L'homélie du dimanche (prochain)

25 juillet 2021

Exorciser la peur du lendemain

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Exorciser la peur du lendemain

Homélie pour le 18° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
01/08/2021

Cf. également :

Faire ou croire ?
La capacité d’étonnement

Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir
La soumission consentie

Fin du mois, fin du monde

Exorciser la peur du lendemain dans Communauté spirituelle Peur-de-manquer-275x400Rappelez-vous mars 2020 et le début du confinement : les rayons des supermarchés ont été dévalisés en quelques heures de leurs produits de base. Farine, huile, pâtes, riz : tout disparaissait à vue d’œil. Jusqu’au papier toilette, devenu denrée rare ! À croire que les familles françaises stockaient en prévision d’une pénurie mondiale. Et le pire est que cette folle demande en excès a créé quelques pénuries le temps d’ajuster la production à ces consommateurs angoissés. Nos grands-parents nous avaient raconté la période de rationnement d’après-guerre : les tickets pour obtenir de la nourriture au compte-gouttes, les files interminables devant les boulangeries, les rayons où il ne restait qu’une ou deux misérables boîtes de conserve. D’ailleurs, dans beaucoup de familles, les générations suivantes continuent de stocker, par réflexe. Chez moi, ma mère avait toujours un placard rempli de farine, huile, sucre, riz : ‘on ne sait jamais’.

Cette peur de manquer est aussi vieille que l’humanité, que la vie elle-même. L’épisode de la manne que nous lisons ce dimanche (Ex 16, 2-4.12-15) et que l’Évangile de Jean reprend à sa manière (Jn 6, 24-35) en est la trace. Les esclaves hébreux en fuite dans le désert inconnu ont faim et soif. La peur de mourir au milieu de ces rochers brûlants les désespère. Alors, lorsque tombe du ciel la manne inattendue, ils veulent faire des provisions, ‘au cas où’. Et c’est bien légitime. L’interdiction de YHWH n’en est que plus étonnante : pourquoi empêcher d’en ramasser pour le lendemain ? La sanction naturelle pour ceux qui transgressent cette interdiction est tout aussi impressionnante : la manne amassée pourrit dans les paniers de ceux qui voudraient la stocker en prévision des ‘jours sans’.

Comment ne pas nous reconnaître dans cette réaction instinctive des hébreux : peur de manquer, angoisse du lendemain ?

Souvenez-vous des Gilets jaunes en France : sur les ronds-points, ils ferraillaient avec les écologistes sur les urgences de l’action politique. Les uns parlaient de fin du monde, les autres de fin du mois. L’angoisse écolo de la décennie d’après, nourrie par des rapports et des études de collapsologie effrayante, se heurtait à la peur de manquer très concrète de familles modestes où faire manger les enfants et boucler les fins de mois devenait la préoccupation majeure, lancinante et épuisante. Ces deux peurs sont aujourd’hui encore des moteurs importants de l’action politique. Les Français ont épargné des milliards pendant le confinement, suivant sans le savoir ce réflexe des hébreux au désert : mettre le plus possible de côté en prévision des jours mauvais. Joseph, fils de Jacob, avait pourtant été loué pour sa sagesse dans le même livre de l’Exode : il avait su remplir les greniers de blé de l’Égypte au temps des 7 années de vaches grasses pour faire face ensuite aux 7 années de disette les temps de vaches maigres. La sagesse de Jacob auprès de Pharaon a permis à l’Égypte de traverser 7 années de famine. La loi de Moïse a permis aux hébreux dans le désert de traverser 7 fois 7 années d’exode. Pourquoi la sagesse de Jacob au palais de Pharaon autrefois est-elle maintenant condamnée par YHWH au désert ?

Discours de la servitude volontaireAvant de tenter de répondre, regardons de plus près l’angoisse des hébreux : elle est à la fois physique et symbolique. Physique, car elle porte sur un besoin alimentaire en bas de la pyramide de Maslow : manger pour survivre. Symbolique, car la peur de manquer traduit également un déficit de reconnaissance. Les boulimiques par exemple reportent sur la nourriture une recherche de satiété qui s’enracine ailleurs. Le manque affectif caractérise l’être humain dès la séparation d’avec sa mère : il va chercher à recréer l’unité perdue à travers ses liens à autrui, et l’angoisse le saisira s’il a l’impression que l’autre ne répond pas à son désir. Ainsi Caïn avec Dieu contre Abel : il convoite la reconnaissance symbolique qu’Abel obtient auprès de YHWH qui accepte son sacrifice rituel et pas celui de Caïn. De même les hébreux au désert : ils n’ont pas faim que de manne, ils désirent également la variété, la richesse des plats mangés en Égypte : « Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! » (Nb 11, 5 6) Voilà de quoi alimenter la servitude volontaire si bien décrite par La Boétie : préférer l’esclavage repu à la liberté exigeante.

Renoncer à la convoitise

 angoisse dans Communauté spirituelleLa manne est tellement répétitive et son goût est si peu enthousiasmant qu’ils veulent et réclament autre chose. YHWH leur donnera alors les cailles, qui volent par nuage dans le désert du Sinaï et sont faciles à prendre au sol. Mais il va marquer le coup, et les punira d’avoir cédé à leur convoitise : « La viande était encore entre leurs dents, ils n’avaient pas fini de la mâcher que déjà la colère du Seigneur s’enflammait contre le peuple et qu’il frappait le peuple ; il le frappa d’un très grand coup. On appela donc ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11, 33 34).

La convoitise en effet n’est jamais loin de la peur de manquer. Elles se nourrissent l’une de l’autre. L’enjeu de la manne quotidienne est alors d’éduquer cette horde d’esclaves en fuite à ne pas céder à la convoitise. ‘Apprends à ne pas céder à ton désir d’accumulation, et tu maîtriseras la violence tapie à la porte de ton cœur, cette violence que la convoitise engendre et attise’. Pour que nos déserts deviennent les tombeaux de notre convoitise (selon Nb 11), il nous faut apprendre à renoncer à l’accumulation, en faisant confiance à celui qui nous guide.

Avec la violence, la convoitise engendre également l’injustice. Mais ceux qui ramassent la manne sont surpris de constater que chacun en collecte finalement exactement ce qu’il lui faut : « Les fils d’Israël firent ainsi : certains en recueillirent beaucoup, d’autres peu. Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop ; celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. Ainsi, chacun en avait recueilli autant qu’il pouvait en manger » (Ex 16, 17 18). Les premières communautés chrétiennes reprendront ce principe de distribution du bien commun : à chacun selon ses besoins. « Ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. » (Ac 4, 35)

Jésus a éprouvé ce double manque et affronté l’angoisse humaine qui en résulte, pour l’exorciser. Il a eu faim au désert et a refusé la satiété facile que lui proposait le diable. Il a manqué d’air et vécu la terrible angoisse de la lente asphyxie du supplice de la croix, besoin de respirer bien plus vital que le pain. Il a ressenti l’abandon des hommes lors de sa Passion, et pire encore l’abandon de Dieu, pourtant son Père. À Gethsémani, c’est l’angoisse du manque de reconnaissance qui l’a épouvanté ; sur la croix elle l’a fait crier : « Eloï, Eloï, lama sabachthani ? » Face à cette terrifiante angoisse, son combat intérieur a finalement nourri sa confiance – malgré tout – en l’amour de Dieu le guidant jour après jour : « que ta volonté soit faite et non la mienne » (Lc 22,42).

 

Apprendre la convivialité

800px-Tissot_The_Gathering_of_the_Manna_%28color%29 DemainLa deuxième raison de l’interdiction de stocker la manne apparaît alors en filigrane : le souci de la survie physique ne doit pas occulter l’aspiration à une vie plus grande que la nourriture. Ce que nous cherchons est bien plus que de la manne. Nous avons faim de reconnaissance plus que de marmites de viande. Nous avons soif de communion plus que de citernes débordantes. Plus tard, les prêtres du Temple de Jérusalem se souviendront de l’interdit du stockage de la manne en le transposant aux sacrifices d’animaux accomplis au Temple : « Quant à la chair de la victime offerte en sacrifice d’action de grâce et sacrifice de paix, elle sera mangée le jour même où elle est présentée ; on n’en gardera rien pour le lendemain matin. » (Lv 7, 15). Et les commentaires insistent sur l’obligation de communion, de convivialité liée à cet interdit de stocker la viande du sacrifice pour le lendemain :

C’est pour faire connaître le miracle ! Car celui qui apporte l’offrande de rémunération, voyant qu’elle ne peut se consommer que le jour même et la nuit suivante, il invitera ses proches et ses amis à manger et se réjouir avec lui. Ils s’interrogeront alors sur la raison de cette offrande et il leur racontera les miracles et les prodiges dont Hachem l’a gratifié. On en viendra à louer Hachem devant un public important et en présence de sages. Alors que si cette offrande était consommée comme les autres propitiatoires, en deux jours et une nuit, le propriétaire de l’offrande n’aurait invité personne […]. En revanche, voyant la quantité considérable de viande et de pain chez lui, sachant qu’il n’aura la possibilité de les consommer qu’en l’espace d’un jour et d’une nuit, il sera contraint d’inviter un grand nombre de proches pour en manger, par crainte de devenir objet de risée et de ridicule, lorsqu’on le verra brûler une telle quantité de son offrande, et que l’on comprendra qu’il n’avait convié ni famille ni amis [1].

Et Jésus avertit les riches que leurs greniers remplis à ras bord ne leur garantissent pas la vraie vie, au contraire ! « Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu.’ » (Lc 12, 18 22)

 

Avoir faim d’autre chose

fr-con-279-Se-nourrir-de-Dieu-par-sa-Parole exodeRenoncer à la convoitise, apprendre la convivialité… Une troisième raison qui pousse à ne pas conserver la manne reçue est de découvrir la vraie faim qui est la nôtre : « Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 3). Plus nous stockons et accumulons, plus nous croyons être invulnérables, indépendants, n’ayant pas besoin de l’aide des autres. Nos biens entassés nous coupent peu à peu de la relation à autrui, et à Dieu le premier. Comme le dit crûment saint Jacques : « Et vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! » (Jc 5, 1 3).

Accumulation et convoitise se conjuguent pour engendrer injustice et violence.

 

Se laisser guider par la confiance

Une quatrième raison de l’interdiction de l’accumulation de la manne réside dans l’attitude de confiance quotidienne qu’elle développe. Puisque je ne peux faire de réserves, je découvre qu’il me suffit de faire confiance jour après jour, de me laisser guider. « Dieu y pourvoira », disait déjà Abraham à son fils inquiet de l’animal pour le sacrifice. Jésus ne nous a-t-il pas appris à demander notre pain quotidien, et pas un stock de boulangerie ? « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». L’expression grecque exacte employée par Mathieu et Luc pour cette demande du pain qui reprend celle de la manne est :
τὸν (le) ἄρτον (pain) ἡμῶν τὸν (de nous) ἐπιούσιον (suffisant) δὸς (donne) ἡμῖν (nous) σήμερον (aujourd’hui) (Mt 6,11)
Ce qui signifie littéralement : « donne-nous aujourd’hui le pain qui suffit à notre subsistance ». Pas plus, ni moins. Ce qui veut dire que le but de notre prière va plus loin : « que ta volonté soit faite ». Comme le dit Jésus : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Le pain du Notre Père est bien la manne du désert de l’Exode… Le pain eucharistique lui aussi est fait pour être consommé intégralement à chaque eucharistie : on ne conserve quelques hosties que pour les porter ensuite aux malades, aux absents, pas pour stocker du surplus ni en reprendre ! Comme les Juifs conservaient une jarre de manne dans le tabernacle du Saint des Saints, non pour accumuler, mais pour témoigner de la sollicitude de YHWH pour son peuple.  Même l’adorations eucharistique respecte l’interdit du désert : ne pas abuser de la grâce en croyant l’accumuler pour soi…

Dans son Apocalypse, Jean promet que les chrétiens qui tiendront bon dans l’épreuve de la persécution seront soutenus pas une nourriture spirituelle semblable à la manne : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée… » (Ap 2, 17)

manna manne
On retrouve là le sens de la Providence tel que l’invoquait Jésus : non pas une résignation fataliste (Mektoub !), ni une superstition magique dans l’intervention divine surnaturelle, mais une confiance à toute épreuve, comptant sur Dieu en nous plus que sur nos propres forces et ressources accumulées au-dehors. « Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.  Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux » (Mt 6, 28 29)

La pauvreté volontaire de Jésus s’enracine dans sa confiance absolue en son Père, qui le délivre de la peur du manque, qui exorcise l’angoisse du lendemain : « Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34). Chercher la volonté de Dieu jour après jour, faire confiance à sa parole, se laisser guider par son amour : voilà notre véritable exode, où la manne ne nous manquera pas si nous ne refermons pas la main sur le don reçu jour après jour.

Résumons-nous : l’interdiction d’accumuler la manne nous est salutaire pour au moins 4 raisons : renoncer à la convoitise, apprendre la convivialité, se nourrir de parole plus que de pain, se laisser guider par la confiance.

Ne dites pas qu’aucun de ces quatre objectifs ne vous concerne…

Quels sont vos stocks de manne, et où sont-ils ?

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

 

PSAUME
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

ÉVANGILE
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
.Patrick Braud

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29 juillet 2015

La capacité d’étonnement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La capacité d’étonnement


Homélie du 18° dimanche du temps ordinaire / Année B

02/08/2015

Cf. également :

Éveiller à d’autres appétits


« Mann hou ? »
Qu’est-ce que c’est ?

La question des hébreux devant cette fine rosée recouvrant leur camp reflète leur étonnement. À tel point que l’interrogation est devenue le nom de la chose étonnante : la manne. Au lieu d’avoir peur, au lieu de se jeter dessus goulûment, au lieu d’ignorer le phénomène, les hébreux restent devant cette couche de givre inconnue et s’interrogent.

La capacité d'étonnement dans Communauté spirituelle moise31

Il y va pourtant d’un enjeu de taille : leur survie, tout simplement, dans ce désert hostile où la nourriture est rare et peu nombreuse. C’est donc que la condition première pour se nourrir de l’imprévu est d’abord de savoir s’étonner, et de se questionner.

Rainer Maria Rilke conseille cette posture à un jeune apprenti poète :

lettresaunjeunepoete émerveillement dans Communauté spirituelle« Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup, devient l’infiniment grand, l’incommensurable, si vous étendez votre amour à tout ce qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce qui semble misérable, – alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant. Votre entendement restera peut-être en arrière, étonné : mais votre conscience la plus profonde s’éveillera et saura. Vous êtes si jeune, si neuf devant les choses, que je voudrais vous prier, autant que je sais le faire, d’être patient en face de tout ce qui n’est pas résolu dans votre cœur. Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre.

Ne vivez pour l’instant que vos questions.
Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, Lettre n° 4 du 16/07/1903.

Savoir s’étonner est indispensable si l’on veut recueillir le don de Dieu. Chaque jour poser la question : qu’est-ce que c’est ? permet de ne pas passer à côté de ce qui a été déposé à notre porte, à notre insu, pour nous en nourrir.

L’étonnement, dit-on, « c’est l’enfance qui se cultive au quotidien ».

La capacité d’étonnement est la qualité première du philosophe : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? s’interrogeait Leibniz [1]. Et les psaumes en écho prolongent cette interrogation jusqu’à l’homme lui-même : « qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? Le fils d’un homme que tu en prennes souci ? »

« S’étonner », nous dit Platon, « voilà un sentiment tout à fait philosophique. La philosophie n’a pas d’autre origine ». S’étonner est chez le philosophe « le premier symptôme de l’ignorance » ; c’est le moteur du besoin de comprendre.

Les scientifiques sont tout aussi prompts à s’étonner, et curieux eux aussi : « Celui qui ne peut plus trouver ni étonnement, ni surprise, est pour ainsi dire mort, ses yeux sont fermés », écrivait Albert Einstein [2].

Celui qui ne s’étonne pas devient vite blasé, voire cynique.
Celui qui s’habitue ne voit plus l’exceptionnel.
Celui qui ne s’arrête pas pour déceler l’inhabituel passe à côté d’un trésor sans le voir.

Prenez les foules suite à la multiplication des pains dans notre évangile : il y a ceux qui n’ont rien remarqué, satisfaits seulement d’avoir mangé à satiété. Il y a ceux qui ne voient que le produit matériel et en redemandent encore. Quelques-uns prendront du recul et se demanderont : qu’est-ce que cela ? Qui est celui qui nourrit ainsi tant de gens ? Cet étonnement les emmènera ailleurs. Habiter leur questionnement sur Jésus les conduira à le suivre pour en savoir plus sur lui.

Dans son homélie pour la fête de Pâques 2015, le Pape François murmurait :
« On ne peut vivre la Pâque sans entrer dans le mystère.
Ce n’est pas un fait intellectuel, ce n’est pas seulement connaître, lire… C’est plus, c’est beaucoup plus !
“Entrer dans le mystère”, signifie capacité d’étonnement, de contemplation; capacité d’écouter le silence et d’entendre le murmure d’un fin silence sonore dans lequel Dieu nous parle.
Entrer dans le mystère nous demande de ne pas avoir peur de la réalité: de ne pas se fermer sur soi-même, de ne pas fuir devant ce que nous ne comprenons pas, de ne pas fermer les yeux devant les problèmes, de ne pas les nier, de ne pas éliminer les points d’interrogation… »

 

Les trois enfants de l’étonnement

 

L’émerveillement

Celui qui sait s’arrêter sur l’inattendu et s’interroger : qu’est-ce que c’est ? n’est pas loin de pouvoir ensuite s’émerveiller du don de Dieu accordé à travers cette manne de chaque jour. Ne pas s’habituer aux petits miracles quotidiens donne une joie de vivre invincible, car s’alimentant sans cesse des mannes jalonnant notre route. Sainte Thérèse d’Avila disait : « Vous trouverez Dieu au fond de la casserole » !

Le fond de la casserole, c’est peut-être un matin où le ciel est irisé de couleurs improbables. C’est le sourire chaleureux d’un inconnu dans la foule du métro. C’est le coup de fil surprise de quelqu’un qui nous touche. C’est une opportunité insoupçonnée qui se présente au travail etc.

« Le Seigneur a fait pour moi des merveilles » chante Marie dans son Magnificat. C’est parce qu’elle a transformé son étonnement en émerveillement que Marie est remplie de l’allégresse de l’Esprit. Nous aussi nous pouvons enfanter le Verbe en nous si nous savons nous étonner des visites et des annonces qui nous sont faites…

 

L’action de grâces

eucharistie-125447_2 étonnementRendre grâce est dans le droit fil de l’émerveillement : une vie eucharistique est une attention de tous les instants à ce je ne sais quoi qui m’est donné à travers les autres et le monde.

Si cette musique inconnue m’a littéralement ravi hors de moi-même, si cette parole a si fort raisonné en moi, si cette main tendue a été à ce point providentielle, alors il y a de quoi rendre grâce ! Alors l’eucharistie devient la reconnaissance étonnée et émerveillée d’un amour qui me fait vivre à travers mille et une attentions  déroutantes.

 

La révolte

756107 eucharistieL’étonnement peut également conduire à la révolte.

Comment, cette silhouette emmitouflée dans un duvet qui m’a intrigué sur le trottoir est un être humain ? Alors il ne faut pas s’habituer, et sonner  l’insurrection de la bonté comme le criait l’Abbé Pierre, pour que les SDF ne soient pas des milliers, toujours plus nombreux.

Comment, la dette de la France est de 2 000 milliards, l’équivalent de la richesse produite chaque année ? Et personne ne s’en alarme outre mesure ? Mais pourquoi plus personne ne s’en étonne ? Pourquoi ne pas se révolter contre ces nuages noirs  s’amoncelant sur la tête de nos enfants ?

Comment, une grossesse sur cinq n’arrive plus à terme, et cela n’étonne personne ?

Ne pas s’habituer peut conduire à une réaction salutaire. Le mouvement des indignés de Stéphane Hessel est né de ce regard étonné sur une réalité injuste.

En posant la question : « Mann hou ? », qu’est-ce que c’est ? le peuple hébreu au désert s’est ouvert la voie d’une attitude spirituelle toujours actuelle. Sortir de son camp pour aller voir de plus près ce qui intrigue, prendre le temps d’habiter la question surgie de l’étonnement, puis recueillir humblement chaque jour ce qui nous est donné pour avancer sur la route…

 

La manne est une figure de l’eucharistie en ce sens qu’elle nous apprend à recevoir sans nous habituer, à rendre grâce sans cesser de marcher…


[1]. Principes de la nature et de la grâce, 1714.

[2]. dans : Comment je vois ce monde, publié en 1934.

 

 

 

 

1ère lecture : « Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)
Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là,      dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël  récriminait contre Moïse et son frère Aaron.      Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir  de la main du Seigneur, au pays d’Égypte,  quand nous étions assis près des marmites de viande,  quand nous mangions du pain à satiété !  Vous nous avez fait sortir dans ce désert  pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! »     Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous.  Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne,  et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi.     J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël.  Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande  et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété.  Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »

    Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ;  et, le lendemain matin,  il y avait une couche de rosée autour du camp.      Lorsque la couche de rosée s’évapora,  il y avait, à la surface du désert, une fine croûte,  quelque chose de fin comme du givre, sur le sol.      Quand ils virent cela,  les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?),  car ils ne savaient pas ce que c’était.  Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume : Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a

R/ Le Seigneur donne le pain du ciel !  (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

2ème lecture : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères,     je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens  qui se laissent guider par le néant de leur pensée.     Mais vous, ce n’est pas ainsi  que l’on vous a appris à connaître le Christ,      si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet  s’accordent à la vérité qui est en Jésus.      Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois,  c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises  qui l’entraînent dans l’erreur.      Laissez-vous renouveler  par la transformation spirituelle de votre pensée.      Revêtez-vous de l’homme nouveau,  créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

Évangile : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
L’homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Alléluia.  (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là,     quand la foule vit que Jésus n’était pas là,  ni ses disciples,  les gens montèrent dans les barques  et se dirigèrent vers Capharnaüm  à la recherche de Jésus.      L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »      Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez,  non parce que vous avez vu des signes,  mais parce que vous avez mangé de ces pains  et que vous avez été rassasiés.      Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd,  mais pour la nourriture qui demeure  jusque dans la vie éternelle,  celle que vous donnera le Fils de l’homme,  lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »      Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »      Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu,  c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »      Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir  pour que nous puissions le voir, et te croire ?  Quelle œuvre vas-tu faire ?      Au désert, nos pères ont mangé la manne ;  comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »  Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse  qui vous a donné le pain venu du ciel ;  c’est mon Père  qui vous donne le vrai pain venu du ciel.      Car le pain de Dieu,  c’est celui qui descend du ciel  et qui donne la vie au monde. »     Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. »     Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie.  Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ;  celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
Patrick BRAUD

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13 mars 2010

Ressusciter, respirer, se nourrir…

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Ressusciter, respirer, se nourrir…

ou

le lien entre Pâques et l’eucharistie

 

Homélie du 4° dimanche de carême / Année C

14/03/10

 

Nous sommes en plein carême. Nous accompagnons les catéchumènes, ces adultes qui se préparent – que nous préparons – au baptême pour la nuit de Pâques. L’événement du baptême est si fort qu’il en vient parfois à occulter les deux autres aspects de ce qui se passe dans la nuit de Pâques pour eux : la confirmation, et la première communion au corps du Christ (dans l’ordre).

 

Or ce lien entre les trois sacrements est capital. Le rituel de l’initiation chrétienne des adultes l’affirme avec force : « Par les sacrements de l’initiation chrétienne, les hommes, délivrés de la puissance des ténèbres, morts avec le Christ, ensevelis avec lui et ressuscités avec lui, reçoivent l’Esprit d’adoption des fils et célèbrent avec tout le peuple de Dieu le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur » (n° 1).

« Les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie constituent la dernière étape de l’initiation chrétienne.  Recevant le pardon de leurs péchés, les catéchumènes sont incorporés au peuple de Dieu, adoptés comme fils de Dieu, introduits par l’Esprit Saint dans le temps de l’accomplissement des promesses, et ils goûtent déjà au festin du Royaume de Dieu par le sacrifice et le repas eucharistiques » (n° 202).

 

Ressusciter, respirer, se nourrir... dans Communauté spirituelle rdv_pessah_matzah_275Notre première lecture est facilement réinterprétable dans ce sens : « les fils d’Israël célébrèrent la Pâque. Le lendemain de la Pâque, ils mangèrent le produit de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés ». (Jo 5,10-12)

 

Célébrer la Pâque conduit logiquement à se nourrir d’autre chose que de la manne.

De même, être baptisé amène à chercher d’autres nourritures qu’avant le baptême, et le « pain sans levain » de l’eucharistie est la nourriture de celui qui est entré au-delà du Jourdain dans la terre de sa liberté.

Traverser le Jourdain, comme traverser la mer Rouge, c’est symboliquement traverser la mort, mourir à ses anciens esclavages.

Comme dans la parabole dite « du fils prodigue » d’aujourd’hui : le fils cadet traverse la famine, la misère, la honte d’être moins qu’un porc, et revient vers son père… pour manger ! (« Moi ici je meurs de faim » Lc 15,17)

Et d’ailleurs, aussitôt son fils retrouvé, le père célèbre la Pâque de son fils? en faisant un festin ! (« mangeons et festoyons, car mon fils était mort et il est revenu à la vie » v. 24)

 

Jésus fait lui aussi ce lien entre la résurrection et la nouvelle nourriture : il ordonne de donner à manger à la jeune fille de 12 ans qu’il vient de réveiller (Lc 8,55) ; il va manger avec les pécheurs (Lc 5,30) ; il n’est pas comme la manne incapable de conjurer la mort, mais comme le pain de vie : « celui qui en mangera ne mourra pas » (Jn 6,50).

 

Le lien entre Pâques et l’eucharistie est donc fortement préfiguré dans toute la Bible, et il rejaillit sur l’unité entre les trois sacrements de l’initiation chrétienne.

- À quoi servirait de renaître si on ne nourrissait pas de cette vie nouvelle ? Ce serait de l’anorexie spirituelle ! Et pourtant, ce lien sans doute a été affaibli dans nos consciences, au point que beaucoup se disent catholiques sans  jamais nourrir cette identité catholique (et cette anorexie peut nous guetter tous, même temporairement…).

- Et réciproquement, quel sens cela aurait-il de venir communier sans enraciner cette démarche dans la Pâque du Christ ? Que voudrait dire « prendre l’hostie » si c’est seulement pour faire comme tout le monde (ou presque !), sans d’abord passer par la mort et la résurrection, c’est-à-dire sans vivre d’abord ce chemin de conversion ou nous mourons à nos esclavages pour renaître à notre vraie liberté, intérieure et extérieure ?

 

Josué fait traverser le fleuve, le peuple célèbre la Pâque, puis se nourrit du pain de la Terre promise.

Aujourd’hui, nous menons le combat spirituel du Carême, demain nous célébrerons la Pâque avec les catéchumènes en les baptisant, et avec eux nous nourrirons cette vie nouvelle grâce au pain de la Parole et de l’eucharistie.

 

C’est l’Esprit qui guide son peuple à travers toutes ces étapes.

C’est l’Esprit du sacrement de confirmation qui suscite la faim de liberté et le désir d’une autre nourriture.

C’est l’Esprit qui nous rend fermes (nous « con-firme ») dans cet état de ressuscités en nous faisant prendre une autre alimentation, bien plus « bio », « durable », « équitable » et « éthiquable » que l’ancienne !

 

Les catéchumènes baptisés, confirmés et eucharistiés lors de la nuit de Pâques nous conduirons ainsi à redécouvrir l’unité et la cohérence de l’initiation chrétienne.

Oui il y a un lien entre Pâques et l’eucharistie, et ce lien c’est l’Esprit « vivifiant » (cf. le Credo).

Oui il y a un lien entre notre baptême, notre confirmation, et notre participation au repas eucharistique.

Oui il y a un lien entre se réveiller d’entre les morts, se laisser conduire par l’Esprit, et se nourrir et du pain eucharistique.

Oui : ressusciter, respirer et se nourrir vont bien ensemble, au point que cesser l’un c’est mettre en péril les deux autres.

 

Et vous, sur lequel de ces trois verbes devez-vous mettre l’accent pour terminer ce Carême en beauté ?

 

1ère lecture : L’arrivée en Terre Promise et la célébration de la Pâque (Jos 5, 10-12)

Lecture du livre de Josué

Après le passage du Jourdain, les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho.
Le lendemain de la Pâque, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés.
A partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient les produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.

 

Psaume : Ps 33, 2-3, 4-5, 6-7

R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur

 

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.

 

2ème lecture : Réconciliés avec Dieu par le Christ (2Co 5, 17-21)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, si quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né.
Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation.
Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui ; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés, et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation.
Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.
Frères, si quelqu »un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s »en est allé, un monde nouveau est déjà né
Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c »est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu.

 

Evangile : Parabole du père et de ses deux fils (Lc 15, 1-3.11-32)

Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Alors Jésus leur dit cette parabole :
Jésus disait cette parabole : « Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part d’héritage qui me revient.’ Et le père fit le partage de ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il gaspilla sa fortune en menant une vie de désordre.
Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans cette région, et il commença à se trouver dans la misère.
Il alla s’embaucher chez un homme du pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
Alors il réfléchit : ‘Tant d’ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !
Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi.
Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Prends-moi comme l’un de tes ouvriers.’
Il partit donc pour aller chez son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…’
Mais le père dit à ses domestiques : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds.
Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons.
Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent la fête.
Le fils aîné était aux champs. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.
Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait.
Celui-ci répondit : ‘C’est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a vu revenir son fils en bonne santé.’
Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père, qui était sorti, le suppliait.
Mais il répliqua : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.
Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’
Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »

Patrick BRAUD 

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