L'homélie du dimanche (prochain)

23 septembre 2015

Le coup de gueule de saint Jacques

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Le coup de gueule de saint Jacques

Homélie du 23° dimanche du temps ordinaire/année B
27/09/2015

Cf. également Contre tout sectarisme

 

La protestation sociale

L’ex patron d’Alcatel-Lucent quitte son poste avec des indemnités d’un montant de 13,7 millions d’euros, finalement réduites à 7,9 millions sous la pression de tous, mais sans compter pourtant les dizaines de millions d’euros qui l’attendent à SFR Numéricable… Le salaire minimum français est de 1457 € net par mois, quand on a la chance d’avoir un temps plein. Plus de 10 % de la population active est au chômage. Les futures retraites obligeront les seniors à revenu modeste à trouver des petits boulots en complément. Dans les cités, 25 à 50 % des jeunes constatent qu’en dehors de l’économie parallèle il n’y a guère d’avenir pour eux… etc.

Avouez qu’il y a de quoi pousser un coup de gueule à la manière de saint Jacques dans notre deuxième lecture :

Le coup de gueule de saint Jacques dans Communauté spirituelle Lapinbleu356C-Jc5_7« Vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices, et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre » (Jc 5, 1-6).

La dimension sociale et économique de la foi chrétienne est parfois oubliée par des prédicateurs évangéliques friands de miracles, ou par des politiques voulant cantonner la religion dans la seule sphère privée. Avec saint Jacques, impossible de ne pas faire le lien entre foi en Dieu et juste salaire, rémunération décente, sobriété heureuse, protection des plus faibles etc.

La lettre de saint Jacques a des accents de protestation, voire de contestation sociale, qui visiblement a inspiré Marx et Engels, fins connaisseurs des Écritures :

« Le prix moyen du travail salarié, c’est le minimum du salaire, c’est-à-dire la somme des moyens de subsistance nécessaires pour maintenir en vie l’ouvrier en tant qu’ouvrier. Par conséquent, ce que l’ouvrier salarié s’approprie par son activité est tout juste suffisant pour reproduire sa vie ramenée à sa plus simple expression. Nous ne voulons en aucune façon abolir cette appropriation personnelle des produits du travail indispensable à la reproduction de la vie du lendemain, cette appropriation ne laissant aucun profit net qui pourrait conférer un pouvoir sur le travail d’autrui. Ce que nous voulons, c’est supprimer le caractère misérable de cette appropriation qui fait que l’ouvrier ne vit que pour accroître le capital, et ne vit qu’autant que l’exigent les intérêts de la classe dominante.

Dans la société bourgeoise, le travail vivant n’est qu’un moyen d’accroître le travail accumulé. Dans la société communiste, le travail accumulé n’est qu’un moyen d’élargir, d’enrichir et de faire progresser l’existence des travailleurs.

Dans la société bourgeoise, le passé domine donc le présent; dans la société communiste c’est le présent qui domine le passé. »

Karl Marx et Friedrich Engels / Manifeste du Parti communiste  (1848)

Cette dénonciation du caractère misérable du salaire de l’ouvrier n’a rien perdu de son actualité. L’explosion des inégalités au sein des sociétés occidentales - et même communiste chinoise ! - comme entre les pays plus ou moins développés fait resurgir de façon lancinante cette vieille récurrente question sociale : qu’est-ce qu’un juste salaire ?

 

Le juste salaire

L’Ancien Testament est le témoin d’un conflit permanent entre propriétaires et salariés sur cette question.

« Tu n’exploiteras pas le salarié humble et pauvre, qu’il soit d’entre tes frères ou étranger en résidence chez toi. Chaque jour tu lui donneras son salaire, sans laisser le soleil se coucher sur cette dette; car il est pauvre et il attend impatiemment ce salaire. Ainsi n’en appellera-t-il pas à Yahvé contre toi. Autrement tu serais en faute » (Dt 24,14-15).

Saint Jacques n’est que le fidèle continuateur de cette ligne à la fois prophétique (dénoncer les inégalités) et législative (corriger les rapports sociaux par la loi).


Les Pères de l’Église n’ont cessé de conjuguer ainsi protestation sociale et affirmation croyante. Les encycliques sociales et l’ensemble de ce que l’on appelle la Doctrine sociale de l’Église ont peu à peu affiné le concept de juste salaire :

 Le droit à une juste rémunération et distribution du revenu

302. La rémunération est l’instrument le plus important pour réaliser la justice dans les rapports de travail. Le « juste salaire est le fruit légitime du travail »; celui qui le refuse ou qui ne le donne pas en temps voulu et en une juste proportion par rapport au travail accompli commet une grave injustice (cf. Lv 19, 13; Dt 24, 14-15; Jc 5, 4). Le salaire est l’instrument qui permet au travailleur d’accéder aux biens de la terre: « Compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme des ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel ».

Le simple accord entre travailleur et employeur sur le montant de la rémunération ne suffit pas à qualifier de « juste » le salaire concordé, car celui-ci « ne doit pas être insuffisant à faire subsister l’ouvrier »: la justice naturelle est antérieure et supérieure à la liberté du contrat.

Compendium de la Doctrine sociale de l’Église

Il est à remarquer que, pour l’Église, le contrat n’est pas supérieur à la nature, c’est-à-dire la vocation universelle du salaire. Même si par nécessité l’ouvrier accepte un contrat de misère pour pouvoir travailler, ce n’en est pas juste pour autant. C’est encore plus évident avec le travail des enfants, et le travail au noir. Les rémunérations indécentes sont également injustes : ce n’est pas parce que les actionnaires d’Alcatel-Lucent s’étaient mis d’accord avec le PDG nommé que ses indemnités de départ étaient justes !

La primauté libérale du droit sur le bien est incompatible avec le sens biblique de la justice.

Des salaires de misère ou des revenus de millionnaire affectent la fraternité évangélique beaucoup plus que l’absence de pratiques religieuses !

Platon proposait un écart idéal de 1 à 4 entre riches et pauvres. Le banquier John Pierpont Morgan plaidait pour un écart de 1 à 20 maximum. Henry Ford disait qu’il ne confierait pas son argent à une entreprise où l’écart de salaire serait plus grand que de 1 à 40…

Que diraient-ils maintenant ? !

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Au nom d’un avenir commun

Le diagnostic de Marx et Engels était intéressant :

« Dans la société bourgeoise, le passé domine donc le présent; dans la société communiste c’est le présent qui domine le passé. »

Saint Jacques introduit un troisième terme, plus déterminant encore dans la foi chrétienne : notre avenir commun.

« Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! »

picsoucasepiecesenlairpm422 EgliseC’est au nom d’une vision eschatologique de l’histoire que Jacques relativise la richesse, et fustige les inégalités. Puisque les derniers temps arrivent – et nous y sommes – ce que nous sommes appelés à devenir est plus important que ce que nous avons été ou ce que nous sommes aujourd’hui.

Parce que en Dieu nous sommes jugés sur l’amour et non sur l’avoir, parce que nous sommes promis à ne faire qu’un, les inégalités doivent s’effacer devant cette vocation commune.

Cet avenir commun est à la racine de l’engagement écologique de l’Église (cf. l’encyclique Laudato si du pape François). 

Nous nous recevons de l’avenir, et cela nous oblige à contester un présent et un passé où  les rapports de force engendrent des salaires indignes, des exclusions inhumaines.

Sans cet ancrage eschatologique, les chrétiens seront toujours la remorque des idéologies économiques de leur époque : libérale (domination du passé), ou matérialiste (sacralisation du présent).

 

L’actualité de saint Jacques

Relisons donc toute la lettre de Jacques :

– se battre pour un juste salaire est indissociable de la foi en Dieu.


– c’est au nom d’un avenir commun que nous cherchons à transformer la vie sociale, écologique, économique… et non pas au nom d’idéologies datées et éphémères à l’échelle de l’histoire.


Que le coup de gueule de saint Jacques nourrisse notre engagement en ce sens !

capture-d_ecc81cran-2015-04-23-acc80-14-59-36 Jacques 

 

1ère lecture : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » (Nb 11, 25-29)
Lecture du livre des Nombres

En ces jours-là, le Seigneur descendit dans la nuée pour parler avec Moïse. Il prit une part de l’esprit qui reposait sur celui-ci, et le mit sur les 70 anciens. Dès que l’esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais cela ne dura pas.
Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; eux aussi avaient été choisis, mais ils ne s’étaient pas rendus à la Tente, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! » Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ! »

Psaume : Ps 18 (19), 8, 10, 12-13, 14

R/ Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur. (Ps 18, 9ab)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables.

Aussi ton serviteur en est illuminé ;
à les garder, il trouve son profit.
Qui peut discerner ses erreurs ?
Purifie-moi de celles qui m’échappent.

Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil :
qu’il n’ait sur moi aucune emprise.
Alors je serai sans reproche,
pur d’un grand péché.

2ème lecture : « Vos richesses sont pourries » (Jc 5, 1-6)
Lecture de la lettre de saint Jacques

Vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices, et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre. Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous oppose de résistance.

Evangile : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la » (Mc 9, 38-43.45.47-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Ta parole, Seigneur, est vérité ; dans cette vérité, sanctifie-nous.
Alléluia. 
(cf. Jn 17, 17ba)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds. Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »
Patrick BRAUD

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15 septembre 2012

Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

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Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

 

Homélie du 24° dimanche ordinaire / année B

16/09/2012

 

La foi où les oeuvres ?

Qu’est-ce qui est le plus important : croire, ou faire des choses bien ?

Sommes-nous sauvés en adhérant au Christ ou en faisant ce qu’il dit ?

Cette dialectique de la foi et des oeuvres est au coeur de la lettre de saint Jacques : « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Cette question a provoqué le déchirement de l’Europe au XVI° siècle, car c’est sur ce débat – qui a passionné les foules – que Luther et les réformateurs ont engagé un bras de fer avec Rome.

Leur raisonnement, toujours actuel, est très cohérent. Résumons-le : le salut est gratuit. Nul ne peut prétendre mériter l’amour offert par Dieu en Jésus-Christ. Prétendre que c’est grâce à nos bonnes actions que nous sommes dignes du salut serait contredire la gratuité absolue de l’amour divin.

Le raisonnement des catholiques n’est pas moins cohérent. En suivant saint Jacques, ils insistent sur la nécessaire coopération de l’homme au salut offert : la foi est morte si elle ne produit pas des oeuvres bonnes, et il est donc légitime de chercher à traduire en actes le désir d’être sauvé. Dieu ne veut pas sauver l’homme malgré lui, sans l’associer à cette transformation.

Les oppositions entre catholiques et protestants découlent de cette dispute centrale.

- Si la gratuité est absolue, alors l’homme n’y est pour rien, et ce serait folie que de compter sur ses bonnes oeuvres, sur l’intercession des saints ou sur le ministère des prêtres pour s’assurer du salut.

- Si la liberté de l’homme est réelle, alors il peut collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui : Marie en est la preuve en personne, ainsi que la communion des saints les sacrements reçus activement, et les mérites de chacun.

 

On a peine à imaginer aujourd’hui que des familles ont éclaté à cause de ces questions théologiques, que des pays ont expulsé une partie des leurs, que l’Église d’Occident a donné naissance à une multitude de confessions plus ou moins étrangères les unes aux autres, tantôt violemment opposées, tantôt juxtaposées dans l’indifférence mutuelle…

Alors : croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

L’Europe du Nord a choisi la première réponse. L’Europe du Sud s’est plutôt ralliée à la deuxième. Après des milliers de morts, des exils, des persécutions de chaque camp sur l’autre, on a vaguement trouvé  au XV° siècle un principe pacificateur : cujus regio, ejus religio. Chacun devait adopter la religion de sa région : en Bavière on était catholique, en Saxe protestant. Mais ce n’était qu’un pis-aller.

Il faut saluer l’énorme travail de dialogue et de réconciliation accompli par nos Églises depuis plus d’un siècle. Comme la déchirure était d’abord théologique, il fallait commencer par résoudre le dilemme proprement théologique qui a provoqué ces fractures. Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ? dans Communauté spirituelle doctrine-justifCela a été formellement accompli lors de la publication commune du document sur la justification par la foi 1 en 1999 par les Églises catholique et luthériennes, puis signé également par les Églises méthodistes. C’est finalement la position équilibrée de Saint-Jacques qui est la clé de cette réconciliation : oui le salut est gratuit, oui l’homme y est associé et doit collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui et autour de lui.

« Nous confessons ensemble que la personne humaine est, pour son salut, entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu. »

« Lorsque les catholiques affirment que, lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation, la personne humaine ?coopère? par son approbation à l’agir justifiant de Dieu, ils considèrent une telle approbation personnelle comme étant une action de la grâce et non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable. »

La levée des excommunications mutuelles du XVIe siècle qui a eu lieu dans la foulée de la publication de ce document est un événement majeur pour nos sociétés européennes, et pour tous celles vers qui elles ont exporté leurs divisions (Afrique, Amérique latine notamment).

Croire ou agir ? La foi où les oeuvres ?

Que retenir de ce long conflit à notre échelle individuelle ?

Pouvons-nous par exemple réfléchir à l’interaction entre la foi et les oeuvres dans notre vie ?

Croire et agir font système. Cela a des conséquences pour chacun de nous.

- Croire sans agir pousse à se réfugier dans le culte, la prière « magique », le repli identitaire dans de petits groupes fortement marqués. C’est une tentation proche du traditionalisme.

- Agir sans croire pousse à se perdre dans le militantisme (politique, humanitaire, ecclésial…) sans autre horizon que l’efficacité. C’est une tentation activiste très populaire. La plupart des non-pratiquants s’appuient sur ce genre de raisonnement pour justifier leur absence à l’Église : faire du bien autour de soi vaut mieux que la participation à une assemblée. Position presque trop « catholique » dans la mesure où elle survalorise l’action au détriment de la foi, l’éthique au détriment de la métaphysique.

Or croire et agir font système.

Croire pour agir, agir pour croire…

Même dans la vie professionnelle, on retrouve cette dialectique et les dérives de ceux qui en absolutisent un des termes.

- Certains sont si attachés aux résultats que seule l’action compte ; peu importe la vision de l’homme, et d’ailleurs ils n’ont ni le temps ni l’intérêt pour se poser des questions sur le sens de leur travail.

- D’autres seront à l’inverse d’éternels penseurs, volontiers critiques sur l’action des autres, mais ne descendant jamais dans l’arène.

Mettre en oeuvre des stratégies industrielles ou commerciales demande de rendre compte des finalités poursuivies, des valeurs auxquelles on croit, d’une certaine vision de l’homme qui anime cette action.

Et symétriquement, avoir des convictions et des valeurs oblige à prendre des risques pour les incarner dans des décisions professionnelles.

 

Le vieux débat entre la foi et les oeuvres ne devrait-il pas finalement rester vivant en chacun de nous ? Sans lui donner de solution stable et définitive, le questionnement issu de saint Jacques aurait le mérite : – si nous l’alimentons sans cesse – de nous maintenir dans une dynamique de conversion permanente.

 

Nul n’est si croyant qu’il puisse se passer d’agir.

Nul n’est si efficace qu’il puisse se passer de croire.

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1. La Doctrine de la justification, Déclaration commune de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique romaine, Cerf, Paris, 1999.

1ère lecture : Prophétie du Serviteur souffrant (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Serviteur de Dieu : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu’un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance !
Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ?

Psaume : 114, 1-2, 3ac-4, 5-6, 8ac-9

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur : 
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié, 
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits : 
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur 
sur la terre des vivants.

2ème lecture : Pas de vraie foi sans les actes (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ?
Supposons que l’un de nos frères ou l’une de nos s?urs n’aient pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Evangile : Confession de foi de saint Pierre et première annonce de la Passion (Mc 8, 27-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre seule fierté, c’est la croix du Seigneur ! En lui, le monde est crucifié à nos yeux, et nous, aux yeux du monde. Alléluia. (cf. Ga 6, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? »
Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. »
Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »
Patrick Braud

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22 janvier 2011

Ruptures et continuités : les conversions à vivre pour répondre à un appel

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Ruptures et continuités :
les conversions à vivre pour répondre à un appel

 

Homélie pour le 3° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 23 Janvier 2011

 

 

Pêcheurs / pêcheurs d’hommes

·       « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »

Le jeu de mots est célèbre. Il a suscité d’innombrables commentaires. Il peut à nouveau éclairer les appels qui jalonnent notre route, venant de Dieu, du hasard ou de la nécessité…

 

Un appel produit toujours ruptures et continuités

 

Savoir quitter

·       C’est facile à constater : être appelé à une responsabilité nouvelle oblige la plupart du temps à quitter bien des choses. Il faut déménager pour aller travailler ailleurs ; accepter d’avoir moins de temps libre pour assumer un engagement supplémentaire ; renouveler son réseau de relations pour découvrir un autre milieu etc…

À cause de cela, dans l’évangile, les verbes quitter / laisser suivent presque toujours le verbe appeler. « Il les appela. Aussitôt, laissant leur barque… ».

- Simon et André quittent leur père, leurs filets de pêche, et avec eux l’entreprise familiale, leur vie tranquille à Capharnaüm.

- Jacques et Jean font de même : ils quittent eux aussi la barque familiale et les rivages familiers.

- Jésus lui-même inaugure son ministère par un changement d’adresse significative : « il quitta Nazareth et vint habiter Capharnaüm ». À tel point que Capharnaüm est devenue ‘la ville de Jésus’, là où il avait sa maison (celle de Pierre en fait, dont on a retrouvé les traces et qu’on visite aujourd’hui encore à Capharnaüm).

Il quitte son enfance, Nazareth et sa vie cachée, pour s’établir dans ce « carrefour des nations », peuplé de militaires, de voyageurs, et de tous les commerces qui vont avec…
On aurait dû l’appeler ‘Jésus de Capharnaüm’ et non pas ‘Jésus de Nazareth’ !

 

·       Répondre à un appel implique donc des ruptures, inévitablement.

Faites la liste des ruptures que vous avez déjà traversées – même sans vous en rendre compte sur le moment – pour les études, pour un poste professionnel, à cause du déménagement des autres, des deuils, des séparations successives…

Savoir quitter est donc l’apprentissage de ceux qui répondent à des appels.

 

Continuités

·       Mais tout n’est pas rompu de son passé lorsqu’on se met à suivre le Christ. En même temps que l’on quitte, on découvre ce qui demeure. Tout n’est pas changé : des choses fondamentales restent là, plus que jamais, prises dans une autre lumière certes, mais toujours les mêmes.

Ainsi, Simon et André ne cessent pas d’être frères, et répondent ensemble à l’appel de Jésus, en frères. De même pour Jacques et Jean, qui restent « fils de Zébédée » par la suite.

C’est rassurant : on peut répondre à un appel en famille, les liens familiaux peut être transfigurés dans l’aventure commune !

 

·       Autre continuité soulignée fortement par l’évangéliste Matthieu : entre Isaïe et Jésus. L’appel auquel répond Jésus ne rompt pas les anciennes alliances. Au contraire, il les accomplit. « Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe : Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée, toi le carrefour des païens : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». (Mt 4,14-16)

 « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir : je suis venu accomplir, non pas abolir ». (Mt 5,17). Accomplir la prophétie d’Isaïe se situe dans  la continuité de la lignée des prophètes.

Pour l’Église, assumer la continuité avec Israël, ou avec le premier Testament, est toujours un impératif que les ruptures historiques ne peuvent effacer.

 

Ruptures et continuités : la conversion des talents

·       Autre continuité tout à fait remarquable dans le texte : les deux fois deux frères ne cesseront pas d’être des pêcheurs. Ils ne deviendront pas apôtres à partir de rien, ex nihilo. Ils apprendront à convertir leur savoir-faire de pêcheurs de poissons dans la mission apostolique de pêcheurs d’hommes.

Autrement dit, Dieu ne les appelle pas malgré leur métier, contre lui ou sans lui. Il s’appuie sur leur métier pour les initier à leur vocation profonde.

Ruptures et continuités : les conversions à vivre pour répondre à un appel dans Communauté spirituelle

Et qu’est-ce qu’être pêcheur à l’époque de Jésus ?

Pour les juifs, rappelez-vous, la mer est le lieu de la peur et de la mort. Depuis le déluge qui a submergé la terre, noyé les Égyptiens, naufragé Jonas ou fait peur aux piètres marins qu’étaient les juifs, être plongé dans l’eau signifiait habiter les profondeurs de la mort, au milieu de monstres effrayants. Le métier de pêcheur, c’est alors de sortir hors de ce milieu infernal les ‘poissons’ représentant les hommes. Le pêcheur met l’humanité hors d’eau. Son savoir-faire libère ceux qui habitaient les « ténèbres » (selon les termes d’Isaïe) des océans  pour les amener à la lumière de la surface. À tel point que les chrétiens se désignaient dans les premiers siècles par le symbole du poisson, tiré hors de l’eau angoissante, prêt à être cuit sur la braise, savoureusement goûté lors du repas de la résurrection sur la grève (cf. Jn 21).

 

·       Le jeu de mots pêcheurs/pêcheurs d’hommes signifie donc la profonde continuité que chacun va assumer : en répondant à l’appel du Christ, nous sommes invités non pas à renier notre identité profonde, nos talents, nos charismes, mais à les mettre au service de la pêche apostolique, avec plus d’intelligence encore que lorsque nous étions à notre compte…

   André dans Communauté spirituelle

·       L’histoire est pleine de telles ruptures / continuités :

Augustin quitte sa maîtresse et l’ésotérisme, mais met l’art de sa rhétorique au service de l’Évangile.

Ambroise était préfet de Milan et il a su mettre sa compétence au service de son ministère d’évêque.

Charles de Foucauld était un génial explorateur doué du sens militaire : il deviendra un pionnier de la grammaire et du dictionnaire touareg-français.

L’Abbé Pierre était député, et il a su faire jouer son carnet d’adresses en faveur d’Emmaüs…

 

Vous le voyez : tout appel, qui vient du Christ ou des événements de la vie, produit à la fois des ruptures et des continuités.

À chacun de discerner ce qu’il doit quitter, ce qu’il peut conserver tout en le transformant, pour répondre à quel appel…

   appel

 

 

1ère lecture : Une lumière se lèvera sur la Galilée (Is 8, 23 – 9,1-3)

Lecture du livre d’Isaïe

Dans les temps anciens, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens.
Le peuple qui marchait dans les ténèbresa vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.

Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.

Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane.

 

Psaume : Ps 26, 1, 4abcd, 13-14

R/ Le Seigneur est lumière et salut

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ? 

J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche : 
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants. 
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »

 

2ème lecture : Le scandale des divisions dans l’Église du Christ (1Co 1, 10-13.17)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ à être tous vraiment d’accord ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiments.
J’ai entendu parler de vous, mes frères, par les gens de chez Cloé : on dit qu’il y a des disputes entre vous.
Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « J’appartiens à Apollos », ou bien : « J’appartiens à Pierre », ou bien : « J’appartiens au Christ ».
Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
D’ailleurs, le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ.

 

Evangile : Jésus commence son ministère par la Galilée (brève : 12-17) (Mt 4, 12-23)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Aléluia. (cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée.
Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
Pays de Zabulon et pays de Nephtali,route de la mer et pays au-delà du Jourdain,Galilée, toi le carrefour des païens :
le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière.Sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre et de la mort,une lumière s’est levée.
A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

 

Patrick Braud
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