L'homélie du dimanche (prochain)

15 août 2024

Serions-nous cannibales et vampires ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Serions-nous cannibales et vampires ?

 

Homélie pour le 20° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

18/08/24

 

Cf. également :

Les fous, les sages, et les simples
La sobre ivresse de l’Esprit
Éternellement
Manquez, venez, quittez, servez
L’homme ne vit pas seulement de pain
Le pain perdu du Jeudi Saint
Les bonheurs de Sophie
Donne-moi la sagesse, assise près de toi
Jésus face à la violence mimétique


La « sainte horreur »

Serions-nous cannibales et vampires ? dans Communauté spirituelle 51D8gy6FELL._SL1121_1578 : Le réformateur Jean de Léry débarque au Brésil et y découvre, horrifié, les coutumes anthropophages de certains amérindiens. Coïncidence révélatrice : au même moment éclate à Rio une dispute entre catholiques et protestants au sujet de l’eucharistie. Les huguenots comparent la conception eucharistique catholique à la pratique cannibale, observée chez les Aztèques, les Indiens Guayaki ou Tupinamba, comme on en avait observé chez les Maoris de Nouvelle-Zélande où les Papous de Nouvelle-Guinée. Ils éprouvaient « une sainte horreur » de l’hostie et du calice catholiques, trop réalistes à leurs yeux. Manger la chair et boire le sang du Christ : la façon dont les catholiques prenaient au pied de la lettre ces paroles les rendaient suspects de côtoyer de trop près le cannibalisme des ‘sauvages’, et c’est donc avec « une sainte horreur » que les réformés fustigeaient cette théologie eucharistique trop païenne à leurs yeux. Malheureusement, on ne discutait pas qu’avec des mots en cette époque troublée. Les guerres de religion déchiraient l’Europe et la mettaient à feu et à sang pour des débats théologiques qui nous paraissent aujourd’hui lointains. Alors, l’amiral Villegagnon, catholique, fit arrêter les critiques, et noyer trois calvinistes dans la baie de Rio de Janeiro pour avoir taxé les catholiques de « théophages » [1].

 

Apprenant cela, Montaigne écrivit en 1580 un chapitre de ses Essais devenus célèbres : « Des cannibales » (Livre I, ch. 31). Il s’indigne du jugement occidental ethnocentré porté sur les pratiques amérindiennes, alors qu’en Europe on s’écharpe et on s’entre-tue au nom de la religion. La sauvagerie des belligérants catholiques et protestants dépasse de loin celle des Tupinamba, et les cannibales ne sont pas ceux que l’on pense… :

81Uc7GpwzUL._SL1500_ cannibalisme dans Communauté spirituelle« Je ne suis pas marri que nous remarquions l’horreur barbaresque contenue en une telle action (cannibale), mais plutôt que, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveuglés aux nôtres. 

Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par géhennes un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion), que de le rôtir et manger après qu’il est trépassé ».

 

Qu’y a-t-il de plus horrifique en effet : mordre à pleines dents dans le mollet d’un mort ou transpercer les membres d’un vivant supplicié au tribunal de l’Inquisition ? Faire rôtir un bras mort ou plonger dans le feu un hérétique vivant ? Boire le sang du guerrier vainqueur mort au combat ou faire couler le sang de centaines d’innocents dans le massacre des guerres de religion ? Où est l’horreur véritable ? Où est la sauvagerie inhumaine ?

 

C’est vrai que la parole de Jésus dans l’Évangile de ce dimanche (Jn 6,51-58) est dure : « si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous ». Comment interpréter ces paroles de Jésus sans retomber dans des pratique cannibales ou vampires ? Car boire le sang des proches ou des ennemis faisait également partie des coutumes largement répandues dans les mythologies des Mésopotamiens, des Grecs, des Romains et des Slaves.

 

Puisque le Christ est venu accomplir et non abolir, tentons le parallèle dérangeant, audacieux et effrayant entre la communion eucharistique et le cannibalisme et le vampirisme, stades obligés de l’évolution des cultures humaines.

 

L’eucharistie exauce la quête cannibale / vampire

image%2F0931903%2F20210605%2Fob_3fbadc_corps-et-sang-du-christ eucharistieContrairement à ce qu’ont pensé les Modernes et leur approche matérialiste, le cannibalisme n’avait pas pour but de se nourrir, ni le vampirisme d’étancher sa soif. Ce n’est pas la nécessité – famine ou pénurie de viande par exemple – qui pousse à manger la chair et boire le sang de l’autre. C’est toute une symbolique, un acte social, rigoureusement codifié par des rituels quasi religieux. Les significations symboliques en sont multiples, car il y a une multitude de cannibalismes, de pratiques [2] variées selon les tribus et les continents :  transfert de pouvoir du mort vers le consommateur ; union avec les dieux ; rites  funéraires ; entretien du cycle de la vie ; domination des vaincus ; cohésion du groupe, menace aux dissidents ; châtiment et dissuasion ; régénération spirituelle ; éloignement des revenants ; purification ; protection contre le mal etc.

 

a) Conjuguer l’altérité et identité

Les Indiens Tupinamba disaient : « Nous mangeons nos beaux-frères ». Cela traduisait l’intégration au clan grâce aux alliances matrimoniales. C’était un grand honneur fait aux « valeurs ajoutées » au clan et en même temps un  élargissement de celui-ci grâce à ces alliés.

Autrement dit : il s’agit ici de manger le même, ni trop près (enfants, conjoints…), ni trop loin (étranger). 

Il ne faut, en effet, manger ni trop près, car ce serait consommer du même, se manger soi-même (« nous ne mangeons pas ceux avec qui nous faisons l’amour » disaient ces indiens), ni trop loin, car ce serait risquer son identité, risquer la dévoration par l’ogre, cet étrange étranger. Le but est de préserver l’intégrité du clan en l’élargissant à ceux qui en sont proches. Ce repas symbolique veut conjuguer l’identité du groupe et l’altérité de ceux qui peuvent s’y adjoindre.

 

L’eucharistie exaucera ce vœu, avec la chair et le sang de Jésus si proche (un humain comme nous) et si autre (fils de Dieu, Dieu lui-même). Communier au Christ dans l’eucharistie, c’est préserver l’unité de l’Église, à travers le temps et l’espace, tout en y ajoutant ceux qui se convertissent.

 

b) Un repas d’alliance

Cannibalisme mimétiqueDans les tribus pratiquant l’endo-cannibalisme, manger ses proches c’est proclamer que le lien clanique ne s’interrompt pas avec la mort. Leur chair devient la leur, et ainsi la chaîne de solidarité continue à unir les ancêtres à leurs descendants, pour le bien des deux.

La communion eucharistique vient exaucer ce vœu, car elle implique la communion des saints, agrandissant le corps du Christ à travers les âges et pas seulement à travers les distances. L’alliance avec les ancêtres trouve ici sa forme la plus haute.

 

c) Absorber les forces et l’esprit de l’autre

Dans certaines tribus, on consomme le corps des ennemis vaincus pour s’approprier leur courage, leur force, leur valeur guerrière (exo-cannibalisme). Version première de   »l’homme augmenté », le cannibale augmente la panoplie de ses vertus et qualités en les empruntant aux morts, symboliquement, par l’ingestion du corps des vaincus. Le vampire suce le sang de ses victimes comme un élixir d’où il tire ses forces nouvelles.

L’eucharistie exauce ce vœu d’« empowerment » au plus haut point ! Car la communion au corps du Christ nous donne son Esprit, sa force, son courage pour mener les combats spirituels qui nous incombent.
Communier au sang du Christ fait couler dans nos veines son désir d’aimer, de servir, de témoigner, jusqu’au martyre s’il le faut.

 

c) Un repas symbolique, ritualisé, social, communautaire

Autre ressemblance : tout est codifié dans les repas cannibales. Les rôles de chacun sont spécifiques, bien répartis. Chacun les connaît, personne ne les transgresse. Les anthropologues appellent « fait social total »  de telles pratiques où le clan/le peuple se constitue et se régénère par la cérémonie où l’on consomme des proches, des amis ou des ennemis pour maintenir le clan/le monde dans son intégrité.

La chair, quoiqu’il la consomme effectivement, n’est pas une viande, mais un signe que le cannibale manipule pour construire sa vengeance et une cuisine sociale qui soude la communauté en ses articulations différenciées 

 

De même, on dénature l’eucharistie si on la réduit à un tour de magie sur du pain et du vin [3]

Au catéchisme (années 60), on m’apprenait à ne pas mordre dans l’hostie au moment de la communion, « pour ne pas faire de mal à Jésus ». Il fallait donc coller l’hostie à son palais et la laisser fondre lentement… Si bien que la prière post-communion était le plus souvent remplacée par les contorsions de la langue cherchant à se défaire du carton-pâte collé au palais. Cette chosification du corps du Christ est une trahison de la dimension sacramentelle de l’eucharistie ! 

 

Le but de la communion est essentiellement symbolique (au sens fort du terme : symbole = ce qui relie) : nous unir au Christ, à l’Église de tous les lieux et de tous les temps, faire de nous des vivants en Christ. 

Augustin par exemple emploie indifféremment le mot sacrement ou symbole : « C’est votre propre symbole qui repose sur la table du Seigneur (…) soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes » (Serm. 272). Le sym-bole est ce qui met en relation. Le Christ est immolé « in sacramento ». On ne comprend rien à l’eucharistie si on la vide de sa substance sacramentelle, de même qu’on ne comprend rien au cannibalisme si on n’y voit qu’une pratique alimentaire !

 

Évidemment, si on s’arrêtait là, à faire la liste des ressemblances entre l’eucharistie et le cannibalisme / vampirisme, ce se serait un peu effrayant, et « la sainte horreur » de l’hostie pourrait à nouveau nous éloigner de la communion !

Allons un peu plus loin en listant quelques différences majeures où l’eucharistie est en rupture avec ces pratiques anciennes, paradoxalement pour mieux les accomplir.

 

L’eucharistie subvertit la logique cannibale/vampire

 

a) La peur des morts

Dans certaines tribus, on mange les cadavres des défunts du clan très vite, afin d’empêcher symboliquement l’âme des morts de rester en lien avec ce corps, et de venir ainsi troubler le monde des vivants. Chacun chez soi, pour la tranquillité de tous ! Les Guayaki disaient : « ne pas être cannibale, c’est se condamner à mourir », et les étrangers, qui n’ont pas eux l’habitude de manger leurs morts mourront bientôt car l’âme des défunts, condamnée à rôder, n’aura de cesse de vouloir se venger. 

Une survivance de cette croyance se retrouve dans la pratique romaine de concentrer les tombes en dehors de la cité, à l’écart, loin des vivants, afin que nul mélange ne vienne semer la confusion, le trouble et le désordre.

 

Catacombes de Saint Pancrace, RomeLes chrétiens refusèrent cette logique de peur et de séparation entre morts et vivants. D’abord en allant se réfugier dans les catacombes – ces galeries souterraines remplies de cercueils de cadavres – pendant les trois siècles de persécutions, pour s’y cacher et célébrer l’eucharistie. Puis en remettant le cimetière au cœur des villes et des villages, et non à l’extérieur. En Charente-Maritime par exemple, les belles églises romanes au centre, sur la place, sont entourées de jardins exubérants de roses trémières, qui sont en fait le cimetière local. Et il faut marcher sur les tombes pour entrer dans l’église. Quelle plus belle illustration de la communion des saints du Credo ? La mort apprivoisée remplace la mort redoutée.

En régime chrétien, les morts ne font plus peur, on prie pour eux, on demande leur intercession, ils continuent à faire partie de la famille, sans les redouter. Le cannibalisme n’a plus alors aucun intérêt.

 

b) S’incorporer un cadavre vs laisser un Vivant nous incorporer à lui

B24-300x300 sacrificeLa symbolique de l’ingestion de chair humaine tourne autour du lien d’unité à maintenir : en le mangeant, l’autre devient une part de moi-même. C’est la fonction de la nourriture : nous faire assimiler le monde extérieur pour qu’il nous fournisse l’énergie vitale une fois digéré. 

Dans l’eucharistie, c’est le processus inverse ! D’abord c’est d’un Vivant qu’il s’agit et non d’un mort. Ensuite, ce n’est pas nous qui l’absorbons : c’est lui qui nous accueille, c’est lui qui fait de nous son corps et non notre corps qui fait de lui sa chair.

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui » (Jn 6,56). L’Eucharistie intervertit le processus naturel de la digestion, par lequel nous nous approprions les éléments extérieurs à notre organisme. Ainsi nous devenons, « en participant au corps et au sang du Christ, un seul corps et un seul sang avec le Christ » (Catéchèse de Jérusalem).

Saint Augustin a bien compris cette subversion de l’assimilation opérée dans la communion eucharistique
« Je suis la nourriture des forts : grandis et tu me mangeras. Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ton corps, c’est toi qui seras changé en moi ».

 

Le cannibale veut s’assimiler l’autre après sa mort. Le chrétien se laisse assimiler au Christ alors qu’Il est Vivant.

 

c) La dénonciation de la violence mimétique.

René Girard osait écrire que l’eucharistie récapitule en elle la religion du cannibalisme primitif, mais au prix de la dénonciation et du rejet de la violence qui imprégnait les meurtres rituels.

Jésus face à la violence mimétique« On peut considérer les religions archaïques comme le premier stade de la révélation progressive qui culmine dans le Christ. Ainsi, quand certains disent que l’Eucharistie est enracinée dans le cannibalisme archaïque, il ne faut pas le nier, mais l’affirmer au contraire ! La véritable histoire de l’humanité est une histoire religieuse qui remonte au cannibalisme primitif. Le cannibalisme primitif est la religion, et l’Eucharistie récapitule cette histoire, de l’alpha à l’oméga. Tout cela est primordial, et une fois qu’on l’a compris, il faut nécessairement admettre que l’histoire de l’homme inclut ce début meurtrier : Caïn et Abel » [4].

Être chrétien, c’est précisément rompre avec l’unanimité victimaire. La communion des chrétiens s’enracine dans l’ardente conviction que Jésus est innocent et que Dieu lui-même a justifié sa mort. Cette conviction n’est pas l’acceptation mais au contraire le rejet du meurtre fondateur auquel l’autre groupe adhère aveuglément » [5]


Michel Serres, l’agnostique, recevait son ami René Girard sous la Coupole de l’Académie Française avec ces mots :

« Je vois les premier chrétiens, dames patriciennes, esclaves, étrangers de Palestine ou d’Ionie, sans distinction de sexe, de classe ni de langue, ne cessant de focaliser leur regard et leur attention fervente sur l’image de la victime innocente, en partageant une hostie symbolique plutôt que les membres épars d’un lynchage. Si nous comprenions ce geste, ne changerions-nous pas de société ? » [6]

 

Contrairement au cannibale qui civilise son anthropophagie en cuisant sa viande, le catholique procède à rebours et « transforme » le cuit initial (le pain) en un cru symbolique, la chair du Christ vivant.

Le cannibalisme suppose une violence sanglante, l’eucharistie est au contraire « un sacrifice non sanglant » (Concile de Trente) accompli une fois pour toutes par Jésus, et rendu présent sacramentellement dans la célébration. Pas besoin de répéter à l’infini ce sacrifice : il est unique, accompli une fois pour toutes, et l’eucharistie nous y associe sans le réitérer. 

En ce sens, communier est un acte essentiellement non-violent.

 

d) La subversion du sang versé

De qui est le sang qui coule ? Dans le vampirisme, c’est celui de la victime. Dracula exploite les sujets de son royaume en leur suçant le sang pour revitaliser son pouvoir sur eux. 

Dans l’eucharistie, c’est l’inverse ! C’est le maître qui laisse couler son sang ; c’est le prince qui se fait serviteur ; c’est le supérieur qui se sacrifie pour ses subordonnés. Les vampires modernes (profits financiers [7], dévastation de la planète, tyrannies politiques etc.) consomment et ne redonnent rien ; ils se gardent en vie en volant celle des autres ; ils dominent sans servir.

Le sang eucharistique est celui du don total à l’autre, fût-il mon ennemi. Communier, c’est pratiquer le don du sang sous toutes ses formes, du service jusqu’au martyre en passant par la profession ou la politique. À l’inverse, les cannibales et vampires modernes détruisent en consommant, font mourir pour survivre, saignent les pauvres pour rester riches.

 

Conclusion : une réalité en sacrement

On doit prendre au sérieux cet accomplissement/subversion des cannibalismes/vampirismes par l’eucharistie !

Nous avons réellement la chair et le sang de Jésus sur l’autel, mais c’est une réalité en sacrement, donc non sanglante, non physiologique. Et cette réalité accomplit le meilleur de la religion cannibale, tout en subvertissant ses dérives violentes et inhumaines.

ichtus vampireL’Occident a un mal fou à concevoir une réalité autre que celle des molécules et des atomes. Notre matérialisme nous aveugle. Or il y a d’autres réalités que matérielle : esthétique, artistique, amoureuse, symbolique, voire virtuelle, augmentée, probabiliste…. Le réalisme eucharistique n’est pas physique au sens moderne du terme, mais au sens de la substance (sub-stance = ce qui se tient en-dessous des choses) des philosophes romains ou de la nature (physis) des Grecs

Le mot transsubstantiation est une tentative d’explication de cette réalité, et c’est une transformation sacramentelle, non sanglante, non carnée. Nous ne reproduisons pas l’unique sacrifice mais nous le rendons présent, symboliquement [8] – c’est-à-dire sacramentellement – en chaque eucharistie.

Le Concile de Trente reconnaît lui-même que les mots seront toujours trop pauvres pour décrire cette réalité de la chair et du sens eucharistique : le Christ est présent « en sa substance, dans un mode d’existence que nos mots peuvent sans doute à peine exprimer, mais que notre intelligence, éclairée par la foi, peut cependant reconnaître et que nous devons croire fermement comme une chose possible à Dieu ».

Rappelez-vous Saint Augustin : « Si tu comprends, ce n’est pas Dieu »

Ce qui n’empêche pas la recherche théologique et spirituelle, au contraire, car le but est dans la quête elle-même, infinie…

 

N’allons pas communier comme avant. 

Même si les images cannibales et vampires vous effrayent, qu’elles vous obligent au moins à regarder la réalité eucharistique de la chair et du sang du Christ sous un autre jour !

_____________________________________________

[1]. Cf. Frank Lestringant, Une sainte horreur ou le voyage en Eucharistie, XVI°-XVIII° siècle, préface de Pierre Chaunu, Paris, PUF « Histoires », 1996.

[2]. Par exemple : endo ou exo cannibalisme, rituels de dépeçage et de consommation, de cuisine (cuir, rôtir, bouillir, réduire en cendres etc.), repas réservé à quelques-uns ou offert à tous etc…

[3]. Le langage populaire disait même: « faire Hocus Pocus » (déformation de « hoc est corpus (meum) » = « ceci est mon corps ») pour signifier : faire un tour de passe-passe.

[4]. René Girard, Les origines de la culture, Desclée de Brouwer, 2004, p. 129.

[5]. Ibid., pp. 193-194.

[7]. Cf. la critique de Marx : « Le capital est du travail mort, qui, semblable au vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail vivant, et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage. Le temps pendant lequel l’ouvrier travaille est le temps pendant lequel le capitaliste consomme la force de travail qu’il lui a achetée ». « La prolongation de la journée de travail au-delà des bornes du jour naturel, c’est à dire jusque dans la nuit, n’agit que comme palliatif, n’apaise qu’approximativement la soif de vampire du capital pour le sang vivant du travail » (Karl Marx, Le Capital Livre I).

[8]. Les premiers Chrétiens qualifiaient couramment le corps et le sang du Seigneur de nourriture et de boisson « spirituelles » : « Mais nous, tu nous as gratifiés d’une nourriture et d’un breuvage spirituels, et de la vie éternelle, par Jésus ton Serviteur » (Didachè, 10.3). « Fortifie ton cœur en prenant ce pain comme une nourriture spirituelle, et rend joyeux le visage de ton âme » (Catéchèses mystagogiques de l’Église de Jérusalem).

 LECTURES DE LA MESSE

Première lecture
« Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé » (Pr 9, 1-6)

Lecture du livre des Proverbes
La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité : « Vous, étourdis, passez par ici ! » À qui manque de bon sens, elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. »

Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 10-11, 12-13, 14-15)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !
 (cf. Ps 33, 9)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Saints du Seigneur, adorez-le :
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim ;
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.

Venez, mes fils, écoutez-moi,
que je vous enseigne la crainte du Seigneur.
Qui donc aime la vie
et désire les jours où il verra le bonheur ?

Garde ta langue du mal
et tes lèvres des paroles perfides.
Évite le mal, fais ce qui est bien,
poursuis la paix, recherche-la.

Deuxième lecture
« Comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur » (Ep 5, 15-20)

Lecture de la lettre de saint Paul aux Éphésiens
Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite ; soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint. Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur. À tout moment et pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, rendez grâce à Dieu le Père.

Évangile
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58) Alléluia. Alléluia.
Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui, dit le Seigneur. Alléluia. (Jn 6, 56)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

 

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31 mars 2019

La première pierre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

La première pierre

Homélie pour le 5° dimanche de Carême / Année C
07/04/2019

Cf. également :

Lapider : oui, mais qui ?
L’adultère, la Loi et nous
L’oubli est le pivot du bonheur
Le Capaharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli
Comme l’oued au désert
Jésus face à la violence mimétique
Les sans-dents, pierre angulaire

Où sont les témoins de l’adultère ?

Les lectures de ce dimanche offrent de multiples pistes de méditation pour la semaine : l’oubli comme pivot du bonheur (première lecture Is 43, 16-21 et deuxième lecture Ph 3, 8-14), l’imprévu de Dieu qui surgit comme l’oued au désert (psaume 125), le rôle de la Loi dans nos vies, toutes les formes d’adultère pratiquées aujourd’hui etc.

Ajoutons-en une autre : la fameuse première pierre dont Jésus cherche le lanceur autorisé sur la femme adultère (Jn 8, 1-11).

C’est devenu une expression proverbiale en français : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Or Jésus – qui connaît par le cœur le premier Testament –  n’aurait pas dû dire cela. Il aurait dû citer exactement le livre du Deutéronome :

Lapidation pour viol du sabbat« S’il se trouve au milieu de toi, dans l’une des villes que le Seigneur ton Dieu te donne, un homme ou une femme qui fait ce qui est mal aux yeux du Seigneur ton Dieu en transgressant son alliance, et qui s’en va servir d’autres dieux et se prosterner devant eux, devant le soleil, la lune ou toute l’armée des cieux, ce que je n’ai pas ordonné : si l’on te communique cette information ou si tu l’entends dire, tu feras des recherches approfondies; une fois vraiment établi le fait que cette abomination a été commise en Israël, tu amèneras aux portes de ta ville l’homme ou la femme qui ont commis ce méfait; l’homme ou la femme, tu les lapideras et ils mourront. C’est sur les déclarations de deux ou de trois témoins que celui qui doit mourir sera mis à mort; il ne sera pas mis à mort sur les déclarations d’un seul témoin. La main des témoins sera la première pour le mettre à mort, puis la main de tout le peuple en fera autant. Tu ôteras le mal du milieu de toi. » (Dt 17,6)

Les seuls autorisés à initier la lapidation étaient les témoins oculaires, reconnus véridiques par le tribunal (sanhédrin). Car la Torah se méfie des mouvements de foule où, sur une rumeur, la violence se déchaîne en aveugle. Ces lynchages relèvent toujours d’un déferlement de violence mimétique (René Girard) où la masse imite les premiers à porter les coups. Il faut donc normalement de vrais témoins, qualifiés, dont le récit a été examiné, soupesé, croisé avec d’autres. D’ailleurs, un seul témoin ne suffit pas : la Loi exige qu’il y en ait au moins deux, pour limiter le risque de faux témoignage. Jésus aurait donc dû convoquer deux témoins de l’adultère à se manifester pour commencer la lapidation (sans compter l’homme qui avait commis cet adultère !).  

La Torah exige que deux personnes au moins répondent sur leur vie des accusations qu’ils formulent. À nous de trouver la traduction moderne de cette précaution : croiser nos sources d’information, ne pas « liker » trop vite et sans discernement, tourner sept fois notre langue dans notre bouche avant de parler ou de taper au clavier, prendre le temps de vérifier, avec patience…

De plus, la lapidation n’est formellement prescrite que pour le péché d’idolâtrie ; rien n’est précisé pour le mode d’exécution de la sentence de mort suite à l’adultère :

« Si l’on prend sur le fait un homme couchant avec une femme mariée, ils mourront tous les deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme elle-même. Tu ôteras le mal d’Israël » (Dt 22, 22-29 // Lv 20,10).

Un dernier argument empêche la mise à mort d’un coupable par les juifs. En l’an 11, l’empereur Auguste édite le décret du droit de glaive romain : le grand sanhédrin national perd son droit souverain de vie et de mort sur les juifs, une vingtaine d’années avant la crucifixion de Jésus. Le sanhédrin devra dès lors recevoir la permission des autorités romaines pour pouvoir mettre quelqu’un à mort. « Il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort » (Jn 18,31), répliquent les juifs à Pilate qui voulait se débarrasser de ce prisonnier encombrant.

Bref, les accusateurs de cette femme avaient tout faux, tant sur la procédure légale que sur la sentence et son exécution. Ne pas commettre l’adultère demeure une exigence, « une exigence infinie » dirait le philosophe Emmanuel Levinas. Mais la transgression de cette exigence n’est en pratique jamais suivie de condamnation à mort, ce qui permet de conjuguer habilement exigence et clémence.

 

Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre 

La première pierre dans Communauté spirituelle adult%C3%A8re1-300x200Si les témoins de la scène évangélique s’en vont après cette phrase, c’est sans doute parce que personne n’a été directement témoin de l’adultère. De toute façon, cette femme ne risquait pas grand-chose ici, car la Loi interdisait de mettre à mort dans le Temple (où était Jésus) mais seulement en dehors de la ville (cf. la lapidation d’Étienne au pied des remparts de Jérusalem Ac 7) : « Dieu dit à Moïse : cet homme sera puni de mort, toute l’assemblée le lapidera hors du camp » (Nb 15,35-36). En plus, tous les commentateurs signalent que les condamnations à mort, et encore plus les exécutions, étaient extrêmement rares depuis longtemps.

Au passage, faisons nôtre cette sagesse de la Torah qui exige des témoins oculaires : ne pas porter d’accusation dont nous ne pouvons pas témoigner personnellement (ce qui entraîne responsabilité et conséquences tragiques en cas de faux témoignages, car la Loi prévoit de tuer ceux qui veulent faire tuer sans raison…). Or la médisance et la calomnie ont de tout temps fait courir les accusations sans preuves ni témoins. Répandre ce genre de soupçons et de dénonciations sans en être témoin direct est une forme de complicité avec le mensonge, voire le meurtre.

Internet et les réseaux sociaux amplifient ce phénomène de fausses rumeurs à l’infini. Les fake news, les buzz fabriqués de toutes pièces, « la bande des Lol », les campagnes numériques russes ou chinoises en période d’élections américaines ou européennes, les rumeurs d’enlèvement d’enfants par les Roms… : les possibilités deviennent aujourd’hui quasi illimitées d’amener sur la place publique n’importe qui en l’accusant de n’importe quoi. Prenons garde à ne pas relayer ce genre d’accusations sans preuves, de rumeurs sans fondements, d’adultères sans témoins.

Du coup, Jésus met les accusateurs devant leurs contradictions, et à son habitude il radicalise la Loi qu’il désire accomplir et non abolir (Mt 5,7). Il n’appelle pas deux mais une seule personne ; et ce n’est plus un témoin mais un « sans-péché » qui est demandé pour commencer le massacre. Évidemment, les chrétiens reconnaîtront plus tard en Jésus le « Témoin (martyr en grec) fidèle » par excellence (Ap 1,5 ; 2,13 ; 3,14), qui seul est « le saint de Dieu » (Mc 1,24 ; Lc 4,34 ; Jn 6,69), le « sans-péché » (He 7,23-28). Si ce témoin sans péché ne jette pas la première pierre, qui pourrait se prétendre au-dessus et faire l’inverse ? Le Christ désamorce ainsi la violence mimétique de cette foule en garantissant sur sa vie que cette femme doit vivre (sans pour autant approuver son adultère).

Si Dieu lui-même refuse de jeter la première pierre, qui prétendrait être au-dessus de lui pour vouloir éliminer son frère, son voisin ?

Bien sûr, les lapidations islamistes au nom de la charia apparaissent comme une formidable régression au regard de cet Évangile. Le sultanat de Brunei illustre tristement cette régression, lui qui vient de rétablir la lapidation pour l’adultère et les homosexuels au nom de la charia.

 

La pierre première (angulaire)

0eff19e9 angulaire dans Communauté spirituelleLa première pierre, celle qui aurait servi de signal pour déchaîner la violence, va devenir avec Jésus la pierre première, la pierre angulaire qui assure la cohésion de l’ensemble et désamorce la violence. Les psaumes chantaient déjà cette inversion de la logique sacrificielle que René Girard a bien analysée : « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux » (Ps 117, 22-23).

Les évangiles feront cette relecture de la mort du Christ  (Mc 12,10 ; Mt 21,42 ; Lc 20,17 ; Ac 4,11 ; 1P 2,7). Sur la croix, en assumant l’exclusion dont la femme adultère et tant d’autres pécheurs sont victimes, Christ devient lui-même la pierre première de l’Église, le nouveau Temple où tous sont réconciliés avec Dieu et entre eux.

C’est un peu comme si Jésus prenait la place de cette femme adultère pour arrêter enfin le cycle de la violence meurtrière. D’ailleurs, il s’attendait sans doute dans un premier temps à être lapidé comme les grands prophètes d’autrefois : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés… » (Lc 13,34). Il a failli plusieurs fois en être victime :« les Juifs, à nouveau, ramassèrent des pierres pour le lapider » (Jn 10,31). « Ce n’est pas pour une belle œuvre que nous voulons te lapider, mais pour un blasphème, parce que toi qui es un homme tu te fais Dieu » (Jn 10,33). Et ses disciples ont bien compris la menace qui pèse sur lui : « les disciples lui dirent : Rabbi, tout récemment encore les Juifs cherchaient à te lapider; et tu veux retourner là-bas ? » (Jn 11,8)

Avant lui, David (1Sa 30,6), Moise et Aaron (Ex 17,4 ; Nb 14,10) ont échappé de peu à la lapidation. Paul a été lapidé une fois et laissé pour mort (2 Co 11,25). Les apôtres s’y savaient exposés : « païens et Juifs, avec leurs chefs, décidèrent de recourir à la violence et de lapider les apôtres » (Ac 14,5).

La lapidation est donc le sort auquel Jésus devait s’attendre, non la crucifixion (ce qui produit l’angoisse de Gethsémani lorsqu’il réalise que c’est cette mort-là, bien plus infâmante encore, qui arrive ; de même pour son sentiment d’abandon sur le gibet de la croix).

Jésus voit en cette femme quelqu’un qui lui annonce le chemin qu’il va bientôt choisir de prendre : risquer d’être victime, innocent, absorbant le mal de ses bourreaux au lieu de le prolonger ou de leur renvoyer.

Jésus brise radicalement la chaîne infernale de l’accusation-condamnation pour que les pécheurs se détournent de leur péché et vivent. « Il est vaincu l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12,10).

 

 De la pierre qui tue à la pierre qui lie

Le martyre d’Étienne, premier disciple à donner sa vie pour sa foi au Christ, marquera la version désormais définitive du sacrifice religieux : le témoin ne jette plus la première pierre, mais le premier il la reçoit (Ac 7,58), afin que nul ne croit rendre gloire à Dieu en tuant. Le vrai sacrifice n’est plus d’égorger des animaux, encore moins des humains, mais de s’offrir soi-même, jusqu’à préférer être tué que de tuer s’il faut aller jusque-là pour témoigner du pardon offert. Étienne a expiré en priant pour ses bourreaux : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 12,10) à la manière du Christ en croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34).

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Que retenir de ce parcours sur le témoin et la pierre ? Une ou deux interrogations peut-être :

- à quel moment propagez-vous des soupçons, des accusations ? Vous en portez-vous personnellement garant ?

- préférez-vous être témoin de la faute de l’autre, ou du pardon qui lui est accordé ?

 

BONUS !

Amusez-vous à lire la savoureuse traduction « banlieue » ci-dessous du récit de la femme adultère, histoire de redécouvrir ce que « inculturer » peut vouloir dire…

LA MEUF ADULTÈRE

(adaptation libre du passage de l’Évangile : Jean 8, 1-11)

La meuf adultère, c’est pas une meuf qui kiffait un mec qui s’appelait Dultère (comme la « meuf à Momo »). Vu ? La meuf adultère, c’est une frolotte qui avait dribblé son mari.
À l’époque de Jésus, ce genre d’intrigue était un ‘blème vraiment trop sérieux.
Un jour, à un moment où elle était avec le keumé, des pharisiens l’ont grillée.
Les pharisiens, c’était des bougs toujours vachement bien sapés (le genre à rouler en Merco, s’tu veux). Ils faisaient un peu les caïds, dans leurs tieks, et ils étaient
officials dans tous les lieux classes.
Ils ont emmené la meuf avec eux et ils ont bavé de partout qu’ils l’avaient prise en flag. Des vrais poucaves ! Ils t’l'ont affichée grave, et, là, au milieu de la rue – starforlah ! -, ils ont voulu la caillasser.

Jésus était là, lui aussi, avec ses douze srabs. Il matait leur gros délire.
Les pharisiens lui ont demandé : « Moïse a dit qu’il fallait caillasser ce genre de rate. Et toi, tu dis ouak ? » (en fait, c’était pour lui faire un « guet » et le gazer devant tout le monde, car ils avaient un sérieux seum contre lui).
Mais Jésus est resté cool. Pas yomb du tout. Il faisait des graffs sur le sol (sans beubz, bien sûr, juste avec ses doigts !).
La meuf, elle, elle se sentait trop en galère. Pour elle, c’était ghetto. Elle s’attendait à se manger des coups et à se faire goumer.

Un moment après, Jésus a répondu aux pharisiens : « Celui qui n’a jamais fait le bouffon, dans sa vie, qu’il la caillasse en premier ! »
Et là, ma parole, les pharisiens se sont tous arrachés un par un ! Sur la tête à ma mère, ils ont tous tékal ! Taf taf ! Les plus vieux d’abord !
La meuf est restée là, avec Jésus. Elle lui a demandé s’il voulait la caillasser, lui aussi. Il a répondu : « Padig ! J’te caillasserai pas. Mais
tèje le frolo avec qui t’as conclu, et retourne despi chez ton mari ! »
Ils ont fait un tchek et, finalement, la meuf est repartie chez le maton de ses minots.
Depuis, elle le dribble plus. Elle est même devenue sten. C’est trop une crème !

Et même si, parfois, elle a l’impression que chez elle c’est un peu Fleury, elle sait que Jésus la kiff et qu’il est son frère maintenant. Alors, dans son cœur, c’est plus la zonze.

Lexique: Afficher : ridiculiser / Baver : révéler des choses confidentielles / Beubz : bombe aérosol / Blème : problème / Boug : mec / Despi : vite / Dribbler : tromper / Flag : flagrant délit / Fleury : prison / Frolo : homme / Frolotte : femme / Gazer : se moquer / Ghetto : situation tendue / Goumer : frapper / Graff : graffitis / Griller : Prendre en flagrant délit / Guet : traquenard / Intrigue : situation sentimentale complexe / Keumé : mec / Kiffer : aimer / Mater : regarder / Maton : père / Merco : Mercedes / Meuf : femme / Official : privilégié / Ouak : quoi / Padig : t’en fais pas / Poucave : délateur / Rate : femme / Seum : rage / Srab : ami / Starforlah : exprime l’indignation / Sten : fiable / Taf taf : vite fait / Tchek : salut / Tèje : laisse tomber / Tékal : partir / Tieks : quartier / Yomb : énervé / Zonze : prison.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple » (Is 43, 16-21)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; les voilà tous couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, consumés comme une mèche. Le Seigneur dit : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. »

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
(Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens

Frères, tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

Évangile
« Celui d’entre-vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre » (Jn 8, 1-11)
Gloire à toi, Seigneur.
Gloire à toi. Maintenant, dit le Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, car je suis tendre et miséricordieux. Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. (cf. Jl 2, 12b.13c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Patrick BRAUD

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16 septembre 2015

La jalousie entre nature et culture

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La jalousie entre nature et culture

 

Homélie du 25° dimanche du temps ordinaire/année B
20/09/2015

 

Cf. également : « J’ai renoncé au comparatif »

Jesus as a servant leader

 

 

Des neurones miroirs à la violence mimétique

Le point commun entre les lectures de ce dimanche est la jalousie.

- Jalousie de « ceux qui méditent le mal » contre le juste qui « se dit fils de Dieu » (Sg 2,12–14). Il La jalousie entre nature et culture dans Communauté spirituelle jalousie-300x221revendique sa proximité avec Dieu, sa fidélité, sa douceur : détruisons-le pour montrer que cela n’est qu’illusion ; condamnons-le à une mort infâme puisque – dit-il – quelqu’un interviendra pour lui.

- Le psaume 53 se plaint : « des étrangers se sont levés contre moi… ». La jalousie des nations païennes envers Israël est à la racine de l’antisémitisme depuis des siècles.


- Jalousie et rivalité sont à l’origine des guerres, des conflits de toutes sortes, de la famille à l’entreprise, constate l’apôtre Jacques (Jc 3,16-4,3).« Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit, vous faites c’est la guerre ».


- « Qui est le plus grand ? » C’est bien cette question dont les Douze débattent qui attire les foudres de Jésus. La jalousie pousse à rechercher sa gloire personnelle ; seul le service des autres permet de conjurer cette tendance destructrice. « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

La jalousie est l’une des racines majeures de la violence entre les hommes. La Bible la dénonce et la démasque, depuis Caïn ne supportant pas qu’Abel son frère puisse être aimé apparemment plus que lui, jusqu’au Dragon de l’Apocalypse voulant éliminer son rival né de la femme, en passant par les frères de Joseph jaloux de son statut de fils bien-aimé de Jacob, promis à de hautes responsabilités annoncées en rêve…

5197006 Athénagoras dans Communauté spirituelle

C’est donc un constat anthropologique qui parcourt toute la Bible : l’homme est naturellement envieux. Il a une tendance innée à jalouser autrui. Ce n’est pas tant ce que possède l’autre qui le fascine, mais bien le fait que l’autre puisse avoir ou être plus que lui. Le sacrifice d’Abel, la tunique colorée de Joseph ne sont que les symboles d’une envie d’être comme l’autre, source de la violence du premier homicide ou de la trahison fraternelle.

Deux trouvailles récentes viennent à l’appui de cette thèse biblique sur l’origine de la violence (et donc sur les moyens pour la conjurer) : les neurones miroirs, la violence mimétique.

 

Les neurones miroirs

On croyait que l’empathie et l’imitation étaient des caractéristiques humaines. Pas si sûr…

cortexLes  neurones  miroirs  sont  des  neurones  qui  s’activent,  non  seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère  exécuter  la  même  action.  On  peut  dire  en  quelque  sorte  que  les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons). C’est  un  groupe  de  neurologues  italiens,  sous  la  direction  de  Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette découverte sur des macaques. Les chercheurs ont  remarqué  -  par  hasard  -  que  des  neurones  (dans  la  zone  F5  du  cortex prémoteur, cf. schéma)  qui  étaient  activés  quand  un  singe  effectuait  un  mouvement  avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe  observait  simplement  ce  mouvement  chez  un  autre  singe  ou  chez  le chercheur, qui donnait l’exemple. Il  existe  donc  dans  le  cerveau  des  primates  un  lien direct  entre  action  et observation.  Cette  découverte  s’est  faite  d’abord  chez  des  singes,  mais l’existence et  l’importance des neurones  miroirs  pour  les  humains  a  été confirmée.  Dans  une  recherche  toute  récente  supervisée par  Hugo  Théoret (Université  de  Montréal),  Shirley  Fecteau  a  montré  que  le  mécanisme  des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l’enfance. Il faut ajouter ici que les savants s’accordent pour dire que  ces  réseaux  sont  non  seulement  plus  développés  chez  les  adultes (comparé  aux  enfants),  mais  qu’ils  sont  considérablement  plus  évolués  chez les hommes en général comparé aux autres primates. [1]

Les conséquences de cette découverte sont encore largement inexplorées. L’imitation relève donc de la nature plus que de la culture. Les grands singes ont cette capacité innée de copier en regardant. L’émotion empathique de celui qui se met à la place de l’autre viendrait en ligne directe de ces fameux neurones miroirs et non d’une éducation symbolique s’arrachant aux données neuronales. Faire comme l’autre, ressentir ce qu’il ressent relève d’un donné biologique qui conduit à l’imitation, mais aussi à l’empathie, et à l’envers de l’empathie : la jalousie.

Le chimpanzé Nim, arraché à sa mère chimpanzé à la naissance est confiée à une femme pour être élevé comme un humain, en 1973. De nouveau enlevé à cette mère adoptive, il passe entre les mains de plusieurs "professeurs" : il utilise le langage des signes. Pourtant il finit tristement sa vie en captivité et dans un centre d'expérimentations médicales. (Herbert Terrace)

Le constat anthropologie de la Bible s’enracine donc dans notre système neuronal lui-même : oui il est dans la nature humaine de se comparer, de copier l’autre, de l’imiter, de l’envier et donc de désirer ce que lui a et que je n’ai pas. Cette observation lucide de la jalousie consubstantielle à l’humain en quelque sorte n’a rien de désespérant pour les auteurs bibliques. Elle indique seulement le chemin d’un combat intérieur : sache que tu es taraudé par la mimésis, l’envie de copier l’autre. Cela peut engendrer en toi empathie ou jalousie : à toi de choisir laquelle va guider ton regard sur l’autre.


Si tu es Caïn ou frère de Joseph, tu laisseras ta jalousie te submerger jusqu’à éliminer celui que tu considéreras comme un rival. Si tu es Abel ou Joseph, tu verras déferler sur toi la violence de ceux qui te jalousent. Si tu es Moïse, Marie, ou Jésus de Nazareth, tu découvriras que l’humilité, la louange ou le service sont les meilleurs antidotes au poison de la jalousie.

Les neurones miroirs sont la trace de notre finitude et de notre ambivalence fondamentale. La même information véhiculée par ces synapses peut dégénérer en rivalité meurtrière où en empathie bienfaisante, en imitation source d’apprentissage ou en fureur destructrice du rival supposé.

 

La violence mimétique

les_sciences_cognitives_confirment_la_dimension_mimetique_du_desir GirardOn rejoint alors la thèse chère à l’anthropologue René Girard : la violence entre les humains a sa source dans la mimésis, le désir inné de copier et d’être comme l’autre (« vous serez comme des dieux » disait déjà le serpent de la Genèse…).

Il y a un triangle du désir. Le sujet ne désire pas de manière autonome, il ne va pas en ligne droite à l’objet de son désir car entre lui et l’objet, il y a autrui ; de telle sorte que ce qu’il désire c’est ce que désire l’autre. Le désir est mimétique. Il est l’imitation du désir de l’autre.
Les objets susceptibles d’être désirés ‘ensemble’ sont de deux sortes. Il y a d’abord ceux qui se laissent partager. Imiter le désir qu’inspirent ces objets suscite de la sympathie entre ceux qui partagent le même désir. Il y a aussi les objets qui ne se laissent pas partager, objets auxquels on est trop attaché pour les abandonner à un imitateur (carrière, amour…). La convergence de deux désirs sur un objet non partageable fait que le modèle et son imitateur ne peuvent plus partager le même désir sans devenir l’un pour l’autre un obstacle dont l’interférence, loin de mettre fin à l’imitation, la redouble et la rend réciproque. C’est ce que Girard appelle la rivalité mimétique, étrange processus de ‘feedback positif’ qui sécrète en grandes quantités la jalousie, l’envie et la haine.

0a mimésis

Seul le Christ a défait radicalement cette violence en acceptant de la subir sans exercer de violence en retour mais en dévoilant et dénonçant son caractère injuste. Parce qu’il ne fait qu’un avec son Dieu, Jésus n’a pas besoin de posséder ce que l’autre possède, d’envier  ce que l’autre est, de se comparer ni d’imiter. Il est libre : libre de se réjouir de l’autre sans jalousie, de compatir à sa détresse pour la soulager sans l’instrumentaliser, de valoriser la foi, la beauté, la droiture… des hommes et des femmes rencontrés sur sa route, gratuitement, sans envie ni rivalité.

 

En lui nous participons à cette libération de la violence mimétique qui est l’enjeu fondamental de la vie spirituelle.

Le patriarche Athénagoras en témoignait de façon très profonde :

« Je n’ai plus peur de rien. J’ai renoncé au comparatif. La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible. Mais je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. 

J’accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets. Si l’on m’en présente de meilleurs, ou plutôt non, pas meilleurs mais bons, j’accepte sans regret. J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur. C’est pourquoi je n’ai plus peur. Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur.

Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on s’ouvre au Dieu-Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, Lui, efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible. »

 

Résumons-nous : notre nature humaine (les neurones miroirs) comme notre histoire collective (la violence mimétique) nous mettent devant une énergie qui fait partie de notre identité la plus humaine : l’imitation. Cette mimésis dégage une telle puissance qu’elle peut conduire à la destruction de l’autre (la jalousie) ou à son imitation, à l’empathie devant devenant source de fraternité.


Laissons l’Esprit du Christ nous libérer de cette jalousie pour nous ouvrir la l’imitation véritable, l’imitation de Dieu lui-même.

Celui qui ne jalouse plus est libre : pour la louange, la compassion, l’accompagnement, sans autre arrière-pensée que de servir la croissance de l’autre.

Renoncer au comparatif nous rend libres d’aimer comme Dieu, sans jalousie aucune.

 

 


1ère lecture : « Condamnons-le à une mort infâme » (Sg 2, 12.17-20)

Lecture du livre de la Sagesse

Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes : « Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à nos entreprises, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’infidélités à notre éducation. Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et l’arrachera aux mains de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui. »

Psaume : Ps 53 (54), 3-4, 5, 6.8

R/ Le Seigneur est mon appui entre tous.  (Ps 53, 6b)

Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
par ta puissance rends-moi justice ;
Dieu, entends ma prière,
écoute les paroles de ma bouche.

Des étrangers se sont levés contre moi,
des puissants cherchent ma perte :
ils n’ont pas souci de Dieu.

Mais voici que Dieu vient à mon aide,
le Seigneur est mon appui entre tous.
De grand cœur, je t’offrirai le sacrifice,
je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !

2ème lecture : « C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de paix » (Jc 3, 16 – 4, 3)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Bien-aimés, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ; vous demandez, mais vous ne recevez rien ; en effet, vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs.

Evangile : « Le Fils de l’homme est livré…Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous » (Mc 9, 30-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Par l’annonce de l’Évangile, Dieu nous appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus Christ.
Alléluia. (cf. 2 Th 2, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
Patrick BRAUD

 

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