Les djihadistes n’ont pas lu St Paul !
Les djihadistes n’ont pas lu saint Paul !
Cf. également :
La grâce étonne ; c’est détonant !
Un nuage d’inconnaissance
La hiérarchie des charismes
Homélie pour le 4° dimanche du temps ordinaire / Année C
31/01/2016
Le documentaire de intitulé « Salafiste » fait polémique en France, depuis sa sortie en salle ce Mercredi 27/01/2016. Fallait-il montrer ces images terribles du Mali ? Fallait-il donner la parole à des lettrés défendant tranquillement l’application de la Charia ? L’Express titrait hier : ‘Pourquoi il faut voir « Salafistes« , documentaire brut, brutal, mais éclairant’, alors que le ministère de la Culture interdisait le film aux moins de 18 ans.
Au moins la question est posée :
Comment peut-on tuer au nom d’un dieu d’amour ?
Comment peut-on crier Allah Akbar en mitraillant des innocents à la kalachnikov ?
Comment peut-on se dire croyant, soumis à Dieu (islam = soumission) et appuyer sur le détonateur qui vous transforme en bombe humaine au milieu de la foule ?
Cette contradiction entre la foi et l’amour est terrible.
Elle vient de loin. Elle a déjà marqué l’histoire de l’Occident, à travers notamment les guerres de religion. L’indifférence religieuse du Sud-Ouest de la France par exemple remonte en grande partie à ces périodes troublées où protestants et catholiques se massacraient au nom de leurs croyances, de Béziers à la Rochelle, d’Albi à Toulouse…
Dans notre deuxième lecture, saint Paul ne parle pas seulement de foi, ni même d’amour, mais des trois : foi/amour/espérance. Voyons pourquoi.
1. La foi seule est meurtrière
Les djihadistes sont bel et bien mus par des raisons proprement religieuses, en plus des autres. Les belles âmes qui en France ne veulent voir que des racines sociales ou géopolitiques aux attentats de Daech ont du mal à intégrer cette dimension religieuse. Certes, de manière très marxiste, on peut expliquer pour une part ces comportements suicidaires par nombre de facteurs sociaux : les territoires perdus de la République, le chômage massif parmi les jeunes de la troisième génération d’immigrés, les siècles de colonialisme, les guerres injustes en Iran Irak Syrie Libye, le délitement des familles, la faillite de l’école etc. Si elles comportent leur part de vérité, ces explications matérialistes passent pourtant à côté de l’essentiel. Ceux qui tuent et se tuent le font au nom d’Allah, en étant persuadés de lui obéir, en bons musulmans soumis à la parole divine telle que le Coran est censé la retranscrire. Et les textes du Coran prônant le meurtre au nom de la foi en Allah sont légion :
Sourate 2,191. Et tuez-les, où que vous les rencontriez; et chassez-les d’où ils vous ont chassés: l’association est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu’ils ne vous y aient combattus. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants.
Sr2,193. Et combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah seul. S’ils cessent, donc plus d’hostilités, sauf contre les injustes.
Sr3,10. Ceux qui ne croient pas, ni leur biens ni leurs enfants ne les mettront aucunement à l’abri de la punition d’Allah. Ils seront du combustible pour le Feu.
Sr3,157. Et si vous êtes tués dans le sentier d’Allah ou si vous mourez, un pardon de la part d’Allah et une miséricorde valent mieux que ce qu’ils amassent.
Sr3,158. Que vous mouriez ou que vous soyez tués, c’est vers Allah que vous serez rassemblés.
Sr4,74. Qu’ils combattent donc dans le sentier d’Allah, ceux qui troquent la vie présente contre la vie future. Et quiconque combat dans le sentier d’Allah, tué ou vainqueur, Nous lui donnerons bientôt une énorme récompense.
Tant que ces passages du Coran et bien d’autres semblables seront lus de manière littéraliste, sans exégèse historico-critique, la foi musulmane sera une source de dérive assassine, évidemment en contradiction avec le coeur de la foi chrétienne : Dieu est amour. Mais il faut pour cela remettre en cause le statut du texte du Coran, qui n’est sûrement pas la parole divine dictée à Mohamed, mais une compilation de rédactions successives de textes inspirés par leur contexte du VII° siècle en Arabie.
Des chrétiens ont eux-mêmes été capables de cette contradiction terrible, avant que la recherche scientifique des XVIII° et XIX° siècles sur la Bible ne leur permette de lire l’Ancien Testament et le Nouveau Testament autrement. Il faut se reporter à l’affaire Galilée et ensuite à la crise moderniste pour comprendre les siècles de débats dont l’Église a eu besoin pour finalement accepter de ne pas lire le texte au pied de la lettre.
Au nom de certitudes textuelles, crucifier les apostats, couper la main aux voleurs, lapider les adultères ou imposer l’islam de force sont perçus par les fous de Dieu comme des exigences d’une foi sincère et conforme au Coran. Leur amour de Dieu prime sur l’amour des autres.
La foi seule devient idéologie, violence et domination de ceux qui ne partagent pas cette foi, le tout au nom de la vérité suprême qui est Dieu en personne :
Sr4,89. Ils aimeraient vous voir mécréants, comme ils ont mécru: alors vous seriez tous égaux! Ne prenez donc pas d’alliés parmi eux, jusqu’à ce qu’ils émigrent dans le sentier d’Allah. Mais s’ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez; et ne prenez parmi eux ni allié ni secoureur.
2. Feuerbach : foi et amour sont contradictoires
En 1841, Ludwig Feuerbach publie un essai qui va révolutionner l’Occident : L’essence du christianisme. Il y explicite les fondements de l’humanisme moderne, qui dénonce la foi en Dieu comme source d’intolérance. Son raisonnement est rigoureux, et hante encore aujourd’hui l’inconscient collectif européen : la foi seule est meurtrière. Car elle sépare les hommes en croyants et mécréants ; seul l’amour de l’humanité pour elle-même peut surmonter les divisions et les conflits inéluctables inéluctablement engendrés par les religions.
« La foi porte nécessairement à la haine, la haine à la persécution, dès que la puissance de la foi ne trouve pas de résistance, ne se brise pas contre une puissance étrangère, celle de l’amour, de l’humanité, du sentiment du droit. La foi, par elle-même, s’élève au-dessus des lois de la morale naturelle ; sa doctrine est la doctrine des devoirs envers Dieu, et le premier devoir est la foi.
Autant Dieu est au-dessus de l’homme, autant les devoirs envers Dieu sont au-dessus des devoirs envers l’homme, et ces devoirs entrent nécessairement en collision les uns avec les autres. »
« L’amour nous révèle l’essence intime, la foi révèle la forme. L’amour identifie Dieu et l’homme et unit les hommes entre eux ; la foi sépare l’homme de Dieu et les hommes les uns des autres ; car Dieu n’est que l’idée mystique de l’espèce, de l’humanité, et sa séparation d’avec l’homme entraîne nécessairement la séparation de l’homme d’avec son semblable, la destruction du lien social. Par la foi la religion se met en contradiction avec la raison, la moralité, le sens du vrai chez l’homme ; par l’amour elle cherche à rétablir l’accord ; la foi isole Dieu, fait de lui un être particulier; l’amour généralise, il fait de Dieu un être universel dont l’amour ne fait qu’un avec l’amour de l’homme. »
Avec brio, Feuerbach renverse alors la proposition centrale du christianisme : Dieu est amour, en : l’amour est Dieu.
« Dieu est l’amour. Cette proposition est la plus belle du christianisme. Mais la contradiction de l’amour et de la foi y est déjà contenue. L’amour n’est qu’un attribut, Dieu est le sujet. Mais qu’est le sujet indépendamment de son attribut ? C’est là une question que je ne puis m’empêcher de faire. Je ne la ferais pas s’il était dit, au contraire : l’amour est Dieu, l’amour est l’être suprême. Dans la première proposition le sujet est le fond obscur derrière lequel se cache la foi; l’attribut est la lumière par laquelle il est éclairé. Dans l’attribut j’affirme l’amour, dans le sujet la foi. »
Feuerbach en tire la conclusion logique que le véritable humanisme est celui qui se passe de la référence à un Dieu personnel, toujours source de clivages et d’exclusion de ceux qui ne croient pas en lui. La seule référence universelle est selon lui l’amour de l’homme pour lui-même, et c’est cet absolu qui prend alors le relais de l’ancienne notion de Dieu. Marx a repris cette thèse en la transformant en athéisme. Le petit père Combes l’a reprise en France pour séparer l’Église et l’État, et promouvoir la laïcité comme privatisation de la foi afin d’éviter la violence dans le domaine public.
3. L’espérance : le troisième terme pour sortir de la contradiction foi / amour
Le génie de Paul est de ne pas laisser la foi et l’amour en face-à-face. Il résout leur antagonisme en apportant un troisième terme qui vient assumer le meilleur de l’opposition entre la foi et l’amour.
« Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité » (1Co 13,13).
De manière quasi hégélienne - pourrait-on dire avec anachronisme - Paul fait de l’espérance le troisième terme qui vient empêcher la radicalisation des deux autres.
L’espérance indique un pas encore qui empêche d’enfermer quelqu’un dans une attitude actuelle de foi ou de non-foi. Espérer pour l’autre, quel qu’il soit, même et surtout s’il est mon pire ennemi, même s’il est le djihadiste qui a commis l’irréparable, c’est ne pas le vouer à l’enfer, mais laisser ouvert le chemin de sa rédemption. L’espérance empêche la foi de dégénérer en idéologie, car la certitude n’est alors plus de ce monde. Elle réintroduit entre la foi et l’amour cette juste distance qui leur permet de garder une tension féconde : ni trop près, car ce serait vouloir établir le royaume de Dieu sur terre (avec comme conséquence une violence injustifiable ; cf. le Christ refusant d’utiliser la force pour rétablir son règne) ; ni trop loin car ce serait renoncer à un véritable au-delà (au-delà de nos divisions actuelles, au-delà de nos convictions différentes, au-delà de la mort physique…).
L’espérance est ce troisième terme qui permet l’assomption (l’Aufhebung hégélienne) du conflit foi-amour en une aventure imprédictible. Poincaré a montré que si l’interaction de deux corps était parfaitement prévisible en physique, celle de trois corps est par contre radicalement indéterminée… Cette incertitude, liée à l’espérance, redonne le jeu nécessaire à l’articulation de la foi et de l’amour.
La triade des vertus théologales a donc un enjeu social majeur pour nos sociétés occidentales.
Hélas, les djihadistes ne lisent ni saint Paul, ni Feuerbach, ni Hegel… sinon ils sauraient… qu’ils ne savent pas.
Que l’Esprit du Christ nous montre à chacun comment mettre en mouvement dans notre vie cette dialectique ternaire : pas la foi seule / pas l’amour impersonnel / mais une dynamique féconde qui laisse l’avenir ouvert grâce à l’espérance en Dieu et en tout homme.
1ère lecture : « Je fais de toi un prophète pour les nations » (Jr 1, 4-5.17-19)
Lecture du livre du prophète Jérémie
Au temps de Josias, la parole du Seigneur me fut adressée : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. Toi, mets ta ceinture autour des reins et lève-toi, tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux. Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses princes, à ses prêtres et à tout le peuple du pays. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer – oracle du Seigneur. »
Psaume : Ps 70 (71), 1-2, 3, 5-6ab, 15ab.17
R/ Sans fin, je proclamerai ta justice et ton salut. (cf. Ps 70, 15)
En toi, Seigneur, j’ai mon refuge :
garde-moi d’être humilié pour toujours.
Dans ta justice, défends-moi, libère-moi,
tends l’oreille vers moi, et sauve-moi.
Sois le rocher qui m’accueille,
toujours accessible ;
tu as résolu de me sauver :
ma forteresse et mon roc, c’est toi !
Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance,
mon appui dès ma jeunesse.
Toi, mon soutien dès avant ma naissance,
tu m’as choisi dès le ventre de ma mère.
Ma bouche annonce tout le jour
tes actes de justice et de salut.
Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse,
jusqu’à présent, j’ai proclamé tes merveilles.
2ème lecture : « Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité » (1 Co 12, 31 – 13, 13)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, recherchez avec ardeur les dons les plus grands. Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence.
J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.
L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais.
Les prophéties seront dépassées, le don des langues cessera, la connaissance actuelle sera dépassée. En effet, notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles. Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé. Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant.
Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité.
Evangile : Jésus, comme Élie et Élisée, n’est pas envoyé aux seuls Juifs (Lc 4, 21-30)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Le Seigneur m’a envoyé, porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération. Alléluia. (Lc 4, 18cd)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d’Isaïe, Jésus déclara : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : ‘Médecin, guéris-toi toi-même’, et me dire : ‘Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton lieu d’origine !’ » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays.. En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. » À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
Patrick BRAUD