L'homélie du dimanche (prochain)

17 février 2016

La face de Dieu

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La face de Dieu

 

Cf. également :

Le sacrifice interdit

Dressons trois tentes…

La vraie beauté d’un être humain

L’alliance entre les morceaux

Visage exposé, à l’écart, en hauteur 

Figurez-vous la figure des figures 

Dieu est un trou noir 

 

Homélie du deuxième dimanche de carême / Année C
21/02/16

 

La biche mystique

Avez-vous déjà remarqué les biches, les cerfs et les scènes de chasse qui ornent souvent nos églises romanes en France et ailleurs ?

Bizarre, non ? Graver une meute de chiens courant après un cerf ou une biche sur la façade d’une cathédrale… Eh bien non, ce n’est pas bizarre ! C’est la traduction médiévale de notre psaume 27,8 : « cherchez ma face, dit Dieu ». « C’est ta face Seigneur que je cherche ».

Chasse à courre 1

Frise de chasse à courre au cerf (façade de la cathédrale d’Angoulême, XII° siècle)

Pourquoi graver une scène de chasse sur la façade d’une cathédrale ? par pur motif esthétique ?

Sans  doute  non.  La  chasse  est  en  effet  un  thème  spirituel  omniprésent  dans  la  littérature  spirituelle et biblique, depuis les rabbis parlant de la quête de Dieu comme d’une chasse, jusqu’aux Pères de l’Église exploitant tous les détails de cette allégorie de la chasse à courre pour parler du désir de Dieu. 

Ne dit-on pas en français courant : « se mettre en chasse » pour désigner la quête d’un objet, ou même d’un  partenaire  amoureux ?  Se  mettre  en  quête  du  Christ  est  une  condition  indispensable  pour entrer dans une église.

Dans l’iconographie médiévale, le cerf en était venu à désigner le Christ. Ses bois évoquent le bois de la Croix, car ils repoussent si on les coupe, à l’image du Christ ressuscitant quand on lui enlève la vie. On raconte qu’Hubert se convertit en voyant dans les bois d’un cerf le signe de la Croix du Christ ; saint Eustache également (ils devinrent pour cela patron des chasseurs / des sonneurs).

Le chercheur de Dieu devient lui même un cerf : « comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant… » (Ps 42,1)

« De même que le cerf, après avoir été chassé, a soif, de même toi, cours tout bonnement devant toi et laisse s’allumer en toi une nouvelle soif de Dieu. C’est pour cela que tu es chassé ». Ou encore : « l’homme, cerf chassé, court à Dieu comme il convient, gagné par la soif de Celui en qui sont réellement toute paix, toute vérité, toute consolation » (Tauler, XIV° siècle).

 

Cette frise traduit le désir de Dieu,  la  quête  intérieure  qui  permet  au  visiteur  d’entrer  véritablement  dans  le  mystère  offert  par  la cathédrale, au lieu d’en rester purement extérieur.

Chasse à courre 2

Biche chassée par les chiens (chevet de la cathédrale d’Angoulême, XII° siècle)

Surprise : à la sortie, à nouveau le thème de la chasse… C’est une magnifique inclusion, puisque située au chevet, symétriquement à celle de la façade. C’est donc que même après avoir franchi la porte, s’être rassemblé  avec  l’Église,  avoir  communié  au  Christ  dans  son  eucharistie,  le  chemin  n’est  pas  encore terminé  pour  autant !  Ni  la  vie  en  Église,  ni  les  sacrements  ne  suffisent  pour  aller  totalement  à  la rencontre du Dieu vivant. La quête spirituelle continue une fois sorti de la cathédrale, et se prolonge dans tous les domaines de la vie. La dimension mystique de la foi se nourrit de ce passage dans la cathédrale, et se joue dans la vie intérieure, mais aussi familiale, sociale…

Il s’agit de ne jamais enclore la recherche de Dieu, de ne jamais croire qu’on l’a trouvé. Comme l’écrivait le  génial  Saint  Augustin :  « Le  chercher  avec  le  désir  de  le  trouver,  et  le  trouver  avec  le  désir  de  le chercher encore…. »

La biche poursuivant sa course, haletante du désir de Dieu, nous invite à ne jamais nous arrêter dans notre propre course intérieure. « Le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais » (Bergson). « Car c’est là proprement voir Dieu que ne d’être jamais rassasié de le désirer sans cesse… » (Grégoire de Nysse).

 

Cherchez ma face

Afficher l'image d'origineLe psaume 27 de ce dimanche fait le lien en quelque sorte entre le Dieu caché de l’Ancien Testament et la transfiguration du Christ dans le Nouveau Testament :

Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
ne me cache pas ta face.

Beaucoup de textes bibliques, des prophètes notamment, affirmaient que Dieu n’est comparable à aucun être humain, par ce que il est le Tout Autre. Il n’est pas comme les statues des idoles « qui ont des yeux et ne voient pas, une bouche et ne parlent pas ». Dieu est inatteignable, à nul autre pareil. Son Nom même ne peut être prononcé, car ce serait avoir sur lui un pouvoir de nomination qui le rabaisserait au rang d’une idole. Le Tétragramme YHWH marque à jamais la radicale altérité de Dieu sur les frontons des synagogues.

À côté de ce courant farouchement monothéiste subsistaient au sein du peuple d’autres représentations de Dieu, plus proches du polythéisme ambiant. L’expression « la face de Dieu » viendrait ainsi de coutumes royales : on était admis en présence du roi, et voir son visage représentait un honneur et un privilège réservé à quelques-uns. Il y avait également des processions où une statue royale de YHWH, malgré l’interdiction formelle des 10 commandements de ne pas faire d’image divine, était portée dans le Temple de Jérusalem.

Quoi qu’il en soit, le psaume recherche dans l’usage de l’expression anthropomorphique « la face de Dieu » une proximité, une familiarité qui puisse nourrir le peuple de l’espoir d’un Dieu accessible, alors que les dieux étrangers étaient bien lointains et indifférents au sort des hommes.

 

Voir Dieu face à face

Afficher l'image d'origine« Nul ne peut voir Dieu sans mourir » (Ex 33,20) : cette conviction biblique qui met Dieu à l’abri de nos projections humaines a quand même quelques exceptions célèbres dans l’Ancien Testament. Moïse est le plus connu.

« Yahvé parlait à Moïse face à face, comme un homme parle à son ami, puis il rentrait au camp » (Ex 33,11). « Il ne s’est plus levé en Israël de prophète pareil à Moïse, lui que Yahvé connaissait face à face » (Dt 34, 1.10).

La plupart du temps, Dieu n’est pas visible : « vraiment tu es un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël Sauveur », ce qui ne l’empêche donc pas d’agir pour son peuple puisqu’il est sauveur, mais il le fait à sa manière. Et les voies de Dieu ne sont pas celles des hommes.

On voit que dans tout l’Ancien Testament oscille entre radicale altérité et bienfaisante proximité de Dieu envers son peuple.

 

Cherchez la face de Dieu

La vie spirituelle s’est alors focalisée sur la recherche des signes de la promesse de Dieu. La plupart du temps, c’est après coup que nous pouvons discerner les traces de son passage, un peu comme Élie n’apercevant Dieu que de dos, dans le murmure de la brise légère (1R 19, 9-18). Mais le psaume chante que chercher Dieu est la vraie soif de l’être humain, le véritable objet de la chasse à courre mystique. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé » écrit Augustin dans ses Confessions (repris par Blaise Pascal dans ses Pensées). Comme si Dieu prenait un divin plaisir à jouer à cache-cache avec nous, pour éveiller notre désir et l’agrandir à la taille de son immensité, c’est-à-dire sans limites…

 

La Transfiguration, ou le vrai visage de Dieu

Afficher l'image d'origineEt voilà que celui que l’Ancien Testament avait cherché se révèle en Jésus de Nazareth ! Sur son visage d’homme on pouvait lire les traits divins. Sur le Mont Thabor, la face de Jésus irradie de façon si bouleversante que les trois témoins n’oublieront jamais cet éblouissement intense. Lorsque Jésus sera défiguré dans sa Passion, ils se souviendront après coup que la gloire de Dieu habitait cet homme. C’est donc pour que tout homme humilié comme le crucifié puisse recevoir du Christ la révélation de sa dignité divine qui est en lui. La transfiguration de Jésus nous apprend que, de manière surprenante, c’est Dieu le premier qui cherche le visage de l’homme. Comme au jardin de la Genèse où Adam a peur et se cache le visage, c’est nous qui nous dérobons au face à face. Dieu lui se donne entièrement à voir en Jésus de Nazareth. De la gloire du Mont Thabor à l’opprobre de la croix, c’est bien le visage de Dieu qui apparaît en cet homme faisant corps avec les damnés de la terre.

Depuis la transfiguration, chercher la face de Dieu ne se fait pas en s’évadant dans le ciel (« pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? »), mais en descendant du Thabor pour plonger au plus profond de l’enfer humain, et révéler  à tout homme humilié quelle est sa vraie beauté, sa vraie dignité en Dieu.

 

Chercher le visage de Dieu nous pousse aujourd’hui à côtoyer les regards perdus des malades d’Alzheimer dans nos EHPAD, nos foyers longs séjours d’hôpitaux. Avoir soif de la proximité divine nous amène à parcourir les jungles de Calais ou de Calcutta, les bidonvilles d’Inde ou d’Afrique pour essuyer la honte et la misère autour de ces visages, comme Véronique essuyait avec un linge la face tuméfiée de Jésus supplicié marchant vers le Golgotha.

Entretenir une vie spirituelle authentique ne peut se faire sans chercher passionnément la beauté de Dieu qui se cache en chacun, en chacune. Si Dieu a pris chair de notre chair, c’est dans la chair du monde qu’il nous donne désormais rendez-vous pour contempler sa face.

 

Les moines qui s’isolent pour chercher le visage de Dieu ne le font pas pour se couper du monde. Au contraire, toutes les règles monastiques prônent qu’accueillir les voyageurs et les étrangers, c’est accueillir le Christ en personne à l’hôtellerie du monastère, sans le dissocier de sa contemplation au tabernacle. Ainsi, saint Vincent de Paul ne disait-il pas à ses soeurs qui pestaient contre les mendiants sonnant à leur porte et les dérangeant à l’heure de l’office : 

« Il ne faut pas du retardement en ce qui est du service des pauvres. Si, à l’heure de votre oraison le matin, vous devez aller porter une médecine, oh, allez-y en repos. Offrez à Dieu votre action. Unissez votre intention à l’oraison qui se fait à la maison ou ailleurs et allez sans inquiétude. Si, quand vous serez de retour, votre commodité vous permet de faire quelque oraison ou lecture spirituelle, à la bonne heure, mais il ne faut point vous inquiéter ni croire avoir manqué, car on ne perd pas l’oraison quand on la quitte pour un sujet légitime. Et s’il y a un sujet légitime, c’est bien le service du prochain, car ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu. C’est-à-dire une œuvre de Dieu pour en faire une autre qui soit peut-être de plus grande obligation ou de plus grand mérite. Vous quittez l’oraison ou la lecture, vous perdez le silence pour assister un pauvre : sachez, mes filles, que faire tout cela c’est servir Dieu. Car, voyez-vous, la charité est par-dessus toutes les règles. Il faut que toutes les règles se rapportent à celle-là, car la charité est une grande dame et il faut faire ce qu’elle commande. Allons donc, et employons-nous avec un amour nouveau à servir les pauvres. Et même cherchons les plus pauvres et les plus abandonnés. Reconnaissons, devant Dieu, que ce sont nos seigneurs et nos maîtres et que nous sommes toujours indignes de leur rendre de petits services ».

Toute prétendue spiritualité qui voudrait se mettre à part, se couper du monde pour chercher Dieu entre soi serait en contradiction maximum avec la transfiguration du Christ sur la montagne.

Alors, cherchons nous aussi la face de Dieu, avec les psalmistes du Temple de Jérusalem, avec le roi David inventant une autre gouvernance pour son peuple, avec les prophètes défendant la dignité des pauvres, des immigrés, des orphelins et des veuves. Cherchons la face de Dieu sur les visages des inconnus comme des illustres.

« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu » : creusons en nous cette soif de découvrir le vrai visage de Dieu sur ceux que personne ne regarde plus, si ce n’est avec mépris, peur ou haine…

 

 

1ère lecture : Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham, le croyant (Gn 15, 5-12.17-18)
Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là, le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste.

 Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. » Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? » Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. » Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate. »

Psaume : Ps 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14
R/ Le Seigneur est ma lumière et mon salut.  (Ps 26, 1a)

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
ne me cache pas ta face.
N’écarte pas ton serviteur avec colère :
tu restes mon secours.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »

2ème lecture : « Le Christ transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » (Ph 3, 17 – 4, 1)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Frères, ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons. Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre.

Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

Evangile : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre » (Lc 9, 28b-36)

Acclamation : Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! »
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.  (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Patrick BRAUD

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23 décembre 2015

Une sainte famille « ruminante »

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Une sainte famille « ruminante »

Cf. également :

Fêter la famille, multiforme et changeante
La vieillesse est un naufrage ? Honore la !
La Sainte Famille : le mariage homosexuel en débat
Une famille réfugiée politique
Familles, je vous aime ?

Homélie pour la fête de la Sainte famille / Année C
27/12/15

Marie la ruminante

Évidemment, dit comme cela, c’est un peu vache pour Marie !

Pourtant c’est peut-être le terme qui en français correspond le mieux au verbe grec employé par Luc : dia-tereo (δια-τηρέω) = garder précieusement, conserver au-dedans de soi. « Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements » (cf. l’épisode de Jésus au Temple de Jérusalem Lc 2, 41-52). 

Le contexte est célèbre. C’est celui du premier signe d’autonomie du jeune Jésus, pré-ado  de 12 ans, qui échappe à la surveillance de ses parents pour rester au Temple de Jérusalem. Un peu comme un de ces grands ados perdus dans la lecture des BD des rayons de la FNAC, qu’on oublierait en partant et qui serait toujours là trois jours après pour ferrailler avec les meilleurs vendeurs spécialistes de Goscinny ou de Bilal…

Le fait est que Marie (et Joseph) ne comprend pas pourquoi il leur a fait ce coup-là. Il n’y avait pas eu de signes avant-coureurs de cette volonté d’indépendance. La peine de Marie est celle de toutes les mères croyant que leur fils leur échappe, vers un inconnu menaçant.

Afficher l'image d'origineMarie est loin de dramatiser et d’en faire toute une scène. Non, après un simple reproche, la vie familiale semble reprendre son cours d’avant (« il leur était soumis »). Du coup, Marie aurait pu oublier, classant comme anecdotique et sans réelle signification cet écart bénin de Jésus, ainsi que son énigmatique réponse. Mais non, elle sait bien qu’il y a là l’amorce de quelque chose d’important qu’elle ne comprend pas encore. Alors, sans bousculer les choses, elle met en mémoire cet événement non déchiffré, un peu comme on enregistre sur son disque dur un fichier dont on se dit qu’il faudra bien aller le décortiquer plus tard.

Depuis l’Annonciation, Marie sent bien qu’elle ne comprend pas tout ce qui lui arrive ; il lui faut faire confiance, et attendre la fin de l’histoire (la Résurrection) pour saisir enfin le vrai sens des événements étranges qui jalonnent la vie de son enfant. Ici c’est au Temple de Jérusalem. Plus tard ce sera à Cana (Jn 2, 1-12), où sans comprendre de quelle « heure » lui parle Jésus, elle dira pourtant aux serviteurs de « faire tout ce qu’il vous dira ». Puis ce sera quand elle le cherchera à nouveau, le croyant perdu, voulant le ramener à Nazareth avec ses cousins et sa famille : « ta mère et tes frères sont là dehors qui te cherchent ». La réponse de Jésus sera cinglante : « qui est ma mère ? » (Lc 8, 19-20). Là encore elle ne comprendra pas tout de suite mais elle gardera cette parole en son coeur : « celui qui fait la volonté de mon Père, voilà ma mère, mes frères, mes sœurs ».

Et que dire de l’incompréhension douloureuse de Marie devant la croix ? Comment : c’est ainsi que tout se termine ? Tout cela n’avait donc aucun sens ? À travers ses larmes, Marie gardera pourtant la parole de son fils crucifié : « voici ton fils » (Jn 19,26) , en désignant Jean, et elle découvrira plus tard que Jésus l’a confiée à l’Église, et a confié l’Église à Marie.

« Ruminer » les événements (au sens positif du terme), alors même qu’ils sont incompréhensibles sur l’instant, fait donc partie de la vie spirituelle de Marie, du début à la fin de l’existence de Jésus. Elle ne se laisse pas dérouter par l’étrangeté apparente du comportement de son fils, ni même par sa mort infâme. Elle ne comprend pas tout ce qui lui arrive [1], mais elle sait qu’elle ne comprend pas, et sans s’affoler en fait l’objet d’une méditation intérieure : un jour, tout s’éclairera. Comme les pièces d’un puzzle tombant de manière désordonnée sur une table, Marie ne perd pas une miette des événements, les met de côté, essaie de les assembler peu à peu, et attend, pleine d’espérance, que le motif général du puzzle apparaisse enfin à travers les morceaux éparpillés.

Cette attitude intérieure de Marie est devenue la nôtre : nous ne comprenons pas tout ce qui nous arrive. Il nous faut ruminer ces événements, les tourner et retourner au dedans de nous jusqu’à ce qu’une parole, une rencontre les éclaire, les insère dans le puzzle de notre histoire personnelle…

Les autres usages du verbe dia-tereo dans la Bible

Le verbe « garder précieusement » n’est utilisé que deux fois dans la Bible : ici en Luc 12,8, et en Ac 15,9 :

« L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d’autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. Vous ferez bien de garder tout cela. Adieu. »

On le voit : il s’agit de conserver et d’appliquer fidèlement les décisions du concile de Jérusalem. Le verbe se colore en Ac 15,9 d’une nuance pratique : garder précieusement en son coeur, ce n’est pas seulement se souvenir et chercher à interpréter, c’est également mettre en pratique ce qui est dit, et vivre déjà de ce qu’on ne comprend pas encore totalement.
Ainsi en est-il pour nous aujourd’hui.

Il y a deux autres usages  du verbe ‘garder’ qui se rapprochent de Luc 12,7 : Gn 37,11 et Ps 12,8

Gn 37,11 : « Joseph eut encore un autre songe, et il le raconta à ses frères. Il dit : J’ai eu encore un songe ! Et voici, le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. Il le raconta à son père et à ses frères. Son père le réprimanda, et lui dit : Que signifie ce songe que tu as eu ? Faut-il que nous venions, moi, ta mère et tes frères, nous prosterner en terre devant toi ? Ses frères eurent de l’envie contre lui, mais son père garda  (tereo) le souvenir de ces choses. »

Jacob, le père de Joseph, réagit comme Marie au récit du rêve étrange des astres s’inclinant que vient de faire Jacob. Il ne comprend pas ce rêve, ne sait pas l’interpréter  (et pas seulement parce que Sigmund Freud n’avait pas encore écrit son livre sur l’interprétation des rêves, fortement inspiré par la Bible…). Alors il engrange précieusement : cela me servira sans doute plus tard. Et de fait, quand Jacob deviendra premier ministre d’Égypte et se fera reconnaître de sa famille, son père se souviendra de cette annonce voilée de la dignité de Joseph qu’il n’avait pas pu déchiffrer à l’époque.

Ps 12,8 : « Parce que les malheureux sont opprimés et que les pauvres gémissent, maintenant, dit l’Éternel, je me lève, j’apporte le salut à ceux contre qui l’on souffle. Les paroles de Éternel sont des paroles pures, un argent éprouvé sur terre au creuset, et sept fois épuré. Toi, Éternel ! tu les garderas (tereo), tu les préserveras de cette génération à jamais. »

C’est Dieu lui-même qui va sauvegarder les pauvres de son peuple, les protéger du mal. Ruminer sa parole est pour Dieu un engagement très concret à sauver les humiliés, les opprimés du peuple.
Ainsi doit-il en être également pour nous.

 

Nous sommes un peuple de ruminants

Afficher l'image d'origineCette attitude de Marie ruminant les événements surprenants est devenue celle de l’Église scrutant les signes des temps. Persécution par des musulmans au Moyen-Orient, en Asie ou en Afrique, désaffection de la part des jeunes générations européennes, chute du mur de Berlin, soif d’une spiritualité écologique… : tant de choses nous arrivent que les chrétiens mettent du temps à comprendre. Il aura fallu le génie prophétique de saint Jean XXIII pour lire dans les aspirations des années 60 une préparation évangélique extraordinaire (mondialisation, décolonisation, promotion de la femme, montée en puissance des sciences  et des techniques etc.). Il aura fallu la clairvoyance de saint Jean-Paul II pour comprendre que le communisme était en train de s’effondrer, ouvrant la voie à un renouveau spirituel inouï à l’Est. Il aura fallu l’attachement franciscain du jésuite pape François pour publier la première encyclique écologique (Laudato si), texte fondateur accompagnant la prise de conscience d’un environnement menacé (COP 21) etc.

 

Chacun de nous est un ruminant !

Ce qui est vrai au plan collectif l’est aussi au plan individuel.

Bon nombre d’événements  nous percutent, nous bousculent, dont nous ne savons trop quoi faire sur l’instant.

Une visite médicale qui décèle une tumeur à opérer en urgence, un SMS caché dans le téléphone du conjoint qui révèle une relation où le couple se délite, un licenciement brusque et brutal qui vient tout compromettre… Ces tuiles nous tombent dessus avec plus de violence que l’argile tombant du toit. Qu’en faire ? Comment réorienter sa vie à partir de là ? Qu’y a-t-il à écouter, à comprendre dans cet événement imprévu qui s’impose ? Heureusement il n’y a pas que des tuiles, il y a également des cadeaux inattendus : une confidence, une perspective qui s’éclaire, une découverte enthousiasmante, un éblouissement devant la beauté d’une nature, d’une musique, d’un livre…
Qu’en faire ?

Là encore, la rumination de Marie nous invite à ne pas réagir trop vite. Il faut parfois savoir attendre pour comprendre, et garder précieusement dans son coeur le choc – douleur ou bonheur - de l’événement, pour savoir en distiller l’arôme et le nectar pour la suite.

 

Une famille ruminante

La bonne nouvelle est que nous pouvons nous aider en famille à ruminer ainsi ce qui nous arrive. Regardez la Sainte Famille. Joseph avait bien vu que Marie était enceinte sans lui. Il n’a pas sur-réagi ; il a pris le temps de réfléchir ; et cela lui a permis d’accueillir en songe la clé de ce qui lui nouait le coeur. Jésus quant à lui a pris 30 ans pour observer, apprendre la vie humaine à Nazareth. Il a ruminé ce que lui disaient les métiers, les paysages, le lac, la pêche, la loi, la synagogue… Et tous ses enseignements montrent que c’est dans cette rumination du quotidien qu’il puise la plupart de ses paraboles et de ses maximes.

Marie et Joseph, et Jésus avec eux, ne cessaient pas de garder précieusement dans leur coeur ce qui leur arrivait, pour en faire leur miel.

Afficher l'image d'origineNous aussi, devenons des ruminants des événements qui nous tombent dessus, grâce à la Parole de Dieu qui projette sur eux une interprétation nouvelle, grâce également au temps et à la patience sans lesquels tout demeure confus. Il ne s’agit pas de ressasser négativement, mais de garder précieusement dans sa mémoire, dans son intelligence, dans son coeur, ce qui va constituer l’humus de notre avenir en marche vers nous…

Ruminez la journée écoulée le soir avant de vous coucher.

Ruminez en couple les heurts et bonheurs de votre relation, de votre famille.

Ruminez dans votre travail tous les signes annonciateurs ‘d’autre chose’.

Ruminez, ruminez…

Et la cohérence profonde de votre existence vous apparaîtra, tel le motif d’un puzzle où  enfin tout se met en place.

Jusqu’à ce que, à la fin, grâce à notre soeur la mort, nous puissions enfin connaître comme nous sommes déjà connus.

 


[1]. Les disciples non plus ! cf. Lc 18,34 : « Les disciples ne comprirent rien à tout cela, c’était pour eux un langage énigmatique et ils ne savaient pas ce que Jésus voulait dire ».

 

 

1ère lecture : « Samuel demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie » (1 S 1, 20-22.24-28)
Lecture du premier livre de Samuel

Elcana s’unit à Anne sa femme, et le Seigneur se souvint d’elle. Anne conçut et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c’est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle, « Je l’ai demandé au Seigneur. » Elcana, son mari, monta au sanctuaire avec toute sa famille pour offrir au Seigneur le sacrifice annuel et s’acquitter du vœu pour la naissance de l’enfant. Mais Anne n’y monta pas. Elle dit à son mari : « Quand l’enfant sera sevré, je l’emmènerai : il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. » Lorsque Samuel fut sevré, Anne, sa mère, le conduisit à la maison du Seigneur, à Silo ; l’enfant était encore tout jeune. Anne avait pris avec elle un taureau de trois ans, un sac de farine et une outre de vin. On offrit le taureau en sacrifice, et on amena l’enfant au prêtre Éli. Anne lui dit alors : « Écoute-moi, mon seigneur, je t’en prie ! Aussi vrai que tu es vivant, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi pour prier le Seigneur. C’est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l’a donné en réponse à ma demande. À mon tour je le donne au Seigneur pour qu’il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie. » Alors ils se prosternèrent devant le Seigneur.

Psaume : Ps 83 (84), 2-3, 5-6, 9-10

R/ Heureux les habitants de ta maison, Seigneur ! (Ps 83, 5a)

De quel amour sont aimées tes demeures,
Seigneur, Dieu de l’univers.
Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ;
mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !

Heureux les habitants de ta maison :
ils pourront te chanter encore !
Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s’ouvrent dans leur cœur !

Seigneur, Dieu de l’univers, entends ma prière ;
écoute, Dieu de Jacob.
Dieu, vois notre bouclier,
regarde le visage de ton messie.

2ème lecture : « Nous sommes appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jn 3, 1-2.21-24)
Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.

 Bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux.

 Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit.

Evangile : « Les parents de Jésus le trouvèrent au milieu des docteurs de la Loi » (Lc 2, 41-52)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Seigneur, ouvre notre cœur pour nous rendre attentifs aux paroles de ton Fils.
Alléluia. (cf. Ac 16, 14b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher. C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
Patrick BRAUD

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18 novembre 2015

La violence a besoin du mensonge

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La violence a besoin du mensonge

 

Homélie pour la fête du Christ Roi / Année B
22/11/2015

Cf. également :

Divine surprise

Le Christ Roi fait de nous des huiles

Non-violence : la voie royale

Un roi pour les pires

 

« La violence n’exige de nous que notre obéissance au mensonge »

Afficher l'image d'origine« Quand la violence fait irruption dans la vie paisible des hommes, son visage flamboie d’arrogance, elle porte effrontément inscrit sur son drapeau, elle crie : « JE SUIS LA VIOLENCE ! Place, écartez-vous, ou je vous écrase ! » Mais la violence vieillit vite. Encore quelques années et elle perd son assurance, et pour se maintenir, pour faire bonne figure, elle recherche obligatoirement l’alliance du mensonge. Car la violence ne peut s’abriter derrière rien d’autre que le mensonge, et le mensonge ne peut se maintenir que par la violence. Et ce n’est ni chaque jour, ni sur chaque épaule que la violence pose sa lourde patte : elle n’exige de nous que notre obéissance au mensonge, que notre participation quotidienne au mensonge et c’est tout ce qu’elle attend de ses loyaux sujets.

Et c’est là justement que se trouve, négligée par nous, mais si simple, si accessible, la clef de notre libération : LE REFUS DE PARTICIPER PERSONNELLEMENT AU MENSONGE ! Qu’importe si le mensonge recouvre tout, s’il devient maître de tout, mais soyons intraitables au moins sur ce point : qu’il ne le devienne pas PAR MOI !

Et cela, c’est une brèche dans le cercle imaginaire de notre inaction, pour nous : la plus facile à réaliser, pour le mensonge : la plus destructrice. Car lorsque les hommes tournent le dos au mensonge, le mensonge cesse purement et simplement d’exister. Telle une maladie contagieuse, il ne peut exister que dans un concours d’hommes. »

Alexandre Soljenitsyne, à Moscou le 12 février 1974 [1] 

L'opium des intellectuelsL’avertissement de Soljenitsyne valait pour le système communiste, bâti sur un mensonge.

Comment ne pas y voir un avertissement pour nous aujourd’hui face à la violence inhumaine des attentats de Paris ? Faute d’avoir analysé et compris la complicité de l’Occident avec le mensonge communiste, nous risquons fort de reproduire des aveuglements semblables, et lourds de conséquences.

Ce mensonge communiste concernait d’abord la personne humaine, réduite à n’être qu’un élément de la classe ouvrière seule digne d’intérêt et à qui on pouvait sacrifier bien des individus (les millions de morts des purges staliniennes et des goulags en témoignent).

Ce mensonge concernait également l’économie, réduite à une planification collective finalement inefficace et terriblement appauvrissante.

Ce double mensonge s’est écroulé en 1989. Pourtant, pendant des décennies, l’intelligentsia française et au-delà a été fascinée par la pensée marxiste, au point de l’ériger en clé ultime de l’histoire. On a oublié aujourd’hui les positions effarantes de Sartre (le marxisme est l’« indépassable philosophie de notre temps »), Althusser, Edgar Morin (jusqu’en 1951), Louis Aragon, Annie Kriegel et tant d’autres maîtres à penser des années 60 à 90. Raymond Aron était bien seul, dissident parmi ces intellectuels, à dénoncer le mensonge.

Se souvenir permettrait pourtant de mettre en pleine lumière les complicités actuelles de bien d’autres intellectuels français avec des idéologies pour potentiellement dangereuses, reposant elles aussi sur un mensonge.

 

Pilate le politique face à Jésus le roi dissident

L’avertissement de Soljenitsyne doit être renouvelé aujourd’hui.

Il fait écho au témoignage de Jésus devant Pilate (Jn 18, 33-37). Jésus pose la question de la vérité, et y répond en personne : « je suis venu pour rendre témoignage à la vérité ». Ailleurs il dit même : « je suis la vérité ». C’est donc que la vérité en christianisme est une personne vivante et non pas une idéologie.

Afficher l'image d'originePilate lui est un politique en même temps que militaire d’occupation. L’historien juif Flavius Josèphe le décrit comme « un gouverneur qui n’hésite pas à recourir à la manière forte pour rétablir l’ordre ». S’embarquer dans un dialogue philosophique à propos de la vérité avec ce prophète charismatique peut devenir dangereux. Pendant ce temps-là, les responsables juifs risquent de fomenter des troubles, des émeutes, car ils savent manipuler les foules. Peu importe finalement que Jésus soit ou non du côté de la vérité : l’important est que Jérusalem ne se soulève pas contre l’armée romaine. L’important est de maintenir un semblant de paix. Maintenir la pax romana, même au prix du mensonge, vaut mieux que de chercher où est le vrai.

D’ailleurs, lorsque ce peuple juif occupé et décidément rebelle recommencera à contester le pouvoir impérial, Pilate le soldat utilisera la violence armée pour mater la révolte (cf. Lc 13,1 et la mention des « Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices »), comme toute occupation militaire ou idéologique. En 36, il fait réprimer avec cruauté un rassemblement de Samaritains sur le mont Garizim. À l’instigation d’un homme qui selon Flavius Josèphe « considérait le mensonge comme sans importance et usait de toutes sortes de manœuvres pour plaire au peuple », les plus convaincus « prirent les armes » et s’installèrent dans le village de Tirathana pour accueillir la masse des samaritains et « faire en grand nombre l’ascension de la montagne ». Cet homme leur avait promis de leur montrer « des vases sacrés enfouis par Moïse ». À la suite de ce massacre des samaritains, Pilate fut contraint par l’empereur Tibère de quitter la Judée.

La violence a besoin du mensonge dans Communauté spirituelle 51XTilBAikL._SX301_BO1,204,203,200_Préférer le mensonge à la vérité [2] pour avoir la paix (mais quelle paix ? !) : la tentation politique de Pilate est encore celle de nos politiques. Que ce soit sur des questions sociales brûlantes comme le drame des migrants ou le mal-logement des français, ou sur des questions éthiques comme l’avortement et l’euthanasie, ou sur les guerres en Irak, en Iran, en Syrie, en Lybie et ailleurs, ou sur des enjeux complexes comme la laïcité, la place de l’islam etc., rares sont les politiques qui osent raisonner et argumenter en termes de vérité et de mensonge. Ils parleront consensus, opinion majoritaire, règlements internationaux. Beaucoup seraient aussi sceptiques que Pilate si on leur demandait quelle est leur conception de la vérité sur ces sujets. Souvenons-nous des mensonges américains sur de soi-disant armes de destruction massive qui ont été l’alibi pour intervenir militairement en Irak : ils ont finalement engendré la montée en puissance d’Al Qaïda, et maintenant de Daech. La violence que l’Etat Islamique tire du Coran provient d’ailleurs pour une large part d’un autre mensonge, qui présente le texte arabe du Coran comme « incréé », directement dicté par Dieu (donc s’imposant comme tel, sans aucune possibilité d’interprétation).

Hannah Arendt avait déjà étudié, dans les années 70, cette liaison dangereuse entre mensonge et violence, par exemple en analysant les « documents du Pentagone » révélant l’envers de la guerre du Vietnam [3].

Sans le mensonge, la violence n’a plus aucun fondement légitime.

 

« Qu’est-ce que la vérité ? »

Cette interrogation en forme de fuite permet à Pilate d’éviter de se prononcer pour ou contre Jésus.

Nos politiques renvoient cette question de la vérité à la sphère privée, et s’interdisent de déchiffrer les évolutions sociales à la lumière de cette interrogation. Et la violence se nourrit de ces mensonges. La violence a besoin du mensonge ; c’est pourquoi la vérité qui est Jésus en personne engendre la non-violence, jusqu’à préférer être tué que tuer.

Que chacun de nous, en entreprise, au travail comme en famille, n’élude pas la question du vrai, quitte à prendre des risques pour combattre le mensonge, quitte à devenir un dissident, comme l’était Soljenitsyne en 1974…

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[1]. Soljenitsyne, interdit d’habiter Moscou, où demeure Natalia Svetlova, une mathématicienne engagée dans la dissidence avec laquelle il vit maritalement (et qu’il épousera après son divorce), trouve refuge chez le violoncelliste Rostropovitch. Le prix Nobel vient le récompenser en 1970. Mais il est hors de question de se rendre à Stockholm, de peur de ne pas être autorisé à revenir dans son pays.
L’étau du KGB se resserre autour de lui et en 1973, une de ses collaboratrices, Élisabeth Voronianskaïa, qui avait dactylographié L’Archipel (du Goulag), est retrouvée pendue chez elle : interrogée pendant trois jours par les guébistes, elle a craqué et avoué où elle avait caché un exemplaire du manuscrit qu’elle avait conservé à l’insu de Soljenitsyne. Ce dernier rend la nouvelle publique et demande que L’Archipel soit publié en Occident. Ce qui est fait en décembre. La presse soviétique se déchaîne, mais Soljenitsyne est décidé à répondre coup pour coup. Le 12 février 1974, il lance son appel de Moscou, exhortant ses compatriotes à « ne plus vivre dans le mensonge ». Le lendemain il est arrêté, déchu de sa nationalité soviétique et expulsé. Ce n’était plus arrivé depuis… Trotski en 1929.

[2]. Il est à noter que dans la Bible, le contraire de la vérité n’est pas l’erreur, mais le mensonge.

[3]. Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Éditions Pocket – coll. Agora, Paris, 2002.

 

 

1ère lecture : « Sa domination est une domination éternelle »(Dn 7, 13-14)
Lecture du livre du prophète Daniel

Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.

Psaume : Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5

R/ Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence. (Ps 92, 1ab)

Le Seigneur est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le Seigneur a revêtu sa force.

Et la terre tient bon, inébranlable ;
dès l’origine ton trône tient bon,
depuis toujours, tu es.

Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
Seigneur, pour la suite des temps.

2ème lecture : « Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu » (Ap 1, 5-8)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre.
À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. Oui ! Amen !
 Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers.

Evangile : « C’est toi-même qui dis que je suis roi » (Jn 18, 33b-37)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Alléluia.  (Mc 11, 9b-10a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »
Patrick BRAUD

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4 novembre 2015

Le Temple, la veuve, et la colère

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Le Temple, la veuve, et la colère

 

Homélie du 32° dimanche du temps ordinaire / Année B
08/11/2015

Cf. également :

Les deux sous du don…

 

C’est fou ce que Jésus doit aux femmes !

De Marie de Nazareth à Marie de Magdala, en passant par la cananéenne et ses petits chiens, Jésus n’a cessé de recevoir des femmes de sa vie de quoi exister, annoncer, grandir. Ici, c’est une pauvre veuve qui va le révéler à lui-même, en confortant son désir de se jeter à corps perdu dans la réforme du judaïsme.

Pour décrypter le fonctionnement religieux du Temple, Jésus se poste dans le parvis de femmes, sur les marches d’un escalier de pierre.

Le parvis des femmes, c’était une vaste cour carrée entourée de trois côtés par une colonnade supportant une galerie d’où les femmes pouvaient assister aux cérémonies religieuses. Un large escalier semi-circulaire de quinze marches conduisait au parvis d’Israël. C’est sans doute sur l’un de ces degrés que Jésus s’était assis ; de là, il voyait sur sa gauche la salle du trésor le long de laquelle, d’après le Talmud, se trouvaient treize troncs au goulot étroit et évasé par le bas, d’où leur nom de trompettes. Les fidèles y jetaient leurs aumônes et, à l’époque de la Pâque, l’affluence autour des troncs était énorme. Certains en profitaient pour jeter à pleines mains et avec ostentation de la monnaie de cuivre ou de bronze. Ils auraient pu s’acquitter plus commodément de la même offrande en monnaie d’argent, mais leur générosité aurait été moins bruyante et n’aurait pas attiré l’attention des pèlerins…

Afficher l'image d'origineTiens, aujourd’hui encore, c’est donc en se plaçant aussi chez du côté des femmes que nous pouvons décrypter la vérité sur notre société. Les féministes du « Care »  disent des choses vraies sur ce qui manque à nos relations de travail, de politique etc. Les théologiennes américaines écrivent des choses vraies sur le système religieux catholique, encore trop dominé par les hommes.

Jésus aurait aimé se placer dans ces parvis des femmes contemporains, pour contempler les foules de nos entreprises, de nos cités, et y révéler à la fois l’hypocrisie des riches et l’aliénation des pauvres. L’Église doit accepter de décaler ainsi son point de vue (sur l’économie, la politique, la famille, l’Église etc.) en regardant et écoutant ce que les femmes disent des relations humaines de notre temps.

Jésus entend le bling-bling clinquant des riches versant ostensiblement leur obole dans les vases de la collecte, mais il entend plus encore le silence – l’énorme silence si lourd de conséquences - de la pauvre veuve jetant de son nécessaire.

 

La colère contre l’institution religieuse du Temple

À lire le texte, on ne sait pas si c’est l’admiration (de la veuve) ou l’indignation (contre le Temple) qui prévaut en Jésus. Le contexte de ce passage est en effet une controverse entre Jésus et les pouvoirs religieux du Temple de Jérusalem : « ils dévorent les biens des veuves ». On peut penser qu’au lieu d’admirer les deux sous du don de cette femme, il continue au contraire à frémir de colère envers le Temple. Comment, ce Temple a été érigé pour la gloire de Dieu et le voici qui dévore tout ce que cette veuve a pour vivre !? Comment la foi d’Israël a-t-elle pu engendrer un système d’offrandes aussi injuste ? D’autant plus que ce Temple, Jésus annonce qu’il n’en restera bientôt plus pierre sur pierre ! Jésus dénonce le caractère stérile et absurde de ces offrandes pour une cause condamnée à disparaître.

Il aurait frémi de colère devant les sacrifices humains exigés par Hitler, Lénine, Staline ou Mao. Il renverserait aujourd’hui les écrans des changeurs de la Bourse et s’indignerait que l’épargne des plus petits soit utilisée pour d’autres buts que la vraie solidarité. Il dénoncerait à nouveau les chefs religieux – les chrétiens, musulmans ou autres - qui vivent comme des nababs aux dépens de leur communauté. Il ne supporterait pas qu’une pauvre veuve soit trompée dans son espérance par les politiques, les puissants.

Afficher l'image d'origineL’aliénation de cette femme est d’autant plus terrible que son don et volontaire : elle a donc intériorisé ce que le système exige d’elle, plus que les puissants n’auraient osé rêver. Hegel a montré que dans la dialectique maître-esclave, la domination est maximum lorsque l’esclave consent à son exploitation et y collabore. C’est cette aliénation que Jésus démasque en public. C’est à cela que les disciples du Christ sont appelés aujourd’hui : démasquer l’hypocrisie des riches qui font semblant de donner, et à grand bruit ; libérer les pauvres de la fausse obligation de se sacrifier pour un système condamné à disparaître.

On comprend que cette charge contre le Temple de Jérusalem a été une accusation majeure contre Jésus lors de son procès, suffisante pour éliminer celui qui dit la vérité, pour reprendre des paroles de Guy Béart.

 

La pauvre veuve, icône du Christ

Afficher l'image d'origineIl y a plus encore que l’indignation prophétique de Jésus dans ce texte. Car cette veuve annonce le Christ lui-même dans sa vie, jetée sans rien garder pour lui-même. Vous aurez peut-être remarqué que ce verbe jeter, ballo en grec, revient à sept reprises dans le très court récit consacré à l’obole de la veuve. La foule jette dans le tronc… Des riches jettent beaucoup… Une veuve jette deux petites pièces… Elle a jeté plus que tous ceux qui jettent dans le tronc… Tous ont jeté du superflu… Elle a jeté tout ce qu’elle possédait. A noter que jeter beaucoup en dispersant se rattache en grec au verbe dia-ballo, qui a donné diable en français… Alors que la veuve jette ensemble les deux pièces, syn-ballo en grec, ce qui a donné symbole en français. Le geste de la veuve est symbolique (d’une vie cohérente jusqu’au bout), alors que le geste des riches est diabolique (éparpillant l’être comme les pièces).

Ces deux sous jetés dans le trésor du Temple sont une icône du don total que Jésus va faire de lui-même. Mais lui pourra par ce sacrifice subvertir la logique de domination : le système religieux qui le condamnera sera lui-même renversé par la victoire du Christ dans sa résurrection. Ce que la veuve dans sa faiblesse n’avait pas pu réaliser : la fin de l’iniquité du Temple, le Christ l’obtiendra dans la puissance de l’Esprit qui lui fera traverser la mort. La même offrande : jeter tout son nécessaire, portera des fruits enfin en plénitude.

En voyant cette pauvre veuve donner tout ce qu’elle a, Jésus se voit lui-même devoir aller jusqu’au bout de ce dépouillement de soi, non pour se soumettre à un pouvoir injuste, mais pour « renverser les puissants de leur trône et élever les humbles ».

 

La pauvre veuve, icône de l’Église

Du coup, cette pauvre veuve est également une figure de l’Église. Les Pères de l’Église ont bien vu en elle la vocation des chrétiens : se donner par amour, pour libérer avec le Christ les plus pauvres de la domination des systèmes inhumains.

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Ne reconnaissez-vous pas dans cette pauvre veuve l’Église qui apporte ses présents à Dieu ? Elle est pauvre, car elle repousse loin d’elle l’esprit de superbe et l’amour des richesses de la terre. Elle est veuve, car son époux a subi la mort pour elle, et maintenant il est bien loin d’elle. Et pendant que les Juifs offraient orgueilleusement à Dieu leur justice acquise par les œuvres de la Loi, l’estimant une richesse immense, l’Église offrait avec humilité, s’estimant heureuse de la voir acceptée par Dieu, la double obole de sa foi et de sa prière, ou encore de son amour de Dieu et du prochain. En les regardant par rapport à sa faiblesse, elle les estimait peu de chose ; mais à cause de la pureté de son intention, son offrande l’emportait de beaucoup sur l’offrande fastueuse des Juifs.
Saint Bède le Vénérable : commentaire de l’évangile selon saint Marc

 

Que l’indignation prophétique du Christ devienne également la nôtre, pour que les systèmes religieux contemporains arrêtent d’exploiter les plus pauvres.

 

 

 

1ère lecture : « Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l’apporta à Élie » (1 R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie.

Psaume : Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10

R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! (Ps 145, 1)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

2ème lecture : « Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude » (He 9, 24-28)
Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Evangile : « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres » (Mc 12, 38-44)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux !
Alléluia
(Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
 Patrick Braud

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