L'homélie du dimanche (prochain)

15 octobre 2011

« Tous pourris » ?

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« Tous pourris » ?

 

Homélie du 29° dimanche ordinaire / Année A / 16/10/2011

 

« Tous pourris ! »

« Tous pourris » ? dans Communauté spirituelle medium_politiqueÀ l’heure où des ‘affaires’ éclaboussent chaque jour de hauts responsables, ce slogan populiste reprend hélas de la vigueur.

Or la Bible n’a jamais versé dans ce dénigrement facile du politique.

Les prophètes ne sont certes pas tendres pour les rois : ils dénoncent haut et fort les abus du pouvoir. Mais en même temps l’art du politique est quasi sacramentel dans la Bible.

Le souci du bien commun que manifestent David ou Salomon est une participation directe à la bienveillance divine.

La défense de la veuve, de l’orphelin et de l’immigré est au coeur du gouvernement des Sages et des Juges, parce que au coeur de Dieu.

Les prêtres du Temple de Jérusalem ou les rabbis des synagogues veillent jalousement à ce que les lois religieuses protégeant les petits et les pauvres soient respectées, car il y va de la sainteté d’Israël.

 

 Christ dans Communauté spirituelleLa première lecture de ce dimanche va plus loin encore. Cyrus, le roi païen de Perse, est appelé Christ ! La traduction liturgique comme souvent n’est pas fidèle au texte : « Parole du Seigneur à son oint (Christ), au roi Cyrus » est une traduction plus exacte d’Is 45,1. Le titre de Messie = Oint = Christ (c’est le même mot en hébreu, français, grec) lui est décerné alors que Cyrus ne connaît même pas le Dieu d’Israël ! « A cause de mon serviteur Jacob et d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai décerné un titre, alors que tu ne me connaissais pas. » (Is 45,4)

Pourquoi a-t-il ainsi droit à un titre que seuls les rois-messie et Jésus pourront revendiquer ?

Parce qu’il exerce sa responsabilité politique selon le coeur de Dieu, sans le savoir.

On a retrouvé un cylindre de Cyrus qui atteste de sa politique très libérale envers les peuples qu’il avait soumis. « Puissent tous les dieux que j’ai réinstallés dans leurs cités saintes, demander chaque jour pour moi longue vie » (cylindre de Cyrus). Il associe les populations à la grandeur de son empire, et favorise la prospérité économique en allégeant les contraintes des royaumes qu’il conquiert.

Au titre de ce respect des cultures des peuples de son empire, Cyrus va permettre aux juifs exilés à Babylone depuis 587 de rentrer enfin chez eux, 50 ans après. Il décrète la reconstruction du Temple de Jérusalem, la restitution des ustensiles d’or et d’argent enlevés au Temple par Nabuchodonosor.

Un peu ce qu’a fait l’ONU après la guerre pour le retour du peuple juif en Palestine, dans le futur État d’Israël. Mais l’ONU n’a pas été aussi messianique que Cyrus : les conditions du retour n’ont pas été prévues, ni pensées, et se sont avérées catastrophiques…

 

Qualifier un chef d’État païen de Messie (OintChrist) est un événement considérable qui peut nous aider à retrouver la grandeur du pouvoir politique.

Oui, des chefs d’État, même loin apparemment des valeurs évangéliques, peuvent faire dans l’histoire une oeuvre inspirée.

Oui, de hauts responsables, s’ils écoutent leur conscience et la sagesse des peuples, vont servir le dessein de Dieu, même sans le connaître.

Oui, notre devoir de citoyens est de croire à ce travail de l’Esprit au coeur de tous, même et surtout des adversaires.

 

En marche vers 2012, vous devinez que ce type de convictions va placer les chrétiens à contre-courant de bien des clichés sur la politique.

 

Non, ils ne sont pas « tous pourris » : certains sont mêmes des saints authentiques.

Non, il ne faut pas s’en désintéresser. Au contraire, les soutenir, garder le contact avec nos élus, nourrir les débats de société avec eux est à la portée de tous.

Non, les Cyrus d’aujourd’hui ne sont pas tous des opportunistes. Ils peuvent manifester un respect, une intelligence qui rend possible le vivre ensemble, juifs et non juifs, musulmans et chrétiens, croyants et non-croyants. C’est la noblesse de la mission des politiques que d’organiser ce vivre ensemble. Isaïe nous dit même que c’est une des traces de Dieu dans l’histoire.

Pourquoi irions-nous dans le camp des sceptiques et des railleurs ? Les Cyrus modernes ont besoin d’être reconnus et soutenus.

 

Dans l’évangile, Jésus semble se tenir à distance de cette conception messianique du politique. Pour lui, il y a plus sobrement « Dieu et César », et chacun agit dans son ordre.

Cyrus le Christ nous empêche de séparer absolument politique et foi en Dieu.

Jésus le Christ rétablit la légitime autonomie de chacun.

L’enjeu étant, bien sûr, de conjuguer les deux…

 

 

1ère lecture : Les empires sont dans la main de Dieu (Is 45, 1.4-6a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur au roi Cyrus, qu’il a consacré, qu’il a pris par la main, pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée :

« A cause de mon serviteur Jacob et d’Israël mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai décerné un titre, alors que tu ne me connaissais pas.

Je suis le Seigneur, il n’y en a pas d’autre : en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. »

 

Psaume : 95, 1a.3, 4.5b, 7-8a, 9a.10ac

R/ Au Seigneur notre Dieu, tout honneur et toute gloire

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Il est grand, le Seigneur, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
lui, le Seigneur, a fait les cieux.

Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom.

Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté :
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! »
Il gouverne les peuples avec droiture.

 

2ème lecture : La foi, l’espérance et la charité de la communauté (1Th 1, 1-5b)

Commencement de la lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Nous, Paul, Silvain et Timothée, nous nous adressons à vous, l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et en Jésus Christ le Seigneur. Que la grâce et la paix soient avec vous.

A tout instant, nous rendons grâce à Dieu à cause de vous tous, en faisant mention de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile chez vous n’a pas été simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, certitude absolue.

 

Evangile : A César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22, 15-21)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Rendez au Seigneur, vous les dieux, rendez au Seigneur gloire et puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Alléluia. (cf. Ps 28, 1-2)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? »
Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Il leur dit : « Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? – De l’empereur César », répondirent-ils.
Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Patrick Braud

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