Marie Theotokos, ou la force de l’opinion publique
Marie Theotokos, ou la force de l’opinion publique
Homélie pour le 1° Janvier, fête de Marie « Mère de Dieu »
Émeutes populaires à Constantinople
Nous sommes en 428. Nestorius, évêque de Constantinople – ville impériale s’il en est – provoque un vif émoi parmi le peuple. En effet, dans ses homélies et à la cathédrale, il refuse d’appeler Marie « Mère de Dieu » (Theotokos en grec) et ne lui accorde que le titre de « mère du Christ ». Il est tellement préoccupé de sauvegarder la grandeur de Dieu qu’il ne peut aller jusqu’à penser que Dieu en la personne de Jésus ait voulu avoir une mère en la personne de Marie. Cette opinion influencera fortement la rédaction du Coran d’ailleurs deux siècles plus tard. Or le peuple chrétien vénère Marie comme Theotokos, et n’accepte pas que son évêque ne professe pas la même foi que lui. La foule allait même jusqu’à coller des placards sur les murs de la cathédrale et de l’archevêché en signe de protestation! En refusant de donner à Marie le titre de Theotokos, Nestorius se heurte au sens de la foi (sensus fidei) de son Église locale.
Tout cela provoque un tel tintamarre que l’empereur Théodose II convoque un concile à Éphèse pour Pentecôte 431 afin de trancher la question. Nestorius y est désavoué : puisque le Christ est vrai Dieu et vrai homme, « sans séparation ni confusion », la mère de l’homme Jésus est donc en même temps la Mère de Dieu, la Theotokos. Sinon, cela reviendrait à dire qu’en Jésus la divinité et l’humanité ne sont pas vraiment unies l’une à l’autre.
Pourquoi ce rappel historique ? Pour montrer l’importance du sens de la foi des fidèles (sensus fidei fidelium) et de la réception dans l’Église : l’enseignement de Nestorius n’est pas reçu dans son Église locale, et cela suffit pour, sinon invalider, du moins soupçonner cet enseignement, et appeler à un débat au plus haut niveau d’autorité de l’Église. Appeler Marie Mère de Dieu, c’est se souvenir que la piété mariale du Peuple de Dieu a été dans l’histoire un lieu théologique important.
La force de l’opinion publique
Fêter la Mère de Dieu au tout début d’une année qui préparera l’élection présidentielle charge cette fête d’une harmonie particulière. Va-t-on écouter l’opinion publique, celle des petites gens (qui gagnent environ le SMIC) qui ont des choses à dire sur les choix de société ? Ce peuple va-t-il s’organiser pour faire entendre sa voix ? Ou faudra-t-il attendre des révoltes, des colères sociales protestant devant trop d’inégalités ? Le pouvoir des urnes sera-t-il un réel pouvoir de choix ? S’il n’est pas relayé par des associations courageuses, par des corps intermédiaires bien vivants (syndicats hélas en survie actuellement, organisations professionnelles etc.) ce pouvoir démocratique ne sera que celui d’un fusil à deux cartouches, les deux tours de l’élection.
Le printemps arabe de 2011 à démontré encore une fois, après la chute du communisme en 1989, que l’opinion publique est capable de « renverser les puissants de leurs trônes » comme le chante Marie dans son Magnificat.
On a vu également les indignés manifester en Espagne, et donner naissance à Podemos.
Et malheureusement on a vu les partis islamistes ou les militaires engranger les bénéfices électoraux des printemps arabes…
C’est donc que l’opinion publique a la fragilité de sa force : elle peut tout emporter, mais aussi préparer pire encore…
Dans l’Église catholique également, la nécessité d’une opinion publique forte, structurée, constructive, est plus que jamais nécessaire. Beaucoup s’en vont sur la pointe des pieds faute de trouver un moyen de se faire entendre. Des questions graves et douloureuses ne sont même plus sujets de débat autorisé. Des raidissements idéologiques se généralisent et la tentation du repli identitaire décourage ceux qui ne sont pas du petit cercle des initiés.
C’est sans doute Pie XII qui a défini le plus clairement l’importance et le rôle de l’opinion publique, non seulement dans la société (d’où le rôle de l’Église pour éclairer le débat d’idées, notamment dans les médias) mais aussi dans l’Église. Dans un discours au Congrès international de la Presse Catholique du 17/02/1950, il disait [1]:
« L’Église (…) est un corps vivant et il manquerait quelque chose à sa vie, si l’opinion publique lui faisait défaut, défaut dont le blâme retomberait sur les Pasteurs et les fidèles (…). Le publiciste catholique (…) aidera avec une ferme clarté à la formation d’une opinion catholique dans l’Église, précisément lorsque, comme aujourd’hui, cette opinion oscille entre les deux pôles également dangereux d’un spiritualisme illusoire et irréel, d’un réalisme défaitiste et matérialisant. »
Ce discours est très neuf par rapport à tout ce qui était dit avant sur les médias et le danger supposé qu’ils représentent pour l’Église. Il introduit même dans la responsabilité ministérielle la charge d’animer la communauté sur ce plan de l’opinion ecclésiale: loin de confisquer le débat et de n’être que des « haut-parleurs » de la hiérarchie, les ministres doivent veiller à ce qu’une légitime opinion publique puisse se manifester au sein d’une paroisse, d’un diocèse etc… On voit comment les consultations et enquêtes publiques pré-synodales, ou encore le courrier des lecteurs dans les journaux (catholiques ou non), ou même un certain recours judicieux aux sondages d’opinion etc… peuvent mettre en oeuvre concrètement cette intuition théologique : l’Église n’est pas une communion si la parole n’y circule pas, si la communication ne se fait que dans un sens. Les pasteurs doivent particulièrement y veiller.
« L’opinion publique dans l’Église apparaît ainsi comme une circulation de pensées dont les responsables de la communauté sont les promoteurs principaux (…). Manifestation de la sainte liberté des enfants de Dieu, l’opinion publique dans l’Église, c’est le dialogue de la famille dans l’obéissance surnaturelle, appelé par l’encyclique Ecclesiam Suam. Loin d’être une critique de l’Église, elle apparaît comme un signe d’amour à son égard. »
Le sens de la foi des fidèles
Si le peuple de Constantinople a su proclamer Marie Theotokos contre l’enseignement de son évêque, ne faudrait-il pas croire qu’aujourd’hui encore le peuple chrétien a quelque chose à dire sur la vie de son Église ?
En termes théologiques, cela s’appelle le sens de la foi des fidèles.
Vatican II lui accorde une importance considérable :
« La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1Jn 2,20; 1Jn 2,27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste par le moyen du sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs » elle apporte aux vérités concernant la foi et les moeurs un consentement universel. Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, qui permet, si on obéit fidèlement, de recevoir non plus une parole humaine, mais véritablement la parole de Dieu ( cf. 1Th 2,13 ), le peuple de Dieu s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes (cf. Jud 1,3 ), il y pénètre plus profondément en l’interprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en oeuvre. » (Lumen Gentium n° 12)
Vox populi, vox Dei.
La voix du peuple est la voix de Dieu.
La fête de Marie Mère de Dieu nous le rappelle dès le début de cette nouvelle année.
Puissions-nous contribuer à faire entendre cette voix, dans la société comme dans l’Église !
[1]. Cf. le recueil de textes sur la question: Les médias. Textes des Églises, Centurion, Paris, 1990.
1ère lecture : Voeux de paix et de bonheur (Nb 6, 22-27)
Lecture du livre des Nombres
Le Seigneur dit à Moïse :
« Voici comment Aaron et ses descendants béniront les fils d’Israël :
‘Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !’ C’est ainsi que mon nom sera prononcé sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »
Psaume : 66, 2b.3, 5abd, 7.8b
R/ Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse !
Que son visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.
Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.
La terre a donné son fruit ;
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Et que la terre tout entière l’adore !
2ème lecture : Le Fils de Dieu, né d’une femme (Ga 4, 4-7)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates
Frères, lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sous la domination de la
vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos c?urs, et il crie vers le Père en l’appelant « Abba ! ». Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es héritier par la grâce de Dieu.
Evangile : Jésus fils de Marie (Lc 2, 16-21)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jadis, par les prophètes, Dieu parlait à nos pères ; aujourd’hui sa parole vient à nous en son Fils. Alléluia. (cf. He 1, 1-2)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
Patrick Braud