L'homélie du dimanche (prochain)

26 octobre 2016

La puissance, donc la pitié

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La puissance, donc la pitié

Homélie du 31° Dimanche du temps ordinaire / Année C
30/10/2016

Cf. également :

Zachée-culbuto

Zachée : le juste, l’incisé et la figue


La vraie force n’a pas besoin de s’exercer

Le livre de la Sagesse (11,22 – 12,2) fait un lien explicite entre la toute-puissance de Dieu et sa capacité à prendre en pitié tous les hommes, même les pires : « tu as pitié de tous les hommes, car tu peux tout ».

La puissance, donc la pitié dans Communauté spirituelle la-puissance-et-la-sagesseLe psaume 144 lui fait écho, avec ses stances qui reviennent souvent comme un refrain dans les 150 psaumes : « Dieu de tendresse et Dieu de pitié, Dieu plein d’amour et de fidélité, Dieu qui pardonne à ceux qui t’aiment et qui gardent ta parole… ».

Comment ça ? Faire miséricorde aux assassins de Daech ? Avoir pitié des profiteurs de la crise financière ? S’émouvoir du sort des auteurs du génocide rwandais ? Éprouver de la compassion pour ceux qui massacrent des innocents à Alep, Mossoul, Bagdad ou Nairobi ?

Instinctivement, nous sommes très loin de l’attitude divine que les sages contemplent. En fait, plus nous sommes éloignés de Dieu, plus nous pensons : représailles, faire justice, punir et sanctionner. Par contre, plus nous progressons dans la communion avec Dieu, et plus nous pensons comme lui : miséricorde, pitié, seconde chance, conversion.

La liste des dipôles de notre première lecture est explicite :

·         toute-puissance => pitié envers tous
·         amour de ce qui existe => fermer les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent
·         capacité de créer => amour, sans répulsion de quiconque, volonté de faire vivre l’autre quoi qu’il arrive
·         posséder tous les êtres => épargner tous les êtres
·         aimer les vivants => les animer du souffle impérissable.

À la force du poignet, ces attitudes du cœur sont pour nous inatteignables, et souvent non désirables.

Mais dans la force de l’Esprit de Dieu, la répulsion recule, la haine s’estompe, l’envie de supprimer le pécheur se transforme en pédagogie pour qu’il se détourne de son péché.

Facile à dire !’ – objecterez-vous – ‘et bon pour les utopistes’. Pourtant, la vraie facilité de cette miséricorde réside dans le fait qu’elle nous est donnée. Elle ne relève pas de l’effort moral, ni de la volonté d’y arriver, ni d’une prescription juridique. La miséricorde divine devient nôtre lorsque nous participons davantage à la nature divine. Comme une conséquence, un reflet non voulu de l’identification progressive au Tout-Puissant. Sa puissance est celle qui justement n’a pas besoin de s’affirmer par la force.

Seuls les pouvoirs faibles veulent éliminer l’adversaire. Seuls les pouvoirs forts peuvent croire à la conversion des malfaiteurs. Celui qui se sent menacé réagit violemment. Celui dont le pouvoir n’est pas menacé peut accepter que l’autre ait un chemin long et complexe.

 

« Vous n’aurez pas ma haine »

Ce billet d’un père de famille sur Facebook lors des attentats du Bataclan a fait le tour de la toile. Un livre en est sorti. Le point de départ est ce refus bouleversant de se laisser entraîner au mal alors qu’il vient de vous priver d’une femme chérie :

“Vous n’aurez pas ma haine”

Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.
Antoine Leiris, 16 novembre 2015

41Dab6544KL._SX313_BO1,204,203,200_ Dieu dans Communauté spirituelleAvoir pitié, même de ses bourreaux, n’est pas une vertu impossible : elle est donnée à celui qui veut l’accueillir, au moment même où la douleur et le sentiment d’injustice pourraient rendre fou, violent, sans pitié envers les agresseurs.

Ce lien entre puissance et miséricorde est constitutif de l’être même de Dieu : sa capacité à créer, son amour du vivant ainsi créé, la démesure de sa puissance qui n’a rien à craindre des coups de griffe des méchants.

Prenez de la hauteur : hors du système solaire, à des milliards d’années-lumière, vu d’une des galaxies qui par myriades peuplent des univers infiniment lointains ou parallèles, que peut bien faire la méchanceté de l’homme à l’immensité du créé ? Le sage écrivait à sa manière : « le monde entier est devant toi comme une goutte de rosée au bord d’un seau » (Sg 11,22). La révélation biblique proclame que cette infinie distance ne se traduit pas en éloignement glacial, mais au contraire en miséricorde inépuisable. Loin de se désintéresser d’une humanité aussi insignifiante, le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob est blessé de sa malfaisance, se passionne pour sa conversion, l’anime de son souffle impérissable.

Il n’y a en cela aucune nécessité. Dieu pourrait ne pas créer, ne pas aimer ce qu’il crée, se désintéresser du monde, abandonner l’humanité à ses contradictions. Mais non : gracieusement, sans raison, Dieu se réjouit d’avoir pitié. Dieu s’oblige à faire miséricorde. Et il offre à tout être qui vient à lui d’en faire autant, simplement en se laissant unir à lui.

Voilà de quoi renverser bien des perspectives sur la justice, la sanction, la guerre contre le mal, la lutte contre la violence.

 

Pas de pitié en prison !

Prenez le phénomène de société – hélas ! – que sont les prisons françaises. Depuis des décennies, des rapports de parlementaires dénoncent leur surpopulation (150 % d’occupation en moyenne). De nombreuses condamnations européennes au nom des Droits de l’Homme ont stigmatisé l’effet pervers de cet emprisonnement indigne : la radicalisation, la professionnalisation auprès des grands criminels, la récidive, la réinsertion impossible…

« Des jeunes y entrent, des fauves en sorte » écrivait déjà Guy Gilbert en 1985.

Afficher l'image d'originePourtant, dans l’opinion publique, comme dans la tête de beaucoup de fonctionnaires ou responsables politiques, le rôle premier de la prison serait de punir. « Bien fait pour eux ! De toute façon, il n’y a rien à en attendre ». Le regard fermé à tout avenir que l’institution judiciaire et pénitentiaire porte sur eux pousse bon nombre de prisonniers à se conformer à ce qu’on redoute d’eux. Ils deviennent des fauves, puisque tout leur répète qu’ils le sont. Alors que des témoignages innombrables racontent comment tel détenu en qui quelqu’un a confiance peut véritablement se convertir, être transformé. Faire œuvre de miséricorde en prison, avant et après également, est encore une idée neuve dans notre société soi-disant évoluée.

Remplacez les détenus par des collègues, la maison d’arrêt par l’entreprise, la machine judiciaire par certains types de management et vous aurez une idée assez fidèle de ce que l’absence de miséricorde peut engendrer dans la vie professionnelle… Le contrôle, la surveillance, la punition, l’élimination règnent encore en maître dans l’esprit et le management de bien des chefs d’entreprise, de bien des chefs d’équipe. Pourtant un management de la miséricorde serait bien plus efficace et performant !

« Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6,36) : Jésus a sans doute médité longuement ces passages du livre de la Sagesse et des Psaumes où Dieu a pitié parce que lui est Tout-Puissant. Revêtons-nous de cette même attitude du cœur, pour n’avoir plus de répulsion envers quiconque, pour ne jamais vouloir la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive.

Et si en Dieu la puissance implique la pitié, alors faisons l’hypothèse qu’en l’homme l’inverse est également vrai…

 

 

1ère lecture : « Tu as pitié de tous les hommes, parce que tu aimes tout ce qui existe » (Sg 11, 22 – 12, 2)
Lecture du livre de la Sagesse

Seigneur, le monde entier est devant toi comme un rien sur la balance, comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre. Pourtant, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent. Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé. Comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas appelé ? En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes les vivants, toi dont le souffle impérissable les anime tous. Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur.

Psaume : Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14

R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais !    (Ps 144, 1)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

2ème lecture : « Le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui » (2 Th 1, 11 – 2, 2)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, nous prions pour vous à tout moment afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi. Ainsi, le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui, selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ.
Frères, nous avons une demande à vous faire à propos de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l’on nous attribue une inspiration, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n’allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer. »

Evangile : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 1-10)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Alléluia. (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. » Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Patrick BRAUD

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2 mars 2016

Servir les prodigues

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Servir les prodigues

Homélie du 4° dimanche de carême / Année C
06/03/1016

Cf. également :

Réconciliation verticale pour réconciliation horizontale
Ressusciter, respirer, se nourrir…
Changer de regard sur ceux qui disent non

Reprenons une des méthodes toutes simples pour méditer, étudier, et prier un texte biblique. Lorsqu’il s’agit d’un récit ou d’une parabole, on peut s’identifier successivement à chaque personnage, et tranquillement éprouver ce qu’il éprouve, voir ce qu’il voit etc. tant que cela nourrit la méditation.
Attardons-nous dans cette parabole du fils prodigue à une catégorie de personnages souvent ignorés et passés sous silence : les serviteurs, autrement dit les domestiques de la maison paternelle.
Ils nous disent quelque chose de notre responsabilité envers ceux qui sont loin comme envers ceux qui sont proches.
Ils nous rappellent la vocation d’accueil et de lien qui doit exister au sein de nos assemblées chrétiennes.

Laisser partir ceux qui veulent

Les serviteurs du domaine n’entrent en scène apparemment dans notre parabole qu’au verset 22, lorsque le père les appelle pour faire fête au fils prodigue.
Pourtant, on devine qu’ils sont là depuis le début. Ils ont sans doute été navrés, comme le père, de voir partir ce fils cadet avec sa part d’héritage (prodigue vient du latin prodigere  = « pousser devant soi » et « dépenser avec profusion » : le  prodigue est donc celui qui dissipe son héritage follement). Ils ont dû être obligés de préparer ce partage, d’aider à le réaliser, et d’aider le fils à rassembler  ses affaires afin de partir.
Ils apprennent ainsi du père à ne pas retenir ceux qui veulent transgresser, ceux qui apparemment renient leur famille, humaine ou spirituelle.

Nous sommes ces serviteurs si nous acceptons ainsi de laisser partir hors de l’Église ceux qui veulent chercher leur liberté ailleurs, un sens à leur vie autrement.
Non sans craindre pour eux.
Non sans trembler pour les détresses et les impasses dans lesquelles ils vont s’enfermer eux-mêmes.
Non sans veiller, comme le père, matin après matin, et guetter les signes du retour du fils sur la route au loin…
L’Église serait une secte si elle retenait de force ceux qui veulent en sortir.
Sans les abandonner, elle préfère la liberté de partir à la pression pour rester en faisant semblant ou en y étant obligé.

Afficher l'image d'originePanneaux en ivoire d’un coffret : histoire du fils prodigue – Paris, vers 1250-1270 

Faut-il inclure dans ces départs de fils prodigues les départs des enfants d’aujourd’hui pour Daech, vers la Syrie, la Libye, voulant rejoindre un prétendu califat islamique ? La question est douloureuse. Instinctivement, les parents cherchent à retenir leurs enfants et à les empêcher de partir (l’autorisation parentale de sortie de territoire pour les mineurs vient heureusement d’être rétablie pour garantir cette autorité). Instinctivement, la république française cherche à réprimer et punir ceux qui s’engagent sur cette voie (cf. le débat sur la déchéance de nationalité…).
Ces réactions sont légitimes. Elles ne pourront jamais cependant constituer des digues étanches. Remplacer l’adhésion (à notre culture, à notre vision de société) par la contrainte ne tient qu’un temps, en état d’urgence. À terme, reconquérir le coeur de sa jeunesse est pour le monde non musulman un défi dont l’enjeu est la paix sociale. En attendant, laisser partir les prodigues qui veulent dilapider l’héritage culturel de l’Occident nous oblige à écouter, accompagner, débattre, convaincre ou non, et garder ouverte la porte, la frontière du retour pour ces enfants perdus de la république…

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Habiller et nourrir les prodigues de retour

Au retour du prodigue, les serviteurs obéissent à l’ordre paternel de tout faire pour fêter celui qui revient. Ils lui passent le plus beau vêtement, symbole de son identité filiale retrouvée, renouvelée. Ils lui mettent la bague au doigt, symbole de son alliance restaurée avec sa famille. Comme Israël est à nouveau fiancée par Yahvé après l’Exil, comme l’Église est ré-épousée par le Christ après chacune de ses forfaitures.
Les serviteurs se réjouissent de ces noces sans cesse réactualisées, et accomplissent ce geste si fort de passer l’alliance au doigt de celui qui ne se croyait plus rien.
Restaurer la dignité des moins-que-rien est la joie des serviteurs que nous sommes. Surtout lorsque cette déchéance de nationalité divine semble s’imposer à eux de l’intérieur.
Combien de SDF dans la rue en sont venus à désespérer d’eux-mêmes ?
Combien de collègues de travail n’osent croire à leur utilité sociale, à leur capacité d’évoluer, à leur droit à l’erreur ?

Tuer le veau gras pour fêter le retour, c’est apprendre à valoriser, à raconter, à célébrer toutes ces victoires, petites et grandes, où la dignité d’un être humain est enfin restaurée après un passage à vide.
Habiller les prodigues, c’est aujourd’hui revêtir de blanc les nouveaux baptisés enfant ou adultes. C’est préparer une belle célébration de mariage avec des fiancés. C’est ne pas condamner mais au contraire intégrer ceux qui autrefois étaient méprisés comme pécheurs publics (divorce, avortement, homosexualité…).

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Informer le fils fidèle

La dernière mission des serviteurs dans la parabole est d’informer le fils aîné. À sa demande, un domestique lui raconte le retour de son frère, la joie de son père et la fête pour toute la maisonnée car c’est une vraie résurrection que de retrouver ainsi son frère « en bonne santé ». On ne sait pas ce que ce serviteur a ressenti devant la colère jalouse de l’aîné qui réclame justice en raison de sa fidélité (qui n’est pas sans rappeler la jalousie de Caïn envers Abel, ou le conflit entre Jacob et Ésaü…). Il a dû être navré à nouveau de ces dissensions familiales. Peut-être s’est-il dit que ces riches ne savent pas apprécier ce qu’ils ont, car toute cette histoire n’arriverait pas dans le petit peuple des domestiques, où l’héritage ne peut diviser les familles car il n’y en a pas, où l’on n’a pas les moyens de fêtes fastueuses avec veau gras qui rendraient jaloux les uns et privilégiés les autres…

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En tout cas, il a fait son devoir en informant le fils fidèle de la merveille accomplie en son frère.
C’est ce que nous devons continuer à faire : en accueillant les catéchumènes, tenons  au courant les fidèles de la paroisse des merveilles accomplies en chaque conversion. En accompagnant ceux qui vont se marier, racontons à l’assemblée du dimanche combien l’Évangile a de la saveur quand on aime, et comment cela fait découvrir l’Église autrement. En préparant les obsèques avec les familles en deuil, la plupart du temps non pratiquantes, faisant des ponts avec la paroisse pour qu’elles s’y sentent accueillies, soutenues, lorsqu’elle viendront à la messe célébrée pour leur  défunt ou croiseront des paroissiens dans la rue. En parlant du baptême à des parents eux-mêmes souvent non catéchisés, informons les fidèles baptisés des découvertes qui lancent ces parents sur le chemin d’un lien plus familier avec l’Église. Etc. !

Nous ne serions pas serviteurs du Père si nous n’avions pas la passion d’accueillir les enfants infidèles tout en maintenant la communion avec les chrétiens ‘de souche’.

Laisser partir ceux qui le veulent.
Habiller et nourrir les prodigues.
Informer les fidèles.
Ce triple rôle des serviteurs de la parabole semble mineur. Mais sans eux, le Père n’aurait pas pu manifester sa miséricorde.
Servir les prodigues tout en faisant le lien avec les fidèles : cela se joue en paroisse, au travail, en famille…

 

 

1ère lecture : L’arrivée du peuple de Dieu en Terre Promise et la célébration de la Pâque (Jos 5, 9a.10-12)

Lecture du livre de Josué

En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué :
« Aujourd’hui, j’ai enlevé de vous le déshonneur de l’Égypte. »
Les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient des produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.

Psaume : Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (cf. Ps 33, 9a)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.

2ème lecture : « Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co 5, 17-21)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.

Evangile : « Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » (Lc 15, 1-3.11-32)

Acclamation :
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Lc 15, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer. Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

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10 avril 2010

Riches en miséricorde ?

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Riches en miséricorde ?

 

Homélie du 2° dimanche de Pâques /Année C

11/04/2010


C’est Jean-Paul II qui a voulu faire de ce 2° Dimanche de Pâques un jour pour fêter la miséricorde divine.

 

Riches en miséricorde ? dans Communauté spirituelle« Voici que le Fils de Dieu, dans sa résurrection, a fait l’expérience radicale de la miséricorde, c’est-à-dire de l’amour du Père plus fort que la mort. Et c’est aussi le même Christ, fils de Dieu, qui, au terme – et en un certain sens au-delà même du terme – de sa mission messianique, se révèle lui-même comme source inépuisable de la miséricorde, de l’amour qui, dans la perspective ultérieure de l’histoire du salut dans l’Église, doit continuellement se montrer plus fort que le péché. Le Christ de Pâques est l’incarnation définitive de la miséricorde, son signe vivant : signe du salut à la fois historique et eschatologique. Dans le même esprit, la liturgie du temps pascal met sur nos lèvres les paroles du Psaume : Misericordias  Domini in aeternum  cantabo, « Je chanterai sans fin les miséricordes du Seigneur ». (Dieu riche en miséricorde, n° 8)

 

Effectivement, il y a un lien très fort selon l’évangile entre Pâques et le pardon, entre la résurrection du Christ et la miséricorde du Père.

Le premier mot du Ressuscité est le mot de paix : « la paix soit avec vous ». Cette paix du coeur qui ne s’obtient qu’en la recevant d’un autre qui nous aime.

Le don que le Ressuscité fait à son Église pour vivre de cette paix est l’Esprit.

Le Pape Jean-Paul II le décrivait ainsi :

« Comme les apôtres autrefois, il est toutefois nécessaire que l’humanité d’aujourd’hui accueille elle aussi dans le cénacle de l’histoire le Christ ressuscité, qui montre les blessures de sa crucifixion et répète : Paix  à vous ! Il faut que l’humanité se laisse atteindre et imprégner par l’Esprit que le Christ ressuscité lui donne. C’est l’Esprit qui guérit les blessures du coeur, abat les barrières qui nous éloignent de Dieu et qui nous divisent entre nous, restitue la joie de l’amour du Père et celle de l’unité fraternelle. » (Homélie du 30 avril 2000).

 

La petite Pentecôte d’aujourd’hui est donc liée à la circulation du pardon entre nous, entre Dieu et nous.

Car l’Esprit, c’est la relation vivante, personnifiée.

Relation de profonde communion entre Jésus et celui qu’il appelle « Abba », Père.

Relation d’unité fraternelle entre les hommes qui se reconnaissent dans cette filiation partagée en Jésus.

 

Fêter le pardon à la lumière de Pâques, et Pâques à la lumière du pardon : voilà un enjeu existentiel de ce dimanche de la divine miséricorde !

Et qui a des conséquences très concrètes.

 

- Si renaître, c’est pardonner, alors comment rester dans des amertumes, des conflits, des  silences meurtriers ?

- Si ressusciter, c’est être pardonné, pourquoi ne pas s’ouvrir à cette humble confiance envers Dieu et envers ceux avec qui la relation est difficile ?

- Si la miséricorde est le signe de la victoire sur la mort, comment la réserver à quelques-uns ?

- Si la relation vivante est plus importante que tout, pourquoi laisser des objets ou des choses matérielles nous éloigner les uns des autres ?

 

Dans chaque famille, il y a des sources de blessure, d’opposition, de friction, de  séparation…

Que cette fête de la miséricorde renouvelle nos relations familiales !

Dans chaque communauté, professionnelle, amicale ou ecclésiale, il y a des pardons à échanger.

Que cette identification entre Pâques et la miséricorde divine nous pousse à voir autrement nos collègues, nos amis, nos communautés de vie, pour y pratiquer cette miséricorde, et devenir « artisans de paix ».

 

1ère lecture : La communauté des premiers chrétiens (Ac 5, 12-16)

À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges se réalisaient dans le peuple. Tous les croyants, d’un seul coeur, se tenaient sous la colonnade de Salomon. Personne d’autre n’osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge,
et des hommes et des femmes de plus en plus nombreux adhéraient au Seigneur par la foi.
On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des lits et des brancards : ainsi, quand Pierre passerait, il toucherait l’un ou l’autre de son ombre. Et même, une foule venue des villages voisins de Jérusalem amenait des gens malades ou tourmentés par des esprits mauvais. Et tous, ils étaient guéris.

Psaume : Ps 117, 1.4, 22-23, 24-25, 26ab.27a.29

R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle : 
c’est là l’oeuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux. 

Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! 
Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire ! 

Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! 
Dieu, le Seigneur, nous illumine.
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !

2ème lecture : « Je suis le Vivant : écris ce que tu vois » (Ap 1, 9-11a.12-13.17-19)

Moi, Jean,votre frère et compagnon dans la persécution, la royauté et l’endurance avec Jésus, je me trouvais dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage pour Jésus.
C’était le jour du Seigneur ; je fus inspiré par l’Esprit, et j’entendis derrière moi une voix puissante, pareille au son d’une trompette.
Elle disait :« Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée. »
Elle disait :« Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises qui sont en Asie mineure. »
Je me retournai pour voir qui me parlait. Quand je me fus retourné, je vis sept chandeliers d’or ;
et au milieu d’eux comme un fils d’homme, vêtu d’une longue tunique ;une ceinture d’or lui serrait la poitrine ;
Quand je le vis, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier,
je suis le Vivant : j’étais mort,mais me voici vivant pour les siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des morts.
Écris donc ce que tu auras vu : ce qui arrive maintenant, et ce qui arrivera ensuite. »

 

Evangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jn 20, 19-31)

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
1l y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre.
Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

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