« Même pas peur »…
« Même pas peur »…
Homélie du 33° Dimanche / Année C
Dimanche 17 Novembre 2013
Journée nationale du Secours Catholique
La peur de la fin du monde est comme une constante de l’histoire de l’humanité.
À croire que cette peur est utile à certains qui l’exploitent.
Du temps de Jésus, la peur de la fin du monde, c’était la peur de l’anéantissement d’Israël par les Romains, la peur de la destruction du temple de Jérusalem évoquée par Jésus, ou l’arrivée triomphale du Messie Juif. Mais ce n’était jamais que la fin d’un monde (et non la fin du monde).
Plus près de nous, les deux dernières guerres mondiales ont ravivé cette peur.
Puis il y a eu la guerre froide et la peur de l’auto-destruction nucléaire.
Le marxisme chantait d’ailleurs à l’époque l’écroulement inéluctable de l’économie de marché, et manipulait cette peur pour hâter la venue d’une société nouvelle d’après le cataclysme.
Certains courants écologiques ont pris le relais, prophétisant la fin de la planète…
Ou certains courants politiques ont utilisé la peur du 11 septembre comme la menace de la fin de notre monde.
Vous voyez, chaque période crée sa peur, comme un miroir.
Or, Jésus refuse de se laisser entraîner dans cette excitation apocalyptique.
Il nous avertit : « Quand vous entendrez parler de ces catastrophes, ne vous effrayez pas. Ce ne sera pas tout de suite la fin ».
Ne vous laissez donc pas prendre à la fascination des grandes catastrophes.
Ne vous laissez pas entraîner par ce pessimisme ambiant qui laisse la peur dominer sur la raison.
Ne soyez pas effrayés par ceux qui vous annoncent la fin du monde, ou même la fin d’un monde.
D’ailleurs, pour nous chrétiens, la fin du monde a déjà eu lieu !
Aussi étonnant que cela puisse paraître, dans l’évangile, la fin du monde est déjà arrivée, le Règne de Dieu est déjà au milieu de nous !
Ce n’est pas au terme de l’histoire que sera révélée la vérité de l’homme, c’est au milieu de l’histoire que cela a été accompli, dans la Passion-Résurrection du Christ.
Voilà pourquoi nous sommes libres de ne pas courir après les dernières peurs à la mode.
Quand le Christ prononce : « Tout est accompli » sur la croix, c’est réellement la fin, la plénitude, le terme qui est déjà à l’oeuvre, présent dans nos vies.
Regardez les façade de nos cathédrales romanes : le Christ dans la mandorle de gloire attire à lui tous les hommes, toute l’histoire, tout l’univers.
C’est le Christ de l’Ascension qui a déjà tout accompli lorsqu’il est élevé auprès du Père.
C’est en même temps le Christ de la fin des temps qui reviendra manifester la vérité du monde.
Mais depuis l’Ascension, notre monde a déjà basculé en Christ du côté de la Résurrection, de la divinisation de l’homme.
Quelles sont les conséquences pratiques de cette conception chrétienne de la fin du monde au milieu de l’histoire ?
- D’abord ne plus avoir peur.
Les prophètes de malheur ne pourront jamais nous détourner de ce qui est pleinement accompli en Christ.
- Ensuite, nous sommes libres :
* Libres de témoigner de cet avenir déjà présent, jusque dans la persécution s’il le faut.
* Libres de ne pas être fascinés par les chiffres, par le quantitatif, car si le Royaume est déjà là sous forme de graine, cela suffit pour tout transformer.
* Libres de combattre tout catastrophisme, toute « terreur sacrée » où l’on voudrait nous embrigader dans des pensées inhumaines, comme le marxisme autrefois, sous prétexte de fin du monde.
* Libres enfin de travailler – comme les martyrs des 1er siècles alors que l’empire romain s’écroulait – à l’émergence d’un monde nouveau que Dieu façonne sans cesse.
Ne nous résignons pas à la résignation ambiante.
Nous avons oublié l’eschatologie (c’est-à-dire l’espérance en l’accomplissement final) et sa réalité profonde : l’Éternel est présent dans le temps et les signes du Royaume de Dieu sont semés dans la lourde pâte de notre monde. À nous de discerner cette pédagogie divine à base de confiance.
Demandez aux 65 000 bénévoles du Secours catholique s’ils se résignent ! Demandez aux 1000 salariés du Secours s’ils s’affolent ! La pauvreté augmente en France, c’est vrai. Mais en cette journée Nationale du Secours Catholique, nous ne cédons pas au catastrophisme.
Partout, notre don agit. Le Secours catholique est un service de l’Église de France pour faire rayonner la charité, pour que partout votre don agisse, par la prière, le don matériel, le soutien scolaire, en créant des groupes de parole, des lieux de fraternité, en interpellant la société au sujet des plus faibles. Le rapport annuel du Secours Catholique sur la pauvreté en France insistait notamment sur la détresse grandissante de ce que l’on appelle pudiquement : ‘les familles monoparentales’, c’est-à-dire les femme seules avec enfants. Mais ce n’est pas nous faire peur que le Secours nous informe, c’est pour agir !…
Si on vous parle de catastrophes et de fin du monde, ne vous effrayez donc pas, nous redit Jésus aujourd’hui. « N’y allez pas ! N’y courez pas ! » (Lc 17,23).
Gardez en vous cette distance intérieure, cette « réserve eschatologique » (Jean-Baptiste Metz) qui vient de votre appartenance à l’autre monde, celui que le Christ a déjà inauguré par sa Résurrection et son Ascension au plus haut.
Ne vous laissez pas égarer par les dernières peurs à la mode…
1ère lecture : De l’esclavage du péché au service de Dieu (Rm 6, 12-18)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, il ne faut pas que le péché règne dans votre corps mortel et vous fasse obéir à ses désirs. Ne mettez pas les membres de votre corps au service du péché pour mener le combat du mal : mettez-vous au contraire au service de Dieu comme des vivants revenus de la mort, et offrez à Dieu vos membres pour le combat de sa justice. Car le péché n’aura plus sur vous aucun pouvoir : en effet, vous n’êtes plus sujets de la Loi, vous êtes sujets de la grâce de Dieu.
Alors ? Puisque nous ne sommes pas sujets de la Loi, mais de la grâce, allons-nous recommencer à pécher ? Absolument pas. Vous le savez bien : en vous mettant au service de quelqu’un pour lui obéir comme esclaves, vous voilà esclaves de celui à qui vous obéissez : soit du péché, qui est un chemin de mort ; soit de l’obéissance à Dieu, qui est un chemin de justice. Mais rendons grâce à Dieu : vous qui étiez esclaves du péché, vous avez maintenant obéi de tout votre c?ur à l’enseignement de base auquel Dieu vous a soumis. Vous avez été libérés du péché, vous êtes devenus les esclaves de la justice.
Psaume : 123, 2-3, 4-5, 7
R/ Notre secours est dans le nom du Seigneur.
Sans le Seigneur qui était pour nous
quand des hommes nous assaillirent,
alors ils nous avalaient tout vivants,
dans le feu de leur colère.
Alors le flot passait sur nous,
le torrent nous submergeait ;
alors nous étions submergés
par les flots en furie.
Comme un oiseau, nous avons échappé
au filet du chasseur ;
le filet s’est rompu :
nous avons échappé.
Evangile : Attendre le retour du Seigneur : parabole de l’intendant fidèle (Lc 12, 39-48)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux celui qui veille dans la prière : il sera jugé digne de paraître debout devant le Fils de l’homme. Alléluia.(cf. Lc 21, 36)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Jésus disait à ses disciples : « Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »
Pierre dit alors : « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? »
Le Seigneur répond : « Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ?
Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail. Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens.
Mais si le même serviteur se dit : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.
Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »
Patrick Braud