L'homélie du dimanche (prochain)

21 août 2022

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

Homélie pour le 22° dimanche du Temps Ordinaire / Année C
28/08/2022

Cf. également :
Recevoir la première place
Plus humble que Dieu, tu meurs !
Dieu est le plus humble de tous les hommes
Un festin par-dessus le marché
Le je de l’ouie

Le U4 d’Uckange

Uckange - Parc du haut-fourneau U4Des hauts-fourneaux à l’abandon. Ce complexe industriel en Moselle près de Florange et Thionville aurait pu devenir une friche insalubre et lugubre comme le XX° siècle nous en a tant laissé dans la région. Mais lorsque vous arrivez sur site, des bénévoles en bleu de travail vous attendent pour vous faire visiter. Ce sont d’anciens fondeurs, à la retraite, qui ont connu le démarrage, l’apogée, le déclin puis la fermeture de l’usine dans les années 90. Ils racontent leur labeur quotidien d’autrefois en vous emmenant de la réception du minerai et du charbon au chargement des fours, à l’écoulement du métal fondu, jusqu’aux quais d’expédition. Avec leur témoignage, les machines reprennent vie, les postes de travail sont peuplés de visages en sueur, les armoires des vestiaires parlent encore un peu de l’intimité de chaque ouvrier, et on devine comment des centaines de familles ont été marquées pendant un siècle par les cheminées et les sirènes de ces hauts-fourneaux.

Ces bénévoles du musée du haut-fourneau n°4 d’Uckange cherchent donc un public capable d’entendre leur histoire, collective et personnelle. Ils ont la juste intuition que transmettre cette histoire est un devoir, une nécessité. Ils racontent leur passé ouvrier pour que la sagesse forgée à nourrir la gueule béante des fours jour et nuit ne soit pas perdue.

 

Ben Sirac le Sage

St BenoîtNotre première lecture (Si 3,17-29) vieille de 3000 ans prônait déjà cette nécessité impérieuse qui s’impose aux sages : transmettre, par la parole.

« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ».

Le texte écrit : « une oreille attentive, voilà le désir du sage ». On pourrait croire que le sage cherche à être une oreille attentive, ce qui n’est déjà pas si mal. En fait, la traduction plus proche de l’original serait plutôt : « trouver une oreille attentive est le désir du sage » (καὶ οὖς ἀκροατοῦ ἐπιθυμία σοφοῦ). Autrement dit : l’idéal du sage n’est pas d’abord d’être une oreille attentive (ça c’est le boulot du disciple), mais à l’inverse de trouver quelqu’un qui sache l’écouter avec une qualité d’attention qui lui permette de recevoir la sagesse ainsi transmise.

Et cela passe d’abord par la parole. La 2e lecture (He 12,18-24) nous rappelle que le Dieu d’Israël est à entendre et non à voir : « Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes… »
Circulez, il n’y a rien à voir ! L’écoute nous libère de ce que la pulsion scopique contient de possession, domination, asservissement. L’interdit de représenter Dieu ou les visages dans le judaïsme et dans l’islam est la trace de cette importance première de l’ouïe sur la vue : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! » (Dt 6,4). Tu ne te feras aucune représentation de Dieu. Car Dieu n’est pas à voir, mais à entendre.

En christianisme, l’Esprit atteste de l’invisibilité de Dieu, et c’est cet Esprit de sagesse qui parle à nos cœurs dans la prière, l’étude de l’Écriture, les évènements, la nature… : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! », ne cesse de répéter l’Apocalypse.
La Règle de St Benoît depuis des siècles invite les moines à être d’abord une grande oreille face à Dieu, dont le père abbé a la charge de transmettre la voix : « écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur… » (Prologue de la Règle de St Benoît)

 

Quel sage êtes-vous ?

ConfuciusVous objecterez : cela concerne les sages, mais je ne suis pas sage ! Erreur ! Tout être humain avec les années accumule des expériences de vie et une forme de réflexion sur son existence. Les retraités en bleu de travail du haut-fourneau n° 4 d’Uckange ne savent pas qu’en racontant leur usine ils transmettent en même temps une philosophie de leur métier, des solidarités vécues, de l’œuvre accomplie… Mais, en créant ce musée à force de passion, ils sont bel et bien devenus des maillons vivants de la chaîne de transmission du caractère d’une région, de ses familles, de ses fiertés, échecs et réussites mêlées.

Qui n’est pas sage en tel domaine, sur tel point précis ? Il faudrait être fou pour ne pas croire déceler quelque once de sagesse ! Sagesse pratique (artisanat, bricolage), artistique, intellectuelle, humaine, technique. Même les plus démunis ne sont pas démunis de sagesse ! J’ai rencontré des SDF manifestant une bienveillance étonnante ; des personnes isolées en EHPAD qui sourient à la vie alors qu’elles ne quittent pas leur fauteuil ni leur établissement etc.
La première invitation de Ben Sirac, est alors d’identifier le Sage qui est en nous, la part de sagesse qui s’est accumulée – souvent à notre insu – limon de toutes les alluvions des événements et personnes marquantes de notre parcours humain.
Que serait un père ou une mère de famille qui n’aurait rien à dire à ses enfants de ce qu’il ou elle a traversé ? Une réussite professionnelle n’apporte-t-elle pas une sagesse de vie ? Et un échec encore davantage ?
Personne n’est si pauvre qu’il n’ait rien à transmettre. C’est sur cette conviction qu’ATD a lancé ses Universités populaires du Quart-Monde, soirées de parole et d’écoute où chacun est invité à raconter, sur un thème précis, ce que les galères de la misère lui ont appris.

 

Cherchez votre oreille attentive

Chacun, découvrant en en soi ce trésor de sagesse, a alors le choix entre 3 attitudes :

– le garder pour soi.

Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ? dans Communauté spirituelleNe rien dire, ne rien transmettre. Sous prétexte parfois de fausse humilité. Ou de paresse. Ou par manque de confiance en soi. On appelle d’ailleurs syndrome de l’imposteur la culpabilité qu’éprouve quelqu’un à occuper un poste ou à prendre la parole alors qu’il ne s’en croit pas capable ou pas digne.
On peut également se taire par misanthropie, en désespérant de la capacité des autres à recevoir. Car certains vous diront que l’expérience ne se partage pas, et qu’on n’apprend que par soi-même. La Bible parie sur le contraire : c’est en écoutant l’autre que l’on devient soi-même. Et d’abord le Tout-Autre. Le premier commandement de la Torah ne commence-t-il pas par ce verbe écouter, à l’impératif : « Écoute Israël ! » « Shema Israël ! ». Dieu le premier cherche en Israël une oreille attentive à sa sagesse. Il ne peut se taire, car partager la sagesse fait partie de la sagesse.
Si vous taisez la sagesse qui est en vous, vous l’empêchez d’atteindre sa plénitude, car elle s’accomplit en se disant, et vous en priverez ceux qui en ont absolument besoin. Ce genre de mutisme est une forme de non-assistance à personne en danger.
Par égoïsme ou par orgueil, par jalousie par dépit, le Sage qui ne cherche pas d’oreille attentive se condamne lui-même à l’inachevé ; et condamne d’autres à se dessécher à côté d’une source.
Même les ermites épris de solitude dans les déserts d’Égypte ne refusaient pas leur enseignement au visiteur cherchant des appuis dans sa quête spirituelle.

le galvauder en l’éparpillant à tout vent.

carrementfleurs_pissenlit2 maître dans Communauté spirituelleSelon l’adage populaire, parler de ce trésor de sagesse à n’importe qui n’importe quand, c’est « donner de la confiture à des cochons ». Devant certains, à certains moments, il vaut mieux se taire et attendre. Le maître doit choisir avec discernement les disciples capables et désireux de recevoir son enseignement, ainsi que les moments où il le fera.
Jésus a su choisir les Douze pour leur confier ses paroles et son secret. Même le choix de Judas était un acte de sagesse, car il avait l’enthousiasme et le courage des révolutionnaires à mettre au service du royaume de Dieu. Il a été une oreille attentive à l’enseignement du Christ. Malheureusement prisonnier de sa grille de lecture idéologique du conflit juifs vs romains, il a dilapidé ce trésor en cherchant à l’instrumentaliser.
Jésus quant à lui savait quand parler et quand se taire, quand secouer la poussière de ses sandales ou quand demeurer à enseigner longuement. Il se réjouit de trouver en Marie de Béthanie une oreille attentive qui boit ses paroles. Il est bouleversé par les foules qui l’écoutent au désert le ventre vide ou pendant des heures autour du lac de Tibériade.
Discerner si l’autre face à moi aura l’oreille attentive à ce que je peux lui confier fait partie de la sagesse.

choisir une oreille attentive.

Marthe-Marie oreilleC’est le 3e choix possible quand on prend conscience de la sagesse qui est en nous : discerner avec soin à qui livrer notre enseignement, et quand.
Sans imposer de certitudes, mais au contraire en apprenant à poser les bonnes questions, les questions essentielles, les questions puissantes.
Sans pathos excessif, sinon l’amitié spirituelle grandissante entre maître et disciple.
Sans autre motif que le partage, car ce sont les gourous qui sont intéressés à multiplier les adeptes, pour leur argent et tous les abus imaginables sur ceux qu’on domine. Le sage ne domine personne : par ses questions, ses récits, ses paraboles, ses métaphores, il éveille la liberté de l’écoutant, il l’invite à chercher en lui-même.

Rien de plus pénible que la suffisance de ceux qui veulent faire la leçon à tout le monde à la moindre occasion ! Comme dans la partition musicale d’une œuvre symphonique, les silences du sage rendent possible sa parole. Les mélomanes savent bien que pour apprécier pleinement un chef-d’œuvre musical, l’écouter attentivement allongé dans le noir est la meilleure manière de mobiliser toute leur énergie au service d’un seul sens, l’ouïe, les autres étant au repos.

« Une oreille attentive, voilà le désir du sage ».
Pourquoi le texte biblique dit-il une oreille, et pas deux ? Peut-être parce que dormir sur ses deux oreilles c’est ne plus rien entendre. Ou parce que deux oreilles présentent le risque que la parole entre par une oreille et ressorte par l’autre… Alors que tendre l’oreille est le signe d’une quête, d’un désir, comme celui du peuple écoutant attentivement Esdras proclamer la Loi retrouvée au Temple : « sur la place située devant la porte des Eaux, Esdras lut dans le livre, depuis l’aube jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes et de ceux qui avaient l’âge de raison : tout le peuple tendait l’oreille au livre de la Loi » (Ne 8,3).

Quelles sont les oreilles attentives que vous pourriez choisir afin d’être écouté ?
Un parent livre facilement son expérience à un enfant qui partage avec lui une même passion (sport, loisirs, discipline). Un professeur ressent tout de suite la connivence qu’il établit envers tel élève plutôt que tel autre. Un grand professionnel repère assez rapidement parmi ses jeunes collègues celui ou celle qui reprendra le flambeau. Un grand malade saura choisir à qui confier ce que sa maladie lui a enseigné.

Allez-vous garder pour vous ce que la vie vous a appris ?
Quelle graine de sagesse devez-vous semer autour de vous ?
Quelle oreille sera attentive à votre sagesse ?

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage
Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Psaume
(Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
 (cf. Lc 1, 52)

Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
À l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

Deuxième lecture
« Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant » (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle.

Évangile
« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 1.7-14)
Alléluia. Alléluia. 
Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ; devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Alléluia. (cf. Mt 11, 29ab)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

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20 juillet 2013

Le je de l’ouie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le je de l’ouie

 

Homélie du 16° Dimanche du temps ordinaire
Année C   21/07/13 

Connaissez-vous le sketch de Raymond de Devos sur le verbe « ouïr » ?

Il y a des verbes qui se conjuguent très irrégulièrement.
Par exemple, le verbe OUÏR.
Le verbe ouïr, au présent, ça fait J’ois… j’ois…
Si au lieu de dire « j’entends », je dis « j’ois », les gens vont penser que ce que j’entends est joyeux alors que ce que j’entends peut être particulièrement triste. Il faudrait préciser : ?Dieu, que ce que j’ois est triste !’
Si au lieu de dire « l’oreille », on dit « l’ouïe », et qu’on pense à une oie, alors on peut dire que l’ouïe de l’oie a ouï.
Pour peu que l’oie appartienne à Louis, cela donne :
- L’ouïe de l’oie de Louis a ouï.
- Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ?
- Elle a ouï ce que toute oie oit…
Au passé, ça fait : J’ouïs… J’ouïs !
Il n’y a vraiment pas de quoi !

 


Au-delà de ces superbes jeux de mots, c’est presque un sketch « à la Devos » que Jésus nous interprète ici devant Marthe et Marie 
:

 

« Toute ouïe »

- Marie écoute; elle est « toute ouïe », l’oreille et le coeur tendus vers la parole de Jésus.
À sa soeur qui fait un tas de choses, Marie dit: « J’ouïs », c’est-à-dire : j’écoute, pour jouir de cette relation, pour savourer cette communion de parole.

- C’est comme un reproche implicite, où Jésus interpelle Marthe : arrête de te noyer dans les choses à faire, viens, et jouis de la Parole.

Or Marthe ne veut pas ouïr ;
elle ne veut pas jouir de la Parole du Christ, et voudrait même interdire ce plaisir à sa soeur?

Qui a dit que le christianisme était fâché avec la jouissance ?

Joue, oui

- Jésus insiste alors : « Joue, oui ! » c’est-à-dire : mets du jeu dans ta vie, réintroduis des degrés et des moments de liberté, au lieu de te laisser absorber complètement (par le travail, la famille, les soucis de tous ordres). Par cette ouverture à l’autre qu’est l’écoute, retrouve le goût du jeu avec ce qui n’est pas prévu, ni rentable.

La dimension ludique et artistique est essentielle à la foi chrétienne.

 

« Toute oui »

- « Joue ta vie sur le oui », en réponse à cette Parole d’un Autre.

Marie est « toute ouïe », toute écoute, et du coup, elle devient « toute oui », un oui intense à la Parole du Christ. Joue ta vie sur cette Parole, au lieu de préférer les choses à la relation, la cuisine à l’invité, le devoir au plaisir?


- Si bien que le jeu de l’écoute permet à Marie de dire « je », de découvrir son désir le plus vrai.

Le « je » de Marie lui est donné dans l »ouïe » de la Parole qu’est Jésus lui-même.
C’est la « part unique » qu’elle a choisie :
préférer la relation vivante à l’enfermement dans les choses; recevoir son identité la plus profonde de l’écoute de la parole d’un autre, du Tout-Autre.

Comme Jésus d’ailleurs, qui est le premier à écouter Celui dont il se reçoit, et qu’il appelle à cause de cela son Père. Il ne parle pas de lui-même, mais il parle de ce qu’il a d’abord écouté auprès de son Père (Jn 8,28 ; 12,49)

Le je de l'ouie dans Communauté spirituelle jesus-chez-marthe-et-marie 

Jouis

Vous voyez: l’écoute est première.
Ouïr est un vrai plaisir, un vrai « oui » à la vie.
Les Juifs nous le rappellent en priant 3 fois par jour (comme Jésus l’a fait toute sa vie) :
« Écoute Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un ».

C’est donc qu’il y a un lien entre l’écoute et l’unicité de l’être.

Écouter permet de progresser dans l’unité.

L’appel que le Christ nous lance dans cet évangile est donc à l’inverse du puritanisme, et de tous ceux qui voudraient faire de la religion un rabat-joie !

Le Christ semble nous dire :

« remet du plaisir dans ta relation aux autres, dans ta relation à Dieu.
Goûte particulièrement le plaisir d’écouter la parole, la parole de l’autre, la Parole de Dieu.
Pour cela, ne te laisse pas absorber par les choses ni par le seul devoir.
Remet du jeu dans ta vie. »

Accorde-toi quelque degré de liberté et de gratuité, pour jouir de la beauté de l’écoute, à l’image de Marie de Béthanie assise aux pieds de Jésus.


L’été est une période favorable pour cela.
Écouter la Parole que Dieu nous adresse à travers la nature splendide : mer, montagne, campagne…
Jouir de sa parole à travers une halte dans un monastère, une lecture tranquille des textes du Dimanche, ou un silencieux rendez-vous avec sa présence en nous…

Si nous réduisons la foi chrétienne à une accumulation de choses à faire, nous serons les plus malheureux de tous les croyants. Car on n’en fait jamais assez, ni assez bien ! Et puis, cela risque de nous priver de la rencontre avec Celui pour qui nous voulons faire ces choses.

l+ouie+louis amour dans Communauté spirituelle

Les mères de famille – ou les célibataires – connaissent bien cette agitation où il faut tout préparer pour qu’un dîner avec des invités se passe bien. Elles connaissent également la frustration de Marthe qui est dans la cuisine, et qui enrage de ne pouvoir prendre part à la conversation qui a lieu à côté.

Alors, plutôt que de se réjouir du bonheur de sa soeur qui écoute, plutôt que de se réjouir de lui permettre ce bonheur, elle veut l’en priver.

Comme si le bonheur de l’autre, tout proche, était insupportable, parce que justement ce n’est pas le mien.

C’est une vieille tentation de vouloir piétiner le bonheur que je ne peux ou ne veux pas atteindre. Marthe nie la différence entre elle et sa soeur, ne supporte pas qu’elle soit heureuse, et d’une autre manière qu’elle.

Être jaloux de la joie de ses proches au point de vouloir les en priver : cela arrive souvent dans nos familles, dans les communautés religieuses même !

C’est la réaction de l’enfant qui, voyant un beau jouet dans les bras de son frère, lui arrache, le casse et le piétine pour qu’aucun des deux ne soit heureux. Comme si l’égalité dans le malheur était un soulagement !

Cette violence, nous l’éprouvons tous lorsque, jaloux et nous comparant sans cesse, nous voulons ramener l’autre à notre état d’insatisfaction, au lieu de renoncer au comparatif et de nous réjouir de son bonheur.

C’est préférer casser un CD plutôt que voir un autre l’écouter.

C’est la folie de tous les crimes passionnels, où l’amour ne peut plus supporter le bonheur de l’autre, et préfère le détruire plutôt que de le voir s’éloigner…

 

Ouïr la Parole de Dieu…

Jouir de cette Parole.

Et ainsi devenir soi-même dans ce « Jeu / Je de l’ouïe »…

Que Marthe et Marie de Béthanie nous inspirent cet été de vrais moments où savourer la goûteuse présence de Dieu en nous…

1ère lecture : Abraham donne l’hospitalité à Dieu, qui lui promet un fils (Gn 18, 1-10a)
Lecture du livre de la Genèse

Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour.
Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt, il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu’à terre et dit: « Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. On va vous apporter un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher du pain, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ils répondirent : « C’est bien. Fais ce que tu as dit. »
Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il lui dit : « Prends vite trois grandes mesures de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau qu’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient.
Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. »
Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

Psaume : Ps 14, 1a.2, 3bc-4ab, 5

R/ Tu es proche, Seigneur : fais-nous vivre avec toi.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son coeur.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
L’homme qui fait ainsi
demeure inébranlable.

2ème lecture : Le mystère du Christ s’accomplit dans la vie de l’Apôtre (Col 1, 24-28)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église.
De cette Église, je suis devenu ministre, et la charge que Dieu m’a confiée, c’est d’accomplir pour vous sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté aux membres de son peuple saint.
Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste, au milieu des nations païennes, la gloire sans prix de ce mystère : le Christ est au milieu de vous, lui, l’espérance de la gloire !
Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme avec sagesse, afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ.

Evangile : Marthe et Marie accueillent Jésus chez elles (Lc 10, 38-42)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux qui entend la voix du Seigneur et lui ouvre sa porte : il a trouvé son bonheur et sa joie. Alléluia. (cf. Ap 3, 20)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.
Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma s?ur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick Braud

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