L'homélie du dimanche (prochain)

19 mars 2023

Déliez-le, et laissez-le aller

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Déliez-le, et laissez-le aller

 

Homélie pour le 5° Dimanche de Carême / Année A 

26/03/2023

 

Cf. également :

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Reprocher pour se rapprocher

Et Jésus pleura

Une puanteur de 4 jours


Il ne faut pas réveiller la momie qui dort !

Déliez-le, et laissez-le aller dans Communauté spirituelle 286958Vous avez peut-être frissonné en suivant les aventures de Tom Cruise dans le film « La Momie » (2017). Par malheur, une ancienne princesse égyptienne qui avait été momifiée vivante est réveillée par des aventuriers. Grosse erreur ! Parce qu’elle a été consciencieusement enterrée dans un tombeau au fin fond d’un insondable désert, cette princesse va déverser sur notre monde des siècles de rancœurs accumulées et de terreur dépassant l’entendement humain. Des sables du Moyen Orient aux pavés de Londres en passant par les ténébreux labyrinthes d’antiques tombeaux dérobés, La Momie nous transporte dans un monde à la fois terrifiant et merveilleux, peuplé de monstres et de divinités, dépoussiérant au passage un mythe vieux comme le monde.

Il y avait déjà eu un film sur ce thème de la vengeance de la momie réveillée d’entre les morts en 1939, puis un remake en 1999, puis la suite avec « Le retour de la Momie » en 2001, sans oublier les films très proches : « Le Roi scorpion » (2002), « La tombe de l’empereur Dragon » (2008) etc.

Bref : la momie qui se réveille est un filon hollywoodien très populaire depuis plus d’un siècle !

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Il faut croire que Jean l’évangéliste a des talents de cinéaste ! Dans l’Évangile de ce 4e dimanche de Carême (Jn 11,1-45), il met en scène la sortie du tombeau de Lazare avec force détails : la puanteur du cadavre (depuis 4 jours déjà !), les rites funéraires, les pleureuses, le village rassemblé pour soutenir la famille etc.

« Jésus cria d’une voix forte : ‘Lazare, sors dehors !’ Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : ‘Déliez-le, et laissez-le aller’ ».

Voilà donc notre momie-Lazare réveillée d’entre les morts, non pour accomplir une malédiction hollywoodienne, mais au contraire pour que la foule croit que Jésus est l’Envoyé du Père.


Déliez-le et laissez-le aller

Visu-1-6 Carême dans Communauté spirituelleLa scène est impressionnante ; et d’autant plus bizarre qu’on se demande comment Lazare a pu sortir du tombeau alors qu’il était ligoté de partout, pieds et mains liés ! On le voit mal sauter à pieds joints ligoté dans ses bandelettes…

Évidemment, Jean ménage ses effets, et veut insister sur ce qui se passe après la réanimation du corps : il faut le délier de ses linges, et lui redonner sa liberté au lieu de le confiner dans sa famille ou dans le village. La différence avec la résurrection de Jésus saute aux yeux : au matin de Pâques, les bandelettes qui ont entouré le corps du crucifié sont soigneusement roulées et rangées à part, ainsi que le linge qui maintenait sa mâchoire fermée autour de son visage. « Simon-Pierre entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place » (Jn 20,6-7). Le Christ n’a pas besoin d’aide humaine pour être relevé d’entre les morts : c’est de Dieu qu’il reçoit directement cette puissance. Il n’a pas besoin d’être délié par les femmes au tombeau. Il n’a pas besoin d’être autorisé pour aller librement à sa guise là où il veut.
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Si Jésus avait la puissance de ressusciter Lazare pourquoi n’a-t-il pas roulé la pierre lui-même ?

Pourquoi n’a-t-il pas transporté miraculeusement Lazare hors du tombeau ?

Pourquoi ne l’a-t-il pas lui-même délivré de ses bandelettes ?

Et si cette mise en scène étrange et prodigieuse avait un sens plus profond que celui déjà tout à fait extraordinaire de la résurrection ?

Pour Lazare, c’est-à-dire pour nous associer à la résurrection du Christ, il faut la médiation de ses amis, de sa famille, de sa communauté. Autrement dit : il faut la médiation de l’Église pour achever en nous la résurrection du Christ : nous délier, nous laisser aller.

Mais de quels liens l’Église peut-elle nous défaire pour nous faire vivre ?


Les liens qui nous retiennent dans la mort

Résurrection de LazareVous sentez-vous parfois comme entravé par des boulets que vous traînez derrière vous depuis des années ? Vous sentez-vous prisonnier de telle habitude, telle dépendance ? Les biens et richesses que vous possédez vous possèdent-ils aussi ? Telle relation mortifère vous empêche-t-elle de respirer à pleins poumons ?…

Alors vous comprenez que la résurrection n’est pas le tout de la foi chrétienne : il faut qu’elle soit complétée en quelque sorte par une libération complète de tout ce qui nous retient encore dans le royaume de la mort.

Le bateau qui s’élance sans couper les amarres sera violemment rappelé à quai.

Quelles sont donc ces amarres, ces bandelettes qui comme Lazare nous empêchent de mettre en œuvre la liberté du Ressuscité ?

Le texte grec dit : λύσατε αυτό = déliez-le. Le verbe grec λω (luō) qui est employé ici l’est également dans d’autres passages du Nouveau Testament qui nous éclairent sur les liens à détacher pour aller librement comme Lazare. Parcourons quelques usages de ce verbe λω  afin d’évoquer ce dont Lazare et nous-mêmes sommes déliés.


Les liens du mutisme

JESUSexorcise délier« Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia (luō), et il parlait correctement » (Mc 7,35).

Le possédé de Transjordanie ne sait plus parler. Il vocifère. Sa parole est en lambeaux comme ses vêtements en haillons et son corps lacéré d’automutilations. Jésus lui rend la possibilité de communiquer humainement avec ses semblables, au lieu de mugir comme une bête blessée.

Voilà une délivrance qui nous sera utile tôt ou tard : apprendre à articuler notre douleur, à trouver les mots pour dire notre souffrance – notre bonheur – et ainsi ne plus nous enfermer dans le mutisme ou l’inaudible. Se taire, vociférer, grogner sont des bandelettes qui nous enserrent et nous maintiennent dans des tombeaux de solitude pires que celui de Lazare.


Les liens qui nous empêchent de servir

Jésus monte un âne ; les gens se servent de palmes pour le saluer, et étendent des vêtements et des branchages sur la route.« Jésus leur dit : Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le (luō) et amenez-le » (Mc 11,2).

Nous sommes cet ânon attaché au piquet, attendant qu’on nous réquisitionne pour une cause juste… Et porter Jésus dans son entrée à Jérusalem, quelle cause plus belle pour un âne ? Mais si personne ne nous appelle, nous resterons longtemps à nous demander pourquoi nous sommes ainsi au piquet. Rappelez-vous que les chrétiens sont des ekkletoi en grec =  des appelés, ceux que l’Église (ekklesia) appelle pour servir le Christ en nos frères.

Comment servir si personne ne m’appelle ? Je resterai un âne, inutile, tant que je n’entendrai pas les amis de Jésus me dire en quoi ils ont besoin de moi.
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Tant de salariés sont attachés à leur emploi comme l’ânon au piquet : sans savoir à quoi ils servent vraiment, sans voir d’utilité sociale, écologique ou même personnelle à leur job qui est alimentaire avant tout.

Tant de jeunes gaspillent leur énergie, leur force, leur créativité dans la drogue, la délinquance, les écrans, l’étourdissement des plaisirs faciles. Ils attendent – le plus souvent sans le savoir – qu’on les appelle, qu’on les détache, qu’on leur donne un objectif noble à servir.

Je suis cet âne qu’il faut délier pour servir la Pâque…


Les courroies de sa sandale

7W2y-sarnTi_d6pWh8tsmz4GZQ4@150x110 Lazare

« C’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier (luō) la courroie de sa sandale » (Jn 1,27).

Variante de l’appel précédent, le Baptiste évoque l’humble service domestique de l’esclave qui défait les lacets des chaussures de son maître. Quand j’étais enfant, c’était une joie d’accueillir mon père revenant de sa journée de travail à l’usine en lui tendant ses chaussons : « tiens mon petit papa, mets-toi à l’aise, souffle un peu, tu es chez nous ».

Désormais, le baptême nous rend dignes de soulager autrui de ce qui est lourd et douloureux pour lui, afin de lui procurer le repos et le réconfort du foyer.


Les liens qui nous possèdent

la-femme-courbee momie« Cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée voici dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer (luō) de ce lien le jour du sabbat ? » (Lc 13,16).

Les possessions à l’époque de Jésus désignent toutes les maladies, infirmités et attachements qui amoindrissent une existence, la rendant inhumaine. Cette femme qui a visiblement une vie tordue comme son dos était emprisonnée dans ce handicap comme Lazare dans son tombeau. Aujourd’hui, la médecine s’occupe des liens organiques. Mais les  liens spirituel demeurent, et il en est d’épouvantables qui maintiennent des êtres comme au tombeau : la haine, l’addiction sous toutes ses formes, l’idolâtrie (argent, sexe, pouvoir, gloire…). Ils sont nombreux ces liens que ‘Satan’ utilise pour ligoter une liberté !

À chacun d’examiner honnêtement ce qui le possède et le manipule, telle une marionnette prenant plaisir à faire le mal…


Les liens du péché

442px-Emblem_of_the_Papacy_SE.svgFinalement, les liens de possession les plus forts relèvent de ce que nous appelons le péché. Et c’est bien pour nous rendre libres face au péché que le Christ a fondé son Église.

Pour ouvrir nos cadenas, il a confié le pouvoir des clés, à Pierre d’abord : « Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié (luōsur la terre sera délié (luōdans les cieux » (Mt 16,19). Puis finalement à toute l’Église que nous sommes : « Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié (luō) sur la terre sera délié (luōdans le ciel » (Mt 18,18).

Délier du péché, c’est faire sortir notre Lazare intérieur du tombeau ! Par le sacrement de réconciliation bien sûr, mais d’abord par le pardon mutuel, l’oubli des fautes, l’amour des ennemis, l’alliance fraternelle renouvelée sans cesse, jusqu’à pardonner 70 fois 7 fois…


Les liens du livre et des 7 sceaux

« Puis j’ai vu un ange plein de force, qui proclamait d’une voix puissante : ‘Qui donc est digne d’ouvrir le Livre et d’en briser (luōles sceaux ?’ [...] Mais l’un des Anciens me dit : ‘Ne pleure pas. Voilà qu’il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David : il ouvrira (luōle Livre aux sept sceaux’ » (Ap 5,2.5).

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La promesse de la résurrection nous ouvre l’avenir dès maintenant : le livre de nos vies n’est plus fermé, les 7 sceaux qui scellaient notre histoire personnelle et collective sont rompus. Un horizon se dessine, un avenir est ouvert : voilà ce que nous – momies éblouies par le retour de la lumière – nous expérimentons à l’appel de du Christ uni à son Église.

L’absurde n’aura pas le dernier mot.

La résurrection libère notre intelligence pour briser les sceaux, lire, déchiffrer, espérer ce qui autrefois était inaccessible.


Les liens de la mort

10572804« Dieu l’a ressuscité en le délivrant (luōdes douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir » (Ac 2,24).

De manière ultime, les derniers liens que Dieu vaincra en nous mieux que les bandelettes de Lazare sont les liens de la mort elle-même !

Ce que Dieu a fait en Christ, il le réalise en nous dès maintenant : il nous fait sortir hors de nos tombeaux, il nous donne des frères et des sœurs pour nous délier et apprendre à vivre libres, il nous délie de la mort dès maintenant et à jamais…
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Que la momie Lazare nous fasse entendre pour nous-mêmes l’appel du Christ à son Église : « déliez-le et laissez-le aller »… !

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » (Ez 37, 12-14)

 

Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

 

PSAUME

(Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)
R/ Près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat. (Ps 129, 7bc)

 

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !

 

Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l’homme te craigne.

 

J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

 

Oui, près du Seigneur, est l’amour ;
près de lui, abonde le rachat.
C’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.

 

DEUXIÈME LECTURE

« L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous » (Rm 8, 8-11)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

 

ÉVANGILE

« Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 1-45)
Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Moi, je suis la résurrection et la vie, dit le Seigneur. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 11, 25a.26)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick Braud

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22 mars 2020

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue

Homélie du 5° dimanche de Carême / Année A
29/03/2020

Cf. également :

Reprocher pour se rapprocher
Et Jésus pleura
Une puanteur de 4 jours

La part d’ombre de Jean Vanier

Samedi 22 février 2020. Les responsables de l’Arche communiquent longuement à la presse en faisant une révélation gravissime et douloureuse : leur fondateur Jean Vanier a abusé sexuellement pendant des années de six femmes au moins qu’il accompagnait spirituellement (et qui n’étaient pas des personnes handicapées comme celles accueillies à l’Arche). Stupéfaction et choc immense pour tous les admirateurs de Jean Vanier et de son œuvre (l’Arche, mais aussi Foi et Lumière). La prise de parole des responsables est calme, courageuse : ils enquêtent depuis des mois avec l’aide d’un organisme extérieur, et leur conclusion est sans appel. L’influence néfaste sur Jean Vanier de l’ex-dominicain Thomas Philippe et de sa pseudo-mystique est manifeste (son frère Marie-Dominique Philippe lui aussi dominicain et fondateur des frères de Saint-Jean a également commis viols et agressions révélées en 2013). Ils veulent la vérité. Leur déception est immense. Ils sont effondrés et touchés au plus profond. Par leur parole publique, ils veulent préserver le formidable élan de l’Arche qui permet à des centaines d’adultes handicapés mentalement et physiquement de vivre une vie de famille et de communauté dans les 150 foyers de l’Arche de par le monde. Leur réaction est salutaire. Il leur faudra des mois, des années pour digérer cette terrible nouvelle, et en tirer toutes les conséquences, tant organisationnelles que spirituelles ou ecclésiales.

Sans le savoir, ils rejoignent ainsi les amis de Lazare dans l’Évangile de ce cinquième dimanche de carême, pleurant avec Marthe et Marie sur la mort de leur frère. Ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont dit peut aujourd’hui encore nous inspirer pour traverser les graves crises qui affectent régulièrement nos communautés ou nos vies personnelles.

 

Pleurer avec

Les juifs sont venus réconforter Marthe et Marie dans leur deuil. Comme les amis de Job venus le soutenir [1], ils n’assènent pas de discours bondieusards prônant des explications ou des consolations trop faciles. Non : ils pleurent avec Marie et la réconfortent par leur simple présence plus que par leur parole. C’est cela la compassion : souffrir avec (cum-patire en latin).

Lorsque quelque chose de mortel fait irruption dans nos vies, que ce soit la révélation sur Jean Vanier pour l’Arche ou le deuil pour Marthe, il est important de se laisser blesser, d’accepter d’être vulnérable, d’en pleurer de douleur, de déception, de dégoût ou de tristesse, de remords ou de rage, comme Pierre sur son reniement ou comme la pécheresse versant ses larmes sur les pieds de Jésus à Béthanie. D’ailleurs Jésus lui-même ne retient pas son émotion devant les pleurs de Marie et de ses amis. Il en est bouleversé. Et devant le tombeau, il pleure. Au lieu de se durcir pour paraître fort, le Christ nous invite à accueillir nos émotions devant les catastrophes qui nous dévastent, à ne pas retenir nos larmes. Mieux vaut pleurer sur les abus de Jean Vanier que de nier ou de faire comme si on allait vite passer à autre chose. Mieux vaut pleurer avec ceux qui sont dévastés par une épreuve que de leur faire la morale ou de leur dire tout de suite ce qu’ils devraient faire. Rilke conseillait à un jeune poète de prendre le temps d’habiter ses questions, d’y demeurer, avant de leur apporter une réponse.

« Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. » [2]

Il en va de même pour les coups mortels que nous subissons : prendre le temps d’habiter notre douleur est indispensable ; ne pas trop vite passer à autre chose est vital.
Et si nous voulons accompagner ceux qui souffrent, commençons par nous asseoir à leurs côtés. Pleurer avec ceux qui pleurent est le premier signe de l’amitié touchée par le malheur de l’autre.


« Où l’avez-vous mis ? »

Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue dans Communauté spirituelle RsurrectiondeLazare2Jésus demande alors : « Où l’avez-vous mis ? »

« Excellente question. Qu’avons-nous fait de notre frère souffrant ? L’avons-nous enterré dans un coin pour qu’il ne nous dérange pas avec son odeur de mort ? Qu’avons-nous fait de cette part de nous-même qui est souffrante et que nous laissons pourrir dans un coin ? Qu’avons-nous fait de nos injustices passées, les nôtres et celles de notre peuple, celles de notre parti, de notre église, de notre famille ? Les voilons-nous sous de faux prétextes pour nous justifier à nos propres yeux : il y a là un risque de gangrène, un poison de mort. « Où l’avez-vous mis ? » nous dit Jésus, dans quels placards avez-vous caché vos cadavres ? […] Cela demande une double confiance, confiance dans la capacité de Dieu à faire quelque chose, et confiance dans sa capacité à nous aimer malgré cette puanteur, comme seul un véritable ami peut le faire. « Seigneur, viens voir » et je serai ressuscité » [3].

Chaque famille a ses secrets, chaque personne sa part d’ombre, chaque paroisse sa face cachée, chaque Église ses turpitudes… : autant de cadavres dans le placard qui finissent par sentir mauvais à la longue à force de vouloir les dissimuler. Le Christ nous demande où sont nos Lazare morts. Non pas pour nous juger ou nous accabler. Mais un médecin ne peut soigner une plaie sans qu’on la lui expose, même nue, souillées et dangereuse. Avec une compassion et une douceur infinies, le Christ nous demande de lui dévoiler nos cachettes honteuses, les non-dits qui nous empoisonnent, les secrets malsains qui nous gangrènent, les cadavres qui hantent nos placards. Il le demande en ami pleurant sur notre mal et non en inquisiteur cherchant une preuve.
Comment ne pas être bouleversé à notre tour de son désir de rejoindre même le côté le plus obscur de nous-mêmes ?

 

« Seigneur, viens et vois ! »

Au début, sur les bords du lac de Galilée, c’est Jésus qui avait formulé cette invitation à Jean et André : « venez et voyez » (Jean 1,34). La demande ici s’inverse : ce sont les amis de Lazare qui invitent Jésus à venir voir son tombeau. Inviter Dieu à visiter ce qui nous tue et le chemin pour nous ouvrir à sa puissance de résurrection. Plutôt que de cacher nos morts spirituelles ou morales, (comme on cache aujourd’hui les corps des défunts dont on a peur, qu’on ne touche plus et qu’on ne veille plus), le Christ nous donne le courage de lui révéler publiquement les recoins où la mort nous taraude, les puanteurs que bientôt nous ne pourrons plus contenir, à l’image du tombeau de Lazare au quatrième jour.

« Viens ! » : Jean n’emploie ce verbe (ρχου en grec) que neuf fois : 2 fois dans son Évangile (Jn 1,46 ; 11,34) et 7 fois dans l’Apocalypse [4].
Dans l’Apocalypse, par 4 fois un animal du Tétramorphe crie : « viens ! » lorsqu’un sceau est ouvert [5]. Le sceau symbolise une nouvelle étape dans l’histoire personnelle ou collective ; cela signifie donc qu’à chaque impulsion nouvelle de notre histoire nous pouvons crier « viens ! »  pour que le Seigneur visite, guérisse et féconde ce jalon de notre parcours, qu’il soit joyeux ou douloureux. « Viens ! » est donc le cri du désir humain attendant activement la visite de l’amour divin dans tout son être, bon grain et ivraie inextricablement mêlés. « Viens ! » est le dernier cri de l’Apocalypse, et donc le désir ultime ponctuant toute la Bible en ce point d’orgue :

« L’Esprit et l’épouse disent: Viens ! Que celui qui entend dise : Viens ! »  (Ap 22,17)
« Celui qui atteste cela dit : Oui, je viens bientôt. Amen, viens Seigneur Jésus ! » (Ap 22,20).

C’est bien un cri d’amour : inviter Dieu à visiter ce qui nous tue est l’élan vital de l’épouse se languissant de l’union à son bien-aimé par qui la santé et le salut lui sont donnés. De manière étonnante, Jésus répond au « viens et vois ! » des amis de Lazare par un « viens dehors ! » adressé à Lazare. Désirer que Dieu visite notre part d’ombre nous permet d’entendre son appel à sortir de nos tombeaux : ce qui lui a été exposé sera guéri, la mort qui ne lui est plus cachée sera vaincue, la puanteur qui n’est plus enfermée sera dissipée à l’air libre. Si nous voulons nous relever des crises qui nous abattent, mieux vaut s’en ouvrir au Christ sans rien cacher. Si nous voulons aider les autres comme les amis de Lazare pour Marthe et Marie, mieux vaut ne pas avoir peur de ce qui sent mauvais.

Ouvrir les tombeaux plutôt que de sceller nos secrets malsains : voilà la démarche courageuse qu’ont choisie les responsables de l’Arche en révélant la face obscure de Jean Vanier, plutôt que de dissimuler ou d’excuser ou de minimiser. Nul doute que l’Arche pourra, à l’issue d’une cure longue et difficile, se libérer des liens à Jean Vanier qui obstrueraient sa marche comme les bandelettes enserraient le corps réanimé de Lazare…

Chacun de nous peut inviter le Christ à visiter ce qui le tue : « Seigneur, viens et vois ! »
Viens visiter mes secrets malodorants, mes cadavres dans le placard, les liens qui m’empêchent de « sortir dehors ».
Collectivement, en paroisse, dans une équipe de partage de vie ou de bénévolat solidaire, nous devons également crier vers le médecin suprême : « viens et vois ce qui nous tue ! ».

 

 


[1]. « De loin, fixant les yeux sur lui, ils ne le reconnurent pas. Alors ils éclatèrent en sanglots. Chacun déchira son vêtement et jeta de la poussière sur sa tête. Puis, s’asseyant à terre près de lui, ils restèrent ainsi durant sept jours et sept nuits. Aucun ne lui adressa la parole, au spectacle d’une si grande douleur. » (Job 2, 12-13)

[2]. R.M. Rilke, Lettres à un jeune poète, 1929.

[3]. Extrait de la très belle prédication du pasteur Marc Pernot lors d’un culte le 5 juin 2011, à qui j’emprunte son titre et son inspiration. Cf. : https://oratoiredulouvre.fr/libres-reflexions/predications/inviter-dieu-a-visiter-ce-qui-nous-tue-jean-11

[4]. Le symbolisme de ces chiffres est connu : 2 renvoie à l’unité homme-femme ou homme-Dieu, 7 aux sept jours de la Création, 4 aux quatre points cardinaux signifiant l’universalité.

[5]. Quand l’agneau ouvrit le premier des sept sceaux, j’entendis le premier des quatre animaux s’écrier d’une voix de tonnerre: Viens !  (Ap 6,1)
Quand il ouvrit le deuxième sceau, j’entendis le deuxième animal s’écrier: Viens !  (Ap 6,3)
Quand il ouvrit le troisième sceau, j’entendis le troisième animal s’écrier: Viens ! (Ap 6,5)
Quand il ouvrit le quatrième sceau, j’entendis le quatrième animal s’écrier: Viens ! (Ap 6,7)

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez » (Ez 37, 12-14)

Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

PSAUME

(Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)
R/ Près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le rachat. (Ps 129, 7bc)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !

Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l’homme te craigne.

J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.

Oui, près du Seigneur, est l’amour ;
près de lui, abonde le rachat.
C’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.

 

DEUXIÈME LECTURE

« L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous » (Rm 8, 8-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

 

ÉVANGILE

« Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11, 1-45)
Gloire à toi, Seigneur,gloire à toi.Moi, je suis la résurrection et la vie, dit le Seigneur. Celui qui croit en moi ne mourra jamais. Gloire à toi, Seigneur,gloire à toi. (cf. Jn 11, 25a.26)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick Braud

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22 septembre 2019

Qui est votre Lazare ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Qui est votre Lazare ?

Homélie du 26° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
29/09/2019

Cf. également :
Le pauvre Lazare à nos portes
La bande des vautrés n’existera plus
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?
Chameau et trou d’aiguille
À quoi servent les riches ?

Faits divers, faits majeurs

CARTE NANTESFrance Info pubilait le 12 juillet 2019 cette nouvelle effarante :

Le cadavre d’un octogénaire, décédé en 2008 et momifié, a été découvert mercredi dans son appartement à Nantes. Un nouveau drame de la solitude et de l’isolement.

Disparu depuis 11 ans sans que personne ne s’inquiète ! Et le site rappelait que ce genre de dénuement n’était hélas pas rare :

Deux drames similaires à Saint-Nazaire
Un nouveau drame de la solitude après la découverte des cadavres de deux personnes en juin dernier. Elles aussi seules et coupées du monde : les policiers avaient retrouvé  le corps de deux personnes âgées, à leur domicile à Saint Nazaire, bien après leur décès. L’une d’entre elles était certainement morte depuis plusieurs mois auparavant sans que personne, ni famille, ni voisins, ni organismes sociaux ne s’en inquiète.

Quand nous entendons parler de pauvreté, nous pensons d’abord à la précarité, aux SDF, aux chômeurs, à ceux qui vivent avec moins de 900 € par mois etc. Et, bien sûr, nous ne devons jamais oublier ce combat contre la misère qui est constitutif de tout humanisme, chrétien ou non. Mais, quand Jésus invente son personnage nommé Lazare dans sa parabole, à la porte du festin du riche, nous pouvons – nous devons – étendre cette situation à toutes les pauvretés qui aujourd’hui encore provoquent exclusion et isolement. Les ulcères de Lazare devraient nous ulcérer !

 

Qui est votre Lazare ?

Qui est votre Lazare ? dans Communauté spirituelle 220px-Fedor_Bronnikov_007Mais qui sont les Lazare couchés devant notre portail ? On a vu (cf. Le pauvre Lazare à nos portes) qu’on pouvait faire une lecture géopolitique de la parabole, en terme d’inégalités entre pays en voie de développement et le G20 (pour faire court). On peut – on doit – également faire une lecture plus proche, très simple, existentielle : qui sont les Lazare que je ne veux pas voir ?

Le cas de l’octogénaire décédé depuis 11 ans dans l’indifférence générale devrait vous alerter : la pauvreté n’est pas toujours visible. La pauvreté relationnelle, conséquence de ruptures, de malheurs successifs, voire de caractères difficiles, est omniprésente dans nos grandes villes. Il paraît qu’à Paris plus d’un logement sur deux est habité par une personne seule. Partager les miettes du festin signifie alors : rendre visite, téléphoner, maintenir quelqu’un dans un réseau d’amitié, s’intéresser, donner des nouvelles… Le défi sera plus grand dans les années à venir avec le boom des seniors : le grand âge produit mécaniquement de la solitude (éloignement, déménagements, perte de mobilité, veuvage, santé…). Ils seront de plus en plus nombreux les Lazare couverts d’années mendiant quelques moments de chaleur humaine derrière la porte de leur logement devenu tellement à l’écart des autres.

383433-1185x175-abribus-c-channelpetits-freres-des-pauvres-chloe1549280812-realisation-253 Lazare dans Communauté spirituelleL’association les Petits Frères des Pauvres tisse patiemment depuis 1946 un réseau de visiteurs bénévoles autour des personnes isolées qu’on lui signale. Elle a un beau slogan : « des fleurs avant le pain ». Car elle sait bien que nous nous nourrissons de contacts, d’échanges, de visages tout autant que de paniers-repas ou d’allocations, par ailleurs absolument nécessaires.

À cette double pauvreté matérielle, relationnelle, il faut ajouter celle de la santé, dont le  Lazare de l’Évangile est cruellement dépourvu.

Un autre fait divers terrifiant met en évidence cette forme de maladie qui déshumanise et exclue : Alzheimer. Soigné pour un cancer, un homme de 72 ans atteint de la maladie d’Alzheimer avait disparu le 19 août 2019 dans un hôpital marseillais. Son corps a finalement été retrouvé 15 jours après dans un couloir désaffecté.
15 jours après…
Quelqu’un qui souffre d’être « désorienté » (selon le terme clinique) va peu à peu sombrer dans une non-existence dramatique si personne ne lui tient à la main, ne lui rappelle qui il est, ne le rassure avec une présence bienveillante malgré les symptômes si usants pour les proches (perte de mémoire, agressivité, mouvements perpétuels, perte de son identité, de sa famille). Ces Lazare-là font peur, et nous nous sommes tentés de nous en débarrasser en les mettant devant le portail comme dans la parabole, c’est-à-dire hors de notre vue, dans des établissements spécialisés où seuls des professionnels veilleront sur eux.

Vous voyez : se poser la question ‘qui sont les Lazare qui m’entourent ?’ c’est ouvrir les yeux au-delà des apparences sur les personnes autour de nous en situation de pauvreté aux multiples facettes. Si chacun des riches « vêtus de pourpre et de lin fin » pouvait prendre en charge ne serait-ce qu’un Lazare dans son voisinage, la solitude reculerait et l’enfer se viderait.

 

On est toujours le Lazare ou le riche d’un autre

lazare22 paraboleD’ailleurs, ne sommes-nous pas chacun le Lazare d’un autre à certains moments de notre vie ? Le reconnaître, l’accepter, est douloureux. Car il est plus glorieux d’aider que d’être aidé, de donner que de quémander. Pourtant, impossible de vivre longtemps sans éprouver comme Lazare ces ulcères dus à une faim inassouvie. Faim de reconnaissance, de chaleur humaine, de moyens pour survivre, de ne plus souffrir… Qui de nous n’a pas traversé de telles périodes, parfois interminables, où nous regardions les chanceux festoyer autour de nous sans pouvoir nous joindre à eux ? Oser crier au secours est alors une humiliation de plus, et beaucoup ont trop de fierté pour faire ce pas. Ceux qui ont traversé de tels moments trouveront la délicatesse la pudeur qui convient dans leur aide pour ne pas jeter à Lazare des miettes comme à un chien.

Qu’est-ce qui empêche le riche-sans-nom de voir Lazare (El-azar = Dieu a secouru) mourir de faim et d’ulcères ? Le portail de sa belle demeure : Lazare gisait devant son portail, qui le masque à ses yeux. C’est donc qu’il faut faire sauter – à la dynamite si besoin ! – ces portails en forme de clôtures qui ghettoïsent les riches entre eux !

 

Et le spectateur ?

Le devoir du tiers qui assiste à la scène de l’Évangile relève de l’obligation de la correction fraternelle (Mt 18, 15-18) : va ouvrir les yeux du riche qui fait bombance, sourd et aveugle à la détresse de Lazare. Dis-lui de sortir au-delà de son portail. Mieux, invite-le à ouvrir les portails qui le coupent des autres, invite-le à inviter ceux qui ne pourront rien lui rendre en retour :

 « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour.
Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. » (Lc 14, 12-14)

Le passant devant la maison du riche ou le convive profitant de son festin ont une responsabilité éthique incontournable : avertir et intercéder.

Se taire devant l’opulence non partagée est aussi grave que de ne pas partager. C’est une non-assistance à personne en danger. Souvent, elle est due à la peur de perdre les avantages liés aux relations avec les puissants de ce monde. Mais ce tiers personnage – non apparent dans la parabole de Jésus – pourrait bien être le nôtre : nous assistons au spectacle de quelques-uns se gavant de manière indécente à côté de la misère de quelques autres, et nous ne disons rien.

Tour à tour Lazare, homme comblé ou spectateur, laissons la parabole de Jésus faire son chemin en nous. Elle peut nous faire crier au secours, ouvrir le portail, ou sonner le tocsin pour réveiller les consciences.

Un clin d’œil pour terminer : Jésus raconte que Lazare est emmené « auprès d’Abraham » après sa mort. C’est donc un saint Lazare qui fait aussitôt penser à la gare éponyme (même si le saint de la gare est le frère de Marthe et Marie et non ce personnage fictif de la parabole). Or dans une grande gare comme St Lazare se côtoient des représentants de toutes les couches sociales. Comme le disait Emmanuel Macron le 29 juin 2017, à peine élu président : « Dans une gare, on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». Durant son discours pour l’inauguration de la Station F de Xavier Niel le 29 juin 2017 à la Halle Freyssinet à Paris, Emmanuel Macron livrait ainsi sa vision du monde, celle des élites au pouvoir. Les territoires, quels qu’ils soient (ville, pays, continent), sont des lieux de « passage » où les individus doivent lutter pour « réussir », sous peine de n’être « rien ».

Ce darwinisme social est à mille lieux de la parabole de ce dimanche !

 Les horloges de Saint-Lazare

Restons ulcérés avec Lazare devant les fossés qui séparent les uns des autres et préfigurent à l’envers le « grand abîme » intraversable de l’au-delà !

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La bande des vautrés n’existera plus » (Am 6, 1a.4-7) 

Lecture du livre du prophète Amos Ainsi parle le Seigneur de l’univers :

Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion, et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres de l’étable ; ils improvisent au son de la harpe, ils inventent, comme David, des instruments de musique ; ils boivent le vin à même les amphores, ils se frottent avec des parfums de luxe, mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! C’est pourquoi maintenant ils vont être déportés, ils seront les premiers des déportés ; et la bande des vautrés n’existera plus.

PSAUME
(Ps 145 (146), 6c.7, 8.9a, 9bc-10)
R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 145, 1b)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés. 

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger. 

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

DEUXIÈME LECTURE
« Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur » (1 Tm 6, 11-16) 

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre à Timothée

Toi, homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé, c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins. Et maintenant, en présence de Dieu qui donne vie à tous les êtres, et en présence du Christ Jésus qui a témoigné devant Ponce Pilate par une belle affirmation, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. Celui qui le fera paraître aux temps fixés, c’est Dieu, Souverain unique et bienheureux, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible ; aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. À lui, honneur et puissance éternelle. Amen.

ÉVANGILE
« Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance » (Lc 16, 19-31). Alléluia. Alléluia. Jésus Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Alléluia. (cf. 2 Co 8, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : ‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’ Le riche répliqua : ‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !’ Abraham lui dit : ‘Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.’ Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.’ »
Patrick BRAUD

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27 mars 2017

Reprocher pour se rapprocher

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Reprocher pour se rapprocher


Homélie du 5° Dimanche de Carême / Année A
02/04/2017

Cf. également :

Et Jésus pleura

Une puanteur de 4 jours

Le je de l’ouïe

La corde à nœuds…

 

Dieu est-il sans reproches ?

ob_604d34_parler-tout-seul-c-est-parfois-un-signTant d’injustices, tant de malheurs innocents, jusqu’à la mort elle-même, point final en forme d’immense interrogation adressée à l’amour supposé infini de Dieu… : chacun de nous peut faire la liste de ses reproches, qu’il peut argumenter dès aujourd’hui contre Dieu. ‘Seigneur, si tu es vraiment amour, pourquoi ce handicap à la naissance, cet accident de la route à 14 ans, pourquoi l’autisme défigure-t-il ma fille/mon fils ? Si tu étais vraiment à mes côtés, je n’aurais pas sombré dans l’alcool ou la dépression, je n’aurais pas enchaîné les séries noires, mes proches n’auraient pas cumulé les échecs personnels ou professionnels…’

Or la Bible entière est traversée des reproches bien plus violents encore de nos ancêtres.

Dans l’évangile de ce dimanche du retour à la vie de Lazare, par deux fois un même reproche vient remettre Jésus en cause : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Marthe, puis Marie expriment avec douleur dans les mêmes termes leur grief envers Jésus : c’est donc qu’il est légitime de le faire nous aussi. Jacob a résisté à Dieu au gué du Yabboq et s’est roulé avec lui dans la poussière (Gn 32). C’est donc qu’être « fort contre Dieu » (c’est le nom Israël attribué à Jacob après cette lutte) est une porte d’entrée dans son cercle intime.

 

L’avant-reproche

Résultat de recherche d'images pour "« celui que tu aimes est malade »"Les deux sœurs commencent d’abord par envoyer un SMS d’urgence à Jésus : « celui que tu aimes est malade ». C’est plus qu’une information sur l’état de santé de Lazare. Avec le rappel de l’amitié le liant à leur frère, Marthe et Marie jouent habilement sur la corde de l’affection de Jésus. C’est déjà une supplication : ‘au nom de votre amitié, fais  quelque chose pour Lazare’.

Avant de pouvoir reprocher en toute légitimité, il nous faut d’abord savoir supplier, ou du moins informer Dieu en lui rappelant son affection pour nous, le lien amical qui nous relie à lui. Celui qui ne demande jamais rien aux autres / à Dieu ne peut ensuite leur reprocher de ne pas être intervenus. Or savoir demander est un chemin d’humilité auquel peu d’entre nous consentent vraiment. Appeler au secours peut se révéler parfois très humiliant. Bon nombre préféreront se taire, serrer les dents, et essayer d’y arriver tout seul, à la force du poignet.

Le reproche est illégitime s’il n’est précédé de cette humble quête d’assistance où je reconnais ne pas pouvoir compter sur moi seulement.

 

Le reproche rapproche

Reprocher pour se rapprocher dans Communauté spirituelle lazare17La supplication de Marthe et Marie est restée sans effet sur Jésus. Bizarrement, il ne bouge pas. Il reste sur place, attendant visiblement que Lazare soit mort pour réagir. Elles sont alors en droit d’exploser, chacune à son tour, avec le même reproche : « Seigneur si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Si elle n’avait pas crié leur amertume [1], leur déception, alors la rancune, le ressentiment auraient pris le dessus. Elles en auraient voulu à mort à Jésus d’avoir délaissé Lazare. Leur mutisme les aurait enfermées dans cette haine sans mots qui fait tant de ravages au sein des familles. Le fait d’exprimer leur reproche les maintient en lien étroit avec Jésus qui va finir par leur donner raison. Le nom de Lazare signifie justement : Dieu a secouru (El-azar), car en réponse au reproche des deux sœurs Jésus intervient avec puissance.

La vraie proximité s’établit souvent au prix du reproche, et non sans lui.

Le drame de Judas est de garder ses reproches pour lui, au lieu de les adresser au Christ. En bon zélote, il aurait dû demander à Jésus pourquoi il ne voulait pas de l’insurrection armée, du calcul politique pour faire des alliances, d’une stratégie de pouvoir qui permettrait de changer l’ordre des choses en chassant l’occupation romaine. Plus tard, après sa tragique méprise sur la rencontre entre Jésus et les chefs juifs (qu’il avait organisée pour créer un Front de la Résistance), il s’en veut tellement qu’il retourne contre lui la violence qu’il n’avait pas exprimée à Jésus. Ces reproches rentrés deviennent alors des remords, qui finiront par le détruire : le suicide de Judas est l’impasse où nous mène le non-reproche.
Pierre, lui, n’a cessé de formuler ses objections, et après la Résurrection il transforme ses reproches envers lui-même en demande de pardon adressée au Christ.

La vraie proximité s’établit souvent au prix du reproche, et non sans lui.
Ne pas se dire ce qui reste en travers de la gorge provoque des éloignements irréversibles : entre conjoints, des disputes à répétition au sujet de griefs non formulés, ou formulés trop tard, sont à l’origine de bien des séparations. En entreprise, ne pas savoir reprocher à son chef hiérarchique n’engendre que soumission et inefficacité du travail en équipe. Et réciproquement, c’est tout l’art du management que de pratiquer le reproche avec discernement, au moment favorable, dans des conditions acceptables, sur fond de bienveillance positive.

Pas d’éducation sans reproche !

 

Dieu n’est pas sans reproches

L'Amour, on 1) se RAPPROCHE 2) s'ACCROCHE 3) se REPROCHE 4) s'ÉCORCHE - Jeux de Mots Francois Ville - T-shirt Premium HommeAu double sens de la formule : il verbalise par amour ce qu’il a contre nous, afin de nous renouveler son alliance, et son action suscite légitimement en nous des questionnements que nous lui adressons avec tristesse.

Par le biais des prophètes dans l’Ancien Testament, Dieu reprend sans cesse Israël pour l’inviter à progresser. Dans les Évangiles, Jésus n’est pas avare de reproches non plus ! Il pleure sur Jérusalem qui refuse de l’accueillir. Il réprimande Pierre qui ne veut pas entendre parler de crucifixion (ce même Pierre qui lui faisait de vifs reproches sur cette annonce impensable d’un messie humilié). Et les diatribes de Jésus contre l’hypocrisie et le légalisme des pharisiens, pharisiens et autres docteurs de la Loi sont restées célèbres. D’ailleurs, les pharisiens confondront reproche (par amour) et insulte (par mépris).

Dans le livre de l’Apocalypse, le Vivant reproche à l’Église de Laodicée d’être si tiède qu’elle risque d’être vomie de sa bouche : « puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche » (Ap 3,14). À chacune des 7 Églises, le Christ formule un grief pour l’appeler à redevenir fidèle : « J’ai contre toi que tu as perdu ton amour d’antan… » (Ap 2,7).

Dieu et l’homme ont tant de reproches mutuels se faire !

Mais tant que la parole convoque l’autre au nom de l’affection, de l’amitié, du lien d’alliance, chaque reproche peut réellement rapprocher les deux parties.
Parce qu’il fait réagir (Jésus ressuscitant Lazare [2]).
Parce qu’il oblige à lever les ambiguïtés (c’est pour soutenir la foi des disciples que Jésus a attendu trois jours).
Parce qu’il conduit de lui-même à la confiance malgré tout : « je sais que Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas », dit Marthe après son reproche.

Entraînons-nous donc aux reproches fraternels, sur fond d’amitié et d’affection. Entraînons-nous dans la prière aux reproches spirituels, sur fond d’alliance et d’humilité  réciproque.

Celui qui ne reproche jamais montre peu de reconnaissance.
Celui-ci reproche mal devient tyrannique.
Qui reproche comme Marthe et Marie découvre qu’il n’y a pas de tombeau scellé si hermétique qu’il puisse empêcher la vie de jaillir, malgré la blessure, malgré toutes les formes de mort qui nous tiennent prisonniers.

Et vous, qu’avez-vous à reprocher à Dieu ? Prenez-vous le temps de lui dire, avec passion ?

Osons reprocher pour nous rapprocher !

 


[1] . Marie est un dérivé du prénom hébraïque Miryam qui signifie « goutte de mer ». Selon d’autres sources, il viendrait de l’hébreu marah se traduisant par « amertume » ou de l’égyptien ancien mrit ou merit signifiant « aimée ». La limite entre l’amertume et l’amour est donc ténue, et Marie de Béthanie personnalise cette ligne de crête.

[2] . Ce qui fait réagir également les opposants à Jésus : « Les grands prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare,  parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient et croyaient en Jésus » (Jn 12,10).

 

 

Première lecture (Ez 37, 12-14
Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

Psaume (Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. 

Deuxième lecture (Rm 8, 8-11)

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

Évangile (Jn 11, 1-45)

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick BRAUD

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