L'homélie du dimanche (prochain)

20 octobre 2012

Donner sens à la souffrance

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Donner sens à la souffrance

Homélie du 29° dimanche ordinaire / Année B
21/10/12

« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur » (Es 53,10).

Tous ceux qui ont été à un moment donné de leur histoire « broyés par la souffrance » se demanderont comment on peut plaire au Seigneur lorsqu’on est défiguré par la souffrance ! Que ce soit la douleur physique qui tord le corps au plus intime, la souffrance morale de la solitude, de la séparation, ou la déchirure intérieure devant un échec absolu, qui pourrait faire l’éloge de ces moments affreux ?

Le jansénisme du XVI° siècle, le dolorisme du XX° ont bien essayé, mais heureusement nous ne pouvons plus les suivre aujourd’hui.

Prétendre que la souffrance rapproche de Dieu nous révolte ; à juste titre, car le Serviteur en personne  (le servant leader) qu’est Jésus nous révèle justement une autre voie. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché » (He 4,14-16). Ce n’est donc pas l’épreuve qui a de la valeur, mais le fait de ne pas pécher dans l’épreuve.

 

Que serait « pécher dans l’épreuve » ?

Ce n’est pas le combat pour échapper à la souffrance, car le Christ l’a mené, pour soulager celle de ses contemporains (malades, possédés, exclus).

Ce n’est pas le débat intérieur où le doute se mêle à la foi, car le Christ a connu ce débat à Gethsémani (« que cette coupe s’éloigne de moi »).

Ce n’est pas non plus la révolte et l’indignation, du moment qu’elle ne rompt pas le dialogue avec Dieu, car le Christ lui-même a crié sur la croix (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

Pécher dans l’épreuve serait plutôt se laisser vaincre par elle, c’est-à-dire nous détourner de notre vocation la plus profonde.

L’évangile de ce dimanche nous dit que la vocation du Christ est d’être le Serviteur par excellence (Mc 10,35-45), et lui-même veut nous donner d’avoir part à son service. « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ». La souffrance gagne sur nous lorsqu’elle nous fait croire que nous ne pouvons plus être serviteurs, que nous serions devenus inutiles. « Je ne sers plus à rien » est l’une des plaintes qui traduisent le désespoir des malades.

« La société n’a pas besoin de moi » est l’amer constat des chômeurs ou des exclus. « Plus personne n’attend rien de moi » est le sentiment d’abandon qui engendre tant de solitude chez les personnes âgées.

Ne plus servir à rien est profondément déshumanisant.

Bien sûr, « ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir ». Mais ils ignorent qu’au plus profond d’eux-mêmes existe la soif de servir, plus réelle que les envies de domination qui les tiennent en esclavage.

Si « le Fils de l’homme est venu pour servir et non pour être servi », c’est donc qu’il en est de même pour chacun de nous, créé à son image. Comme l’écrivait si bien le poète hindou Rabrindranath Tagore : « Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie. Je m’éveillais et je vis que la vie n’est que service. Je servis et je compris que le service est joie ».

Or l’épreuve – quelle qu’elle soit – cherche à nous détourner de notre vocation au service. Elle veut nous réduire à n’être plus qu’un ayant-droit : aide médicale, aide sociale, aide compassionnelle… C’est bien ce qu’on commence à reprocher sans oser le dire à des êtres handicapés par exemple : ils n’auraient pas dû naître car ils ne pourront apparemment pas être utiles à la société ; au contraire, ils sont une charge inutile, un fardeau insupportable. Bientôt on le dira aux personnes âgées… C’est du moins ce qu’on voudrait nous faire croire. Car quiconque a eu dans sa famille des enfants handicapés sait quelle saveur d’humanité, quelle lumière nouvelle ils apportent à tous ceux qui les approchent, rien que par leur présence. Cela ne supprime en rien la douleur ou le poids énorme que cet handicap fait peser sur les parents, sur les frères et soeurs. Mais reconnaître aux personnes handicapées la capacité d’être eux aussi des serviteurs transforme ceux qui sont à leur contact.

Un chef d’entreprise – une PME – confiait récemment avoir embauché une personne en fauteuil roulant, pour satisfaire au quota légal de 6% de travailleurs handicapés, afin d’éviter de payer l’amende légale… Quelques mois après, il racontait comment l’accueil de ce salarié pas comme les autres avait transformé l’ambiance au travail dans les équipes. Les collègues devenaient plus attentifs, plus humains, et se mettaient à parler eux-mêmes de leur faiblesse. Bref, il se disait finalement qu’il avait fait une bonne affaire ! En fait, il avait juste rendu à cette personne handicapée son rôle social, dû à chacun : pouvoir être utile à d’autres, apporter sa compétence, son intelligence, et son handicap comme autant de manières d’être au service des autres.

La Bonne Nouvelle est alors d’annoncer à ceux qui sont dans l’épreuve qu’ils peuvent donner un sens à ce qui leur arrive (même s’il faut du temps pour y arriver). La vraie charité n’est pas d’abord de les plaindre, de les aider, mais de leur proposer de devenir utiles autrement, serviteurs à leur manière. On se souvient que lorsqu’un SDF avait demandé de l’aide à l’Abbé Pierre (après une tentative de suicide) au moment où il créait les compagnons d’Emmaüs, l’abbé ne lui avait rien donné mais lui avait dit : « viens me donner un coup de main, on a besoin de toi ».

Les témoignages sont légion de ceux qui, broyés par la souffrance, ont réussi à la traverser en en faisant une source de services des autres.

C’est Martin Gray perdant sa femme et ses enfants dans un incendie et témoignant de son amour de la vie, « au nom de tous les miens ».

C’est tant de parents frappés par le malheur innocent d’un enfant : accident, suicide, drogue, maladie. Au lieu de se laisser anéantir, ils ont réagi en fondant une association pour accompagner et soutenir ceux qui sont confrontés à une épreuve semblable.

C’est le secret des premiers martyrs chrétiens tout au long des trois premiers siècles : ne pas laisser gagner la fureur meurtrière de la foule des jeux du cirque, mais pardonner à ses bourreaux, aimer ses ennemis qui vous traitent moins dignement que leurs bêtes. Les martyrs serviront la société romaine et l’aideront à abandonner son goût pour le meurtre. Etc.

Quand l’épreuve arrive, elle coupe le souffle, elle tétanise, elle fait frôler la mort. Le Christ, en nous associant à son baptême et à sa coupe, nous donne de tenir bon dans l’épreuve, sans nous laisser vaincre par elle. Lui – le Serviteur - ouvre un horizon à notre souffrance. Nous ne savons pas pourquoi l’épreuve arrive, mais nous pouvons deviner vers quoi elle peut nous conduire, pour quoi (en deux mots) elle nous arrive.

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Donner sens à la souffrance permet de ne plus se lamenter en regardant toujours en arrière, pour trouver des coupables ou pour accuser Dieu (qui n’y est pour rien le pauvre !).

Donner sens à la souffrance nous tourne vers demain : que puis-je faire de ce qui en ce moment broie ma vie ?

Le Christ sur la croix lui a donné le sens de l’abandon filial et de l’amour des ennemis. Il a ainsi été le Serviteur, jusqu’au bout. Assimilé à un criminel pour les Romains, à un maudit pour les juifs, il a annoncé à tous les damnés de la terre que leur exclusion n’est pas stérile, qu’ils peuvent faire de leur épreuve un service de toute l’humanité.

Utopique ?

Non : terriblement efficace.

 

À nous d’en témoigner en parole et en actes : la souffrance n’est pas le dernier mot de l’épreuve. Le dernier mot, c’est le service.

Et nul n’est si éprouvé qu’il ne puisse devenir serviteur des autres, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

 

 

1ère lecture : « Mon serviteur justifiera les multitudes » (Is 53, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur.
À cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés.

 

Psaume : 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : 
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous 
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : Le grand prêtre compatissant (He 4, 14-16)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

Evangile : Le Fils de l’homme est venu pour servir (brève : 42-45) (Mc 10, 35-45)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Fils de l’homme est venu pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Alléluia. (Mc 10, 45)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. »
Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui répondirent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »
Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Ils lui disaient : « Nous le pouvons. » Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques et Jean.
Jésus les appelle et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur.
Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Patrick Braud

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22 septembre 2012

Jesus as a servant leader

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Jesus as a servant leader

Homélie du 25° Dimanche ordinaire / Année B
23/09/2012

Connaissez-vous ce terme « servant leader » (serviteur-chef pourrait-on traduire, maladroitement), issu des sciences du management ?

En 1970, le Président de AT&T Robert K. Greenleaf (1904-1990) a inventé le terme dans un court essai intitulé : « The servant As Leader ».

« Le leader-serviteur est d’abord un serviteur. Cela commence par le sentiment naturel de quelqu’un qui veut servir, d’abord servir. Alors le choix conscient amène la personne à aspirer devenir un leader. » 

 

Visiblement, cette vision de l’exercice des responsabilités en entreprise s’inspire dans notre évangile (Mc 9, 30-37) : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

Lire dans les évangiles un modèle managérial en surprendra plus d’un ! Pourtant, il n’y a rien d’humain que le Christ ne soit venu accomplir. La manière dont Jésus de Nazareth exerce son autorité peut devenir une source d’inspiration pour les leaders d’aujourd’hui, son étrange comportement de chef des Douze peut transformer l’exercice du pouvoir des chefs actuels. Comment ?

En plaçant l’attitude de serviteur en amont, en premier, à la racine de toutes les autres fonctions exercées.  « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

St Jean l’exprime dans le geste symbolique du lavement des pieds, qui est l’enracinement le plus profond de la capacité de Jésus à conduire (to lead en anglais) d’autres êtres : « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. » (Jn 13,13-15)

Le servant leader est d’abord un serviteur. L’inverse serait dangereux : un leader servant ne verrait dans le service qu’une manière de mieux faire réussir son leadership.

Pour aller au bout de son service, le servant leader aspire à exercer le pouvoir et l’autorité, mais un pouvoir-pour-les-autres : le pouvoir de libérer, de rendre l’autre à lui-même. Et finalement – pour le Christ en plénitude – le pouvoir de donner la vie, jusqu’à ressusciter l’autre à travers la mort. Prétention devant laquelle s’inclinent évidemment les servant leaders modernes ! Quoique donner la vie se fasse de multiples manières, en attendant l’ultime…

Greenleaf précisait :

« Le servant leader est vraiment très différent de la personne qui est d’abord un leader, peut-être en raison de la nécessité, pour ce dernier, de satisfaire un besoin de pouvoir particulier ou de posséder des biens matériels. Pour ceux-ci, ce sera un choix postérieur que de servir – après que le leadership ait été établi. Le leader d’abord et le serviteur d’abord sont deux types extrêmes. Entre les deux il y a des nuances et des mélanges qui font partie de la variété infinie de la nature humaine. 

La différence se manifeste dans le soin pris par le « serviteur d’abord » pour s’assurer que chez les autres les besoins prioritaires les plus élevés des personnes soient servis. Le meilleur test, et difficile à observer, est : est-ce que les personnes servies se développent en tant que personnes ; deviennent-elles, tout en étant servies, plus saines, plus sages, plus libres, plus autonomes, plus proches d’elles-mêmes pour devenir à leur tour serviteurs ? Et, quel en est l’effet sur les moins privilégiés dans la société ; en bénéficient-ils, ou, au moins, n’en sont-ils pas encore plus privés ?

On le voit : pour cette théorie managériale, le critère de réussite du servant leader est la réussite de ses collaborateurs. Plus encore, Greenleaf modère cette ambition par le critère de l’option préférentielle pour les pauvres pour l’exprimer selon les termes de la Doctrine sociale de l’Église. La réussite professionnelle ne doit pas se faire au détriment des plus défavorisés de la société. On pourrait même ajouter : la vraie réussite d’une équipe professionnelle se mesure au progrès qu’elle permet d’apporter aux plus pauvres.

 

La théorie du servant leader est donc tout entière commandée par ces deux principes :

- promouvoir l’épanouissement et la réussite se personnelle de chacun et de tous dans l’équipe

- apporter un réel progrès pour les plus défavorisés de la société.

 

On devine aisément que ce crible de discernement reste très sévère envers certaines « réussites » professionnelles. Augmenter le chiffre d’affaires d’une société vendant tabac et cigarettes, exporter plus d’armes de guerre, devenir la première banque dans des opérations immobilières obscures, rafler le leadership dans des commerces mafieux : la liste est longue des premières places qui ne résistent pas à l’examen évangélique du servant leader !

Les deux principes du servant leader sont indissociables : faire réussir une équipe sans vérifier qu’elle est au service du bien commun est typique de la dérive mafieuse ; sacrifier l’épanouissement des siens à un objectif même très noble est typique de la dérive utilitariste.

Goldman & Sachs par exemple ont privilégié le premier au détriment du second ; et Apple a bien souvent privilégié le second au détriment du premier.

 

Greenleaf a identifié 10 attitudes caractéristiques du servant leader :

- l’écoute : savoir attentivement écouter la voix des autres et sa propre voix intérieure.

- l’empathie : se laisser toucher par le bonheur et le malheur des autres, chercher à les comprendre, à les reconnaître.

- la guérison : la capacité de guérir l’autre pour lui permettre de s’intégrer de se transformer.

- la conscience de soi.

- la persuasion, plutôt que la contrainte ou la domination.

- la conceptualisation : la capacité d’imaginer, de penser au-delà du seul présent.

- la clairvoyance : comprendre les leçons du passé, les réalités du présent, prévoir les conséquences probables des décisions.

- l’esprit d’équipe.

- l’engagement dans l’évolution des personnes.

- l’engagement communautaire : savoir construire une communauté, tisser des liens, renforcer le sentiment d’appartenance.

 

À ces 10 attitudes, dont on retrouve sans peine l’enracinement dans l’attitude de Jésus lui-même, il faut ajouter une autre en amont, plus fondamentale encore : le désir de donner sa vie pour les autres, la capacité de faire de sa vie une offrande, un don pour les autres.

Car c’est lorsque Jésus vient d’annoncer sa Passion que Marc place le passage sur le servant leader. Les disciples discutaient entre eux pour savoir « qui est le plus grand ». À l’inverse, la passion du Christ va le mettre au plus bas, au dernier rang social et religieux. Le servant leader découvre tôt ou tard le prix à payer pour devenir fidèle à son désir de servir : lui aussi sera « livré » d’une manière ou d’une autre ; lui aussi devra faire l’expérience d’une mort à soi-même (à son succès immédiat, à des richesses faciles, à des honneurs trompeurs…). « Le bon berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11), dira Jésus par expérience. Seuls les servant leaders prêts à payer un certain prix peuvent réellement transformer l’entreprise, l’équipe, le milieu professionnel où ils désirent servir. À trop faire silence sur cette dimension sacrificielle de ce type de leadership, on risque d’engendrer désillusions et amertumes chez ceux qui croiraient trop facilement qu’il suffit de vouloir servir pour être reconnus comme tels.

Reste que ce concept de servant leader est très puissant : à l’opposé d’un gouvernement top-down hiérarchique, il suscite la collaboration, l’identification, le déploiement des talents des collaborateurs, et la fidélité du consommateur, avec des résultats économiques meilleurs en finale que des systèmes autoritaires.

Le servant leader dans un groupe n’est pas toujours le chef, mais celui sans lequel le groupe perd sa cohésion et son état d’esprit de service mutuel et de service du client .

Nul doute que Jésus incarne au plus haut point, du lavement des pieds à la Passion, ce désir profond de servir d’abord qui caractérise les vrais leaders : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

 

À nous de nous en inspirer pour l’exercice de nos responsabilités ordinaires.

 


[1]L’idée de l’essai de Greenleaf, «The Servant as a leader », est sorti de la lecture de Hermann Hesse : Voyage vers l’Est. C’est l’histoire d’un groupe lors d’un voyage exceptionnel mythique. Le personnage principal de cette histoire est Léo. Léo est le compagnon et le serviteur du groupe, il les soutient de son charisme et de son esprit, il leur donne le bien-être. Tout allait bien jusqu’à ce que Léo disparaisse. Depuis, le groupe se désagrége et le voyage doit être interrompu prématurément. Le groupe ne peut pas exister plus longtemps sans leur Léo serviteur. Après avoir lu cette histoire Greenleaf en vint à la conclusion qu’un bon leader est avant tout un serviteur. Ensuite, il écrivit son essai «The Servant as a leader », qui s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires. 

 


1ère lecture : Les méchants complotent la mort du juste (Sg 2, 12.17-20)

Lecture du livre de la Sagesse

Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes : « Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à notre conduite, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’abandonner nos traditions.
Voyons si ses paroles sont vraies, regardons où il aboutira.
Si ce juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et le délivrera de ses adversaires.
Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience.
Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un veillera sur lui. »

Psaume : 53, 3-4, 5.7b, 6.8

R/ Seigneur, à mon aide, mon secours et mon sauveur !

Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
par ta puissance rends-moi justice ;
Dieu, entends ma prière,
écoute les paroles de ma bouche.

Des étrangers se sont levés contre moi, 
des puissants cherchent ma perte : 
ils n’ont pas souci de Dieu.
Par ta vérité, Seigneur, détruis-les !

Mais voici que Dieu vient à mon aide, 
le Seigneur est mon appui entre tous.
De grand c?ur, je t’offrirai le sacrifice, 
je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !

2ème lecture : D’où viennent la paix et la guerre (Jc 3, 16-18 ; 4, 1-3)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Frères, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes.
Au contraire, la sagesse qui vient de Dieu est d’abord droiture, et par suite elle est paix, tolérance, compréhension ; elle est pleine de miséricorde et féconde en bienfaits, sans partialité et sans hypocrisie.
C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ?
Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre.
Vous n’obtenez rien parce que vous ne priez pas ; vous priez, mais vous ne recevez rien parce que votre prière est mauvaise : vous demandez des richesses pour satisfaire vos instincts.

Évangile : Deuxième annonce de la Passion et appel au service (Mc 9, 30-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Par l’annonce de la Bonne Nouvelle, Dieu nous appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Alléluia. (cf. 2 Th 2, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache.
Car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.

Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. »
Patrick Braud

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4 août 2012

Éveiller à d’autres appétits

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Éveiller à d’autres appétits


Homélie du 18° dimanche ordinaire / Année B
05/08/12

 

À 22 heures, trouverait-il encore une épicerie ouverte ? Rentré tard du travail, Éric, jeune cadre dynamique, erre dans la rue, la faim au ventre, à la recherche d’une simple tranche de jambon. Soudain, à l’angle du boulevard, il entend une voix intérieure lui murmurer : « Éric, ta vie est plus vide que ton garde-manger ». Parole choc qui fut l’origine d’une conversion foudroyante. Lorsque des années plus tard, devenu moine, Éric faisait le récit de cet événement fondateur, il le concluait en disant avec un beau sourire : « et moi qui ne cherchais qu’une tranche de jambon ! »

L’histoire de ce cadre à la recherche d’une tranche de jambon rejoint celle de la foule affamée sur laquelle Jésus ne se fait aucune illusion : « vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés ».

 

De bas en haut de la pyramide

Pourtant, Jésus ne méprise pas cette première fin basique, fondamentale, à la base de la Éveiller à d'autres appétits dans Communauté spirituelle pyramide_maslowpyramide des besoins de Maslow. Il a pris grand soin de nourrir cette foule dont il a pitié. Les besoins élémentaires des foules ont toujours ému Jésus au plus haut point, jusqu’à déclencher cet acte inouï : distribuer cinq pains et deux poissons pour 5000 hommes !

Les humanitaires de tous poils seront rassurés : l’Église, dans la foulée de Jésus, sera toujours à leurs côtés pour nourrir les peuples du Sahel ou d’Asie, soigner, apporter l’eau potable à disposition du plus grand nombre etc. Mais à la différence des humanitaires, Jésus ne s’arrête pas à cette fin primaire. Pour lui, éveiller la foule à d’autres appétits est tout aussi essentiel que de satisfaire son appétit matériel. « Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle ».

Le ventre plein ne garantit pas un coeur empli de vraies richesses. Il est des ventres creux qui témoignent de plus d’humanité que des nantis. Bien souvent, il faut d’abord apporter nourriture et boisson avant que de pouvoir évoquer d’autres finalités (c’est le sens de la hiérarchie des besoins dans la pyramide de Maslow). Mais pas toujours. Bien des Européens venus en toute bonne conscience sauver de la famine des populations en détresse sont repartis bouleversés par ce qu’ils ont appris : une vraie joie peut exister chez les plus démunis, le sens de l’existence peut apparaître plus lumineux, plus simple et riche à la fois chez des gens pourtant en grande détresse matérielle.

Donner du pain ne suffit pas, car l’homme se nourrit de bien plus substantiel encore : la parole, la relation, l’échange. Jésus a rassasié la foule au bord du lac de Tibériade. Du coup, cette masse a eu assez d’énergie et d’envie pour prendre des barques et le risque de traverser le lac afin de rejoindre Jésus sur l’autre rive. Comme quoi le premier rassasiement n’était que de courte durée ! Au moins cela les a assez motivés pour chercher à suivre Jésus, jusqu’à affronter la traversée du lac.

 

Assumer des appétits mélangés

Cette ambiguïté du désir des foules est très rassurante pour nous. D’autant que Jésus a assumé cette ambiguïté, en cherchant à l’orienter vers un désir plus grand. Chacun peut se mettre en mouvement pour des causes multiples, pas forcément très glorieuses au début. On met un cierge pour réussir un examen. On se met à prier pour conjurer la maladie d’un proche. On partage un peu de son argent pour bénéficier des réductions fiscales. On fait un boulot pour gagner sa vie etc. Un ancien évêque de Koudougou (Burkina Faso) racontait avec humour qu’il était devenu prêtre parce que, enfant, il passait derrière la cuisine des Pères et trouvait que cela sentait délicieusement bon…

 appétit dans Communauté spirituelle

Rien de déshonorant à tout cela, puisque le Christ n’a pas dédaigné nourrir les foules. Ce qui serait désespérant, ce serait d’en rester là. Ce serait de se satisfaire de tonnes de riz envoyées en urgence, ou de se satisfaire de combler ses besoins élémentaires pour soi-même.

Il y a un autre pain, plus substantiel que celui qu’il faut pourtant distribuer à ceux qui en manquent. Le « pain de vie » dont parle Jésus en parlant de lui-même demande un appétit d’une autre nature. C’est cet appétit que l’Église doit éveiller au coeur de nos contemporains, surtout dans la vieille Europe à la fois si comblée matériellement et si inquiète de ce seul matériel.

Révéler d’autre faims, faire surgir d’autres soifs, accueillir et accompagner celles qui déjà se font jour (sur la qualité de vie, sur le respect de l’environnement, sur la recherche de relations plus humaines etc.) : la nouvelle évangélisation de l’Europe demande de re-susciter des appétits plus exigeants que les seules revendications matérielles légitimes (en temps de crise encore plus).

 

Des appétits nouveaux

Des signes encourageants existent en ce sens.

Durant l’été par exemple, les hôtelleries des monastères ne désemplissent pas, 783088 faimfréquentées par des personnes de tous horizons religieux à la recherche d’intériorité, de silence, d’écoute.

Autre exemple : les expositions, les musées, les festivals, les manifestations culturelles de tous ordres pullulent en France avec un succès croissant entre juin et septembre, signe que les touristes ne se contentent pas de sable et de soleil.

Regardez encore ces jeunes prêts à donner une année de leur carrière au service d’une cause qui leur tient à coeur. Le service civique, la coopération au développement, les engagements associatifs prouvent qu’il existe d’autres moteurs à l’action que la maximisation du profit personnel.

Dans la multiplicité des aspirations écologiques actuelles émergent également des appétits différents : habiter autrement, mieux gérer l’équilibre vie privé/vie professionnelle, réintroduire une certaine sobriété dans la consommation et une certaine simplicité dans le train de vie etc.

 

Renoncer à l’instrumentalisation

En accompagnant et confortant ces aspirations, l’Église aura à coeur d’aller encore plus loin : en tout homme existe le désir de profondeur intérieure, de dialogue avec Dieu, de libres interrogations sur le sens de la mort, de la souffrance, de l’injustice.

Quand Jésus nourrissait les foules, il leur donnait du pain et des paroles vitales, sans instrumentaliser l’un au service de l’autre.

On sait que la tentation de tous les intégrismes réside justement dans cette instrumentalisation. Faire du social pour asservir au pouvoir religieux est la tactique des Frères musulmans en Égypte ou ailleurs. L’Église doit dénoncer cet asservissement et refuser de le pratiquer. Quand le Secours Catholique donne, il n’exige aucune contrepartie – surtout pas religieuse – en retour. Quand l’Abbé Pierre a fondé Emmaüs, et le Père Joseph Wrezinski ATD Quart-Monde, ils ont tout de suite rendus leur association non confessionnelle, pour éviter cette confusion. Ce qui n’empêche pas un certain esprit évangélique d’y souffler ; et ce qui rend libre d’être une force d’inspiration, une proposition sans contrainte.

On n’instrumentalise pas la misère ou les difficultés économiques d’un peuple pour le ranger sous une bannière quelconque.

La nouvelle évangélisation doit s’inspirer de cette gratuité fondatrice : nourrir les foules avec du pain pour le ventre et du « pain de vie » pour tout l’être, sans instrumentalisation aucune.

Cela commence par chacun de nous.

Quelle est ma nourriture ? Quelle est la nourriture que je donne à ceux qui m’entourent ?

 

 

1ère lecture : Le don de la manne au désert (Ex 16, 2-4.12-15)
Lecture du livre de l’Exode
Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » 

Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »  Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?) car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

Psaume : 77, 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a

R/ Donne-nous Seigneur, le pain du ciel !

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté ;
nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur,

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple,
Il les fait entrer dans son domaine sacré.

2ème lecture : L’homme nouveau (Ep 4, 17.20-24 )

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères, je vous le dis, je vous l’affirme au nom du Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Lorsque vous êtes devenus disciples du Christ, ce n’est pas cela que vous avez appris, si du moins c’est bien lui qu’on vous a annoncé et enseigné, selon la vérité de Jésus lui-même. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en vous, corrompu par ses désirs trompeurs. Laissez-vous guider intérieurement par un esprit renouvelé. Adoptez le comportement de l’homme nouveau, créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu.

Evangile : Le pain venu du ciel (Jn 6, 24-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur a nourri son peuple au désert, il l’a rassasié du pain du ciel. Alléluia. (cf. Ps 77, 24)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

La foule s’était aperçue que Jésus n’était pas au bord du lac, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus.
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. »
Ils lui dirent alors : « Que faut-il faire pour travailler aux ?uvres de Dieu ? » Jésus leur répondit :
« L’?uvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle oeuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel.
Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »
Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. »
Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. »
Patrick Braud

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21 juillet 2012

Du bon usage des leaders et du leadership

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Du bon usage des leaders et du leadership

Homélie du 16° dimanche ordinaire / Année B
22/07/2012

Le thème du bon berger relie la première lecture (Jr 23,3-6), le psaume (22), l’évangile ce dimanche (Mc 6,13-34). Du coup, la question nous est posée à nous également : quel « berger » suivons-nous ? Comment sommes-nous bergers nous-mêmes ?

Quel berger suivons-nous ?
Il est assez courant hélas de voir des chrétiens professer leur foi le dimanche et suivre un tout autre credo la semaine au travail. Que ce soit pour suivre la dernière technique de management à la mode, ou pour approuver tel projet présenté par tel chef etc., beaucoup de chrétiens sont comme hypnotisés et perdent leur liberté critique. Comme si leur foi ne pouvait pas jouer dans leur vie professionnelle. Or, suivre aveuglement les objectifs fixés par une hiérarchie peut amener à une forme de schizophrénie intérieure douloureuse ; sans compter l’amertume de se voir un jour abandonné par ceux-là mêmes que l’on a imité.

Le portrait du mauvais leader brossé par Jérémie reste toujours valable : il égare et disperse, il apeure et accable, il rend stérile ceux qui le suivent. Bien des gourous les affaires se sont comportées ainsi - avec succès - jusqu’à ce que leur vrai leadership soit enfin révélé. Bien des chefs, petits ou grands, ont suscité une adhésion a posteriori étonnante, ou ont imposé par la peur et la contrainte des comportements formatés à leurs équipes.

Quel est votre berger au travail ?

Ne dites pas que vous êtes libres et que vous n’en avez pas… Il y a toujours quelqu’un qui a autorité sur vous, qui peut vous forcer à faire des choses que vous n’aimez pas. Plus subtil : il y a toujours des modèles que vous voudrez imiter, consciemment ou non. Le ?désir mimétique’ analysé par René Girard est si puissant qu’il arrive même à se faire oublier, pour mieux manipuler.

Pourtant il faut bien des modèles et des chefs hiérarchiques. La question de Jérémie est : les avez-vous réellement choisis ? Correspondent-ils à vos valeurs les plus précieuses ? Comment les laissez-vous avoir une influence sur vous-même ?

Les moutons de Panurge ne se sont pas réveillés à temps et ont sauté dans le vide en croyant suivre le bon berger…

 Du bon usage des leaders et du leadership dans Communauté spirituelle ascensi01

Le portrait du bon leader court dans toute la Bible : il exerce le droit et la justice (Jérémie, les psaumes) ; il fait reposer ceux dont il a la charge, leur fait traverser les épreuves et même les ravins de la mort selon le psaume de ce dimanche ; il devine les vrais besoins de ceux qui lui sont confiés ; il les instruit et les nourrit en joignant le geste à la parole.

Avant de suivre une idéologie politique quelconque, une culture d’entreprise, des objectifs professionnels, posons la question : quel est le berger qui est caché derrière ce à quoi on me demande d’adhérer ? Puis-je lui faire confiance ? Puis-je le suivre en restant en accord avec moi-même ? En les passant au tamis des critères bibliques, quelles finalités puis-je choisir pour courir après des objectifs qui me correspondent  vraiment ?

Quel berger sommes-nous ?
Chacun est tantôt conduit tantôt conducteur, tantôt suiveur tantôt leader. Avec le risque d’ailleurs de faire payer à ceux qui me voient dans un rôle ce dont je souffre dans un autre rôle. Tel salarié obéissant et fidèle devient un tyran à la maison. Tel bon père de famille devient insupportable au bureau.

Nous avons tous des moments, des responsabilités, des situations où nous sommes le berger d’autrui. Consciemment, pour aider un enfant à choisir ses études par exemple, son avenir. Inconsciemment, en se forgeant une aura telle que les autres n’ont plus qu’à m’imiter etc.

Là encore il vaut mieux reconnaître avec joie et humilité ces moments où il nous faut assumer un leadership. Ce serait une illusion de vouloir abdiquer de toute forme de responsabilité à conduire d’autres personnes. Par l’exemple, par la parole : on a besoin de figures charismatiques qui donnent le bon cap à une association, un club sportif, dans une ambiance de quartier entre voisins, dans la famille bien sûr etc. Toujours imiter et suivre les autres est normalement impossible, sauf à n’être plus que l’ombre de soi-même.

Alors, comment exercerons-nous l’autorité lorsqu’il nous faut le faire ? Comment et vers où conduisons-nous des collègues, des enfants, des amis ?

Du bon leadership
Jésus précise dans l’évangile de Jean que le bon berger est celui qui « donne sa vie pour ses brebis ».

Voilà un sacré critère pour examiner nos leaderships !
Voilà une attitude du cœur qui devrait éviter à des parents de dire à leur enfant : « après tout ce que nous avons fait pour toi… ».
Voilà un sens du service qui devrait amener un chef hiérarchique à manager son équipe bien différemment des standards habituels.
Voilà une intelligence du cœur qui transformera toute responsabilité exercée en engagement pour les autres.

berger4 berger dans Communauté spirituelle

La deuxième lecture complète d’ailleurs ce portrait du bon berger par des qualités essentielles : faire tomber les murs qui séparent, rassembler, faire la paix entre les ennemis d’hier, créer du nouveau, réconcilier, donner à tous l’accès à l’essentiel (Ep 2, 13-18).

Transposez à chaque domaine de votre vie (famille, amis, travail, voisin…) et vous verrez que le bon berger de nos lectures peut inspirer vos choix.

Quel leader suivez-vous ?

Quel leadership assumez-vous ?

 

1ère lecture : Les bons pasteurs du peuple de Dieu (Jr 23, 1-6)

Lecture du livre de Jérémie

Parole du Seigneur. Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! C’est pourquoi ? ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple ? : À cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Moi je vais m’occuper de vous, à cause de vos méfaits, déclare le Seigneur. Puis je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai dispersées. Je les ramènerai dans leurs pâturages, elles seront fécondes et se multiplieront. Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées et accablées, et aucune ne sera perdue, déclare le Seigneur. 

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je donnerai à David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice ».

Psaume : 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Jésus est la Paix pour tous les hommes (Ep 2, 13-18)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères, vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l’Alliance, vous êtes maintenant devenus proches par le sang du Christ.
C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine,
en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau.
Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine.
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.
Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit.

Evangile : Jésus a pitié de la foule (Mc 6, 30-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie. Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu’ils ont fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger.
Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.
Patrick Braud

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