L'homélie du dimanche (prochain)

20 juillet 2013

Le je de l’ouie

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Le je de l’ouie

 

Homélie du 16° Dimanche du temps ordinaire
Année C   21/07/13 

Connaissez-vous le sketch de Raymond de Devos sur le verbe « ouïr » ?

Il y a des verbes qui se conjuguent très irrégulièrement.
Par exemple, le verbe OUÏR.
Le verbe ouïr, au présent, ça fait J’ois… j’ois…
Si au lieu de dire « j’entends », je dis « j’ois », les gens vont penser que ce que j’entends est joyeux alors que ce que j’entends peut être particulièrement triste. Il faudrait préciser : ?Dieu, que ce que j’ois est triste !’
Si au lieu de dire « l’oreille », on dit « l’ouïe », et qu’on pense à une oie, alors on peut dire que l’ouïe de l’oie a ouï.
Pour peu que l’oie appartienne à Louis, cela donne :
- L’ouïe de l’oie de Louis a ouï.
- Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ?
- Elle a ouï ce que toute oie oit…
Au passé, ça fait : J’ouïs… J’ouïs !
Il n’y a vraiment pas de quoi !

 


Au-delà de ces superbes jeux de mots, c’est presque un sketch « à la Devos » que Jésus nous interprète ici devant Marthe et Marie 
:

 

« Toute ouïe »

- Marie écoute; elle est « toute ouïe », l’oreille et le coeur tendus vers la parole de Jésus.
À sa soeur qui fait un tas de choses, Marie dit: « J’ouïs », c’est-à-dire : j’écoute, pour jouir de cette relation, pour savourer cette communion de parole.

- C’est comme un reproche implicite, où Jésus interpelle Marthe : arrête de te noyer dans les choses à faire, viens, et jouis de la Parole.

Or Marthe ne veut pas ouïr ;
elle ne veut pas jouir de la Parole du Christ, et voudrait même interdire ce plaisir à sa soeur?

Qui a dit que le christianisme était fâché avec la jouissance ?

Joue, oui

- Jésus insiste alors : « Joue, oui ! » c’est-à-dire : mets du jeu dans ta vie, réintroduis des degrés et des moments de liberté, au lieu de te laisser absorber complètement (par le travail, la famille, les soucis de tous ordres). Par cette ouverture à l’autre qu’est l’écoute, retrouve le goût du jeu avec ce qui n’est pas prévu, ni rentable.

La dimension ludique et artistique est essentielle à la foi chrétienne.

 

« Toute oui »

- « Joue ta vie sur le oui », en réponse à cette Parole d’un Autre.

Marie est « toute ouïe », toute écoute, et du coup, elle devient « toute oui », un oui intense à la Parole du Christ. Joue ta vie sur cette Parole, au lieu de préférer les choses à la relation, la cuisine à l’invité, le devoir au plaisir?


- Si bien que le jeu de l’écoute permet à Marie de dire « je », de découvrir son désir le plus vrai.

Le « je » de Marie lui est donné dans l »ouïe » de la Parole qu’est Jésus lui-même.
C’est la « part unique » qu’elle a choisie :
préférer la relation vivante à l’enfermement dans les choses; recevoir son identité la plus profonde de l’écoute de la parole d’un autre, du Tout-Autre.

Comme Jésus d’ailleurs, qui est le premier à écouter Celui dont il se reçoit, et qu’il appelle à cause de cela son Père. Il ne parle pas de lui-même, mais il parle de ce qu’il a d’abord écouté auprès de son Père (Jn 8,28 ; 12,49)

Le je de l'ouie dans Communauté spirituelle jesus-chez-marthe-et-marie 

Jouis

Vous voyez: l’écoute est première.
Ouïr est un vrai plaisir, un vrai « oui » à la vie.
Les Juifs nous le rappellent en priant 3 fois par jour (comme Jésus l’a fait toute sa vie) :
« Écoute Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un ».

C’est donc qu’il y a un lien entre l’écoute et l’unicité de l’être.

Écouter permet de progresser dans l’unité.

L’appel que le Christ nous lance dans cet évangile est donc à l’inverse du puritanisme, et de tous ceux qui voudraient faire de la religion un rabat-joie !

Le Christ semble nous dire :

« remet du plaisir dans ta relation aux autres, dans ta relation à Dieu.
Goûte particulièrement le plaisir d’écouter la parole, la parole de l’autre, la Parole de Dieu.
Pour cela, ne te laisse pas absorber par les choses ni par le seul devoir.
Remet du jeu dans ta vie. »

Accorde-toi quelque degré de liberté et de gratuité, pour jouir de la beauté de l’écoute, à l’image de Marie de Béthanie assise aux pieds de Jésus.


L’été est une période favorable pour cela.
Écouter la Parole que Dieu nous adresse à travers la nature splendide : mer, montagne, campagne…
Jouir de sa parole à travers une halte dans un monastère, une lecture tranquille des textes du Dimanche, ou un silencieux rendez-vous avec sa présence en nous…

Si nous réduisons la foi chrétienne à une accumulation de choses à faire, nous serons les plus malheureux de tous les croyants. Car on n’en fait jamais assez, ni assez bien ! Et puis, cela risque de nous priver de la rencontre avec Celui pour qui nous voulons faire ces choses.

l+ouie+louis amour dans Communauté spirituelle

Les mères de famille – ou les célibataires – connaissent bien cette agitation où il faut tout préparer pour qu’un dîner avec des invités se passe bien. Elles connaissent également la frustration de Marthe qui est dans la cuisine, et qui enrage de ne pouvoir prendre part à la conversation qui a lieu à côté.

Alors, plutôt que de se réjouir du bonheur de sa soeur qui écoute, plutôt que de se réjouir de lui permettre ce bonheur, elle veut l’en priver.

Comme si le bonheur de l’autre, tout proche, était insupportable, parce que justement ce n’est pas le mien.

C’est une vieille tentation de vouloir piétiner le bonheur que je ne peux ou ne veux pas atteindre. Marthe nie la différence entre elle et sa soeur, ne supporte pas qu’elle soit heureuse, et d’une autre manière qu’elle.

Être jaloux de la joie de ses proches au point de vouloir les en priver : cela arrive souvent dans nos familles, dans les communautés religieuses même !

C’est la réaction de l’enfant qui, voyant un beau jouet dans les bras de son frère, lui arrache, le casse et le piétine pour qu’aucun des deux ne soit heureux. Comme si l’égalité dans le malheur était un soulagement !

Cette violence, nous l’éprouvons tous lorsque, jaloux et nous comparant sans cesse, nous voulons ramener l’autre à notre état d’insatisfaction, au lieu de renoncer au comparatif et de nous réjouir de son bonheur.

C’est préférer casser un CD plutôt que voir un autre l’écouter.

C’est la folie de tous les crimes passionnels, où l’amour ne peut plus supporter le bonheur de l’autre, et préfère le détruire plutôt que de le voir s’éloigner…

 

Ouïr la Parole de Dieu…

Jouir de cette Parole.

Et ainsi devenir soi-même dans ce « Jeu / Je de l’ouïe »…

Que Marthe et Marie de Béthanie nous inspirent cet été de vrais moments où savourer la goûteuse présence de Dieu en nous…

1ère lecture : Abraham donne l’hospitalité à Dieu, qui lui promet un fils (Gn 18, 1-10a)
Lecture du livre de la Genèse

Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour.
Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt, il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu’à terre et dit: « Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. On va vous apporter un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher du pain, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ils répondirent : « C’est bien. Fais ce que tu as dit. »
Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il lui dit : « Prends vite trois grandes mesures de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau qu’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient.
Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. »
Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi dans un an, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »

Psaume : Ps 14, 1a.2, 3bc-4ab, 5

R/ Tu es proche, Seigneur : fais-nous vivre avec toi.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son coeur.

Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.
À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
L’homme qui fait ainsi
demeure inébranlable.

2ème lecture : Le mystère du Christ s’accomplit dans la vie de l’Apôtre (Col 1, 24-28)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église.
De cette Église, je suis devenu ministre, et la charge que Dieu m’a confiée, c’est d’accomplir pour vous sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté aux membres de son peuple saint.
Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste, au milieu des nations païennes, la gloire sans prix de ce mystère : le Christ est au milieu de vous, lui, l’espérance de la gloire !
Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons tout homme avec sagesse, afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ.

Evangile : Marthe et Marie accueillent Jésus chez elles (Lc 10, 38-42)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux qui entend la voix du Seigneur et lui ouvre sa porte : il a trouvé son bonheur et sa joie. Alléluia. (cf. Ap 3, 20)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.
Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma s?ur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick Braud

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