L'homélie du dimanche (prochain)

30 janvier 2022

Quand le Christ nous choisit

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quand le Christ nous choisit

Homélie du 5° Dimanche du temps ordinaire / Année C
06/02/2022

Cf. également :

La seconde pêche
La relation maître-disciple
Porte-voix embarqué
Du hérisson à la sainteté, puis au management
Dieu en XXL
Démêler le fil du pêcheur
Ruptures et continuités : les conversions à vivre pour répondre à un appel

The Chosen

Une série télévisée fait grand bruit aux USA et a déjà débarqué en France sur C8 : The Chosen [1]. « Ceux qui ont été choisis », en anglais. Chaque épisode d’une heure environ nous montre non pas le parcours de Jésus, mais celui des protagonistes de son histoire. La série est plutôt érudite, en ce sens qu’elle fourmille de détails historiquement attestés ou vraisemblables sur la vie en Palestine au premier siècle. Financée entièrement par les dons des spectateurs (plus de 10 millions d’euros !) et distribuée en dehors des plateformes traditionnelles, la série traduite dans plus de 50 langues cumule déjà plus de 300 millions de vues dans le monde.

Le 4° épisode nous fait découvrir Simon et son frère André avec leurs associés Jean et Jacques. On voit bien qu’à eux tous, ils forment une PME déjà conséquente : 2 barques au moins, plusieurs marins-pêcheurs à leurs ordres, des commandes à honorer, des taxes romaines à payer (c’est Lévi qui s’en charge pour l’occupant !). Tout cela est fort bien rendu. Sauf peut-être la fiction romanesque où le scénariste montre Simon accablé par les dettes, ne pouvant payer l’impôt romain, et finalement bien content de la pêche miraculeuse pour apurer son bilan comptable… Sans aller jusqu’à ce degré de fiction, on peut néanmoins imaginer avec The Chosen que Simon, Jacques et Jean tels que décrits dans l’Évangile de Luc ce dimanche (Lc 5, 1-11) faisaient tourner effectivement une PME de pêche assez conséquente sur le lac de Tibériade. Une classe moyenne sans doute aisée pour l’époque. Mais un métier surprenant ! Car l’eau, la mer, la pêche ne font pas partie du génie d’Israël à cette époque, et depuis des siècles ! À tel point que les autres évangélistes juifs comme Mathieu et Marc, parlant à des juifs, utilisent toujours le terme de mer pour désigner ce que Luc a raison d’appeler lac, tellement ils avaient peur de la moindre flaque d’eau ! La retenue d’eau naturelle qui transforme le Jourdain en lac n’a guère que 21 kms de long et 13 kms de large : pas de quoi effrayer de vrais marins, comme les Phéniciens de la côte ou les autres peuples de la mer ayant envahi le pourtour de la Méditerranée quelques siècles avant. Israël n’a jamais excellé dans l’industrie maritime, ni l’art de la guerre sur l’eau. Seuls quelques textes anciens vantent la flotte de Salomon d’autrefois, mais on n’en a guère la trace. De plus, la mer faisait peur aux juifs, qui la considéraient comme la demeure des monstres marins terrifiants comme le Léviathan, ou des poissons géants comme celui qui avala Jonas, ou des tempêtes soudaines qu’ils étaient incapables d’affronter. Si bien que le moindre coup de vent sur le lac de Tibériade paraissait une tornade pour les terriens alentours.

Sombre et maléfique, lieu de la mort et de la perdition, la mer ne donnait pas bonne réputation aux métiers qui lui sont liés. Un peu comme les dockers plus tard à l’ère industrielle dans les ports, les marins-pêcheurs étaient plutôt mal vus, constituant une caste un peu à part. La majorité des habitants du pays travaillait la terre, les autres étaient artisans ou fonctionnaires. C’était le génie des peuples étrangers que de s’occuper de la pêche et de la navigation, pas d’Israël. Une autre version de l’opposition sédentaires-nomades, agriculteurs-bergers en somme.

 

Appeler non pas les justes mais les pécheurs

Et voilà que Jésus choisit 3 pêcheurs comme premiers disciples ! Choix étonnant, et même déroutant, comme Augustin en témoigne encore au IV° siècle :
Quand le Christ nous choisit dans Communauté spirituelle banniere_nl_-texte_du_j.16_01« Si le Christ avait choisi en premier lieu un orateur, l’orateur aurait pu dire: « J’ai été choisi pour mon éloquence ». S’il avait choisi un sénateur, le sénateur aurait pu dire: « J’ai été choisi à cause de mon rang ». Enfin, s’il avait choisi un empereur, l’empereur aurait pu dire : « J’ai été choisi en raison de mon pouvoir ». Que ces gens-là se taisent, qu’ils attendent un peu, qu’ils se tiennent tranquilles. Il ne faut pas les oublier ni les rejeter, mais les faire attendre un peu; ils pourront alors se glorifier de ce qu’ils sont en eux-mêmes.
« Donne-moi, dit le Christ, ce pêcheur, donne-moi cet homme simple et sans instruction, donne-moi celui avec qui le sénateur ne daigne pas parler, même quand il lui achète un poisson. Oui, donne-moi cet homme. Certes, j’accomplirai aussi mon œuvre dans le sénateur, l’orateur et l’empereur. Un jour viendra où j’agirai aussi dans le sénateur, mais mon action sera plus évidente dans le pêcheur. Le sénateur, l’orateur et l’empereur peuvent se glorifier de ce qu’ils sont : le pêcheur, uniquement du Christ. Que le pêcheur vienne leur enseigner l’humilité qui procure le salut. Que le pêcheur passe en premier. C’est par lui que l’empereur sera plus aisément attiré. »
Songez donc à ce pêcheur saint, juste, bon et rempli du Christ, qui a reçu la charge de prendre ce peuple et tous les autres en jetant son filet jusqu’au bout du monde ».
Saint Augustin (+ 430), Sermon 43, 5-6, CCL41, 510-511

Quand Dieu choisit, il ne le fait pas à la manière humaine, en appelant les plus nobles, les plus riches ou les plus réputés. Le 4e disciple appelé par Jésus confirmera cette tendance divine à contre-courant de nos critères habituels. Il choisira Lévi, le collecteur d’impôts assis au bureau des taxes de Capharnaüm (Lc 5,27-32). Un collabo ! Après les trois marins-pêcheurs, ce choix ne rehausse pas le prestige social du groupe ! D’ailleurs, la racaille invitée au festin donné par Lévi dans sa maison à cette occasion incommode fortement les pharisiens et leurs scribes ! Ce qui permet à Jésus de donner la clé de ces appels étonnants : « je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs ».

Annulus_piscatorius appel dans Communauté spirituelle

L’anneau du pêcheur porté par le pape

Paul refera ce constat anormal, justement à Corinthe, port maritime grouillant de tous les extrêmes à l’entrée de l’isthme de Corinthe. Dockers, esclaves, prostituées, gens de basse condition formaient le gros de la petite assemblée de Corinthe, dont le prestige intellectuel, spirituel et social était du coup quasi nul :
« Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort » (1 Co 1, 26 27).

Quelle Église aujourd’hui est fidèle à ce critère de choix ?
Les assemblées évangéliques dans les quartiers défavorisés débordant d’immigrés et d’Outre-Mer. Les groupes réunis par le Secours catholique, la fondation Emmaüs ou ATD Quart-Monde. Les aumôneries d’hôpital, d’EHPAD, de prison, de pavillons de psychiatrie… Les assemblées plus huppées des beaux quartiers protesteront : ‘la vraie pauvreté ne se voit pas toujours ; nous en avons aussi chez nous !’. C’est vrai, mais avouez qu’il y a quand même moins de ‘gens de rien’ à la paroisse d’Auteuil (fort respectable au demeurant !) qu’à l’aumônerie de la prison de la Santé…

Le critère évangélique du choix par Dieu des mal vus et des humbles doit nous provoquer à une relecture critique de la composition de nos assemblées, et à en tirer les conséquences : non pas renvoyer les riches, mais appeler les pauvres, les mal vus, et leur donner une place centrale !

Notons au passage deux autres caractéristiques du choix par Jésus de ses disciples : ils exercent tous un métier et cela va compter dans leur mission ; ils sont appelés à tout quitter pour suivre Jésus, et pas seulement à lui faire de la publicité.

 

Un métier, une vocation

Politik als BerufSur leur métier : il y a à la fois rupture et continuité entre leur métier et leur vocation, leur mission. Songez qu’en allemand c’est le même mot : Beruf qui veut dire métier et vocation ! Et en français, le mot métier vient du latin ministerium = ministère, service de celui qui se fait plus petit (minus) que l’autre pour le servir.
Le jeu de mots de Jésus : pêcheurs de poissons / pêcheurs d’hommes traduit cette rupture et cette continuité. Ce que marque également le détail mentionné par Luc pour Lévi : assis à son bureau de taxes, il sait manier la plume et le calcul. Il mettra ces talents au service de la rédaction de l’Évangile en devenant Matthieu. Pierre et ses compagnons mettent eux leur talent de marins-pêcheurs au service de l’avancée de la barque-Église au large, en eau profonde, c’est-à-dire chez les nations païennes (Chypre, Malte, Rome, la Turquie, la Grèce etc.).

Exercer son métier avec compétence et talent est donc l’une des meilleures préparations au ministère apostolique ! Nous l’avons peut-être oublié en Occident dans la formation des futurs prêtres… En tout cas, c’est à partir de notre métier que le Christ discerne comment nous appeler. De quoi redonner une valeur hautement spirituelle à la déontologie, à la conscience professionnelle, à l’éthique au travail, à l’excellence dans son métier. L’aventure des prêtres-ouvriers en France aurait pu développer cette veine spirituelle de l’appel lié à un métier. Mais les compromissions idéologiques avec le marxisme des années d’après-guerre ont malheureusement fait échouer cette tentative, qui nous manque cruellement à l’heure actuelle. Le Père Joseph Wrezinski, fondateur d’ATD Quart-Monde, le Père Bernard Dewaere, fondateur d’Habitat et Humanisme, Sr Irène Devos, fondatrice de Magdala etc. sont avec quelques autres des figures contemporaines du lien entre compétence professionnelle et mission ecclésiale. Mais trop rares… Les diacres permanents pourraient relever le défi (à condition qu’on ne les cantonne pas dans des fonctions liturgiques ou sacramentelles de suppléance…).

 

Tout quitter : vraiment ?

Dernière caractéristique du choix par Jésus : « tout quitter ». C’est Luc qui insiste particulièrement sur cette dimension de l’appel : « laissant tout » (les trois pêcheurs en Lc 5,11), « quittant tout » (Lévi en Lc 5,28), ils le suivirent. On peut se demander d’ailleurs comment cela s’est passé en réalité. Car on ne ferme pas une PME de pêche comme cela. Et on ne démissionne pas de la fonction publique non plus en claquant des doigts. Luc exagère donc un peu, pour montrer combien suivre le Christ se traduit tôt ou tard par de vraies coupures, des renoncements et des séparations radicales. Pas même le temps de vendre la pêche miraculeuse et les 2 barques pour se constituer un petit capital d’avance ! Pas même le temps de négocier le solde de tout compte que l’État romain doit à Lévi !

riche métier« Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre », dira Pierre (Mc 10,28). Tout quitter  restera un idéal à atteindre, que François d’Assise, Charles de Foucauld, Mère Teresa et quelques grandes figures de sainteté ont réellement mis en œuvre. Mais la plupart du temps, il est humain, très humain de reprendre d’une main ce qu’on a cru donner de l’autre. Certains prêtres et religieuses ont quitté une possible vie de famille ou de succès séculier, mais récupèrent très vite un prestige, une autorité, une notoriété, un statut social fort enviables, sans compter une sécurité matérielle aujourd’hui appréciable. N’oublions pas que rentrer dans les ordres fut une promotion sociale pendant des siècles ! Et paradoxalement cela le redevient, avec le cléricalisme de nombre de jeunes prêtres dans des petits cercles de catholiques privilégiés…

 

Qu’as-tu quitté pour suivre le Christ ?
Qu’as-tu récupéré, plus ou moins consciemment ?
Si tu as panaché ton adhésion comme on ventile une épargne entre des fonds à risque, des assurances-vie, de l’immobilier etc. alors tu vas jouer sur tous les tableaux en même temps, et tu vas perdre sur l’essentiel !

Laissons donc le Christ choisir à sa manière qui il veut.
Cultivons le métier où nous pourrons entendre cet appel.
Préparons-nous à tout quitter, c’est-à-dire au moins davantage que nos petites concessions à l’Évangile…

 


[1]. Cf. https://watch.angelstudios.com/thechosen (choisissez « French » dans les sous-titres en cliquant sur les 3 points en bas à droite)

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Me voici : envoie-moi ! » (Is 6, 1-2a.3-8)

Lecture du livre du prophète Isaïe
L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »

Psaume

(Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8)
R/ Je te chante, Seigneur, en présence des anges.
 (cf. Ps 137, 1c)

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.

Tous les rois de la terre te rendent grâce
quand ils entendent les paroles de ta bouche.
Ils chantent les chemins du Seigneur :
« Qu’elle est grande, la gloire du Seigneur ! »

Ta droite me rend vainqueur.
Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’œuvre de tes mains.

Deuxième lecture
« Voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez » (1 Co 15, 1-11)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort –, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis. Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi.
Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.

Évangile
« Laissant tout, ils le suivirent » (Lc 5, 1-11)
Alléluia. Alléluia. 
« Venez à ma suite, dit le Seigneur, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Alléluia. (Mt 4, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche. » Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient. à cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.
Patrick BRAUD

Mots-clés : , , ,

9 décembre 2015

Faites votre métier… autrement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Faites votre métier… autrement


Homélie du 3° dimanche de l’Avent / Année C
13/12/2015

Cf. également :

La joie parfaite, et pérenne

Éloge de la déontologie

Tauler, le métro et « Non sum »

 

Devoir d’état

Et si la vie professionnelle était un des enjeux majeurs de la conversion personnelle ?

Écoutez Jean-Baptiste sur les rives du Jourdain. Des publicains lui posent la question qui hantera plus tard Lénine et tous les révolutionnaires : que faire ? Jean-Baptiste les renvoie à leur pratique professionnelle : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». De même pour les soldats : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde » (Lc 3, 10-18).

 

Afficher l'image d'origineC’est donc que le métier exercé est l’un des premiers lieux de la vie spirituelle. On parlait autrefois de devoir d’état, qui englobait tout ce qu’on devait faire au titre de son état de vie : le père de famille envers ses enfants, le mari / la femme envers son conjoint, et ici le travailleur envers sa mission. S’acquitter avec conscience et honnêteté de son devoir d’état est la première marche qui nous élève vers Dieu. Cela commence par assumer l’obligation de travailler, afin de pourvoir à ses besoins élémentaires (un toit, se nourrir, se vêtir) sans peser sur les autres. Comme écrivez saint Paul : « celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! » (2 Th 3,10) Même ceux qui sont au chômage ont une obligation morale envers la société qui les soutient : chercher activement du travail, se former, et peut-être rendre sous forme associative ou bénévole ce que la solidarité nationale leur offre en termes d’allocations et d’aides en tout genre.

 

Travailler est essentiel à la vocation humaine. Le mot allemand pour désigner la profession est Beruf, qui signifie également appel, vocation.

Jean-Baptiste renvoie les pénitents du Jourdain à leur métier : rien de plus incarné que cet appel prophétique à assumer son devoir d’état le mieux possible !

 

Rechercher la justice

Afficher l'image d'origineJean-Baptiste va plus loin : il invite publicains et militaires à pratiquer une certaine justice dans leur activité. Pas de pots-de-vin, pas de corruption ou d’enrichissement personnel pour les publicains. Mais au contraire la recherche d’une application juste et égale de l’impôt. Pour les soldats : pas d’abus de violence, pas d’abus de position dominante pour accuser à tort, pas de course aux salaires excessifs sous prétexte d’être indispensables. Mais au contraire endiguer la violence, rechercher le droit, être désintéressé.

Avouons que ces conseils sont toujours valables, pour nos hommes politiques, nos militaires, nos patrons du CAC 40 ou les fonctionnaires chargés de l’impôt…

 

La recherche de la justice est inhérente à la foi juive et chrétienne : « chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6,33) a raison de répéter Jésus.

 

Et vous, cherchez-vous la justice dans la pratique de votre métier ?

Êtes-vous passionnés de justice au point d’oublier votre intérêt personnel et immédiat ? Osez-vous poser les bonnes questions, à vos supérieurs comme à vos équipes, pour que progresse ce sens de la justice au travail ? Depuis le respect des plus petits jusqu’aux échelles de salaires, des conditions de travail à l’exercice de l’autorité, la passion de la justice fait du croyant un collègue, un salarié, un indépendant ‘non-aligné’ sur les comportements et les pratiques les plus courantes dans le monde du travail…

 

Donner sens à son travail

Pour oser être ainsi un chercheur de justice au travail, il faut l’inscrire sur un horizon beaucoup plus large que la seule activité ordinaire. Un boulanger ne fait pas que du pain, il crée du bonheur à travers le goût donné aux instants du repas, et le pain a toujours été signe de fraternité, de solidarité partagée. De grandes entreprises ont ainsi réfléchi à leur but profond, à ce qui constitue leur raison d’être. Qu’est-ce qui motive réellement les salariés de Disney, de Nike ou de Ford ? En prenant le temps d’écouter leurs équipes et de se remémorer leur histoire, voici ce que certaines grandes entreprises ont répondu.

But fondamental 

Source : Harvard Business Review, Hors série Automne 2015.

Et vous, quelle est le but ultime de votre travail ? Quelle est la raison d’être de votre entreprise ? Qu’est-ce qui manquerait au monde si elle n’existait pas ? Et donc qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin pour aller travailler avec une motivation capable de se renouveler d’année en année ?

Prenons le temps d’y réfléchir, personnellement et avec d’autres. Tout change quand on sait pour quoi on travaille, et pas seulement comment ou pourquoi !

 

Travailler en accord avec ses valeurs

Jean-Baptiste ne le dit pas ici, mais les premiers chrétiens ont réfléchi aux liens entre baptême et métier. Ils en ont conclu que certains métiers aux premiers siècles leur semblaient incompatibles avec l’identité chrétienne : gladiateurs, prostituées, militaires…
Comment peut-on se dire disciple du Christ par exemple et faire profession de torturer des gens, que ce soit au goulag ou dans une police secrète ? On osait refuser le baptême chrétien à ceux qui ne voulaient pas quitter ces métiers…

« Qu’on fasse une enquête sur les métiers et professions de ceux qu’on amène pour les instruire.
Si quelqu’un est tenancier d’une maison qui entretient des prostituées, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est sculpteur ou peintre, qu’on lui apprenne à ne pas faire d’idole. S’il ne veut pas cesser, qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est acteur ou qu’il donne des représentations théâtrales, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un enseigne aux enfants les sciences profanes, il est préférable qu’il cesse; mais s’il n’a pas de métier, qu’on le lui permette. De même qu’un conducteur ou quelqu’un qui prend part aux jeux publics ou qui y va, cesse ou qu’on le renvoie. Qu’un gladiateur ou quelqu’un qui apprend aux gladiateurs à combattre ou quelqu’un qui s’occupe de la chasse ou un officier public qui s’occupe des jeux de gladiateurs cesse ou qu’on le renvoie.
Si quelqu’un est prêtre des idoles ou gardien d’idoles, qu’il cesse ou qu’on le renvoie.
A un soldat qui se trouve auprès d’un gouverneur, qu’on dise de ne pas mettre à mort. S’il en reçoit l’ordre, qu’il ne le fasse pas. S’il n’accepte pas, qu’on le renvoie, Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d’une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu’on le renvoie. Si le catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu’on le renvoie, car il a méprisé Dieu.
Qu’une prostituée, un sodomite ou quelqu’un qui fait ce dont on ne peut parler soit renvoyé, car il est souillé.
Que le mage ne soit pas non plus admis à l’examen. Qu’un sorcier, un astrologue, un devin, un interprète de songes, un prestidigitateur, ou un fabricant de phylactères cesse ou qu’on le renvoie.
Que la concubine de quelqu’un, si elle est son esclave, si elle a élevé ses enfants et si elle n’a de relations qu’avec lui, soit admise, sinon qu’on la renvoie. Qu’un homme qui a une concubine cesse et se marie légalement. S’il refuse, qu’on le renvoie.
Si nous avons omis quelque chose, prenez vous mêmes la décision convenable, car nous avons tous l’Esprit de Dieu.  »
Hippolyte de Rome, « La Tradition apostolique » 3° siècle

Aujourd’hui encore, comment ne pas souligner des contradictions flagrantes entre la foi au Christ et certaines professions ? ou au moins certaines manières de pratiquer certaines professions ? Comment peut-on se dire par exemple chrétien et mafieux ? Ou faire travailler des enfants dans des mines africaines ou des usines chinoises ? Ou organiser la traite d’esclaves en tout genre ? Ou vendre des armes de destruction massive à n’importe quel client ? Etc. etc.

Faites l’exercice de lister les valeurs les plus importantes pour vous (la beauté, l’innovation, l’amitié, la justice…). Si votre métier ne vous permet pas d’honorer et de vivre ces valeurs au travail, alors ayez le courage de démissionner ! Changez de métier ou d’entreprise avant qu’il ou elle ne vous change à son image. Car tous les métiers ne sont pas humanisants. Car toutes les entreprises ne sont pas au service du bien commun.

 

Devoir d’état, justice, sens, valeurs : oui la vie professionnelle est bien l’un des lieux majeurs de la vie spirituelle !

Que l’appel de Jean-Baptiste nous convertisse jusque dans cette dimension-là.

 

 

 

1ère lecture : « Le Seigneur exultera pour toi et se réjouira »(So 3, 14-18a)

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.

Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

Cantique : Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6
R/ Jubile, crie de joie,car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.  (cf. Is 12, 6)

Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.

Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut.

« Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : « Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-7)

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Evangile : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 61, 1)

 En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick Braud

Mots-clés : , , , , , , , ,

11 décembre 2009

Éloge de la déontologie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 8 h 34 min

Éloge de la déontologie


Homélie du 3° Dimanche de l’Avent / Année C
13/12/2009

 

Lorsque les foules viennent interroger Jean le Baptiste : « que devons-nous faire ? », il répond au niveau de leur conscience : « celui qui a de vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ».

Viennent ensuite des catégories professionnelles qui lui posent la même question. Aux collecteurs d’impôts, Jean-Baptiste répond par un appel à l’honnêteté professionnelle : « n’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». Aux militaires, il fait appel là encore alors à leur honnêteté et à leur conscience professionnelle : « ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde ».

Ce premier niveau de conscience morale auquel fait appel Jean-Baptiste est capital. Lui, le Précurseur, il prépare les chemins du Christ en appelant chacun à écouter sa conscience,  notamment dans l’exercice de ses responsabilités professionnelles.

Aujourd’hui encore, ce rôle de précurseur est attendu par beaucoup. Que ce soit des traders  en quête de légitimité pour leurs salaires ou leurs primes ; que ce soit des chercheurs en bioéthique se posant des questions sur l’utilisation de leurs découvertes ; que ce soit les responsables d’entreprises confrontés à la crise sociale, ils sont nombreux ceux qui posent toujours cette même question : « et nous, que devons-nous faire ? »


La science du devoir

Derrière cette question, il y a l’intuition que, pour être efficace et morale, une profession doit se donner des règles de comportement, avec des interdits et des contrôles, bref une déontologie (en grec : discours sur ce qu’il convient de faire = la science du devoir).

Le serment d'Hippocrate (forme originale, en grec ancien)C’est le premier niveau de toute morale économique, trop souvent télescopé par les réflexions éthiques (et même celle de l’Église). Les acteurs d’un champ économique sont capables, entre eux, de définir un certain nombre de règles qu’ils jugent « morales » et indispensables à leur activité. C’est vrai à la Bourse de Paris, mais aussi dans le monde médical (cf. le serment d’Hippocrate, sans doute l’une des plus anciennes formes de déontologie professionnelle, au 4° siècle av. JC, cf. l’Ordre des médecins.), dans une branche professionnelle (les journalistes ont leur charte de déontologie dès 1918, les avocats leur Conseil de l’Ordre, et bien d’autres métiers également)?

Dans notre page d’évangile, c’est à Jean Baptiste que les fonctionnaires et les soldats s’adressent pour savoir ce qu’il faut faire. Mais la réponse de Jean-Baptiste les renvoie en fait à eux-mêmes, à leur conscience. D’où le 1° niveau de la réflexion éthique: « examinez en vous-mêmes ce qui est juste ». C’est comme si Jean-Baptiste les invitait à être les premiers acteurs de leur conversion, à ne pas chercher à l’extérieur d’eux-mêmes des normes et des devoirs à accomplir.

Cela rejoint le rôle essentiel de la déontologie : établir un ensemble de règles de pratiques  professionnelles, élaborées et contrôlées par les professionnels eux-mêmes.

 

La déontologie répond ainsi à deux objectifs :

- l’intégrité de la profession (« ad intra ») : ne pas laisser le groupe professionnel éclater à cause de l’attitude hétérogène de quelques-uns. La déontologie contribue à l’harmonie, la confraternité au sein de la profession.

- la légitimité de la profession (« ad extra ») : obtenir la reconnaissance extérieure et la dignité professionnelle grâce au respect du client. C’est la question de la légitimité de l’image donnée à l’extérieur.

La déontologie fait appel à la conscience morale de chaque acteur professionnel : ce n’est pas une logique juridique. Elle n’est pas de l’ordre d’un Code pénal. Elle encadrera l’exercice de la conscience professionnelle, sans se réduire à elle.

En ce sens, elle présente l’avantage de ne pas être imposée de l’extérieur (hétéronomie), mais de résulter d’un consensus moral entre acteurs se forgeant une conscience commune.

On voit le poids que peuvent avoir dans ces questions de déontologie des acteurs inspirés par l’Évangile : s’ils sont compétents et reconnus comme tels par leurs pairs, ils pourront témoigner d’une vision de l’homme qui peut inspirer des comportements adoptés par tous.

 

La déontologie : nécessaire, mais non suffisante

Prenons l’exemple de la Bourse. Pour que les marchés financiers fonctionnent bien, il faut qu’il y ait un minimum d’autodiscipline chez les opérateurs des sociétés de Bourse. Par exemple : s’engager à effectuer réellement un ordre d’achat ou de vente dans le temps et l’espace indiqués ; accorder à la parole au téléphone le même poids qu’à un écrit ; ne pas utiliser d’informations confidentielles à d’autres fins que celles du client ; exercer les activités avec diligence, loyauté, neutralité et impartialité etc?

Ces impératifs déontologiques n’ont manifestement pas tous été respectés lors de la période qui a conduit à la crise financière de 2008 !

 

Mais l’interdit moral sous-jacent à la déontologie est d’ordre général. Il s’adresse à la conscience, et fait appel à la bonne volonté du professionnel. Il ne comporte d’autre sanction que la reconnaissance ou la réprobation morale par son milieu professionnel ou par les clients (seuls certains Ordres ont le droit de rayer quelqu’un de la profession en cas de faute grave).

On ne peut donc pas confondre code déontologique et code pénal : la déontologie n’est pas juridique ; sa logique est morale, non pénale.

Par exemple, la Maffia italienne a un code d’honneur très précis (l’omerta?) mais qui ne contribue certes pas au bien commun général !

La déontologie joue cependant le rôle d’un diapason, qui donne le ton, qui indique l’attitude commune moyenne (au sens statistique) et la sensibilité morale moyenne d’un milieu professionnel.

C’est déjà un premier niveau, fort important, d’autodiscipline et d’autorégulation.

Ensuite viennent les niveaux des normes morales, de la visée éthique. Mais ensuite seulement?

Si nous voulons être fidèles au Précurseur, alors il nous faut commencer par là : préparer les chemins, graduellement.

Le premier appel à lancer n’est pas d’emblée la conversion au Christ, radicale et intransigeante. Le premier appel est bien celui de Jean-Baptiste : « faites ce qui vous semble juste, en conscience, par rapport à vos responsabilités professionnelles notamment ».

C’est ainsi que vous préparerez les chemins du Seigneur : en comblant les ravins de l’injustice, en redressant les chemins tortueux de pratique professionnelles peu reluisantes, en aplanissant la route des décisions ordinaires  à prendre dans l’exercice de votre métier.

Déontologie, morale, éthique : puisse Jean-Baptiste nous apprendre à ne pas confondre ces trois niveaux de la conversion au Christ, et à en jouer graduellement !


Lectures du 3° Dimanche de l’Avent / Année C

1ère lecture : « Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi » (So 3, 14-18)

Lecture du livre de Sophonie

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem!
Le Seigneur a écarté tes accusateurs, il a fait rebrousser chemin à ton ennemi. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir !
Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. »

Psaume : Is 12, 2, 4bcde, 5-6

R/ Laissons éclater notre joie : Dieu est au milieur de nous.

Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.
Rendez grâce au Seigneur,
proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits !
Redites-le : « Sublime est son nom ! »
Jouez pour le Seigneur,
car il a fait des prodiges que toute la terre connaît.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : Soyez dans la joie : le Seigneur est proche (Ph 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul aux Philippiens

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie.
Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche.
Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes.
Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, gardera votre coeur et votre intelligence dans le Christ Jésus.

Evangile : Jean Baptiste prépare les foules à la venue du Messie (Lc 3, 10-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (collecteurs d’impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
A leur tour, des soldats lui demandaient : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. »
Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas. »
Par ces exhortations et bien d’autres encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick BRAUD
Mots-clés : , , , , , ,