L'homélie du dimanche (prochain)

14 juillet 2012

Plus on possède, moins on est libre

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Plus on possède, moins on est libre

 Homélie du 15° dimanche ordinaire / Année B
15/07/2012

Le ressentiment contre une Église trop riche

Qu’est-ce qui a en grande partie causé le rejet de l’Église catholique chez les Français de toutes classes sociales au XVIII° siècle ? Essentiellement les privilèges matériels qu’elle avait accumulés au fil des siècles. Le ressentiment des paysans était grand contre ces princes de l’Église qui possédaient trop et exigeaient toujours plus, en collectes, taxes et autres dons en nature. Les nobles voyaient d’un mauvais oeil ces concurrents parader à la cour royale ou dans les demeures aristocratiques comme s’ils y étaient chez eux. Même le bas clergé, rangé au côté du Tiers État lors des États Généraux de 1789, se plaignait des conditions de vie extravagantes de leurs évêques et responsables directs, alors que eux arrivaient tout juste à survivre dans les paroisses pauvres. Il régnait entre prêtres, entre les clercs et le peuple, une grande inégalité et une grande injustice. Si bien que les confiscations des biens ecclésiaux par la Révolution devinrent le symbole de l’exaspération de la population envers une Église devenue trop riche, trop puissante.

En cette période où la Grèce fait beaucoup parler d’elle au coeur de la crise de l’euro, il se pourrait que l’Église grecque comprenne un jour qu’elle aussi doit accepter de lâcher de ses possessions et de ses privilèges, si elle veut garder l’estime de ses enfants. Cette Église grecque est hégémonique, comme si elle voulait faire contrepoids à l’hégémonie musulmane qui risque d’étouffer hélas les pays voisins. Lorsque tout un peuple souffre sur le plan économique, voir les popes, les monastères, les paroisses continuent à mener grand train, ne pas payer d’impôts et bénéficier d’aides de l’État va être de plus en plus insupportable.

Est-ce à ce genre de contradictions que Jésus pense lorsqu’il prescrit à ses 12 envoyés « de ne rien emporter pour la route, de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture », ni même de tunique de rechange ! (Mc 6,7-13).

Jésus sait d’expérience que pour libérer les autres (« chasser les démons »), il faut d’abord être soi-même libéré de toute possession. Pour être plus fort que le mal, (« il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais »), il leur faut être libre de toute soif de pouvoir économique ou social.

Pour être au service, Jésus a voulu que son Église soit pauvre.

Chaque fois que les chrétiens ont oublié cette prescription, l’Église a commencé à décliner spirituellement, même si elle s’installait socialement. Chaque fois que les réformateurs l’ont ramené à cet ordre évangélique (les ermites, François d’Assise, Charles de Foucauld ou autres), elle a retrouvé un rayonnement bien au-delà de ses appartenances.

 

Pour une Église servante et pauvre

« Pour une Église servante et pauvre » : ce leitmotiv du concile Vatican II a entraîné un renouveau en profondeur, des favelas d’Amérique latine aux bidonvilles de Calcutta en passant par les ‘igloos’ du quart-monde en Europe (cabanes de tôle où se réfugiaient les familles dans les cités d’urgence).

Il se pourrait que cet élan conciliaire soit aujourd’hui mis à mal et contesté par de jeunes générations rêvant de reconquête et de pouvoir sur les masses. Mais ce serait une illusion de croire que l’avenir de l’Église passe par la puissance sociale et institutionnelle.

D’autres Églises, notamment baptistes et pentecôtistes, vivent à la lettre la finale de notre évangile de ce dimanche : chasser les démons, faire des onctions d’huile pour guérir les malades etc. On connaît les rassemblements charismatiques spectaculaires où des milliers de personnes proclament leur conversion et disent être guéris, libérés. Si tout cela s’accompagne du désintéressement prescrit par Jésus à ses apôtres, rien à redire. Si par contre ce soi-disant service se traduit en sommes d’argents mirobolantes, en domination d’un leader sur ses convertis, en lutte insensée pour prendre le pouvoir sur une société supposée pervertie (cf. les scandales des télévangélistes aux USA), alors l’avertissement du Christ résonne comme une mise en garde : « n’emportez rien pour la route… ».

Évidemment, il faut bien quelques moyens matériels pour vivre. Jésus n’est pas naïf. Il est même très réaliste en revendiquant l’efficacité de sa pauvreté apostolique :« Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ?  ’De rien’, dirent-ils. » (Lc 22,35)  Il sait que l’hospitalité ne manquera jamais à ceux qui se dévouent pour les autres. La nourriture sera offerte à ceux qui se dépensent sans compter pour la communauté. Comme le dira Paul en parlant de son ministère : « tout ouvrier mérite son salaire ». Il est juste que l’apôtre reçoive de ceux à qui il est envoyé. Ce qui l’amène d’ailleurs à faire l’expérience de la dépendance, par amour. Les bonzes tibétains doivent mendier leur bol de riz dans la rue. Les ouvriers de l’Évangile doivent compter sur la générosité de ceux à qui ils annoncent l’Évangile, sans esprit d’accumulation ni de domination.

Tel est bien le sens du denier de l’Église par exemple. Indispensable aux diocèses et aux paroisses pour survivre, il dépend entièrement de la libre générosité des habitants ; il traduit leur attachement à l’Église et aux services qu’elle leur procure; il est suffisant pour vivre (à peine en réalité, car sans les legs et les dons le déficit serait grand) mais pas pour s’enrichir. Et c’est très bien ainsi !

Le vrai enjeu pour chacun est d’examiner ce qu’il possède : ma richesse est-elle un obstacle au service des autres ? Suis-je assez libre pour servir avec désintéressement ? Pour accepter d’être envoyé quelque part « sans pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans la ceinture » ?

Et bien sûr on peut étendre cette pauvreté matérielle à toute forme de pauvreté « en esprit » (Mt 5) : être envoyé ailleurs, que ce soit dans un cadre professionnel, associatif ou ecclésial, suppose un réel détachement intérieur, en ne possédant pas trop de certitudes, de jugements établis ou de positions dominantes qui empêcheraient de se mettre au service de ceux vers qui nous sommes envoyés.

Amos dans la première lecture témoigne qu’il n’a pas recherché la mission de prophète qui lui est tombée dessus. « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël » (Am 7,15). Il a quitté son troupeau, s’est frotté au roi d’Israël, il n’a gagné ni terre, ni argent ni titre dans cette mission. 

Sa pauvreté à lui était d’aller « les mains nues » au devant des inconnus que Dieu lui désignait.

Cette pauvreté est toujours la nôtre. Conjuguée à une simplicité de vie matérielle, elle sera le ferment le plus puissant de la nouvelle évangélisation de notre vieux continent…

 

Plus on possède, moins on est mobile.

Plus on accumule, moins il est facile de se laisser envoyer ailleurs.

Tous ceux qui ont déménagé souvent le savent d’expérience !

Tout en gardant « un bâton pour la route », à quelle simplification matérielle sommes-nous appelés pour mieux répondre à l’appel du Christ ?

 

1ère lecture : La mission divine du prophète (Am 7, 12-15)

Lecture du livre d’Amos

Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Va-t’en d’ici avec tes visions, enfuis-toi au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume.»
Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ »

Psaume : 84, 9ab.10, 11-12, 13-14

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? 
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. 
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : Dieu nous a choisis depuis toujours (brève : 3-10) (Ep 1, 3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ : voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé, qui nous obtient par son sang la rédemption, le pardon de nos fautes. Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d’intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté, de ce qu’il prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis ; dans sa bienveillance, il projetait de saisir l’univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ. 
En lui, Dieu nous a d’avance destinés à devenir son peuple ; car lui, qui réalise tout ce qu’il a décidé, il a voulu que nous soyons ceux qui d’avance avaient espéré dans le Christ, à la louange de sa gloire. Dans le Christ, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de votre salut ; en lui, devenus des croyants, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit que Dieu avait promis, c’est la première avance qu’il nous a faite sur l’héritage dont nous prendrons possession au jour de la délivrance finale, à la louange de sa gloire.

Evangile : Jésus envoie les Douze appeler les hommes à la conversion (Mc 6, 7-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur toute la terre est proclamée la Parole, et la Bonne Nouvelle aux limites du monde. Alléluia. (cf. Ps 18, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie deux par deux. Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais, et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture.
« Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Patrick Braud

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23 juin 2012

Personne dans la famille ne porte ce nom-là

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Personne dans la famille ne porte ce nom-là

 

Homélie pour la nativité de saint Jean-Baptiste / année B

24 juin 2012

 

Je me souviens encore de ces fiancés qui avaient choisi ce texte d’Évangile pour leur mariage. Choix peu courant en effet ! Loin des standards habituels (la maison bâtie sur le roc, « il n’est pas bon que l’homme soit seul » etc.), ce récit de la naissance de Jean-Baptiste les avait emballés. Pourquoi ? Et quel rapport avec leur mariage ? Parce qu’ils sentaient clairement, sans avoir les mots pour le dire, que la nouveauté apportée par Jean-Baptiste dans sa famille était libératrice pour eux également. Il désirait cette même liberté pour leur couple, et comptaient (à juste titre) sur leur mariage religieux pour les aider à trouver symboliquement la bonne distance avec leurs parents respectifs.

 

Relisons ce texte attentivement.

 

Le 8° jour

La nativité de Jean-Baptiste n’a rien de spécial. C’est sa conception rappelons-le qui était hors normes. Zacharie, le mari d’Élisabeth, avait douté de l’annonce qui lui avait été faite de cette naissance alors qu’il était en service sacerdotal dans le temple de Jérusalem. Du coup, il était ressorti muet du temple : ne pas faire confiance à la parole donnée par Dieu lui avait coupé sa propre parole !

Tout va se dénouer le huitième jour après la naissance, le jour de la circoncision de l’enfant. Huit : le chiffre de la résurrection dans le Nouveau Testament (le Christ est ressuscité le huitième jour de la semaine juive, c’est-à-dire le premier jour de la nouvelle semaine de la nouvelle création du monde). C’est également le chiffre du Messie pour les juifs (cf. les huit lumières de la menorrah). Le huitième jour désigne donc Jean-Baptiste comme celui qui va inaugurer l’ère messianique, celui qui annonce la résurrection du Christ.

 

Huit est en plus le jour de la circoncision des garçons dans la tradition juive. Un jour Personne dans la famille ne porte ce nom-là dans Communauté spirituelledonc où le couteau tranche dans la chair pour séparer ce qui est formellement femelle (le prépuce) du sexe mâle : les rabbins y ont vu, non seulement l’alliance « dans le sang » avec Dieu (c’est pourquoi d’ailleurs les femmes n’en ont pas besoin), mais encore le symbole de l’apprentissage de la juste différence homme/femme, sans confusion. La circoncision apprend à chacun quelle est sa place dans l’humanité sexuée, la juste distance, la juste relation entre hommes et femmes.

Au moment où son fils est circoncis, Zacharie va apprendre lui aussi, comme par une circoncision du coeur, la juste distance, la juste relation avec son enfant. En effet, au lieu de vouloir que son fils lui ressemble, il va accepter qu’il soit autre. Au lieu de photocopier en lui ses projets inassouvis, Zacharie va accepter que Jean-Baptiste soit lui-même, avec une vocation unique et singulière.

 

Le choix du prénom

Le choix du prénom est là encore éminemment symbolique : appeler un fils comme son père (coutume largement répandue jusque avant guerre même chez nous) était lui apposer une marque de fabrique : « tu dois prolonger l’oeuvre de ton père, mon fils, et te situer comme héritier ».

La première, sa mère a protesté contre cette possession paternelle : « non, il s’appellera Jean ». Il a le droit d’être différent et de ne pas vivre à l’ombre de son père. « Vos enfants ne sont pas vos enfants » écrivait le poète libanais Khalil Gibran dans son livre : « le prophète ».

Zacharie accepte alors que le couteau passe aussi entre lui et son fils. : « son nom est Jean » écrit-il puisqu’il est devenu muet. La puissance de cet écrit est immédiate : il retrouve l’usage de la parole, pour « bénir », pour dire du bien de Dieu, lui qui l’avait raillé.

Bien des parents/enfants ont expérimenté cela : lorsque la parole est difficile avec un enfant/parent, voire impossible, il reste encore l’écrit. Dans une lettre, des choses peuvent être dites, se dénouer, et cela devient libérateur.

Il y a si peu d’écrits entre générations, surtout actuellement à l’heure du téléphone omniprésent ! Même les SMS, les mails ou les rapides tweets ne remplaceront jamais les vraies lettres, construites et fortes, où l’on peut se confier en déroulant de A à Z ce que l’on a besoin de dire à l’autre. Entre époux également, on s’écrit si peu ! Et c’est dommage, car une lettre après 25 ans ou 50 ans de vie commune peut avoir une saveur et une intensité extraordinaires.

 

À partir du moment où Elizabeth et Zacharie acceptent que leur fils ne soit pas « comme son père », ils s’ouvrent à la nouveauté radicale que Dieu veut produire à travers eux. « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » objecte-t-on à Élisabeth. Car si on ne donnait pas le nom du père, on donnait au moins un nom connu porté par quelqu’un d’autre dans la famille (un oncle, une tante le plus souvent). Comme s’il fallait absolument répéter pour être rassuré, comme si c’était dangereux de ne pas reproduire ce que nos ancêtres ont déjà réalisé.

 

Le mythe de l’éternel retour

Beaucoup de cultures gardent encore aujourd’hui la trace de cette peur de la nouveauté.  famille dans Communauté spirituelleLes animistes dans leurs rituels cherchent à reproduire ce que les dieux, les génies ou les esprits ont fait autrefois pour rétablir l’harmonie du monde. Le bouddhisme considère la répétition cyclique comme un tel enfer que justement l’anéantissement est le seul moyen d’en sortir, pas la nouveauté. L’islam veut restaurer une révélation monothéiste des origines, et se méfie comme de la peste de toute innovation en matière de religion.

L’historien roumain Mircea Eliade a magistralement étudié cette conception cyclique du temps dans les religions qui veulent revenir « in illo tempore ». Le « mythe de l’éternel retour » qu’il analyse avec finesse est caractéristique de ces religions naturelles : le monde était en harmonie avant, « en ce temps-là », et c’est seulement en revenant en arrière qu’on peut rétablir cet ordre idéal que l’histoire et l’homme ont dégradé.

La Bible rompt avec cette fascination de la répétition : elle ose annoncer un avenir qui n’est pas dans la prolongation du présent, ni du passé ; elle révèle un Dieu qui « fait toutes choses nouvelles » (Apocalypse) et qui introduit de vraies ruptures dans l’histoire humaine.

 

Jean le Baptiste est l’une de ces nouveautés divines. Il ne ressemble à personne de sa famille. Il annoncera celui en qui tout est renouvelé.

On le voit : le choix du prénom est d’une importance capitale dans ce texte.

On comprend mieux pourquoi des fiancés qui avaient besoin de construire une nouvelle relation avec leur famille s’y sont reconnus sans hésiter !

 

Savoir s’interroger

Dernier point enfin.

 Jean BaptisteLes voisins, les proches passent d’une attitude de possession à une attitude d’interrogation : « que sera cet enfant ? » Question ouverte où ils acceptent de ne pas savoir à l’avance ce que deviendra le fils de Zacharie, qui ne lui appartient pas.

 

Ne pas programmer l’identité des générations suivantes, savoir attendre comment cet enfant va être manifesté à Israël, s’émerveiller de la nouveauté que Dieu suscite ainsi pour préparer la route à son messie, savourer la liberté ainsi rétablie entre les générations, faire grandir les plus jeunes sans les prédéterminer : l’enjeu de la circoncision de Jean-Baptiste est notre propre capacité à engendrer, non à reproduire, à devenir nous-mêmes, en faisant du neuf.

 

1ère lecture : Le prophète bien-aimé du Seigneur (Is 49, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Écoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs ! J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom. Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m’a protégé par l’ombre de sa main ; il a fait de moi sa flèche préférée, il m’a serré dans son carquois.
Il m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai. »
Et moi, je disais : « Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. »
Et pourtant, mon droit subsistait aux yeux du Seigneur, ma récompense auprès de mon Dieu. Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob et que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force.
Il parle ainsi : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël : je vais faire de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

 

Psaume : 138, 1-2.3b, 13-14b, 14c-15b

R/ Je te rends grâce, ô mon Dieu, pour tant de merveilles

 

Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais !
Tu sais quand je m’assois, quand je me lève ;
de très loin, tu pénètres mes pensées.
tous mes chemins te sont familiers. 

C’est toi qui as créé mes reins, 
qui m’as tissé dans le sein de ma mère. 
Je reconnais devant toi le prodige, 
l’être étonnant que je suis. 

Étonnantes sont tes oeuvres 
toute mon âme le sait. 
Mes os n’étaient pas cachés pour toi 
quand j’étais façonné dans le secret.

 

2ème lecture : Jean Baptiste a préparé la venue de Jésus (Ac 13, 22-26)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, Paul disait aux Juifs : « Dieu a suscité David pour le faire roi, et il lui a rendu ce témoignage ; J’ai trouvé David, fils de Jessé, c’est un homme selon mon c?ur ; il accomplira toutes mes volontés. Et, comme il l’avait promis, Dieu a fait sortir de sa descendance un sauveur pour Israël : c’est Jésus, dont Jean Baptiste a préparé la venue en proclamant avant lui un baptême de conversion pour tout le peuple d’Israël. Au moment d’achever sa route, Jean disait : ‘Celui auquel vous pensez, ce n’est pas moi. Mais le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales.’ Fils de la race d’Abraham, et vous qui adorez notre Dieu, frères, c’est à nous tous que ce message de salut a été envoyé. »

 

Evangile : La naissance de Jean Baptiste (Lc 1, 57-66.80)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Réjouissons-nous de la naissance de Jean : il sera le prophète du Très-Haut, il marchera devant le Seigneur pour lui préparer le chemin. Alléluia. (cf. Lc 1, 76)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle.
Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père. Mais sa mère déclara : « Non, il s’appellera Jean. » On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »
On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Son nom est Jean. » Et tout le monde en fut étonné. À l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors les gens du voisinage, et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements.
Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui.
L’enfant grandit et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il devait être manifesté à Israël.
Patrick Braud

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16 juin 2012

Le pourquoi et le comment

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Homélie du 12° dimanche ordinaire / année B

17/06/2012

 

Le pourquoi et le comment

 

« Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. » (Mc 4,26)

Jésus utilise le savoir disponible de son époque, dans une société palestinienne, et rurale. Le pourquoi et le comment dans Communauté spirituelleLa culture préscientifique de ce temps-là n’autorise pas une connaissance très fine du comment de bien des choses. Pour les gens d’alors, la guérison est miraculeuse avec la même évidence qu’un médicament est efficace pour nous aujourd’hui. L’agriculture est encore soumise aux caprices de la météo interprétée comme une volonté divine mystérieuse. La semence plantée en terre grandit mais nul ne sait comment. Les lois de la biologie et de la génétique n’ont pas encore été découvertes. Jésus s’appuie sur le bon sens environnant pour constater que, même si les paysans ignorent comment la semence grandit, cela n’empêche pas le grain de germer, et la terre de produire une abondante récolte. C’est une « docte ignorance » que celle-ci, parce qu’elle permet de faire confiance à l’élan vital qui pousse la Terre à produire d’elle-même l’herbe, l’épi, le blé. L’important, c’est de croire que le royaume de Dieu se débrouille toujours pour pousser et grandir, à travers des minuscules graines d’amour et de vérité, même si on ne sait pas comment fait Dieu pour produire tant à partir de si peu.

 

La docte ignorance de l’agriculteur de cette parabole se retrouve tout au long des Évangiles. Marie ignore le comment de sa fécondation ; elle n’y comprend rien à vrai dire, mais fait confiance à la puissance qu’a la parole de l’annonciation pour grandir d’elle-même en son sein. Joseph également ne sait pas comment cet enfant peut venir du Tout-Autre, mais il fait confiance car il sait pourquoi cet enfant vient au monde.

Plus tard, Jésus sera surpris qu’une force sorte de lui, sans savoir comment, pour guérir une femme hémorroïsse rien que par le contact avec son manteau. Il ne sait pas non plus comment Dieu va procéder pour nourrir 5000 hommes avec cinq pains et deux poissons, mais il rend grâce par avance de ce qui va se passer. Sentant l’hostilité des chefs du peuple devenir critique, Jésus devine que cela va mal finir, mais il ne sait pas encore comment. Il pense au début être lapidé comme les prophètes. Même en ignorant encore le comment de sa mort – plus infâme que ce qu’il imaginait – il en sait pourtant le but ultime : « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52) ; « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 9,10).

 

On pourrait continuer la liste de ces doctes ignorances longtemps. Dans le livre des Actes des apôtres, Pierre ne sait pas comment l’Esprit peut descendre sur un païen comme Corneille, mais il découvre à travers cela que le royaume de Dieu grandit bien au-delà des frontières d’Israël. Paul ne sait pas comment le ressuscité a pu se manifester à lui. Mais il est convaincu que c’est pour qu’il annonce l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Même Jean dans son Apocalypse est obligé de recourir à des images, à des codes et à des symboles pour décrire « la fin » dont il ignore le comment, mais dont il révèle la finalité : vaincre la mort et le mal, en étant uni au témoin fidèle qui le premier a remporté cette victoire.

 

Bref, la question du comment n’est manifestement pas ce qui passionne les rédacteurs bibliques. Ils ne la méprisent pas ; ils la traitent avec les connaissances de leur époque, en l’état. Par contre, ce qui les motive, c’est de comprendre pourquoi tout cela arrive, vers quoi nous sommes appelés, pour qui cela vaut la peine d’aimer, de se donner, quel sens ultime peut ordonner les passions humaines.

 

D’où un formidable malentendu possible avec notre culture actuelle. Nous, nous sommes fascinés par le comment plus que par le pourquoi. Nous pianotons des heures sur notre smartphone pour en explorer toutes les possibilités en oubliant parfois que c’est censé être un outil pour mettre des humains en relation physique. Nous déchiffrons les secrets de l’univers, les lois de l’infiniment petit ; nous savons expliquer comment le grain devient épi de blé, comment l’enfant prend forme dans le sein de sa mère, comment la maladie est vaincue par les molécules, et bien d’autres choses plus ébouriffantes encore !

Ni la Bible ni les chrétiens ne mépriseront cette soif occidentale du comment des choses, au contraire. Car la nature n’est pas Dieu : elle a été confiée par Dieu à l’homme pour qu’il en soit le co-créateur. Explorer le comment de l’univers fait donc partie de la mission reçue.

 

Non, ce n’est pas sur la recherche du comment que la Bible va nous avertir, et bien plutôt sur l’oubli du pourquoi. Si nos formidables connaissances scientifiques et techniques, promises à une croissance exponentielle, oublient au service de quoi, de qui elles sont appelées à se développer, elles risqueront de nous déshumaniser. D’ailleurs, les scientifiques les plus pointus admettent avec humilité que leur ignorance grandit plus vite que leurs découvertes : le réel est plus complexe que ce que nous en saurons jamais. Reconnaître l’incomplétude de la science n’est pas l’humilier, mais la situer dans une quête inachevée par essence, ce qui lui ouvre un horizon infini et l’oblige à avancer de pair avec les interrogations sur le pourquoi de tout cela.

 

La parabole du bon grain qui germe tout seul nous redit qu’on peut ignorer beaucoup de choses, et faire confiance malgré tout à la puissance de vie qui se fraie son chemin elle-même à travers les événements de notre existence. L’essentiel n’est pas de connaître pour connaître, mais de laisser le royaume de Dieu grandir de lui-même à travers le soleil et la pluie, l’ivraie et le bon grain, le prévu et l’imprévu.

Il y a tant de choses que nous ignorons sur nous-mêmes ! Des gourous promettent de lever tous les voiles, des charlatans de tout maîtriser, des idéologues de tout expliquer, des savants fous de tout manipuler : le Christ promet seulement que les épis seront beaux si nous faisons confiance à l’action cachée du maître de la moisson.

 

 comment dans Communauté spirituelleC’est le secret de sa passion : découvrant peu à peu comment son engagement allait le conduire à l’horreur de la croix, il s’en remet à la puissance de son Père pour produire du fruit malgré tout à travers ce chemin innommable et impensable pour lui.

Nietzsche, l’athée de rigueur, ne disait pas autre chose : « si je connais le pourquoi, je peux endurer tous les comment ».

 

Ne perdons jamais de vue cette parabole du grain qui pousse tout seul : qu’elle nous aide à assumer tous les comment, même les plus incompréhensibles, en faisant confiance aux pourquoi révélés par le Christ.

 

 

 

 

 

1ère lecture : L’arbre planté par Dieu (Ez 17, 22-24)

Lecture du livre d’Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : À la cime du grand cèdre, à son sommet, je cueillerai un jeune rameau, et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je le planterai. Il produira des branches, il portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Tous les passereaux y feront leur nid, toutes sortes d’oiseaux habiteront à l’ombre de ses branches. Et tous les arbres des champs sauront que c’est moi, le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Moi, le Seigneur, je l’ai dit, et je le ferai.

 

Psaume : 91, 2-3, 13-14, 15-16

R/ Il est bon, Seigneur, de chanter pour toi !

 

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits. 

Le juste grandira comme un palmier, 
il poussera comme un cèdre du Liban ; 
planté dans les parvis du Seigneur, 
il grandira dans la maison de notre Dieu. 

Vieillissant, il fructifie encore, 
il garde sa sève et sa verdeur 
pour annoncer : « Le Seigneur est droit ! 
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »

 

2ème lecture : Nous sommes faits pour habiter auprès du Seigneur (2 Co 5, 6-10)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
nous avons pleine confiance, tout en sachant que nous sommes en exil loin du Seigneur tant que nous habitons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir. Oui, nous avons confiance, et nous aimerions mieux être en exil loin de ce corps pour habiter chez le Seigneur. Que nous soyons chez nous ou en exil, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive ce qu’il a mérité, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps.

 

Evangile : Germination et croissance du règne de Dieu (Mc 4, 26-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Semeur est sorti pour semer la Bonne Nouvelle. Heureux qui la reçoit et la fait fructifier. Alléluia. (cf. Mt 13, 3.23)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Parlant à la foule en parabole, Jésus disait :
« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. »


Il disait encore : « À quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples.
Patrick Braud

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28 avril 2012

La Résurrection est un passif

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La Résurrection est un passif

Homélie du 4° dimanche de Pâques  29/04/2012

Notre époque est à l’individualisme, dit-on. Le mot d’ordre serait : ‘il faut que tu t’en sortes. N’attend rien des autres. Réussis à la force du poignet. Accroche-toi et tu verras que tu as en toi tout pour accomplir tes rêves.’ Un corollaire inquiétant de cet hymne au mérite est ailleurs le mépris des pauvres et des perdants de la vie. Ceux qui n’arrivent pas à sortir de leurs galères sont ceux qui ne le méritent pas. Ils n’ont pas su mobiliser leurs énergies et leurs talents : tant pis pour eux, car personne ne peut le faire à leur place.

Les lectures de ce quatrième dimanche de Pâques s’inscrivent radicalement en faux contre cette mentalité du self-made-man. Regardez les verbes employés : ils sont presque tous au passif.

Le paralysé de la Belle Porte du Temple de Jérusalem « a été sauvé ». Il ne s’est pas sauvé tout seul, à force de rééducation ou de mendicité. Dans la bouche de Pierre (dans son « kérygme »), Jésus le Nazaréen « a été crucifié par vous, et ressuscité par Dieu ». Comme une balle de ping-pong, Jésus est d’abord livré à la foule, avant d’être délivré par son Père. Il a été « rejeté » puis il fait « pierre d’angle » (Ac 4,8-12).

La résurrection n’est donc pas à mettre à l’actif de Jésus, mais de son Père, et au passif de la foule. Personne ne se ressuscite lui-même. Personne, encore moins le Fils unique, celui qui choisit de se recevoir sans cesse d’un Autre avec qui il ne fait qu’un. D’où le paradoxe de l’évangile de Jean, où Jésus semble affirmer que c’est lui qui fait tout : « je donne ma vie, pour la reprendre ensuite », avant de préciser qu’il ne le fait qu’en communion avec son Père, de qui il reçoit la force et la puissance pour traverser la mort : « voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10,11-18)

Souvenons-nous que la dernière tentation du Christ sur la croix, c’est justement de renoncer au passif, pour tenter de survivre tout seul. Par trois fois (cf. les trois tentations au désert), on lui suggère sur la croix : « sauve-toi toi-même ». (Lc 23, 34-38). Il refusera jusqu’au bout, parce que sa vie c’est de se recevoir et non de prendre.

Le verbe ressusciter devrait donc, du côté du Christ comme du côté des hommes, se conjuguer toujours au passif.
Personne ne peut se ressusciter lui-même.
Pour Dieu seul la résurrection est un actif.

Du coup, c’est l’ensemble de la vie chrétienne qui est placée sous le signe du passif : être sauvé, être aimé, être appelé. Comme la vie humaine d’ailleurs : personne ne s’est fait naître lui-même. On est d’abord conçu avant de concevoir, parlé avant de parler, éduqué avant d’éduquer, aimé avant d’être aimé. Saint Jean le dit avec force dans la deuxième lecture : c’est « Dieu qui a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes ».

Ce passif est au coeur de la résurrection du Christ, et donc de la nôtre. En fait, la résurrection est un acte trinitaire : le Fils est relevé d’entre les morts par son Père dans la force de l’Esprit. Les trois sont unis dans cette plongée aux enfers et cette remontée lumineuse. Même la déréliction de Jésus, abandonné sur la croix, est la volonté commune des trois d’aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus. « Aussi Dieu l’a-t-il exalté, et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2,6-11).

Les conséquences de ce passif résurrectionnel sont pour nous immenses.
Non il n’est pas vrai que chacun doive s’en sortir seul, en comptant sur ses seules forces.
Non il n’y a pas de loi d’airain qui condamnerait les pauvres ou les vaincus de cette société à ne s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Le vrai salut est de pouvoir compter sur d’autres. Cela peut paraître humiliant, puisqu’on nous répète à l’envi que c’est une faiblesse coupable. Mais cela se révèle humanisant, parce qu’on apprend ce que être aimé signifie.

 

Être ressuscité, c’est recevoir de l’autre le courage de se relever.
C’est faire l’expérience d’une dette que je ne pourrai rembourser qu’en ressuscitant à mon tour quelqu’un qui ne pourra pas me le rendre.
C’est finalement recevoir de Dieu la force de vaincre la mort, quelque soit le visage que celle-ci prend en nous et autour de nous.

Acceptons de verser cette capacité résurrectionnelle à l’actif de Dieu, à notre propre passif. Cela passe par l’appui sur d’autres, la confiance, l’ouverture, la confidence, l’humble appel à l’aide…

Pâques est une fête pour ceux qui acceptent de recevoir.

 

1ère lecture : Le kérygme de Pierre (Ac 4, 8-12)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Convoqué devant le grand conseil d’Israël, Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes interrogés aujourd’hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l’on nous demande comment cet homme a été sauvé. Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d’lsraël : c’est grâce au nom de Jésus le Nazaréen, crucifié par vous, ressuscité par Dieu, c’est grâce à lui que cet homme se trouve là devant vous, guéri. Ce Jésus, il est la pierre que vous aviez rejetée, vous les bâtisseurs, et il est devenu la pierre d’angle. En dehors de lui, il n’y a pas de salut. Et son Nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver. »

Psaume : 117, 1.4, 8-9, 22-23, 28-29

R/ Sur la pierre méprisée par les maçons, Dieu a fondé son oeuvre

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur
que de compter sur les hommes ;
mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur
que de compter sur les puissants !

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’?uvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Tu es mon Dieu, je te rends grâce,
mon Dieu, je t’exalte !
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !

2ème lecture : Dans son amour, Dieu fait de nous ses enfants(1Jn 3, 1-2)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Mes bien-aimés,
voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu ? et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : puisqu’il n’a pas découvert Dieu.
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est.

Evangile : Le Bon Pasteur se donne pour son troupeau (Jn 10, 11-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie.Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite.
Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Patrick Braud

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