L'homélie du dimanche (prochain)

25 janvier 2014

Descendre habiter aux carrefours des peuples

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Descendre habiter aux carrefours des peuples

Homélie du 2° dimanche du temps ordinaire / année A
26/01/14

Descendre à Capharnaüm

Les provinciaux disaient facilement autrefois : monter à Paris. Qu’on fut de Toulouse ou de Strasbourg, monter à la capitale c’était venir tenter sa chance et rechercher une ascension sociale par un travail plus important et mieux situé.

Descendre habiter aux carrefours des peuples dans Communauté spirituelle lactiberiademontarbel1À l’inverse, les gens de Nazareth disaient : descendre à Capharnaüm, avec une pointe de mépris. Capharnaüm est en effet plus bas que le village de Nazareth. On peut s’en rendre compte aujourd’hui encore en faisant la route à pied à travers un paysage aride qui descend vers le lac. Et en plus, la réputation de Capharnaüm était plutôt celle d’une ville de basses oeuvres que d’une ville sainte comme Jérusalem !

 

Quitter et descendre : ce déménagement physique de Jésus qui vient habiter à Capharnaüm est le symbole de son incarnation même.

Quitter la divinité, descendre au plus bas de notre humanité : tel est le début du parcours du Verbe de Dieu en notre chair. Saint Paul en parle en termes de kénose : « il s’est vidé de lui-même » dit-il de Jésus, « en prenant la condition de serviteur » (Ph 2,6-11).

Voilà donc un premier mouvement caractéristique de tout ministère fidèle à celui du Christ : quitter sa zone de privilèges pour rejoindre ceux qui sont au plus bas, descendre de Nazareth à Capharnaüm.

En entreprise, c’est accepter de voir les choses à partir du point de vue des plus petits, des moins gradés.

En Église, c’est rejoindre et donner la parole à ceux qui sont considérés comme à la marge ou hors-jeu.

En société, c’est ne pas revendiquer de place supérieure, et savoir se mélanger avec tous milieux sociaux, tous courants de pensée.

 

Habiter le carrefour des païens

« Galilée, toi le carrefour des païens » : cette apostrophe célèbre d’Isaïe est reprise par Mathieu pour expliquer le choix de Capharnaüm par Jésus.

La Galilée, c’était cela : « Galil ha-goyim », le « carrefour des païens ». Nous comprenons ainsi qu’il s’agit d’une région où se mêlent les religions et les ethnies : Juifs, Cananéens, Grecs, Phéniciens, etc. Non pas la Judée des Judéens, l’ex-Royaume de Juda, très centralisé et homogène – mais un pays « ouvert », de plein vent. Symboliquement, c’est là que peut s’amorcer l’annonce de l’Évangile à tous les peuples (même si bien sûr Isaïe, lui, visait à l’origine les tribus israélites du Nord opprimées par les Assyriens, cinq siècles avant Jésus). Un pays « carrefour » des cultures, qui annonce l’Église, dès l’origine à la croisée de la culture juive et de la culture gréco latine, et qui au long de son histoire s’est ouverte (et s’ouvre encore) à de multiples peuples avec leur langue et leur culture. Un pays très mélangé, où il n’y avait pas la fermeté de la foi, la pureté de la religion et des moeurs qui régnaient chez les bons Juifs de Judée. La Galilée, c’était toute une histoire, vieille de plusieurs siècles. Une histoire d’invasions, de brassage de peuples, de races, de religions. Il y avait eu des unions plus ou moins légitimes. Si bien que les Juifs qui habitaient là, dans cette Galilée carrefour des nations, terre d’invasion, n’étaient pas des Juifs de race pure, de religion pure. C’étaient des « sang-mêlés ». On les prenait un peu pour des bâtards.

Or, c’est là que Jésus inaugure sa mission. Non pas à Nazareth, qui était un petit village où il ne se passait rien. Mais au coeur même, au centre vital de cette Galilée, carrefour des nations, c’est-à-dire à Capharnaüm, où il y avait une garnison romaine, du commerce, où l’on était à la frontière avec les territoires païens.

Voie navigable, le lac de Tibériade sert de pont géographique vers la Décapole, les dix villes païennes aux confins du territoire d’Israël. Puisque la Galilée était le « carrefour » des païens, Jésus, en s’installant à Capharnaüm, village frontalier en quelque sorte, où il y avait un poste de douane, choisit de plonger au coeur de la mêlée des ethnies, des cultures et des valeurs. L’homme élevé à Nazareth ne va pas se réfugier dans sa judaïté : il expose plutôt sa foi sur la place publique, en territoire juif certes, mais au carrefour des nations !

carrefour-de-lautoroute,-los-angeles-149111 Capharnaüm dans Communauté spirituelleIl s’agit en effet de planter sa tente à un endroit où les peuples se rencontrent, se mélangent. Il s’agit d’aller habiter dans une ville impure, méprisée par les ‘vrais’ croyants de Jérusalem, ville bâtarde ni totalement juive ni réellement romaine, ouverte à tous les vents du commerce, au coeur du réseau d’échanges d’influence de la Décapole.

Bref, habiter la Galilée c’est ne pas avoir peur de se compromettre avec ceux qui viennent d’ailleurs, qui façonnent un monde nouveau. Capharnaüm étant une ville de garnison militaire, au croisement des routes commerciales, elle engendrait tous les excès que l’argent et la force savent engendrer de tous temps.

Aujourd’hui encore, habiter la Galilée des nations c’est vouloir comprendre de l’intérieur ceux qui font naître un monde nouveau. C’est discerner quels sont aujourd’hui les carrefours où les cultures se brassent, où les peuples se rencontrent, où les exclusions se fabriquent.

Cela peut aller des cités d’urgence du Quart-Monde aux milieux financiers des grandes banques, des clubs sportifs aux réseaux sociaux, des festivals au dialogue interreligieux…

L’essentiel est d’aller là où les hommes se rencontrent, pour que de ces carrefours émerge une possibilité de vivre ensemble en paix, rassemblés en une seule famille humaine, selon le sens que Jean a donné à la vie du Christ : « le Christ est mort afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).

 

Faire de nos capharnaüms des lieux de consolation et de beauté

Le nom de Capharnaüm suggère cela : la ville du prophète Nahum, et aussi la ville de la consolation, ou de la beauté.

Capharnaüm : ville de passage entre la Syrie et Israël, Damas et Césarée, et aussi l’est et l’ouest, un brassage des populations – un vrai capharnaüm – « carrefour des païens ».

Son nom vient de l’hébreu : « Kfar Nahum », Kfar désignant le village et Nahum la compassion, la consolation. C’est littéralement le « village du Consolateur ».

Ainsi, Origène interprète Kefar Nahum comme « le village de la consolation », d’après la signification étymologique de la racine hébraïque nhm (consolation);
quant à Saint Jérôme, il traduit parfois le même nom par « la belle ville », d’après la racine hébraïque n’m (beauté).
Les langues non sémitiques rendent toujours le nom composé Kefar Nahum par un seul nom, et elles omettent simplement la lettre gutturale h.
Les manuscrits grecs des Évangiles connaissent deux orthographes: Capharnaüm et Capernaüm. Seule est bonne la première transcription, « Capharnaüm », proche de la prononciation hébraïque et adoptée aussi par Flavius Josèphe; l’orthographe « Capernaüm » est un idiome de la région d’Antioche.  

Il s’agit donc de descendre au plus bas de l’humanité pour y apporter la consolation à ceux qui désespèrent.
Il s’agit d’adopter le point de vue des plus méprisés pour les consoler et leur redonner une dignité humaine.

À cause du brassage des peuples qu’elle symbolise, la ville de Capharnaüm est devenue en français synonyme de bazar inextricable, de chaos insensé où tout est sens dessus dessous. Dire de la chambre d’un enfant que c’est un vrai capharnaüm, c’est l’inviter à y mettre un peu d’ordre pour qu’elle devienne enfin habitable et ressemble à une chambre !

Le Christ à Capharnaüm apporte la consolation au coeur du charivari ambiant : il annonce le Royaume de Dieu tout proche de ces païens si loin de la sainteté, il guérit toute infirmité et toute maladie dans le peuple. Il transforme les pêcheurs de poissons en des pêcheurs d’hommes : arrachant les hommes au mal – symbolisé à l’époque par la mer obscure et inconnue – les apôtres transforment les païens en baptisés, en poissons (ictus) chrétiens.

Apporter consolation et beauté là où la vie avait créé exploitation et noirceur est la première mission du Christ de Capharnaüm.

 carrefourOui : ce Jésus de Capharnaüm est à l’aise au milieu des impurs ; il est chez lui plus qu’à Nazareth - au coeur de ce brassage de cultures et de peuples, à tel point que cette ville est sa ville, plus que Nazareth ou Jérusalem. Si vous allez en pèlerinage en Terre Sainte, n’oubliez pas ce détour par Capharnaüm. Au bord du lac, au carrefour de la Décapole, célébrez l’eucharistie sur les ruines de la maison de Pierre retrouvée au XIXe siècle, et vous éprouverez pourquoi Jésus a choisi ce carrefour des païens comme sa ville. « Il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus », et Capharnaüm était la ville la plus symbolique de ce salut offert à tous, de la lumière qui resplendit au pays de l’ombre…

Quitter nos univers de privilèges pour rejoindre ceux qui sont au plus bas, habiter les carrefours où les hommes se rencontrent, y apporter consolation et beauté : l’évangile de ce dimanche décrit ainsi notre mission à la suite du Christ.

Mais quels sont donc les capharnaüms proches de chez vous ?…

 

 

1ère lecture : Une lumière se lèvera sur la Galilée (Is 8, 23; 9,1-3)
Lecture du livre d’Isaïe
Dans les temps anciens, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens.
Le peuple qui marchait dans les ténèbresa vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.
Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane.

Psaume : Ps 26, 1, 4abcd, 13-14
R/ Le Seigneur est lumière et salut.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ? 

J’ai demandé une chose au Seigneur, 
la seule que je cherche : 
habiter la maison du Seigneur 
tous les jours de ma vie.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur 
sur la terre des vivants. 
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; 
espère le Seigneur. »

2ème lecture : Le scandale des divisions dans l’Église du Christ (1Co 1, 10-13.17)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ à être tous vraiment d’accord ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiments.
J’ai entendu parler de vous, mes frères, par les gens de chez Cloé : on dit qu’il y a des disputes entre vous.
Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « J’appartiens à Apollos », ou bien : « J’appartiens à Pierre », ou bien : « J’appartiens au Christ ».
Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
D’ailleurs, le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ.

Evangile : Jésus commence son ministère par la Galilée (brève : 12-17) (Mt 4, 12-23)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Aléluia.(cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
Pays de Zabulon et pays de Nephtali,
route de la mer et pays au-delà du Jourdain,
Galilée, toi le carrefour des païens :
le peuple qui habitait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière.
Sur ceux qui habitaient
dans le pays de l’ombre et de la mort,
une lumière s’est levée.
À partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.
Patrick Braud

Patrick Braud

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18 janvier 2014

Révéler le mystère de l’autre

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Révéler le mystère de l’autre

Homélie du 2° dimanche du temps ordinaire / année A
19/01/2014

 

Discerner la véritable identité de l’autre

Jean-Baptiste n’est pas seulement une figure d’humilité (« il faut qu’il grandisse et que je diminue »). Il a également la capacité de discerner la véritable identité de l’autre.

« Voici l’agneau de Dieu » : là où la foule ne distingue rien d’autre qu’un pénitent parmi des centaines, Jean-Baptiste reconnaît celui qui va jouer un rôle unique dans le salut du peuple. Là où ses amis, ses disciples, sa famille même ne voient en Jésus qu’un guérisseur extraordinaire, Jean-Baptiste discerne en son cousin le fils de Dieu lui-même, c’est-à-dire quelqu’un qui a avec Dieu une intimité à nulle autre pareille.

 Ce don de discerner la véritable personnalité de l’autre, Jean-Baptiste le met au service de la vérité, quoi qu’il en coûte. À Hérode, il ose reprocher en public : « tu n’as pas le droit d’épouser la femme de ton frère ». Là encore, quand ses sujets ne disent d’Hérode que ce qu’il est convenu de dire des puissants qui règnent, Jean-Baptiste ose proclamer haut et fort qu’il est vraiment « ce renard d’Hérode »  derrière sa façade royale. Aux pharisiens qui s’approchent de lui par pur souci rituel, Jean-Baptiste n’a pas peur d’adresser un retentissant : « engeance de vipères » qui a dû faire trembler ses partisans au désert.

Voilà une mission qui est encore celle des baptisés aujourd’hui : révéler à l’autre qui il est vraiment, révéler aux autres ce qu’il peut leur apporter, en bien comme en mal.

Prenez vos collaborateurs dans votre équipe au travail : la plupart du temps ils ont chacun leur réputation, on les a classés, étiquetés, voire programmés comme étant « à potentiel » ou au contraire « non évolutifs ».

Quelqu’un comme Jean-Baptiste saura poser sur eux un autre regard. « Voici un homme qui peut apporter autre chose » ; « voici une femme qui mérite d’être appelée ailleurs ». Ou bien : « voici un puissant qui manipule pour se maintenir », « voici des pratiques qui ne sont pas dignes de nos valeurs ».

Évidemment celui qui aura le courage de parler ainsi prendra des risques. On ne lui coupera peut-être pas la tête comme à Jean-Baptiste, mais il devra endurer quelques moqueries ou scepticismes lorsqu’il voudra valoriser des talents cachés. Et il subira rétorsions et menaces lorsqu’il dénoncera de fausses apparences professionnelles.

Mais la vocation prophétique liée au baptême va jusque-là : à la manière de Jean-Baptiste, manifester à tous le meilleur de l’autre que l’autre lui-même ignore ; rendre publiques les contradictions que les puissants cherchent à cacher.

Il n’y a pas qu’au monde du travail que cette mission style Jean-Baptiste s’applique. Entre voisins, entre paroissiens, entre étudiants ou lycéens, et même entre mari et femme nous avons besoin que des Jean-Baptiste élèvent la voix pour manifester la véritable dignité de ceux que personne ne remarque.

 

Commencer par reconnaître ne pas connaître

De manière paradoxale, la source de la connaissance de Jean-Baptiste est… la confession Révéler le mystère de l'autre dans Communauté spirituelle bernardino%20luini-%20vierge%20a%20l-enfant%20avec%20saintde non savoir. « Et moi, je ne le connaissais pas… ». En prononçant ces mots au sujet d’un cousin dont il est supposé être familier, Jean-Baptiste reconnaît que notre connaissance immédiate de l’autre ne suffit pas pour savoir qui il est vraiment. Ni les liens familiaux, ni les appartenances religieuses, ni les renseignements accumulés sur quelqu’un ne sont suffisants pour croire le connaître.

Jean-Baptiste laisse l’Esprit de Dieu lui révéler qui est Jésus. De même, nous devons abandonner les idées préétablies que nous avons sur quelqu’un pour commencer à découvrir son identité profonde.

« Je ne le connais pas » est la première étape qui conduit à la vraie connaissance de l’autre. Et ceci tout au long d’une vie.

Dire de son conjoint ou de son enfant : « je ne le connais pas » permet d’aller à sa découverte chaque jour, de se laisser surprendre par lui, de ne pas l’enfermer dans ce qu’il a déjà fait dans le passé (en positif comme en négatif). Bref : reconnaître mon ignorance du mystère de l’autre permet de l’accueillir tel qu’il est, sans préjugés ni a priori. Cela demande d’ailleurs de cultiver la vertu de l’oubli. Oublier ce qui viendrait figer mon jugement ; oublier les actes commis qui m’empêcheraient de croire au renouveau possible ; oublier ce qu’on m’a dit de l’autre et qui servirait de filtre à ma redécouverte de ce qu’il est.

« Voici l’agneau de Dieu » : cette désignation prophétique a impressionné les contemporains de Jean-Baptiste. Car il s’effaçait alors devant celui qu’il manifestait au monde. Et surtout il savait qui était vraiment ce Jésus de Nazareth, immergé dans la foule du Jourdain, pèlerin anonyme et inconnu de tous.

Nous aussi, sachons discerner au milieu des foules d’aujourd’hui ceux qui peuvent apporter quelque chose au monde, ceux qu’il faudrait suivre.

Apprenons de l’Esprit de Dieu la clairvoyance qui permet de deviner en l’autre ses talents cachés, son identité vraie…

 

1ère lecture : Le serviteur de Dieu est la lumière des nations(Is 49, 3.5-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Serviteur de Dieu. Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je me glorifierai. »
Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob et que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force.
Il parle ainsi : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël : je vais faire de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

Psaume : Ps 39, 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd

R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté.

D’un grand espoir, j’espérai le Seigneur :
il s’est penché vers moi.
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
j’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

2ème lecture : Paul salue l’Église de Dieu qui est à Corinthe (1 Co 1, 1-3)

Commencement de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Moi, Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être Apôtre du Christ Jésus, avec Sosthène notre frère, je m’adresse à vous qui êtes, à Corinthe, l’Église de Dieu, vous qui avez été sanctifiés dans le Christ Jésus, vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.

Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur.

Evangile : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Verbe s’est fait chair, il a demeuré parmi nous. Par lui, deviendront fils de Dieu tous ceux qui le reçoivent.Alléluia. (cf. Jn 1, 14.12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. Je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint.’ Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Patrick Braud

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11 janvier 2014

« Laisse faire » : éloge du non-agir

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

« Laisse faire » : éloge du non-agir

Homélie pour la fête du Baptême du Seigneur / Année A
12/01/2014

« Laisse faire ».

Elle est étonnante de cette réplique du Christ à Jean-Baptiste, première parole dans sa bouche dans l’Évangile de Matthieu.

Laisse les choses se dérouler comme elles doivent se dérouler.
Non pas : ne fais rien, mais agis comme si tu n’agissais pas, comme si tu permettais seulement à ce qui doit arriver d’arriver.

Le premier - et sans cesse - le Christ se laisse faire par l’Esprit pour aller au bout de la volonté de son Père. Jésus laisse les rencontres advenir, il n’organise rien du drame qui s’approche. Parole après parole, rencontre après rencontre, il laisse se mettre en place ce qui deviendra finalement le puzzle de sa passion.

C’est le fil rouge des trois lectures de cette fête du Baptême du Seigneur :

- Jean-Baptiste doit renoncer à sa vision des choses pour laisser Jésus être plongé dans les eaux du Jourdain (Mt 3,13-17).

- Pierre se laisse faire par l’Esprit Saint qui le conduit jusqu’à la maison du centurion romain Corneille pour le baptiser. Jamais il n’aurait pu imaginer cela : associer un païen au même héritage que les juifs, déclarer purs tous les aliments interdits dans la cashrout juive ! (Ac 10).

- Le serviteur décrit par Isaïe est pris en main par Dieu lui-même pour accomplir à travers lui sa mission de libération. Il se laissera porter par l’Esprit de Dieu pour découvrir comment devenir « lumière des nations » (Is 42,1-7).

Cette doctrine du laisser-faire rejoint l’enseignement taoïste au sujet du non-agir (wu-wei).

Elle a été développée par la mystique rhénane, notamment Maître Eckhart dans son enseignement au sujet du détachement (Abgelassenheit).

Et un courant managérial aujourd’hui redécouvre cette posture fondamentale du non-agir pour dessiner les traits du servant leader adapté au travail collaboratif.

Détaillons chacune de ces trois pistes qui convergent.

 

1. Le non-agir agir taoïste

« Laisse faire » : éloge du non-agir dans Communauté spirituelle wuwei1La notion de non- agir (wu-weioccupe une place centrale en taoïsme. À l’image de l’aïkido qui préfère utiliser la violence de l’adversaire plutôt que de créer la sienne propre, celui qui pratique le non- agir laisse advenir les événements, sans chercher à les contrarier frontalement, mais en les mettant à profit pour se laisser porter vers plus de plénitude grâce à l’énergie qu’ils véhiculent.

C’est une action au-delà de l’action, où celle-ci n’a plus besoin d’être voulue pour être efficiente (ex : quand le geste de la marche devient naturel chez l’enfant). La non-action est une action collective se réalisant ?comme si on n’y était pour rien’, alors même qu’on y participe de manière décisive, tel un orchestre entrant en harmonie grâce à son chef, où la musique semble se produire toute seule.

Renonçant au volontarisme individuel, le disciple du non- agir va surfer sur le bien et le mal trouvés sur sa route, comme l’eau épouse le lit de la rivière sans chercher à le modifier tout de suite, ce qui finalement va profondément le transformer, mais comme sans le vouloir, naturellement, de soi-même.

 » Par wu-wei, il ne faut pas entendre ne rien faire, il faut entendre qu’on laisse chaque chose se faire spontanément, de sorte à être en accord avec les lois naturelles  » (Kuo Ksiang )

 » C’est l’art de maîtriser les circonstances sans leur opposer de résistance ; le principe d’esquiver une force qui vient sur vous en sorte qu’elle ne puisse vous atteindre. Ainsi, celui qui connaît les lois de la vie, jamais ne s’oppose aux événements ; il en change le cours par son acceptation, son intégration, jamais par le refus. Il accepte toutes choses jusqu’à ce que, les ayant assimilées toutes, il parvienne à leur maîtrise parfaite. «  (Lin Yu-tang)

 

2. Le non-agir chrétien de Maître Eckhart

Les-sermons Eckhart dans Communauté spirituelleMaître Eckhart et la mystique rhénane du XIVe siècle ont entendu l’appel du Christ à « laisser faire » comme un détachement radical de ses propres oeuvres.

À l’image de Marie qui engendre le Verbe de Dieu en elle en laissant faire l’Esprit, chaque chrétien est appelé à engendrer le Christ en lui en se laissant façonner par Dieu dans la vie spirituelle. Il ne s’agit plus alors d’agir par soi-même (avec orgueil), ni même d’agir pour Dieu (ce qui est encore se substituer à lui), mais de laisser Dieu agir en soi et à travers soi.

« Dieu n’est en rien de rien tenu par leurs oeuvres et leurs dons, à moins que de bon gré il ne veuille le faire de par sa grâce et non en raison de leurs oeuvres ni en raison de leur don, car ils ne donnent rien qui soit leur et n’opèrent pas non plus à partir d’eux-mêmes, ainsi que dit Christ lui-même : ?Sans moi vous ne pouvez rien faire’.

(…) C’est ainsi que devrait se tenir l’homme qui voudrait se trouver réceptif à la vérité suprême et vivant là sans avant et sans après et sans être entravé par toutes les oeuvres et toutes les images dont il eut jamais connaissance, dépris et libre, recevant à nouveau dans ce maintenant le don divin et l’engendrant en retour sans obstacle dans cette même lumière avec une louange de gratitude en Notre Seigneur Jésus Christ (Maître Eckhart, Sermon 1).

Le baptisé devient alors un authentique homme d’action, mais d’une action qu’il ne veut pas en propre, qui lui est donnée d’accomplir sans la rechercher particulièrement. Dieu agit en lui sans qu’il ait à se forcer pour accomplir l’oeuvre de Dieu.

« Le mont escarpé,
Gravis-le sans agir.
Intelligence,
Le chemin t’emmène
En un merveilleux désert » (Maître Eckhart , Granum Sinapis).  

 

3. Le non-agir managérial du servant leader

 JésusLa figure du servant leader émerge en France après avoir été travaillée depuis une cinquantaine d’années aux USA. Pour faire court, il s’agit de passer du chef autoritaire au manager qui est au service de son équipe pour la faire grandir, pour libérer sa créativité en l’accompagnant dans ses initiatives. Cette figure du servant leader est essentielle pour mettre en oeuvre un management de type collaboratif.

 

Rappelons brièvement les différents styles de management qu’on peut repérer en entreprise (ou même dans l’Église !).

 

 

a) Le style directif

« Je décide. Vous exécutez ».

La dérive autoritaire n’est pas loin ; la passivité des salariés (ou des ouailles !) est garantie.

 

b) Le style délégatif

« Je vous transfère le problème. Vous vous débrouillez ».

Le risque est de transformer la délégation en abandon pur et simple. Le chef transfère sur ses subordonnés les tâches dont il ne veut pas ; il n’assume plus rien de leur conduite.

 

c) Le style persuasif

« Je décide. Je vous fais adhérer à ce que j’ai décidé ».

Cela fleure la manipulation du patron (ou du chef religieux) charismatique.

 

d) Le style participatif

« Vous participez aux objectifs prédéfinis. »

L’apport de chacun est réel, mais au service des décisions prises en amont. Avec un brin de condescendance : « je vous donne le sens. À vous la liberté de voir comment le mettre en oeuvre. »

 

 e) Le style collaboratif

« Nous construisons ensemble les objectifs et les moyens pour y arriver ».

Le responsable d’équipe doit alors arriver devant elle avec une feuille blanche : quels sont les problèmes, les défis que nous devons relever ? comment peut-on s’y prendre ? Travaillons ensemble à définir des pistes d’action.

Il ne peut ainsi lâcher prise sur sa propre vision du problème que s’il adopte la posture du servant leader : non pas faire, mais laisser-faire son équipe, ce qui demande un actif travail d’animation du débat, de régulation de la parole, de fédération des opinions diverses, de capacité à faire émerger naturellement une action de l’équipe au lieu d’imposer la sienne.

Cela ira jusqu’à définir avec son équipe les questions à se poser, les problèmes à identifier, les règles à se donner etc?

Bref, le manager qui veut travailler en mode collaboratif pratiquera un non-agir en parfaite consonance avec le laisser-faire de l’Évangile, le non-agir taoïste et le détachement de Maître Eckhart !

 laisser faire

 

Étonnant comme un concept peut s’avérer fécond lorsqu’il devient nomade…

Appliquez le laisser-faire du baptême du Christ aux sciences du management, il faut oser ! Et pourtant, c’est une piste solide pour libérer l’autonomie, la créativité et la responsabilité des équipes (et les baptisés  en ce qui concerne le gouvernement de l’Église), pour épouser les événements professionnels et en faire émerger autre chose, non déterminé à l’avance.

Notre Église ferait bien de s’appliquer à elle-même ce principe du laisser faire, car les gouvernements de style directif, délégatif, persuasif ou participatif y sont légion, de haut en bas d’une pyramide ecclésiale pas encore vraiment inversée…

 

 

 

1ère lecture : Le serviteur de Dieu consacré pour le salut des hommes (Is 42, 1-4.6-7)
Lecture du livre d’Isaïe

Ainsi parle le Seigneur :
Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis toute ma joie. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; devant les nations, il fera paraître le jugement que j’ai prononcé.
Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n’entendra pas sa voix sur la place publique.
Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité.
Lui ne faiblira pas, lui ne sera pas écrasé, jusqu’à ce qu’il impose mon jugement dans le pays, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses instructions.

Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice, je t’ai pris par la main, je t’ai mis à part, j’ai fait de toi mon Alliance avec le peuple et la lumière des nations ; tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et de leur cachot ceux qui habitent les ténèbres.

Psaume : Ps 28, 1-2, 3ac-4, 3b.9c-10

R/ Dieu, bénis ton peuple, donne-lui la paix.

Rendez au Seigneur, vous, les dieux,
rendez au Seigneur gloire et puissance.
Rendez au Seigneur la gloire de son nom,
adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté.

La voix du Seigneur domine les eaux,
le Seigneur domine la masse des eaux.
Voix du Seigneur dans sa force,
voix du Seigneur qui éblouit.

Le Dieu de la gloire déchaîne le tonnerre.
Et tous dans son temple s’écrient : « Gloire ! »
Au déluge le Seigneur a siégé ;
il siège, le Seigneur, il est roi pour toujours !

2ème lecture : Le ministère du Sauveur commence à son baptême (Ac 10, 34-38)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Quand Pierre arriva à Césarée, chez un centurion de l »armée romaine, il s’adressa à ceux qui étaient là : « en vérité, je le comprends : Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ; mais, quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et font ce qui est juste. Il a envoyé la Parole aux fils d’Israël, pour leur annoncer la paix par Jésus Christ : c’est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous.

Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean :
Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui. »

Evangile : Le baptême de Jésus (Mt 3, 13-17)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui, le ciel s’est ouvert, l’Esprit descend sur Jésus, et la voix du Père domine les eaux : « Voivi mon Fils, mon bien-aimé ! » Alléluia. (cf. Mt 3, 16-17, Ps 28, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain, et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui.
Jean voulait l’en empêcher et disait : « C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit : « Pour le moment, laisse-moi faire ; c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste. » Alors Jean le laisse faire. 

Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau ; voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour. »
Patrick Braud

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2 novembre 2013

Zachée-culbuto

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Zachée-culbuto

Homélie du 31° dimanche du temps ordinaire / Année C
03/11/2013

 

Descend vite au fond de toi…

Vous rappelez-vous de ce jouet  de l’enfance qu’est le culbuto ?

Zachée-culbuto dans Communauté spirituelle dynamogne_-_mr_culbuto_-_copyright_henry_krul_10

Vous avez beau chercher à le faire tomber, il revient imperturbablement à sa position debout. Toutes les perturbations extérieures ne le détournent pas de sa stabilité, car il a son centre au plus bas de lui-même.

« Zachée, descend vite : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi. »

Et si Dieu était en bas, au fond de nous-mêmes, au lieu de l’imaginer tout en-haut seulement ?

La conversion de Zachée – et la nôtre – serait alors de revenir à notre propre centre de gravité spirituelle, qui est la demeure du Christ en nous.

Quand les enfants ferment les yeux au caté pour éprouver dans le silence la présence de Dieu, ils sentent d’instinct que le retour à Dieu coïncide avec le retour à soi-même.

Zachée nous dit la réciproque : descendre au plus profond de soi, c’est trouver Dieu. Il croyait devoir s’élever pour enter en contact avec Jésus. Il lui faudra descendre en lui-même pour le trouver.

La vie intérieure, c’est d’abord l’attention à soi.

St Augustin parlait de la pesanteur de l’amour, qui nous amène à descendre au plus profond de nous-même.

Quand la Bible parle de la gloire de Dieu, elle emploie le mot hébreu kabôd qui désigne justement la pesanteur, la masse, la gravité. Comme si rendre gloire à Dieu, c’était se laisser tomber entre ses bras, en nous laissant attirer par son poids d’amour.
Tomber au fond de soi, c’est tomber dans les bras de Dieu.

« Zachée, descend vite ! »


À la manière d’un caillou qui revient à son lieu propre, par la pesanteur, quand rien ne l’empêche de tomber.

À la manière d’un fleuve qui revient dans son lit après une inondation.
À la manière du culbuto qui fascine les tout-petits : au milieu de l’agitation de nos vies, revenir à son centre intérieur, se laisser stabiliser par son propre poids, en bas.
« Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » nous avertissait Jésus dimanche dernier avec le pharisien et le publicain.

Mais qu’est-ce donc que descendre ? descendre de son figuier ? de son sycomore ? descendre au fond de soi ?

 

Ne pas être étranger à soi-même

mourir-%C3%A0-soi-m%C3%AAme11 arbre dans Communauté spirituelleUn homme me confiait un jour : « J’ai la quarantaine. Jusqu’ici, j’ai vécu sans me poser de questions. J’ai foncé : pour créer ma boîte, pour bâtir mon couple et ma famille. J’étais dans l’action. Maintenant, cela ne me suffit plus. J’ai besoin de dire  » je « . J’ai envie d’explorer des désirs en moi que je passais sous silence sans le savoir, faute de temps pour explorer mon identité. J’en arrive même à remettre mon couple en question. Mais je ne peux plus vivre à la surface de moi-même. »

Les témoignages abondent dans ce sens : quel dommage de se contenter de relations superficielles, alors que la profondeur d’un vrai dialogue est bouleversante ! C’est comme si on soignait un mourant en ne lui parlant que de la pluie et du beau temps…

« Zachée, descend vite » : ne te contente pas du journal télévisé et du journal local ; va puiser en toi une intensité de vivre. Tu verras, je t’attends là, en bas du culbuto. Si tu descends en toi, j’irai chez toi faire ma demeure.


Il s’agit de ne pas être étranger à soi-même.

Prenez l’exemple de la violence : violence sociale, politique, professionnelle, familiale…

Certains fuient la violence comme la peste et évitent les conflits.
D’autres répondent à l’agressivité par l’agressivité, et sont surpris d’éprouver la violence en eux.

Pour tous l’enjeu est de vivre la violence de manière évangélique : non pas superficiellement, en agissant sans réfléchir (que ce soit dans un sens ou dans un autre), mais en descendant en son fond le plus intime : que faire de cette violence ? Comment ne pas se laisser manipuler par son passé ? Comment la convertir en violence à la manière du Christ ? Celui qui descend au fond de sa violence pour laisser Dieu la transformer, celui-là engendre Dieu en lui : au sens le plus fort, le Fils de Dieu naît en lui, il engendre le Verbe, il devient la Mère de Dieu !
De même celui ou celle qui descend au fond de son angoisse, de son émerveillement, de son amour ou de sa solitude?

 

Une vie bouleversée

Etty Hillesum, jeune juive dans le ghetto d’Amsterdam, et bientôt déportée volontaire dans le camp de Westerbok, témoigne dans son journal de cette descente « au fond » de l’âme, qui produit une sérénité incroyable, même au milieu de l’horreur.

41-no-m60cL._ culbuto« La semaine prochaine, il est probable que tous les juifs hollandais subiront l’examen médical.
De minute en minute, de plus en plus de souhaits, de désirs, de liens affectifs se détachent de moi ; je suis prête à tout accepter, tout lieu de la terre où il plaira à Dieu de m’envoyer, prête aussi à témoigner à travers toutes les situations et jusqu’à la mort, de la beauté et du sens de cette vie: si elle est devenue ce qu’elle est, ce n’est pas le fait de Dieu mais, le nôtre. Nous avons reçu en partage toutes les possibilités d’épanouissement, mais n’avons pas encore appris à exploiter ces possibilités. On dirait qu’à chaque instant des fardeaux de plus en plus nombreux tombent de mes épaules, que toutes les frontières séparant aujourd’hui hommes et peuples s’effacent devant moi, on dirait parfois que la vie m’est devenue transparente, et le coeur humain aussi; je vois, je vois et je comprends sans cesse plus de choses, je sens une paix intérieure grandissante et j’ai une confiance en Dieu dont l’approfondissement rapide, au début, m’effrayait presque, mais qui fait de plus en plus partie de moi même.


‘Hineinhorchen’ : ‘écouter au-dedans‘ ; je voudrais disposer d’un verbe bien hollandais pour dire la même chose. De fait, ma vie n’est qu’une perpétuelle écoute ‘au dedans’ de moi même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j’écoute ‘au-dedans‘, en réalité c’est plutôt Dieu en moi qui est à l’écoute.
Ce qu’il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l’essence et la profondeur de l’autre : (en moi) Dieu écoute Dieu. » *

Si vous faites ainsi passer votre centre de gravité « en-bas », comme le culbuto, alors rien ne pourra vous troubler, comme le culbuto qui revient à son centre après les oscillations extérieures. Cela demande de ne pas s’attacher à ses oeuvres, de rester libre pour Dieu et pour soi-même. Mais cette plongée intérieure est un voyage en Dieu. Comme le Christ est en bas de l’arbre de Zachée, c’est dans le fond de l’âme que Dieu réside, nous enseigne, nous attend et nous unit à lui.

« On s’engouffre dans cet abîme.
Et dans cet abîme est l’habitation propre de Dieu [...].
Dieu ne quitte jamais ce fond. Il n’y a là ni passé ni futur.
Rien ne peut combler ce fond. Rien de créé ne peut le sonder »
(Tauler XIV°)


« Zachée, descend vite »
.
Quitte ce qui en toi n’est que superficiel et léger.
Explore tes désirs les plus profonds.
Prends le temps du silence, de l’adoration, de la méditation et tu découvriras Dieu attablé dans le fond de ton âme mieux que Jésus attablé dans la demeure de Zachée.
« Zachée, descend vite ».
Qui que tu sois, descends vite au plus profond de toi : « aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi »
.

 

_____________________________________________

* Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Journal (1941-1943).

 


 

1ère lecture : Dieu aime toutes ses créatures (Sg 11, 23-26; 12, 1-2)

Lecture du livre de la Sagesse

Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent.
Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes ?uvres, car tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui.
Et comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment aurait-il conservé l’existence, si tu ne l’y avais pas appelé ?
Mais tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie, toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.

Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal, et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur.

Psaume : Ps 144, 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14

R/ La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant !

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi, 
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai, 
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié, 
lent à la colère et plein d’amour ; 
la bonté du Seigneur est pour tous, 
sa tendresse, pour toutes ses ?uvres. 

Que tes oeuvres, Seigneur, te rendent grâce 
et que tes fidèles te bénissent ! 
Ils diront la gloire de ton règne, 
ils parleront de tes exploits. 

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, 
fidèle en tout ce qu’il fait. 
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, 
il redresse tous les accablés.

2ème lecture : Préparer dans la paix la venue du Seigneur(2Th 1, 11-12; 2, 1-2)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères, nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé ; par sa puissance, qu’il vous donne d’accomplir tout le bien que vous désirez, et qu’il rende active votre foi. Ainsi, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous, et vous en lui ; voilà ce que nous réserve la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ.
Frères, nous voulons vous demander une chose, au sujet de la venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui : si l’on nous attribue une révélation, une parole ou une lettre prétendant que le jour du Seigneur est arrivé, n’allez pas aussitôt perdre la tête, ne vous laissez pas effrayer.

Evangile : Zachée : descends vite ! (Lc 19, 1-10)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Tout homme qui croit en lui possède la vie éternelle. Alléluia. (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus traversait la ville de Jéricho.
Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n’y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là.
Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l’interpella : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. »
Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Patrick Braud

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