le précédent du silence pontifical sur les déportations des juifs devrait pourtant nous pousser à dire la vérité sur ce qui se passe sur le terrain…

Pas d’amour sans vérité, donc. Pas de vérité sans amour non plus : nous ne prêchons pas la haine, ni la revanche, mais la justice dans la vérité.
Les Églises de l’Est doivent raconter la vérité sur leurs peuples, et ne pas céder à la mythologisation de l’histoire opérée par le pouvoir russe ou d’autres pouvoirs locaux.

 

 

3. Pratiquer l’amour des ennemis, jusqu’au pardon

De l'amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique Olivier AbelNos mages évitent soigneusement Hérode pour rentrer chez eux, car ils savent que ce sera le conflit ouvert s’ils repassent devant lui. Comme disait Sun Tzu dans l’art de la guerre, le meilleur moyen d’être en paix est d’éviter la guerre autant que possible.

À l’inverse, Hérode voit en Jésus un ennemi et n’hésite pas à massacrer tous les nouveau-nés de la région pour éliminer ce rival.

Les chrétiens ont à cœur dans les conflits de ce temps de ne pas diaboliser l’ennemi, quel qu’il soit, de laisser ouverte la porte à la réconciliation (après), de pratiquer l’amour des ennemis sans renoncer au combat pour la justice. Rappelons à tous sans nous lasser qu’aimer nos ennemis n’est pas approuver leurs injustices, leurs crimes. C’est croire que leur dignité d’enfant de Dieu n’est pas effacée mais salie par leurs actes. C’est vouloir réveiller en eux cette dignité en leur tendant l’autre joue, la joue intacte, comme un miroir, la joue non offensée pour qu’eux-mêmes retrouvent en eux l’image divine ensevelie sous les décombres du mal commis.

Les chrétiens ont ainsi déjà témoigné, en Afrique du Sud, au Rwanda, et même en Europe entre Allemands  et Français, que la réconciliation est toujours possible, à condition que vérité soit faite sur les exactions perpétrées.
Ce n’est peut-être pas possible pour les générations actuellement en guerre au vu des atrocités commises, mais elles doivent le préparer pour leurs enfants et petits-enfants.

 

4. Tenir à l’universalisme chrétien

Hérode n’est intéressé que par le Roi des juifs. Les mages cherchent celui à qui même les astres obéissent. Le premier veut rester maître de son territoire. Les seconds quittent leur pays pour chercher le vrai Dieu, le Dieu de tous. La tradition a raison de décrire la composition de cette ambassade comme universelle (selon la géographie de l’époque) : un Africain (Balthazar), un asiatique (Gaspard), un Européen (Melchior).

arton79465 justiceLe Messie nouveau-né fait éclater les prétentions nationalistes étroites. Il est le roi de l’univers, pas seulement de Judée. Autrement dit, les valeurs du christianisme évoquées plus haut sont universelles. Ni occidentales, ni africaines, ni asiatiques : pour tous les peuples, toutes les cultures, tous les régimes politiques. Ne pas instrumentaliser le Nom de Dieu s’impose à tous. Conjuguer amour et vérité, justice et paix est le devoir sacré de toute l’humanité, depuis l’ONU jusqu’au Liechtenstein. Aimer nos ennemis jusqu’à la réconciliation est le défi lancé aux Russes comme Nord-coréens, aux Chinois comme aux Européens. Ce ne sont pas des valeurs occidentales seulement. L’Épiphanie manifeste la dimension universelle du message du Christ, né au Proche-Orient, mûri en Europe, adopté par l’Afrique, promis à l’immense Asie.

Ne renonçons pas à notre universalisme sous prétexte du respect de chaque culture ! Car alors le relativisme ne serait pas loin. Et le relativisme ouvre la porte à toutes les injustices, car ce que vous trouvez mal ici sera déclaré bien ailleurs…

 

Finalement, l’Épiphanie est une fête très politique !

Elle appelle les chrétiens à jouer leur rôle en temps de guerre, à ne pas déserter le témoignage rendu aux quatre valeurs ci-dessus. Elle appelle tous les hommes de bonne volonté à s’examiner loyalement pour entrer en discussion avec l’ennemi. Le Messie adoré par les Mages n’est-il pas venu inaugurer un monde nouveau, où selon la prophétie de Michée : « de leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Mi 4, 3) ? 

 

_______________________________________

[1]https://preghieraperlapace.santegidio.org/pageID/31533/langID/fr/text/4021/Emmanuel-Macron-au-Cri-de-la-Paix.html

[2]. La dénonciation la plus nette est celle du mercredi 23 novembre dernier. Lors de son audience hebdomadaire, le pape François a comparé le « martyre de l’agression » du pays par la Russie à la famine provoquée en Ukraine par Staline au début des années 1930, aussi appelée « génocide du Holodomor », qui a fait de 2 à 5 millions de victimes parmi les ukrainiens. L’Église orthodoxe russe est toujours restée muette sur ce crime…

 

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » (Is 60, 1-6)

 

Lecture du livre du prophète Isaïe

Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux alentour, et regarde : tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur la hanche. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi, vers toi viendront les richesses des nations. En grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens ; ils annonceront les exploits du Seigneur.

 

Psaume
(Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 10-11, 12-13)
R/ Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi.
 (cf. Ps 71,11)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

 

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

 

Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents.
Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

 

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

 

Deuxième lecture
« Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-3a.5-6)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère. Ce mystère n’avait pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées, comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes, dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

 

Évangile
Nous sommes venus d’Orient adorer le roi (Mt 2, 1-12) Alléluia. Alléluia.
Nous avons vu son étoile à l’orient, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils partirent.
Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , , ,

29 novembre 2020

Justice et Paix s’embrassent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Justice et Paix s’embrassent

 Homélie pour le 2° Dimanche de l’Avent / Année B
06/12/2020

Cf. également :

Réinterpréter Jean-Baptiste
Consolez, consolez mon peuple !
Devenir des précurseurs
Maintenant, je commence
Crier dans le désert
Le Verbe et la voix
Res et sacramentum
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Dieu est un chauffeur de taxi brousse
Le polythéisme des valeurs

Le Psaume 84 de ce dimanche nous invite à unir l’amour et la vérité, la justice et la paix.
Deux fiancés avaient choisi ce psaume pour leur mariage. L’homélie de la célébration explore pourquoi :

·  Deux moines s’apprêtaient à traverser une rivière à gué. Une belle jeune femme les rejoignit. Elle aussi devait passer sur l’autre rive, mais la violence du courant l’effrayait. Un des moines la charge sur ses épaules et la déposa de l’autre côté. Son compagnon n’avait pas desserré les dents. Il fulminait : un moine n’était pas autorisé à toucher une femme, et voici que celui-là en portait sur ses épaules !
Des heures plus tard, en arrivant en vue du monastère, le moine puritain annonça :
- je vais informer le père abbé de ce qui s’est passé. Ce que tu as fait est interdit.
Le moine secourable s’étonna :
- de quoi parles-tu ? qu’est-ce qui est interdit ?
- as-tu oublié ce que tu as fait ? s’indigna l’autre. Tu as porté une belle jeune femme sur tes épaules !
- ah oui, bien sûr, se souvint le premier en riant. Il y a belle lurette que je l’ai laissée au bord de la rivière. Mais toi, est-elle toujours dans tes pensées ?

Justice et Paix s’embrassent dans Communauté spirituelle

Lequel des 2 moines a respecté cette femme davantage ?

· Tel est un peu le message chrétien : traverser ensemble les rivières de l’existence, juché sur les épaules l’un de l’autre, alternativement, sans que jamais cela ne devienne une possession ou une domination.

Tu n’es pas moine Kevin - çà se saurait ! - ni toi Sarah, mais vous êtes aujourd’hui confiés l’un à l’autre, pour poursuivre votre histoire, dans le respect mutuel, dans l’entraide, le soutien réciproque.
Depuis 5 ans que vous vous êtes retrouvés – et chaque année la fête de la musique  ravivera pour vous la mémoire de ces premiers moments – vous avez déjà construit une vie commune, une orientation professionnelle au service des plus jeunes.
Votre couple vous a mûri, le dialogue vous a permis de surmonter les tensions et les malentendus qui font partie de la vie ordinaire à deux.

Est-ce à dire que vous êtes fin prêts et que vous êtes sûrs de vous ?
Il n’y aurait pas besoin alors de venir se marier devant Dieu et devant l’Église !
Non, je crois qu’au contraire vous percevez qu’il y a dans le mariage chrétien un réservoir inépuisable de courage, une source intarissable d’énergie, pour que ce que vous avez commencé à bâtir puisse durer et se fortifier.

On ne le répétera jamais assez :
on ne se marie pas à l’église seulement parce qu’on s’aime, mais aussi pour s’aimer davantage, pour s’aimer dans la durée, pour s’aimer dans la vérité.

·      C’est ce qui m’a frappé dans votre préparation au mariage : votre souci de ne jamais séparer amour et vérité.

Mensonge dans le couple (Le)- Être vrai l’un devant l’autre, sur son passé familial, sur ses émotions, ses désirs profonds, chercher la vérité sans la posséder jamais. À l’image du couple du Cantique des cantiques : escalader des montagnes – et Dieu sait qu’il y a des routes dures à grimper dans le mariage ! – franchir les collines, accourir vers l’autre, le désirer, susciter son propre désir : « Lève toi mon amie, ma toute belle, ne reste pas blottie dans tes peurs, dans les pièges de ton histoire, parle-moi, montre-moi ton vrai visage ! » (Cantique des cantiques)

La Bible a toujours vu dans le jeu du désir entre l’homme et la femme le signe, le sacrement du désir entre l’humanité et Dieu. Saint Augustin disait cela d’une façon originale, qui s’applique aussi bien à la quête spirituelle qu’à la quête amoureuse : « le chercher avec le désir de le trouver et le trouver avec le désir de le chercher encore ».

- Être vrai dans l’amour engendre alors ce respect, cette juste distance que chantait Khalil Gibran :
« soyez ensemble, mais sachez demeurer seuls ; grandissez ensemble mais pas dans l’ombre l’un de l’autre. »
Seul le temps permet de conjuguer ainsi amour et vérité ; sans la durée, l’amour se réduit au sentiment amoureux, à l’illusion de l’émotion.
Lorsque des gens mariés trompent leur conjoint, c’est souvent qu’ils se sont trompés sur eux-mêmes, qu’ils avaient oublié ou négligé leur vérité intérieure, ou plus précisément la recherche de cette vérité. Seules les années qui passent permettent de purifier la relation pour la rendre plus humaine, plus réelle, plus vraie, dans la miséricorde et la tendresse envers soi-même comme envers l’autre.

- Être vrai l’un devant l’autre : vous y tenez fortement et c’est un de vos atouts à développer.
Je  suis également témoin que vous voulez être vrais devant l’Église et devant Dieu.
En reconnaissant que Dieu est pour vous à l’heure actuelle plus une question qu’un compagnon.
En laissant ouverte cette interrogation et du coup le questionnement que cela peut provoquer.
En redécouvrant l’Église, au-delà des images de l’enfance, comme une amie sur la route, respectueuse de votre liberté.
En devinant que vos enfants viendront vous pousser plus loin  encore dans votre quête, lorsqu’il faudra leur transmettre les valeurs, les savoirs que vous jugerez bons pour eux.
En accueillant encore les événements, dans les larmes ou l’enthousiasme, pour y déchiffrer une possibilité de progresser en humanité.

 

·      « Amour et vérité se rencontrent » prophétisait le psaume en parlant de la venue du Messie.
Faites venir le Messie en mariant l’amour et la vérité dans votre vie de couple et de famille !
L’amour sans la vérité devient vite la règle du subjectif, de l’illusion, des sincérités successives.
La vérité sans l’amour dégénère en idéologie et en dogmatisme.

Votre métier d’éducateur et d’enseignant vous invite à éviter ces deux pièges dans votre vie professionnelle. Puisse votre mariage dans cette église vous aider à les éviter dans votre relation de mari et femme !
Kevin, à toi maintenant de prendre Sarah sur tes épaules, pour lui faire traverser le gué – et de même Sarah pour ton mari – en sachant déposer l’autre à terre dès qu’il peut, en acceptant d’être porté un jour à son tour.
Soyez pour nous des signes vivants, des sacrements d’un Dieu qui n’a jamais fini de chercher avec passion, « car c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer sans cesse » (Grégoire de Nysse IV° siècle).

Au-delà de cette célébration de mariage, la réflexion doit continuer sur la nécessaire tension entre la justice et la paix :

Ne pas réduire la justice à la domination du plus fort, ni la paix l’absence de conflits
Selon le Psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent. »
Justice & PaixRappelez-vous : la France et l’Allemagne étaient soi-disant en paix en 1918. Mais le traité de Versailles était si injuste que ce sentiment d’injustice favorisera la progression nazie dès les années 30…
Rappelez-vous : l’Amérique n’était pas en guerre dans les années 60, mais les lois raciales étaient si injustes qu’elles auraient pu déchaîner la violence entre Noirs et Blancs, si Martin Luther King et le mouvement des Droits civiques n’avaient pas puisé dans la Bible le courage de conjuguer la paix et la justice.
Regardez les récentes élections aux USA : comment être en paix lorsque les Républicains ont le sentiment de s’être fait voler le succès de Trump, ou lorsque les Démocrates ont le sentiment que Biden est injustement attaqué sur les votes par correspondance ? Quelle réconciliation si la justice n’est pas clairement manifestée et acceptée par tous ?

Pour la Bible, c’est clair : c’est la justice et la paix, jamais l’une sans l’autre, que ce soit entre les peuples, entre innocents et coupables, dans une entreprise ou dans un couple.

« Amour et vérité se rencontrent. Justice et Paix s’embrassent… »

« La loi d’amour de l’Évangile n’invite pas les hommes à se résigner à l’injustice. Elle les appelle, au contraire, à une action efficace pour la vaincre dans ses racines spirituelles comme dans les structures où elle prolifère. C’est une fausse théologie de l’amour qui est invoquée par ceux qui voudraient camoufler les situations conflictuelles, prôner des attitudes de collaboration dans la confusion, en minimisant la réalité des antagonismes collectifs de tous genres. » (Les évêques de France, Pour une pratique chrétienne de la politique, Lourdes 1977)

Mais c’est de Dieu que nous recevons, d’une paix juste, ou d’une justice paisible.
C’est du Christ que nous recevons la force de faire la paix, même avec des gens que nous aimons peu, avec qui on a eu des problèmes, peut-être même faire la paix avec des adversaires.

« L’Eucharistie est-elle possible entre adversaires ?
Nelson Mandela nouvellement élu président de l'Afrique du Sud serrant la main de son prédécesseur, F.W. de Klerk, au Cap, en 1994.
Quand l’Eucharistie sera réalisée dans de telles communautés, par des adversaires, voire des ennemis, elle témoignera, à leurs propres yeux et aux yeux de tous, de l’unité essentielle et impossible. Certes, à transcender trop rapidement, pour communier ensemble, les oppositions et les irréductibilités de l’existence politique, on risque de donner l’impression de ne pas prendre au sérieux cette existence. Mais, à l’inverse, refuser de communier ensemble, c’est sous-estimer l’impact, ici et maintenant, sur l’existence politique, de la communion eucharistique pour renvoyer sa réalisation à la fin des temps.

La célébration de l’unité engage à vouloir, et donc à chercher, sa réalisation sur le terrain politique. Mais le rassemblement plural qui la conditionne démontre qu’elle ne peut être attendue que d’une grâce qui n’est pas de la terre. Ce serait une ignoble comédie de se désintéresser de l’avènement de ce qu’on célèbre symboliquement, mais ce serait une affreuse détresse de ne pouvoir jamais, entre militants opposés, affirmer ensemble à la face du monde, dans un moment de fête, qu’arrivera le terme final où les ennemis se mueront en compagnons, où les adversaires se reconnaîtront frères. » (ibid.)


Tel est
le geste de paix que nous échangeons avant de communier : non pas parce que nous sommes déjà en paix, mais pour le devenir.

Non pas notre paix, mais la paix du Christ qui nous vient de lui, devant, qui nous vient de l’avenir.
Nous nous souhaitons la paix du Christ, shalom Messiah : ce n’est pas un geste sentimental, c’est le désir d’anticiper la paix promise. C’est la volonté de mettre en œuvre une harmonie que je n’arrive pas à réaliser tout seul.
Voilà pourquoi on peut souhaiter la paix à son conjoint avec lequel on est pourtant en peine crise.
Voilà pourquoi un syndicaliste et un patron peuvent accomplir ce geste sans trahir leurs convictions ni d’être hypocrites.
Voilà pourquoi nous avons besoin de venir à la messe : nous n’arriverons pas à faire la paix si nous ne la recevons pas d’un Autre qui est plus grand que nous.


Le Christ, lui, est notre paix.
Il dirige vers nous la paix comme un fleuve.
Que la paix du Christ coule entre nous comme un fleuve, dans notre maison, dans notre cœur.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40, 1-5.9-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.

PSAUME
(84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,et donne-nous ton salut.  (84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

DEUXIÈME LECTURE
« Ce que nous attendons, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle » (2 P 3, 8-14)

Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix.

ÉVANGILE
« Rendez droits les sentiers du Seigneur » (Mc 1, 1-8)
Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi,pour ouvrir ton chemin.Voix de celui qui crie dans le désert :Préparez le chemin du Seigneur,rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

2 avril 2018

Lier Pâques et paix

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Lier Pâques et paix

 

Homélie pour le 2° dimanche de Pâques / Année B
08/04/2018

Cf. également :

Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Riches en miséricorde ?
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
La Trinité en actes : le geste de paix
La paix soit avec vous


La paix dans les flammes

Lier Pâques et paix dans Communauté spirituelle 800px-Baghdad_fire_department_engine_IraqUn fait divers réel : un jour, un pensionnat est en feu. Des enfants affolés essaient d’échapper aux flammes en se jetant par la fenêtre, d’autres en se risquant dans les escaliers s’écroulant sur leur poids etc…. La seule petite fille qui ne fut pas blessée fut la petite Sally. Son père était pompier et lui avait recommandé, en cas d’incendie, de rester tranquille en attendant les secours. Elle avait cru les paroles de son père, et cela lui permit de rester en paix !

Voilà peut-être le principal cadeau de Pâques : les premières paroles du Ressuscité sont par trois fois une déclaration de paix inédite : « Paix à vous » (Jn 20, 19.21.26). La traduction liturgique (‘La paix soit avec vous’) n’est pas tout à fait fidèle au texte grec, car ce n’est pas un souhait, mais un don effectif : le Ressuscité communique réellement la paix aux disciples, il ne leur souhaite pas.

Le mot paix (Shalom) est certes connu de la Bible où on le retrouve dans environ 200 versets différents, signe que la quête de la paix taraude l’humanité depuis des millénaires. Mais l’expression « Paix à vous » n’apparaît pas dans l’Ancien Testament. Dans les quatre Évangiles, elle ne se trouve que dans la bouche du Ressuscité une fois en Luc (Lc 24,36 aux pèlerins d’Emmaüs) et trois fois en Jean. Dans le reste du Nouveau Testament, ce sont surtout Paul et Pierre qui reprendront cette adresse aux communautés chrétiennes, par exemple : « Saluez-vous les uns les autres dans un baiser de charité. Paix à vous tous qui êtes dans le Christ ! » (1P 5,14).

De quelle paix parle-t-on ?

Le mot grec Εἰρήνη (eiréné, qui a donné l’adjectif irénique en français) provient probablement du verbe qui signifie eirō = joindre (deux parties distinctes), ne faire qu’un. Être en paix veut donc dire : être un, ne pas se laisser disperser par les événements extérieurs, rester centré sur son unité intérieure, ou pour les croyants demeurer uni à Dieu en toutes circonstances.

Εικόνα

Voilà pourquoi l’attitude de la fillette au milieu de l’incendie témoigne d’une paix impressionnante. Elle demeure attachée à la consigne de son père malgré l’affolement ambiant. Elle ne fait qu’un avec son père alors qu’autour d’elle les autres se soumettent aux multiples réflexes que la peur leur suggère instinctivement.

La paix donnée par le Christ de Pâques ne nous dispense pas des incendies : elle nous donne de les habiter sans être consumés, à l’image du buisson ardent. La paix pascale découle de l’unité avec Dieu qui est lui-même unité d’amour trinitaire.

Celui qui s’appuie ainsi sur son centre de gravité spirituelle – la présence de Dieu en lui – ne tombera pas. Ni les succès ni les épreuves ne pourront le détourner de sa vocation ultime : ne faire qu’un avec Dieu en lui, avec lui en Dieu.

La petite fille qui ne s’est pas affolée est demeuré irénique au milieu des flammes.
Nombre de chrétiens ont fait l’expérience de cette paix profonde qui les maintient attachés à l’unique essentiel quoi qu’il arrive. La gloire venant des hommes ne les a pas grisés. L’humiliation venue également des hommes ne les a pas brisés. Parce qu’ils demeurent en paix, ils affrontent l’adversité sans se décourager, ils accueillent la réussite sans se glorifier. Ils tiennent leur âme « égale et silencieuse, comme un petit enfant tout contre sa mère » (Ps 130,2).

François d’Assise et la paix du cœur

Sagesse d'un pauvreUn exemple historique de cette paix paradoxale nous est fourni par la vie de François d’Assise. Son ordre connaissait un certain succès numérique, mais les nouveaux responsables – qui l’avaient évincé, car les fondateurs sont parfois gênants – semblaient renier un à un les principes de pauvreté évangélique et de fraternité universelle qui étaient à l’origine de l’aventure de François. Il en est profondément inquiet (in-quies = pas en repos, pas en paix) et bouleversé. Le franciscain Éloi Leclerc évoque ainsi le combat intérieur qui lui permet de retrouver la paix malgré l’incertitude qui semble compromettre son œuvre :

« Je pense qu’il est difficile d’accepter la réalité. Et, à vrai dire, aucun homme ne l’accepte vraiment totalement. Nous voulons toujours ajouter une coudée à notre taille, d’une manière ou d’une autre. Tel est le but de la plupart de nos actions. Même lorsque nous pensons travailler pour le Royaume de Dieu, c’est encore cela que nous recherchons bien souvent. Jusqu’au jour où, nous heurtant à l’échec, à un échec profond, il ne nous reste que cette seule réalité démesurée : Dieu est. Nous découvrons alors qu’il n’y a de tout-puissant que lui, et qu’il est le seul saint et le seul bon. L’homme qui accepte cette réalité et qui s’en réjouit à fond a trouvé sa paix. Dieu est, et c’est assez. Quoiqu’il arrive, il y a Dieu, la splendeur de Dieu. Il suffit que Dieu soit Dieu. » [1]

Les vies de saint François d'AssiseThomas de Celano, le biographe de François d’Assise, décrit cette paix profonde qui découle de l’union avec le Christ quoiqu’il arrive. En ce passage célèbre édit de la joie parfaite, il recueille l’explication que François a livrée de la joie « sans cesse » :

« Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira : « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondrons : « Nous sommes deux de vos frères », et qu’il dira : « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres; allez-vous en » ; et quand il ne nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.

Et si nous persistons à frapper, et qu’il sorte en colère, et qu’il nous chasse comme des vauriens importuns, avec force vilenies et soufflets en disant : « Allez-vous-en d’ici misérables petits voleurs, allez à l’hôpital, car ici vous ne mangerez ni ne logerez », si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.

Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frappons encore et appelons et le supplions pour l’amour de Dieu, avec de grands gémissements, de nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et qu’il dise, plus irrité encore : « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils le méritent », et s’il sort avec un bâton noueux, et qu’il nous saisisse par le capuchon, et nous jette par terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tous les nœuds de ce bâton, si tout cela nous le supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite.

Ne faire qu’un intérieurement avec le Christ de la Passion ou de la Résurrection permet de demeurer en paix, quoi qu’il arrive.

Une paix courageuse qui affronte l’adversaire.
Une paix  libre qui libère des idoles après lesquelles tout le monde se rue.
Une paix protectrice qui ôte aux persécutions leur pouvoir de division.

Il n’y a pas que les épreuves qui peuvent entamer cette paix. Car le divertissement (au sens pascalien du terme, c’est-à-dire ce qui ne détourne de notre but essentiel) ou la gloire apparente fissurent notre unité intérieure en nous faisant croire à notre indépendance absolue, voire à notre toute-puissance quasi divine. Rares sont les grandes figures humaines qui ont su ne pas céder à la démesure et à l’orgueil.

D’ailleurs, le contraire de la paix pascale pourrait bien être la division intérieure. Le mot diable (diabolos en grec) ne vient-il pas du mot diviser, éparpiller, rompre (dia-balein = jeter en dispersant) l’unité d’un être ?

Au matin de Pâques, le Christ partage sa victoire sur le diable en donnant la paix à ses amis. « Paix à vous » résonne comme une déclaration d’unité indestructible, communion d’amour avec Dieu plus forte que les épreuves où les tentations de vaine agitation.

Comme en écho à François d’Assise, Thérèse d’Avila – infatigable réformatrice de l’ordre du Carmel – a fait l’expérience au milieu de ses tribulations de la paix reçue du Christ. Puissions-nous en ce temps de Pâques nous enraciner solidement dans cette unité intérieure découlant de la communion avec Dieu :

 » Que rien ne te trouble, ô mon âme,
  Que rien ne t’épouvante,
  Tout passe,
  Dieu ne change pas.
  La patience triomphe de tout.
  Celui qui possède Dieu,
  Ne manque de rien.
  Dieu seul suffit. »

________________________________

[1] . Eloi LECLERC, Sagesse d’un pauvre, Desclée De Brouwer, 2007, p. 135.

 

Lectures de la messe

1ère lecture : La communauté fraternelle des premiers chrétiens (Ac 2, 42-47)

Lecture du livre des Apôtres

Dans les premiers jours de l »Église, les frères étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les cœurs ; beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par les Apôtres.
Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun.
Chaque jour, d’un seul cœur, ils allaient fidèlement au Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple. Tous les jours, le Seigneur faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut.

Psaume : Ps 117, 1.4, 13-14, 19.21, 22-23, 24-25

R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ; 
mais le Seigneur m’a défendu. 
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; 
il est pour moi le salut. 

Ouvrez-moi les portes de justice : 
j’entrerai, je rendrai grâce au Seigneur. 
Je te rends grâce car tu m’as exaucé : 
tu es pour moi le salut. 

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs 
est devenue la pierre d’angle : 
c’est là l’œuvre du Seigneur, 
la merveille devant nos yeux. 

Voici le jour que fit le Seigneur, 
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! 
Donne, Seigneur, donne le salut ! 
Donne, Seigneur, donne la victoire !

2ème lecture : L’espérance des baptisés (1P 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance, pour l’héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, en vue du salut qui est prêt à se manifester à la fin des temps.
Vous en tressaillez de joie, même s’il faut que vous soyez attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la qualité de votre foi qui est bien plus précieuse que l’or (cet or voué pourtant à disparaître, qu’on vérifie par le feu). Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi.

Evangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jn 20, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Thomas a vu le Seigneur : il a cru. Heureux celui qui croit sans avoir vu ! Alléluia. (cf. Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre.
Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , , ,
12