L'homélie du dimanche (prochain)

12 mars 2023

Les faits sont têtus !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Les faits sont têtus !

Homélie pour le 4° Dimanche de Carême / Année A
19/03/2023

Cf. également :

Rousseur et cécité : la divine embauche !
Témoin, à la barre !
Faut-il shabbatiser le Dimanche ?
La barre de fraction de la foi
Ne vous habituez pas à vivre dans le mensonge
La violence a besoin du mensonge

Faites tourner la danseuse…
Les faits sont têtus ! dans Communauté spirituelle danseuse-deux-sensRegardez bien cette image. Voyez la danseuse tourner.
Oui, mais dans quel sens ? Fixez-la un certain temps et vous serez surpris de la voir tourner en sens inverse, alors qu’évidemment l’image n’a pas changé d’un iota ! Le plus étrange, c’est qu’à aucun moment nous n’avons conscience de la moindre ambiguïté : on est sûr de la voir tourner comme ceci ou comme cela. L’ambiguïté n’apparaît qu’après coup, quand on se rend compte que notre point de vue a changé alors que le film est toujours le même. Cette perception, que l’on appelle perception bistable oscille entre deux interprétations possibles.
Comme quoi notre cerveau nous joue des tours, il ne voit que ce qu’il veut bien voir…
Ces illusions d’optique sont connues et exploitées depuis longtemps. Il faut croire malheureusement que l’aveugle-né de notre évangile (Jn 9,1-41) est un peu une danseuse aux yeux des pharisiens : ils veulent qu’il tourne dans un sens, et ne comprennent pas pourquoi lui dit tourner en sens inverse !

Niels Bohr vs Albert Einstein

Niels Bohr vs Albert Einstein

Les faits sont têtus
C’est le propre des idéologues que de tordre la réalité jusqu’à ce qu’elle corresponde plus ou moins à leur conception théorique.
En science, ce genre d’aveuglement a empêché de grands savants d’accepter des théories nouvelles pourtant plus performantes. Bien sûr on se souvient de l’Église romaine, si imbue de son interprétation (littérale) de la Bible qu’elle ne pouvait accepter la réalité d’une Terre tournant autour du soleil et non l’inverse.
Même le grand Einstein est tombé par deux fois dans ce piège. Quand il a voulu sauver la fixité de l’univers à laquelle il croyait dur comme fer, a priori, il a rajouté une « constante cosmologique » dans ses équations de l’univers pour que la réalité s’ajuste à son schéma préconçu. Et quand il a voulu prouver que « Dieu ne joue pas aux dés » dans sa célèbre controverse avec Niels Bohr. Il a perdu, car le hasard est bel et bien à l’œuvre dans l’infiniment petit. Et ce fut un échec cuisant, très difficile à accepter pour Einstein car cela heurtait toutes ses idées sur le réel. Si même Einstein a voulu tordre la réalité pour qu’elle colle à ses représentations, n’espérons pas éviter cette tentation, ce piège de l’intelligence et du cœur.
Comme quoi un schéma préconçu peut empêcher de constater l’évidence physique ! Rassurez-vous, il paraît qu’il y encore 9 % de ‘platistes’ en France, c’est-à-dire de gens qui croient que la Terre est plate ! 

Pendant le Covid, nous avons eu droit aux théories délirantes des antivax et autres complotistes refusant de constater la réalité et bricolant de faux arguments pour contredire les faits. Pendant la guerre en Ukraine, nous avons droit aux contrevérités ahurissantes doctement énoncées par Poutine et ses sbires, mentant ‘les yeux dans les yeux’ à la caméra comme autrefois Mitterrand devant Chirac dans un débat télévisé célèbre… Il faut dire que côté russe, le déni de la réalité est une tradition de plus de 70 ans, et ça laisse des traces. Le sultan d’une époque ancienne aurait dit à propos de l’ambassadeur de Russie, le comte Ignatov : « Cet homme est tellement menteur que même le contraire de ce qu’il dit n’est pas toujours vrai ». TRUTH___PRAVDA_by_asyenka-257x300 aveugle dans Communauté spirituelleUne vieille blague soviétique circulait au sujet de la Pravda (« Vérité ») et Izvestia (« Les informations »), les deux grands journaux de l’URSS : « Il n’y a aucune vérité dans Les informations, et pas la moindre information dans La Vérité ».

On attribue à Lénine la phrase apparemment solide : « les faits sont têtus ». Il l’emploie pour la première fois dans une « lettre aux camarades » de 1917, à propos du soulèvement paysan en Russie :
« Le fait capital dans la vie actuelle de la Russie, c’est le soulèvement paysan. Voilà comment s’effectue en réalité le passage du peuple aux côtés des bolcheviks ; la démonstration est faite non point en paroles, mais en actes. […] Ainsi, les faits confirment la justesse de la ligne du bolchévisme et ses progrès. […] C’est un fait. Les faits sont têtus ». En réalité, il va choisir dans les évènements ceux qui confortent sa thèse…
Il réemploie l’expression pour opposer les matelots de Petrograd, qui se révoltaient, à leurs amiraux en fuite : « Ce sont les héroïques matelots qui combattent, mais cela n’a pas empêché deux amiraux de prendre la fuite avant la prise de l’île d’Œsel !! C’est un fait. Les faits sont têtus. Les faits prouvent que des amiraux sont capables de trahir tout comme Kornilov. Le commandement est partisan de Kornilov, c’est un fait incontestable ».
On apprend quand même au détour d’une autre lettre de 1918 que Lénine reconnaît avoir emprunté le dicton à la sagesse anglaise…
On sait surtout que ce même Lénine, que l’on présente quelquefois comme un ‘doux’ que Staline aurait trahi, était partisan du mensonge, et même de la terreur, pour faire aboutir la cause bolchevique :
« Si pour l’œuvre du communisme il nous fallait exterminer les neuf dixièmes de la population, nous ne devrions pas reculer devant ces sacrifices », écrit-il froidement. Il  ajoute : « Le mensonge n’est pas seulement un moyen qu’il est permis d’employer, c’est le moyen le plus éprouvé de la lutte bolchévique ». Parfois le masque se lève.
C’est lui qui écrivit au Commissaire du peuple Koursky en 1921 : « Camarade Koursky, d’après moi il faut étendre l’application de la fusillade… Pour compléter notre conversation je vous envoie une esquisse d’un paragraphe supplémentaire du Code pénal….La pensée de base, j’espère, est claire, malgré tous les défauts du brouillon : il faut exposer ouvertement une position véridique du point de vue des principes et de la politique (et non pas étroitement juridique), de façon à motiver l’essence et la justification de la terreur, sa nécessité, ses limites. La Justice ne doit pas supprimer la terreur (promettre cela serait tromper ou se tromper) mais la fonder et la légitimer en principe, clairement, sans faux-fuyants ni ornements ».

citation4-1 cécité

Le mensonge totalitaire comme moyen de gouvernement impose par le contrôle des communications et par la terreur répressive une vérité obligatoire, conduisant au double langage et à la construction d’une « surréalité » sans rapport avec le réel.
Tordre la réalité est légitime aux yeux de Lénine si c’est pour faire réussir la lutte ! Malheureusement, le mensonge et la terreur vont de pair comme l’avait si bien diagnostiqué Soljenitsyne : le communisme est le règne du mensonge, et il est terrifiant. Le pouvoir russe actuel est le digne héritier de ces pratiques soviétiques.
Vous me direz : les mensonges des Américains pour envahir l’Irak n’étaient pas plus vrais ! Et vous aurez raison. Et il faut y ajouter pêle-mêle les affolantes ‘post-vérités’ de Donald Trump, l’obstination déraisonnable des climatosceptiques, le déni du génocide arménien par les Turcs, des Vendéens par la République française, des Ouïghours par les Chinois, le refus de la différence sexuée en Occident, le négationnisme contestant la réalité de la Shoah ou de l’Holodomor, le déni de la réalité de l’IVG etc.
Arrêtons là, car la liste est épouvantable.
 

Il n’y a pas pire aveugle…
Jésus et les PharisiensDécidément, l’aveuglement des pharisiens est de toutes les époques et de toutes les cultures, hélas !
Le pauvre aveugle de naissance a beau leur fournir son dossier médical, la preuve de son opération par Jésus, et son état actuel de voyant, les pharisiens n’en démordent pas : Jésus n’est qu’un pécheur, donc il ne peut pas guérir, encore moins un jour de shabbat, donc soit l’aveugle n’est pas vraiment guéri, soit il n’était pas vraiment aveugle.
Croit-on ce que l’on voit ou voit-on ce que l’on croit ?
Nier la réalité ne change pas la réalité mais la perception que nous en avons.
Un peu comme la danseuse qui tourne dans un sens ou dans un autre selon ce que le cerveau a décidé de voir, les témoins de la scène de l’aveugle-né tournent comme des girouettes au vent de leurs croyances.
« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble ».
Et lui est obligé de réaffirmer l’évidence : « c’est bien moi ».
Pour être juste avec les pharisiens, il faut noter qu’ils sont divisés eux aussi. Certains croient une réalité, d’autres une autre :
« Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat ». D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés ».
Les parents de l’aveugle restent prudents : ils se contentent de constater les faits, mais refusent de les interpréter, par peur des juifs.
« Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer ».
Pour la seconde fois, les pharisiens veulent tordre la réalité des faits jusqu’à ce qu’ils correspondent à leur vision a priori :
« Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur ».
Et à nouveau le pauvre homme les ramène à la réalité des faits, que lui ne peut nier car il en est le centre :
« Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois ».
Décidément, il y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !
 

Ceux qui voient deviennent aveugles
D’où le constat amer que fait Jésus à la fin : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ».
La remise en question (en grec κρίμα = krima= jugement) apportée par Jésus nous concerne chacun et tous.
C’est bien rare si à l’échelle d’une vie vous n’aurez pas de radicales questions à vous poser, de radicales remises en cause à opérer, dans un domaine ou un autre.
 LénineD’anciens marxistes disciples de Che Guevara comme Régis Debray ont ouvert les yeux sur la folie de leur engagement de jeunesse. Des traders de Lehman Brothers n’ont échappé au suicide que par une reconversion totale. Des salariés démissionnent d’un bullshit job après que les confinements successifs leur aient fait voir l’inanité ou la dangerosité de leur emploi. Bienheureuse crise qui nous lave le regard…. !

Une vraie crise personnelle relève du traitement de Siloé : de la boue pour se rappeler l’humus de notre condition humaine, s’en frotter les yeux pour qu’une nouvelle Création débute comme à la Genèse, une marche vers Siloé pour apprendre à être autonome, un plongeon dans la piscine pour se laver de ce qui nous empêchait de voir, un retour parmi les nôtres pour témoigner de la réalité de l’action du Christ en nous…

Bienheureuse crise qui verra s’effondrer nos certitudes idéologiques aveuglantes !
Bienheureuse boue qui nous obligera à nettoyer en profondeur notre manière de voir les choses et les êtres !
Quand cette crise, quand ce jugement arrive, réjouissons-nous, laissons-nous faire !
Et surtout ne laissons pas les autres raconter à notre place ce qui nous est arrivé…

 

LECTURES DE LA MESSE

1ère lecture : Dieu choisit David comme roi de son peuple (1S 16, 1b.6-7.10-13a)

Lecture du premier livre de Samuel
Le Seigneur dit à Samuel : « J’ai rejeté Saül. Il ne règnera plus sur Isaraël. Je t’envoie chez Jessé de Bethléem, car j’ai découvert un roi parmi ses fils. Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! »
En arrivant, Samuel aperçut Éliab, un des fils de Jessé, et il se dit : « Sûrement, c’est celui que le Seigneur a en vue pour lui donner l’onction ! »
Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. »
Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. N’as-tu pas d’autres garçons ? »
Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. »
Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »
Jessé l’envoya chercher : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau.
Le Seigneur dit alors : « C’est lui ! donne-lui l’onction. »
Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

Psaume : Ps 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; 
il me conduit par le juste chemin 
pour l’honneur de son nom. 

Si je traverse les ravins de la mort, 
je ne crains aucun mal, 
car tu es avec moi : 
ton bâton me guide et me rassure. 

Tu prépares la table pour moi 
devant mes ennemis ; 
tu répands le parfum sur ma tête, 
ma coupe est débordante. 

Grâce et bonheur m’accompagnent 
tous les jours de ma vie ; 
j’habiterai la maison du Seigneur 
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Vivre dans la lumière (Ep 5, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtres aux Éphésiens
Frères,
autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière ? or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité ? et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur.
Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt.
Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte d’en parler.
Mais quand ces choses-là sont démasquées, leur réalité apparaît grâce à la lumière, et tout ce qui apparaît ainsi devient lumière. C’est pourquoi l’on chante :
Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

Évangile : L’aveugle-né (Jn 9, 1-41 [Lecture brève : 9, 1.6-9.13-17.34-38])
Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Lumière du monde, Jésus Christ, celui qui marche à ta suite aura la lumière de la vie.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »

Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.
Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer ? car il était mendiant ? dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »
On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.

Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »
Patrick Braud

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30 juillet 2018

Faire ou croire ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Faire ou croire ?

Homélie pour le 18° dimanche du temps ordinaire / Année B
05/08/2018

Cf. également :

La capacité d’étonnement
Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir

 

« Que faire ? »

Faire ou croire ? dans Communauté spirituelle 41CABbWLTuL._SL500_SY344_BO1,204,203,200_Ce titre d’un essai de Lénine est un bon indicateur de l’état d’esprit révolutionnaire [1]. Lorsqu’il l’écrit en 1901, Lénine cherche à faire advenir cette transformation sociale que Marx avait prophétisée inéluctable quelques années auparavant. Faire l’histoire, c’est selon lui organiser un parti central, une stratégie de conquête du pouvoir et une politique pour le conserver à tout prix. Il veut forcer la main aux événements, faire accoucher l’histoire au forceps, au lieu d’attendre que la révolution arrive d’elle-même (en Angleterre ou en Allemagne comme Marx le pensait). Il veut faire entrer la réalité dans ses analyses ; il veut transformer le réel pour qu’il devienne conforme à sa vision du monde. L’obsession du faire est caractéristique de ces hommes d’action qui se définissent par les résultats, le pragmatisme et l’efficacité. On sait depuis que ce volontarisme historique est devenu le marxisme-léninisme, avec 60 à 80 millions de morts à la clé…

En religion également, l’obsession du faire guette tous les pratiquants réguliers. Les catholiques se sont longtemps définis par l’obligation d’aller à la messe, d’avoir une vie à peu près morale pour « gagner son ciel » ou « faire son salut ». En protestantisme, les puritains sont envahis de prescriptions à respecter, de conventions sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. En judaïsme, les orthodoxes se noient dans des rituels compliqués et obscurs observés à la lettre, et leur vie quotidienne est corsetée par des obligations du matin au soir. En islam, la vraie religion est d’abord de faire : faire le ramadan, le pèlerinage à la Mecque, l’aumône, la prière… Peu importe à la limite votre vie intérieure, c’est la pratique de ce qui est obligé et le refus de ce qui est interdit qui fait de vous un bon ou un mauvais musulman [2].

foi%20pilote2 croire dans Communauté spirituelleJésus s’est confronté de plein fouet à cette obsession du faire, maladive et hypocrite. Dans l’Évangile de ce dimanche, au lieu de fustiger les dérives de ceux qui lui demandent : « que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? », Jésus leur répond en indiquant une autre voie : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »

Autrement dit, croire c’est faire, alors que faire n’est pas croire.

Cette réponse est scandaleuse pour des juifs (ou des musulmans, où des chrétiens) pratiquants. Ils sont persuadés que c’est en amassant des bonnes œuvres et des prières qu’ils vont obtenir leur passeport vers le ciel. Et voilà qu’au bureau de douane, le Christ ne leur demande pas : ‘qu’as-tu fait ?’ mais : ‘as-tu cru ?’

Comment ! ? Mais alors à quoi servent tous nos efforts religieux ? À quoi sert d’aller à la synagogue (ou à la messe), de manger kasher, d’être circoncis, de respecter le shabbat etc. ? À rien, répond tranquillement Jésus. Ce n’est pas ce que tu fais qui te sauvera, mais ce que tu crois, c’est-à-dire la relation de confiance que tu nourris avec ton Dieu et tes proches. Si tu crois ainsi, le reste sera donné par surcroît.

foi%20bird3 faireCrois d’abord, et non pas : fais d’abord : voilà l’Évangile, voilà ce qui le distingue de toutes les religions humaines. Tous les systèmes religieux que l’homme a imaginés disent à celui qui cherche Dieu : « Fais et tu vivras ». Fais des pénitences, entreprends un long pèlerinage, pratique des exercices de développement personnel, impose-toi une discipline morale etc.… et tu seras sauvé. Ou bien : Fais de bonnes œuvres, assiste les pauvres, visite les malades… et tu auras le pardon de tes péchés.

Combien différent est le langage de l’Évangile : Crois ! Cesse de te consumer en efforts stériles pour accomplir toi-même ta réconciliation avec Dieu, tu n’y réussiras jamais… Il te reste un moyen d’être délivré ; accueille le salut qui t’est donné gratuitement.

Cette dialectique est subtile et demande à ne pas être aplatie à l’extrême en la réduisant à l’un de ses termes. Car quiconque en conclurait – à la manière des Quakers et autres quiétistes - que nos actions n’ont aucune importance, celui-là n’aurait pas compris le lien réel entre le croire et faire. C’est l’ordre qui est important. Croire d’abord permet de faire ensuite, sans même le vouloir, naturellement, de manière illucide. Et non à la force du poignet. Alors que faire d’abord éloignera finalement du croire (en Dieu), car ma réussite ou mes échecs m’entraînent à compter sur moi toujours plus et non sur Dieu.

Plusieurs passages de l’Écriture tournent autour de cette dialectique : faire / croire.

Laisse-faire LénineIsaïe 26,12 : Seigneur, tu nous assures la paix, et même toutes nos œuvres, tu les accomplis pour nous.

Jean 15,5 : Sans moi vous ne pouvez rien faire.

Jean 14, 12-14 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais; et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers le Père. Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

Actes 16, 30-31 : - Que faut-il que je fasse pour être sauvé ?
- Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. »

Éphésiens 3,20 :  (Gloire) à Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir,

Philippiens 2,13 : Dieu est là qui opère en vous à la fois le vouloir et le faire, au profit de ses bienveillants desseins.

La clé est sans doute dans ces derniers versets : dès lors que je m’abandonne avec confiance à l’amour de Dieu en moi, cet amour-là est capable de déplacer des montagnes. Mais c’est Dieu qui l’opère en moi. Dieu fait en moi son œuvre. L’Opus Dei (œuvre de Dieu) ne relève pas d’un effort volontariste où je devrais m’améliorer sans cesse, mais d’une confiance solide dans la puissance de l’Esprit de Dieu devenu mon intime. La spiritualité jésuite a précisément décrit cette tension paradoxale :  « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu » (St Ignace de Loyola).

ou plus exactement :

« Crois en Dieu
comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu.
Cependant mets tout en œuvre en elles,
comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul. »

 opus dei

Cela nous remplit d’humilité non ?
Et de paix également, car cela enlève l’épuisante pression du « devoir faire ».

Nous sommes un peu loin de la vie de tous les jours, avec l’énergie que requièrent nos responsabilités ordinaires, me direz-vous. Oui et non. Oui, car croire avant de faire est une conviction de fond, et non un livre de recettes ; c’est un horizon sur lequel inscrire tout le reste. Non, car dès que cette priorité est posée, les choses s’enchaînent naturellement, les choix se hiérarchisent facilement, et nous sommes étonnés de l’inspiration qui nous est donnée pour agir.

Travaillons donc à l’œuvre de Dieu en croyant que lui-même agit en nous…

 


[1]. Le titre est inspiré par celui du roman « Que faire ? » publié par le révolutionnaire russe Nikolaï Tchernychevski en 1863 et qui avait marqué toute la génération révolutionnaire de la fin du XIX° siècle.

[2]. Le judaïsme comme l’islam sont dans leur essence des orthopraxies (faire ce qui est droit) alors que le christianisme est plutôt d’abord une orthodoxie (croire de manière droite).

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

Deuxième lecture
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

Évangile
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
Patrick BRAUD

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