L'homélie du dimanche (prochain)

28 octobre 2014

Les cimetières de la Toussaint

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Les cimetières de la Toussaint

Homélie pour la fête de Toussaint
01/11/2014

Les cimetières de la Toussaint dans Communauté spirituelle 20244386-0136-11e1-afe1-443c06db2b7bLa prochaine fois que vous avez un après-midi à perdre à Paris, allez rejoindre l’étonnante visite guidée du cimetière du Père Lachaise que l’Officiel du Spectacle vous renseignera sans coup férir. Pendant trois à quatre heures, vous naviguerez sur les différents sentiments engendrés par l’omniprésence de la mort à travers les âges. Vous verrez, c’est fascinant, plein d’humour et d’amour, de nostalgie et de douceur, d’humanité la plus commune. De la tombe d’Héloïse et Abélard, fidèles même dans la séparation, à celle de Jim Morrison, la plus fréquentée, rendez-vous des routards en pèlerinage, jusqu’au granit industriel et insipide, jusqu’aux portes des placards à cendres du columbarium en fin de visite…  le génie funéraire s’est renouvelé sans cesse, gravant l’inconscient collectif de chaque époque au sujet de la mort dans la pierre, les monuments artistiquement sculptés à la gloire de.

Lorsque vous voulez connaître un village, un peuple, visitez ses cimetières. Ils vous en diront plus long sur les vivants que les journaux locaux. Ils vous raconteront les drames, les espoirs, les valeurs de ceux qui continuent de marquer cette terre.

Si vous y allez un jour de Toussaint, vous pourrez en être éblouis. Autrefois, il y avait une seule sorte de chrysanthème, assez lugubre en fait. Sous notre soleil de début novembre éclatent désormais une multitude de nuances, chaudes, joyeuses, extrêmement variées. Les chrysanthèmes ont revêtu le marron, l’or, le jaune, le bleu même, les gerbes sont de vraies compositions florales, les plantes déposées là pour durer ne se ressemblent pas. Il règne sur ses allées bien quadrillées un air de réjouissance familiale bien loin de la corvée obligatoire de la visite aux aïeuls oubliés.

Certains tordent le nez devant cette piété populaire en accusant la foule de la Toussaint de confondre le 1° et le 2 novembre, la fête de tous les saints et le jour de prière pour les défunts. Mais cette confusion est somme toute légitime : que servirait de fêter les saints si nos cousins, nos parents, nos oncles et tantes ne pouvaient pas en faire partie ? Nos familles, nos amis déjà partis vers l’autre rive ne pourraient-ils pas faire partie de ces 144 000 [1]symboliquement évoqués par l’Apocalypse ?

 

Le rapport à la mort dans l’histoire

 

Les rituels funéraires, berceaux de l’humanité

Les recherches en anthropologie convergent vers un constat majeur pour nous aujourd’hui : l’humanité a émergé de l’animalité en même temps que les rites funéraires et sans doute grâce à eux, en même temps que l’expression artistique (cf. la grotte de Chauvet) et sans doute grâce à elle.

C’est donc qu’enterrer nos morts, codifier leurs sépultures, les entourer de gestes, de paroles, d’objets symboliques est une des conditions pour ne pas vivre de manière animale.

 

La mort redoutée

Autrefois, il y a plus de 2000 ans, la loi romaine interdisait d’enterrer les morts dans la cité, par peur du mélange entre les deux populations, afin d’éviter que les défunts reviennent hanter les vivants et troubler leur vie commune.

 

La mort apprivoisée

Les martyrs chrétiens ont changé la donne : les disciples du Christ se rassemblaient sur le lieu où les restes des martyrs avaient été recueillis, et ils y célébraient l’eucharistie clandestinement.

Puis, avec la paix de Constantin (313) on y bâtit des lieux de pèlerinage, des villes, si bien que les tombeaux des saints se sont retrouvés au milieu des vivants, au cœur de l’eucharistie villageoise. Il en reste quelques traces autour des églises romanes, lorsque vous devez presque marcher sur les pierres tombales pour vous diriger vers la porte de l’église. On vivait avec une forte conscience, une forte présence de la mort et des morts, au quotidien, sans peur. C’était une familiarité simple et pleine de sens, où la confiance dans l’au-delà permettait de regarder la mort en face, de l’apprivoiser, de vivre avec elle en amitié. On s’y préparait, on l’attendait, elle nous conduisait ailleurs.

 

La mort dramatisée

chartreuse+037 chrysantème dans Communauté spirituellePuis viennent les périodes des grandes et cruelles guerres, interminables. Les hécatombes des grandes pestes, famines et autre épidémies où un tiers de l’Occident périt dans des conditions atroces. Alors apparurent la danse macabre, la figure de la faucheuse, les requiems, les mises en scène tragiques.

 

La mort romantique

Au XVIII° siècle, le romantisme transforme l’antique sérénité en torrents de larmes, souvent hystérique. Les pleureuses lors des enterrements rivalisent de convulsions, et l’amour envers le défunt se mesure à la démesure du chagrin manifesté.

 

La mort interdite

Au XIX° siècle, l’hôpital transforme le rapport à la mort. On ne meurt plus chez soi, entouré de son village de ses proches, mais dans une chambre anonyme où des hommes en blanc combattent pour reculer cet instant fatal. La mort est depuis lors un échec, dont il vaut mieux ne pas parler pour ne pas démoraliser le malade. On ne socialise plus la mort : plus de crêpes noirs portés en signe de deuil, ni de catafalques aux  linteaux des églises et des maisons, plus de processions publiques pour marcher de l’église au cimetière. Il faut faire vite, discret, sans pleurer (pour se montrer fort) et sans prendre trop de jours de congé !

 

La mort trop lente

L’allongement extraordinaire de la durée de la vie pose désormais la question du grand âge, quatrième et cinquième âge, la grande dépendance, de la terrible dépersonnalisation des Alzheimer comme on les appelle. Beaucoup sont déjà comme morts avant que de mourir, au sens où ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Même leurs proches ont déjà fait leur deuil avant la séparation ultime, car ce n’est plus la personne aimée et connue qu’ils visitent dans ces services spécialisés où le code d’entrée/sortie trace la frontière entre deux mondes.

 

La mort envisagée

226607315x cimetièreAvec ces longues maladies qui surviennent, et les traitements antidouleur qui heureusement s’améliorent, on a développé les soins palliatifs, et cette belle idée qu’accompagner les derniers mois, les derniers jours peut devenir une expérience intensément humaine, dense de rencontres, d’échanges, de confidences, de gestes et paroles si fortes… En envisageant = en donnant ainsi un visage de proximité et de compagnonnage à la mort qui approche (vs la mort impersonnelle en hôpital), on lui redonne un rôle structurant au lieu de la nier. On la regarde au lieu de la cacher [2].

 

La mort désirée

Les questions éthiques autour de l’euthanasie et du suicide assisté vont devenir de plus en plus fréquentes, inévitables en Occident avec les progrès de la médecine. Certains voudraient exercer un droit à mourir dans la dignité. D’autres choisiront le suicide, par lassitude, par manque d’espérance ou d’accompagnement, par peur de la déchéance…

Toutes ces strates historiques du rapport à la mort coexistent en nous et dans la société. Nous sommes un agrégat d’humanité de l’empire romain, du Moyen Âge, des Lumières, du romantisme ou de l’athéisme contemporain… Ce rapide survol historique, incomplet [3], veut surtout mettre en lumière l’importance de cette fête de la Toussaint qui réunit tant de familles aujourd’hui.

 

Notre rapport à la mort reflète nos valeurs et les façonne.
Notre façon d’honorer nos défunts dit qui nous sommes.
Notre art funéraire fait partie du génie d’un peuple.
Nos chrysanthèmes, nos bouquets, nos gerbes florales, nos ex-voto déposés dans le cimetière nous aident à devenir plus humains.

Alors, n’ayons pas honte de superposer le 1° et le 2 novembre : après tout, c’est la même espérance !

chrysanthemes05 Lachaise 

Qu’au moins cette fête de la Toussaint soit l’occasion de nous arrêter, de faire une pause, pour nous interroger : et moi, où en suis-je de mon rapport à la mort ?

 


[1]. 12×12 = la plénitude des 12 tribus d’Israël x 1000 = élargie à l’humanité entière.

[2]. Cf. Marie de Hennezel, La mort intime.  Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre, coll. Essai (poche), 2006.

[3]. Pour une étude plus détaillée, cf. l’ouvrage désormais classique de Philippe Ariès : Essais sur l’histoire de la mort en Occident, Du Moyen Age à nos jours, coll. Essai (poche),1977.

 

 

1ère lecture : La foule immense des rachetés (Ap 7, 2-4.9-14)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d’une voix forte, il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de dévaster la terre et la mer : « Ne dévastez pas la terre, ni la mer, ni les arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. » Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël. 

Après cela, j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »
Tous les anges qui se tenaient en cercle autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le Trône, la face contre terre, pour adorer Dieu. Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »
L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? »
Je lui répondis : « C’est toi qui le sais, mon seigneur. » Il reprit : « Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. »

Psaume : 23, 1-2, 3-4ab, 5-6

R/ Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché.

Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots. 

Qui peut gravir la montagne du Seigneur
et se tenir dans le lieu saint ? 
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, 
qui ne livre pas son âme aux idoles.Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, 
et de Dieu son Sauveur, la justice. 
Voici le peuple de ceux qui le cherchent,
qui recherchent la face de Dieu !

2ème lecture : Nous sommes enfants de Dieu et nous lui serons semblables (1 Jn 3, 1-3)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu — et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : puisqu’il n’a pas découvert Dieu.

Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur.

Evangile : Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Venez au Seigneur, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau : il vous donnera le repos. Alléluia. (cf. Mt 11, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent.Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »
Patrick BRAUD
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