L'homélie du dimanche (prochain)

31 janvier 2017

Mesdames-Messieurs les candidats, avez-vous lu Isaïe ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Mesdames-Messieurs les candidats, avez-vous lu Isaïe ?

Homélie du 5° dimanche du temps ordinaire / année A
05/02/2017

Cf. également :

On n’est pas dans le monde des Bisounours !
L’Église et la modernité: sel de la terre ou lumière du monde ?
Le coup de gueule de saint Jacques
La bande des vautrés n’existera plus
Maison de prière pour tous les peuples
Nourriture contre travail ?


Demandez le programme !

Lisez à haute voix la première lecture de ce dimanche, en y mettant quelques intonations « de bruit et de fureur » :

Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. (Is 58, 7-10)

Vous croiriez presque avoir en main le programme de Mélenchon pour les élections présidentielles de 2017 ! Il y a bien des résonances entre ce que le prophète Isaïe met sur les lèvres de Dieu lui-même et les propositions politiques des révoltés d’aujourd’hui : partager avec les pauvres, délivrer de la domination financière, accueillir les sans-abri, rétablir la justice…

Une différence – majeure – est qu’Isaïe s’adresse à chacun en l’appelant à pratiquer lui-même, chez lui en premier, la justice et le respect de la liberté de chacun envers les pauvres, alors que les programmes l’attendent de la fiscalité, de l’État, des réformes institutionnelles, bref : des autres.

C’est en Amérique latine que cette lecture d’Isaïe et les autres textes bibliques parlant des pauvres a produit la forme la plus aboutie d’engagement social, qu’on appelle la théologie de la libération.

 

Qu’est-ce que la théologie de la libération ?

Les théologiens les plus marquants de ce courant la définissent comme une pratique de libération des opprimés :

« La théologie de la libération cherche à articuler une lecture de la réalité à partir des pauvres et en vue de la libération des pauvres ; elle utilise en fonction de cela les sciences de l’homme et de la société, elle médite théologiquement et postule des actions pastorales qui facilitent la marche des opprimés » (Léonardo Boff, De la libération, 1984)

On pourrait dire que c’est notre texte d’Isaïe traduit en réformes sociales et politiques, suite à une analyse des inégalités et injustices se produisant dans la société actuelle. Plus qu’une idéologie, ce courant se voulait au départ porté par les pauvres et pour eux, par le biais notamment des multitudes de communautés ecclésiales de base (CEB) où la Bible est élue et interprétée par tous dans le sens de la libération des opprimés.

Le moment fondateur fut la Conférence de l’épiscopat latino-américain à Medellin en 1968, où l’on utilisa allègrement le terme libération. Selon Leonardo Boff, cette époque était marquée par « une indignation éthique devant la pauvreté et la marginalisation de grandes masses ». D’où la nécessité d’une théologie vécue et écrite « de l’envers de l‘histoire », d’après l’expression de Gustavo Gutierrez. De très nombreux religieux, des prêtres, prirent fait et cause pour les classes paupérisées, n’hésitant pas à joindre des mouvements sociaux et politiques. Ils mirent en place la création des communautés ecclésiales de base, organisèrent des systèmes d’éducation populaires etc.

Benoit XVI et la théologie de la libération dans 2 P Benoit XVI theologie-de-la-liberation-2-300x224On se souvient que des dérives sont alors apparues, liées à l’utilisation de la grille marxiste (on est dans les années 60) pour analyser les causes de la pauvreté en termes de classes antagonistes et de rapports de force à inverser. L’image de Jean-Paul II réprimandant Ernesto Cardenal en 1983 à sa descente d’avion (prêtre et ministre sandiniste) au Nicaragua reste dans la mémoire comme un avertissement fait à une déviation idéologique insupportable, où la théologie de la libération perdait sa saveur biblique en s’inféodant au marxisme.

Le premier texte officiel romain (1984) sur la théologie de la libération fut logiquement très négatif, allumant un contre-feu pour stopper cette dérive. La Congrégation pour la doctrine de la foi, présidée par un certain cardinal Ratzinger, y accusait la théologie de la libération d’introduire, sans recul critique, l’analyse marxiste à l’intérieur du discours théologique. « Cet emprunt à l’idéologie totalisante du marxisme a pour conséquence une perversion de la foi chrétienne », expliquait Mgr Ratzinger, en faisant référence à la politisation radicale des affirmations de la foi (Jésus aurait été un leader révolutionnaire) et aux jugements théologiques, notamment la théorisation de l’Église du peuple de Dieu comme Église de classe.

Une fois ces premiers excès écartés, les pauvres d’Amérique latine ont pourtant continué à lire les prophètes bibliques invitant à la libération de toute forme de servitude, et ont continué à s’engager pour le respect des droits des pauvres. Avec des figures remarquables : Dom Helder Camara (archevêque d’Olinda et de Recife au Brésil : « Je nourris un pauvre et l’on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n’a pas de quoi se nourrir et l’on me traite de communiste »), Mgr Oscar Romero (assassiné en 1980 pour avoir dénoncé la répression de l’armée et l’oligarchie au pouvoir alors qu’il célébrait l’eucharistie) etc.

Du coup, un deuxième texte romain (1986) est paru, faisant une relecture beaucoup plus positive de cette expérience populaire. Le cardinal Ratzinger pouvait y reconnaître désormais un apport fondamental au trésor commun de toute l’Église : l’option préférentielle pour les pauvres. C’est devenu un des concepts clés de la Doctrine sociale de l’Église.

« Il faut réaffirmer, dans toute sa force, l’option préférentielle pour les pauvres : C’est là une option, ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église. Elle concerne la vie de chaque chrétien, en tant qu’il imite la vie du Christ, mais elle s’applique également à nos responsabilités sociales et donc à notre façon de vivre, aux décisions que nous avons à prendre de manière cohérente au sujet de la propriété et de l’usage des biens. Mais aujourd’hui, étant donné la dimension mondiale qu’a prise la question sociale, cet amour préférentiel, de même que les décisions qu’il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d’un avenir meilleur ». (Compendium de la Doctrine sociale de l’Église n° 182)

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Construire la société (droit, justice, économie, politique…) à partir des plus pauvres, traduire en actes – individuels et collectifs – cette option (ou amour) préférentielle  (mais non exclusive des riches !) est donc l’honneur du politique. Il est juste de lire Isaïe devant les candidats de 2017 et de leur demander : êtes-vous d’accord avec ces priorités ? Comment comptez-vous nous aider à les mettre en œuvre ? Et les mettre en œuvre au sein de l’État ?

 

Un drôle de crucifix

Le pape François est-il un théologien de la libération ? Un cadeau a fortement intrigué – voire scandalisé - beaucoup d’observateurs : le président bolivien Evo Morales a offert au pape François lors de sa visite en Amérique du Sud un crucifix en forme de faucille et de marteau [1]. Les conservateurs romains eurent vite fait de propager la fausse rumeur : le pape serait-il marxiste sous couvert de défendre les pauvres ?

En Argentine, le cardinal Bergoglio a longuement fréquenté et vécu avec les communautés ecclésiales de base. En tant que provincial jésuite, il a parcouru une bonne partie de l’Amérique latine et pris le temps de voir, d’écouter les paysans, les ouvriers, les chrétiens de la base réclamant des réformes au nom du dieu d’Isaïe. C’est pourquoi le pape François parle plus volontiers de théologie du peuple que de la libération. Cette théologie « recherche les chemins de la libération intégrale de notre peuple, en mettant en avant la nouveauté évangélique, sans tomber dans les réductions idéologiques » disait le futur pape François. Car le peuple a ce sens de la foi (sensus fidei) qui lui fait lire les prophètes bibliques, les Évangiles et toute la foi chrétienne comme un appel à la réconciliation de tous dans le respect des plus petits (et non à la lutte des classes remplaçant une dictature par une autre). Alors que les théologiens de la libération identifient le Peuple de Dieu au peuple comme classe, la théologie du peuple entend le « Peuple de Dieu » comme les peuples de la terre, chacun avec sa culture propre et son enracinement. En Amérique latine, les garants de la culture et des valeurs de chaque peuple sont avant tout les pauvres. Ce sont eux qui maintiennent vivante la notion de peuple, qui sont le plus attachés à leur culture. D’où une sollicitude et une attention supplémentaires aux pauvres. D’où l’importance, pour la théologie du peuple que prône le pape, de l’évangélisation de la culture, et de l’inculturation de l’Évangile. En plus de la justice sociale et de la lutte évangélique pour le respect des plus humbles.

 

En vue des élections de 2017

Afficher l'image d'origineLe Christ nous appelle à être sel de la Terre et lumière du monde dans l’évangile de ce dimanche. Cela vaut pour notre participation au débat politique ! Avons-nous à cœur de relire Isaïe et tous nos prophètes pour préparer cette échéance ? Serons-nous discerner les exigences concernant chacun individuellement et tous collectivement ? Aurons-nous le courage d’interpeller les candidats à la présidentielle – et aux législatives ! – sur le partage avec les pauvres, l’accueil des sans-abri, le combat contre toute forme d’oppression, de servitude et de haine [2] ?

La Fondation Abbé Pierre publie son 22° rapport sur le mal logement en France. Elle va rencontrer tous les candidats à la présidentielle pour leur soumettre ses propositions sur le logement

cf. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-actions/comprendre-et-interpeller/31-janvier-2017-22e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-de-la-fondation 

Voilà une action exemplaire qui montre comment la foi chrétienne peut être active pour transformer la condition des plus démunis.

Au-delà de notre vote, si nécessaire, porterons-nous l’option préférentielle pour les pauvres au cœur de nos responsabilités professionnelles et nos engagements associatifs ? de notre vie familiale, de quartier… ?

 


[1] . Le crucifix offert par le président bolivien Evo Morales est une réplique de celui en bois que tailla, dans les années 1970, le jésuite espagnol Luis Espinal, en forme de faucille et marteau, sur lequel il fixa le Christ de ses premiers vœux de religieux (il fut ordonné en 1962 en Catalogne). Il mena à partir de 1968, date de son arrivée en Colombie, un apostolat engagé auprès des pauvres, comme journaliste et réalisateur de films qui dénonçaient les injustices et les abus de la dictature militaire. Il participa également aux grèves des mineurs et des travailleurs. Le 21 Mars 1980, il fut enlevé, torturé, et finalement abattu sur ordre du dictateur luis Garcia Meza Tejada. Avant son entretien avec le président Morales, le pape François alla se recueillir devant la croix érigée à l’entrée du quartier d’Achachicala, à La Paz, où fut retrouvé le corps supplicié du prêtre, et loua le courage de ce défenseur du droit des opprimés: « Il prêcha l’évangile, cet évangile qui nous apporte la liberté, qui nous rend libre, comme tout enfant de Dieu ».

[2] . cf. Conseil permanent de la conférence des évêques de France, Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, Octobre 2016.

 

 

1ère lecture : « Ta lumière jaillira comme l’aurore » (Is 58, 7-10)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi.

Psaume : Ps 111 (112),.4-5, 6-7, 8a.9

R/ Lumière des cœurs droits, le juste s’est levé dans les ténèbres. ou : Alléluia ! (cf. Ps 111, 4)

Lumière des cœurs droits, il s’est levé dans les ténèbres,
homme de justice, de tendresse et de pitié.
L’homme de bien a pitié, il partage ;
il mène ses affaires avec droiture.

Cet homme jamais ne tombera ;
toujours on fera mémoire du juste.
Il ne craint pas l’annonce d’un malheur :
le cœur ferme, il s’appuie sur le Seigneur.

Son cœur est confiant, il ne craint pas.
À pleines mains, il donne au pauvre ;
à jamais se maintiendra sa justice,
sa puissance grandira, et sa gloire

2ème lecture : « Je suis venu vous annoncer le mystère du Christ crucifié » (1 Co 2, 1-5)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.

Evangile : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-16)
Acclamation :Alléluia. Alléluia.
Moi, je suis la lumière du monde, dit le Seigneur. Celui qui me suit aura la lumière de la vie.
Alléluia.(cf. Jn 8, 12)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi sera-t-il salé ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Patrick BRAUD

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9 janvier 2017

Lumière des nations

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Lumière des nations

Homélie pour le 2° dimanche du temps ordinaire / Année A
15/01/2017

Cf. également :

Révéler le mystère de l’autre
Pour une vie inspirée
De Star Wars au baptême du Christ
Baptême du Christ : le plongeur de Dieu
« Laisse faire » : éloge du non-agir
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »
Res et sacramentum
« Laisse faire » : l’étrange libéralisme de Jésus
Lot de consolation

La deuxième lecture de ce dimanche affirme qu’Israël a un rôle universel à jouer : être la « lumière des nations », qui les guide dans l’obscurité :

« Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur (…) je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Is 49, 3.6)

Cette vocation d’Israël est toujours d’actualité, même aux yeux des chrétiens, car ils considèrent que « les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » comme l’écrit saint Paul (Rm 11,29), c’est-à-dire que Dieu ne retire pas à Israël son rôle universel.

 

Israël, lumière des nations

En quoi ce petit peuple réinstallé sur la terre de Palestine après 1900 ans d’exil peut-il continuer à jouer ce rôle de lumière pour les nations ? Pas par ses options politiques ou militaires, parfois très contestables. Mais indubitablement par son existence même. Là où les autres peuples veulent témoigner de leur grandeur, et laisser des monuments à la gloire de leur civilisation, le peuple juif témoigne – par sa seule existence – de la grandeur d’un Dieu unique, et ne veut pas d’autres monuments que la prière et le culte qu’il lui rend depuis 4000 ans. Peuple élu, c’est-à-dire choisi pour témoigner de l’existence et de l’unicité d’un Dieu créateur et sauveur, Israël, par sa fidélité à son histoire, est un vivant rappel de la révélation du monothéisme.

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Or ce témoignage est toujours indispensable, au moment où les polythéismes  reviennent en force en ce XXI° siècle. Les dieux postmodernes n’ont pas forcément de statues ni de temples. Mais ils ont des écrans qui fascinent et asservissent, les écrans du CAC 40, de la console de jeux ou des nouvelles machines à sous… Ils ont des cultes nouveaux, depuis les rituels de la consommation de masse jusqu’aux habitudes des réseaux sociaux où les clics, les like et les pages Facebook sont autant d’actes d’allégeance à l’omniprésence de l’e-réputation. Sans oublier la montée en puissance des vieilles pensées magiques, du chamanisme aux soi-disant pratiques orientales, qui séduisent tant d’occidentaux sous couvert de développement personnel.

Comme autrefois face au colosse aux pieds d’argile du roi de Perse, ou face aux prétentions divines des empereurs romains, le peuple juif conteste l’existence et le pouvoir de ces idoles rien qu’en continuant à chanter les psaumes, en fêtant Hanoucca ou Pourim, en étudiant la Bible dans les yeshivot etc.

Afficher l'image d'origineLa lumière qu’Israël continue d’apporter aux nations est celle de la révélation d’un Dieu personnel, unique, vivant, intervenant dans l’histoire : le Dieu d’Abraham, Isaac et de Jacob.

Israël a apporté au monde la Torah et ses exigences éthiques, la contestation prophétique de toute idolâtrie, la notion d’alliance que chaque autre peuple est invité à conclure avec YHWH, la pensée de l’altérité fondée sur la révélation du Tétragramme à Moïse, le combat pour le droit et la justice en faveur de la veuve, l’orphelin et l’immigré, indissolublement lié à la foi-confiance en Dieu Sauveur…

Et, de manière inattendue pour lui, Israël a multiplié cette lumière en engendrant le christianisme, puis l’islam, qui ne renient rien du meilleur de cet héritage monothéiste.

 

L’Église, Lumen Gentium

Afficher l'image d'origineL’Église (catholique) se sait héritière d’Israël, à un point tel que le concile Vatican II a repris l’expression d’Isaïe : « lumière des nations » (Lumen gentium en latin) pour commencer son document le plus important, celui qui traite de la nature de l’Église :

Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit-Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15).
Lumen Gentium n° 1

La différence avec Isaïe est que l’Église reconnaît en Jésus seul le serviteur annoncé par le prophète. Lui seul est lumière de nations. Ce serait trop dire de l’Église qu’elle est la source de la lumière guidant l’humanité. Mais elle participe  au rayonnement de cette unique lumière christique en la diffractant en quelque sorte dans toutes les cultures, pour tous les peuples, à toutes les époques.

Les Pères de l’Église prenaient volontiers l’image de la lune et du soleil : la lune (l’Église) ne peut éclairer par elle-même, mais parce qu’elle reflète la lumière du soleil (le Christ) pendant la nuit. Le Christ n’étant plus visiblement présent devant nos yeux de puis l’Ascension, nous sommes dans la nuit qui nous prépare à sa venue. Et l’Église peut refléter pour tous les chercheurs de Dieu la lumière du Christ les aidant à cheminer dans cette nuit. Par la rumination en Église de la Parole de Dieu (Ancien Testament et Nouveau Testament, joliment appelés par l’exégète Paul Beauchamp la première et la deuxième Alliance) ; par les sacrements ; par la diaconie active en faveur des pauvres ; par le témoignage jusqu’au martyre… Il y a assez d’éclats de lumière dans l’Église (les Églises !) pour que personne ne se perde et que chacun puisse poursuivre son pèlerinage de foi.

Le Christ seul est la lumière des nations. Le vieillard Siméon le saluait ainsi : « lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël ton peuple » (Lc 2,32).


Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme; il venait dans le monde. Un soleil venu dans le monde pour dissiper les ténèbres du mal et l’inonder par la splendeur de l’amour divin. « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie » (Jn 8, 12).

Nous pouvons en refléter quelques éclats pour les hommes de bonne volonté. « Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).

C’est notre vocation de baptisés, que le concile Vatican II a synthétisé dans cette autre définition fondamentale de l’Église : « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium n° 1)…

À nous d’être fidèles à cette vocation ecclésiale !


1ère lecture : « Je ferai de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 3.5-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, en toi je manifesterai ma splendeur. » Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène Jacob, que je lui rassemble Israël. Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. Et il dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

Psaume : Ps 39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd

R/ Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté.  (cf. Ps 39, 8a.9a)

D’un grand espoir j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens. »

Dans le livre, est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J’ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

2ème lecture : « À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1, 1-3)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus, et Sosthène notre frère, à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus et sont appelés à être saints avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.
 À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.

Evangile : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
« Le Verbe s’est fait chair, il a établi parmi nous sa demeure.
À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. »
Alléluia. (cf. Jn 1, 14a.12a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

 En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Patrick BRAUD

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30 novembre 2016

Isaïe, Marx, et le vol de bois mort

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Isaïe, Marx, et le vol de bois mort

Homélie du 2° dimanche de l’Avent / Année A
04/12/2016

Cf. également :

Devenir des précurseurs

Maintenant, je commence

Crier dans le désert

Le Verbe et la voix

Res et sacramentum

Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?

Une foi historique

 

Une volée de bois mort

En 1842, la Diète (= le parlement local) d’Augsbourg rédige un projet de loi qui prévoit de punir, emprisonner et faire payer les gens qui seraient pris à ramasser les bois morts dans une propriété privée. Le jeune Marx (il a 24 ans) s’indigne (à juste titre !) et écrit quatre articles de presse pour dénoncer la violence faite aux pauvres. Car ce sont les pauvres qui pour se chauffer ramassent les bois morts dans les forêts des riches.
Quelle est cette soi-disant justice qui ignore le droit des pauvres ?

Afficher l'image d'origineLes Pères de l’Église répétaient sans cesse aux riches des premiers siècles : in necessitate omnia communia (en cas de nécessité, toutes choses sont communes). Il en reste une trace dans le droit de glanage encore en vigueur en France depuis le 2 novembre 1554 !

« Le droit de glaner est autorisé aux pauvres, aux malheureux, aux gens défavorisés, aux personnes âgées, aux estropiés, aux petits enfants. Sur le terrain d’autrui, il ne peut s’exercer qu’après enlèvement de la récolte, et avec la main, sans l’aide d’aucun outil ». 

La résurgence actuelle de ce droit se manifeste par le droit de chiner les déchets récupérables des hypermarchés, les fruits et légumes ou fleurs après un jour de marché, ramasser après la récolte les pommes de terre ou les fruits restés sur le sol d’un verger etc. [1]

Notre première lecture d’Isaïe 11,1-10 lie la venue du Messie à une justice enfin respectueuse des petits :

« Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins. »

Voici comme en écho quelques lignes d’un article du jeune Marx du 25/10/1842 :

« Nous autres, gens qui ne sommes pas pratiques, nous revendiquons au nom de la foule pauvre, démunie politique et socialement, ce que cette horde docile de domestiques, ces soi-disant historiens ont inventé comme la véritable pierre philosophique pour transformer toute prétention impure en pur or juridique. Nous réclamons pour la pauvreté le droit coutumier, plus précisément un droit coutumier qui ne soit pas local, mais qui soit celui de la pauvreté dans tous les pays. Nous allons plus loin encore, et nous soutenons que le droit coutumier, par sa nature, ne peut être que le droit de cette masse du bas de l’échelle, de cette masse élémentaire qui ne possède rien »

La justice humaine est souvent une justice de classe : demandez aux noirs américains s’ils ont des chances égales aux blancs devant la peine d’emprisonnement. Demandez aux parisiens et banlieusards ayant le teint basané ou un prénom arabe ou africain s’ils ont les mêmes chances d’être contrôlés dans le métro…

La justice a toujours dû lutter pour son indépendance. Malgré la célèbre distinction de Montesquieu en faveur de l’indépendance des pouvoirs (législatif, exécutif, juridique), nos démocraties modernes favorisent toujours les puissants dans leurs tribunaux. Les juges ont plus souvent la main lourde pour les petits que pour les notables…

Isaïe, les Pères de l’Église et Marx connaissaient bien ces contradictions sociales, ou une justice injuste maintient les pauvres en état de domination et d’exploitation. Et cela continue !

L’espérance messianique va alors va s’incarner dans l’attente d’un pouvoir politique (pour les juifs, il sera issu de Jessé, père du roi David) qui enfin faire droit aux pauvres et leur rendra justice. L’exercice de cette justice messianique apaisera la société, au point que les vieux antagonismes disparaîtront : le loup et l’agneau, le veau et le lionceau, la vache et l’ourson, le lion et le bœuf, le nourrisson et le cobra, la vipère et l’enfant pourront cohabiter pacifiquement. On attendrait cela aujourd’hui pour chrétiens et musulmans, noirs et blancs, juifs et arabes, hétérosexuels et homosexuels, salariés et chômeurs, droite et gauche etc..

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Si Jésus était le Messie…

Afficher l'image d'origineDe là découle un argument extrêmement fort des juifs (voire des musulmans) contre le christianisme : si Jésus était vraiment le Messie, annoncé par Isaïe et les prophètes, il aurait dû rétablir cette juste justice. Le droit des pauvres devrait être respecté, la justice devrait défendre les petits ! Si c’était le cas, ça se saurait…

Force est de constater que depuis la mort de Jésus de Nazareth, le monde n’est pas meilleur qu’avant. En 2000 ans, la justice n’a guère progressé. Les antagonismes sont tout aussi effrayants qu’avant, sinon pires (cf. les hécatombes guerrières du XX° siècle, le plus sanglant de toute l’histoire de l’humanité). Tous les signes annonciateurs du Messie dans la Bible sont aux abonnés absents…

Les premiers chrétiens ont très vite fait ce constat désabusé : la mort de Jésus avait tout changé pour eux personnellement, mais pas grand-chose pour les sociétés environnantes. Même la conversion de Constantin au IV° siècle n’apportera pas la justice messianique attendue. Le droit romain est certes un progrès par rapport aux  droits barbares. Mais les dérives seront telles – avec hélas le concours des Églises - que la sentence de l’Ecclésiaste reste vraie 20 siècles après : « il n’y a rien de nouveau sous le soleil ».

L’eschatologie prend le relais du politique

Afficher l'image d'origineLes protestations chrétiennes contre la justice injuste se sont alors déplacées vers  l’attente eschatologique : puisque la première venue n’a pas été décisive, la deuxième le sera sûrement ! C’est le sens de la période liturgique de l’Avent : s’ouvrir à une transformation du monde qui ne sortira pas de l’effort de nos mains – on a vu que cet effort humain est stérile - mais de l’initiative de Dieu, de son irruption dans l’histoire humaine pour manifester la vocation de l’homme en plénitude.

L’Avent nous oblige à ne pas idolâtrer le progrès occidental, le nirvana bouddhiste ou le néant athée : Dieu créera un monde nouveau où la justice régnera.

En attendant, cette espérance peut déjà corriger, amender, transformer, accomplir les évolutions actuelles du droit et de la justice pour qu’elles correspondent à la vision messianique d’Isaïe. C’est la dimension politique de l’Avent : contester, protester, construire une autre justice qui prend souci du faible et du pauvre, qui sauve la vie des petits, qui délivre le pauvre qui appelle, ainsi que le chante le psaume 71 de ce dimanche.

La noblesse du combat politique pour les chrétiens s’enracine dans cette dimension eschatologique. Les évêques de France ont publié un message à l’approche des élections présidentielles de 2017 qui invite à revenir à cette option préférentielle pour les pauvres.

« Il est toujours bon de regarder la place qu’une société accorde aux plus faibles, aux plus fragiles en son sein, pour savoir s’il est en bonne santé, ce qui la fait tenir dans ses fondements. Ce sont toujours eux en effet qui nous aident à retrouver l’essentiel et le sens de l’homme que toute société doit protéger ». [2]

Comment chacun de nous va-t-il participer, apporter sa contribution à ce combat politique pour une juste justice ?


[1]. « Le glanage est étroitement lié aux coutumes locales et n’est admis que dans ce cadre-là » (arrêt de la cour d’appel de Montpellier, du 21 juin 2007). « Le ramassage de pommes de terre non récoltées sur des champs cultivés relève du glanage » (arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 20 novembre 1991).
[2] un monde qui change, retrouver le sens du politiqueDans un monde qui change, retrouver le sens du politique,Dans un monde qui change, retrouver le sens du politiqueDans un monde qui change, retrouver le sens du politique, Conseil permanent de la conférence des évêques de France, Bayard, 2016, p. 52.

 

1ère lecture : « Il jugera les petits avec justice » (Is 11, 1-10) Lecture du livre du prophète Isaïe

En ce jour-là, un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur – qui lui inspirera la crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins.  Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer.  Ce jour-là, la racine de Jessé sera dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure.

Psaume : Ps 71 (72), 1-2, 7-8, 12-13, 17

R/ En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des temps. (cf. Ps 71, 7)

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

Que son nom dure toujours ;
sous le soleil, que subsiste son nom !
En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ;
que tous les pays le disent bienheureux !

 

2ème lecture : Le Christ sauve tous les hommes (Rm 15, 4-9) Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. Que le Dieu de la persévérance et du réconfort vous donne d’être d’accord les uns avec les autres selon le Christ Jésus. Ainsi, d’un même cœur, d’une seule voix, vous rendrez gloire à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.

 Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare : le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères ; quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde qu’elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Écriture : C’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations,je chanterai ton nom.

 

Evangile : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche » (Mt 3, 1-12)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert :Préparez le chemin du Seigneur,rendez droits ses sentiers.

 Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’ ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.

 Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Patrick BRAUD

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26 novembre 2014

Se laisser façonner

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Se laisser façonner

Homélie du premier dimanche de l’Avent / Année B
30/11/2014

cf. également : L’absence réelle

 

« Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. » (cf. Is 63,16-64,7)

L’atelier d’un sculpteur

Un atelier d’artiste est toujours un pèlerinage à accomplir.

Une amie sculptant l’argile m’a fait visiter le sien récemment, et l’enchantement ne m’a pas quitté pendant une heure de voyage à travers les univers émergeant de ses mains.

Tout commence par la brique de terre argileuse, compacte, dense, empaquetée comme un pain de plastic prêt à libérer sa charge. Puis il y a les multiples couteaux, en bois ou en acier, les estèques, ébauchoirs, fils à découper, mirettes et autres outils qui permettent de trancher l’argile, de le rouler en boudins, pour les assembler, leur donner figures et formes. Parfois quelques pigments sont à mélanger pour obtenir les reflets désirés. Certaines créations demandent des semaines avant d’atteindre leur maturité. Précieusement préservées de la dessiccation, humidifiées avec délicatesse, elles évoluent au gré de l’inspiration de l’artiste et du travail de ses mains. Puis vient le four et sa cuisson dosée avec soin, en durée et en température, par paliers. Moment de vérité où les défauts incrustés peuvent faire éclater la composition, où la jambe d’une girafe peut prendre une mauvaise position dans laquelle l’animal va se figer, déséquilibré à jamais. Reste enfin à mettre en scène la sculpture ainsi réalisée : faire asseoir tel gamin sur un bout de bois, accrocher tel pivert à son arbre, mettre la famille des hérissons en file indienne pour traverser la route…

Les chevaliers réglables en hauteur témoignent dans l’atelier du face-à-face argile  / artiste, d’où émergent le regard, la silhouette, le vêtement de la sculpture.

« Liens d’argile » : le nom choisi pour l’atelier convenait idéalement aux créations ocres, blanches ou grises assises sur les étagères. Un père faisant la lecture à ses deux garçons ; deux jeunes filles partageant une tablette numérique ; une grand-mère à lunettes en bonne compagnie de son roman sur un banc public… L’argile était ici mise au service de la relation entre les âges, les rôles, les êtres.

Se laisser façonner dans Communauté spirituelle modelage-sculpture-argile


Les évènements nous façonnent

Dans un tel atelier de sculpture, les paroles d’Isaïe résonnent avec une force extraordinaire :
« Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. »

Isaïe médite sur les déboires d’Israël. Exilé à Babylone, il est quasiment en voie de disparition à son époque. Il lui serait naturel de se croire abandonné. Isaïe invite Israël à se découvrir façonné.
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Façonné par les événements qui viennent de le marquer : l’orgueil des élites de Jérusalem oubliant l’Alliance, l’injustice sociale grandissante, la catastrophe de la prise de la ville par Nabuchodonosor, la déportation douloureuse et humiliante comme toutes les déportations…

À travers tout cela, Isaïe voit Dieu agir à la manière d’un potier : obligé de tenir compte de l’argile telle qu’elle est, avec ses impuretés et ses imperfections, mais obstiné pour en tirer quelque chose, quitte à s’y reprendre à plusieurs fois.
Du coup, le creuset de la déportation qui sonne d’abord comme l’échec de l’orgueil d’Israël peut devenir l’annonce d’une cuisson à travers le feu de l’épreuve. Ce qui est d’emblée une catastrophe va devenir l’expérience de la renaissance, pour peu que le petit reste des croyants se laisse façonner par le feu de l’espérance.

Et de fait, dépouillé de sa volonté de puissance, le germe d’Israël reviendra sur sa terre parce qu’il aura laissé Dieu revenir au coeur de son identité.
Parce qu’il ne pouvait plus appuyer ni sur son roi, ni sur son temple, ni sur sa terre, le peuple est revenu à ce qui le caractérise le mieux : l’Alliance avec Dieu, telle que les textes bibliques la racontent.

Pour l’argile, se laisser façonner demande souplesse, consentement, malléable et ferme à la fois. Pour le croyant, se laisser façonner demande d’abandonner sa seule volonté pour vouloir avec Dieu, de décrypter les événements pour en épouser le sens, de passer à travers le feu pour incarner avec force l’élan désiré par son créateur.

Les événements nous façonnent parfois avec bonheur : un mariage, une réussite professionnelle, des amitiés fécondes qui nous influencent…
L’argile vous racontera aussi qu’il est souvent façonné dans la douleur : on le tranche, on lui enlève, on le malaxe, on le tord, sans qu’il sache tout de suite ce qui est en train de naître de lui.

Voilà donc un enjeu spirituel pour ces cinq semaines d’Avent qui commencent : apprenez à vous laisser façonner !

Pour cela il est indispensable de relire son histoire.

Comment décoder ce qui m’arrive si je ne prends pas le temps et les moyens de réaliser quels chocs, quelles rencontres, quelles batailles jalonnent mon histoire ? Certains le font avec un soutien psychologique, utile parce que compétent. D’autres le font avec l’appui d’un accompagnateur spirituel, ou avec les deux. D’autres passent par l’écrit, car les mots tapés au clavier recèlent les combinaisons codées des événements cryptés. D’autres le font en lisant les mots des autres, dans lesquels ils reconnaissent leur propre chemin, et les mots de la Bible en font partie. D’autres encore…

Peu importe en réalité : l’essentiel est de ruminer ce qui nous arrive pour nous ouvrir à l’oeuvre de Dieu en nous, pour coopérer à l’oeuvre de ses mains sur l’argile de nos vies.

emmanuel-mounier-l-evenement-sera-notre-maitre-9782889182848 évènementSe laisser façonner sera alors un intense travail de consentement à ce que nous sommes en train de devenir à travers tout cela.
Sans résignation aucune : con-sentir, c’est sentir avec Dieu ce vers quoi tel événement nous appelle.

C’est s’engager résolument à habiter la forme qui émerge de l’épreuve ou du bonheur.
C’est épouser le nouveau visage, la nouvelle posture qui sort de main de l’artiste nous façonnant.

« L’événement sera votre maître intérieur » (Emmanuel Mounier).

Quel que soit l’événement, quels que soient les événements qui en ce moment vous réjouissent ou vous inquiètent, laissez-vous façonner à travers eux par la main experte du potier.

« Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains ».

 

 

1ère lecture : Appel au Seigneur pour qu’il vienne (Is 63, 16b-17.19b; 64, 2b-7)
Lecture du livre d’Isaïe

Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur : tel est ton nom depuis toujours. Pourquoi Seigneur, nous laisses-tu errer hors de ton chemin, pourquoi rends-tu nos cœurs insensibles à ta crainte ? Reviens, pour l’amour de tes serviteurs et des tribus qui t’appartiennent. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes fondraient devant toi. Voici que tu es descendu, et les montagnes ont fondu devant ta face. Jamais on ne l’a entendu ni appris, personne n’a vu un autre dieu que toi agir ainsi envers l’homme qui espère en lui. Tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie et qui se souvient de toi en suivant ton chemin. Tu étais irrité par notre obstination dans le péché, et pourtant nous serons sauvés. Nous étions tous semblables à des hommes souillés, et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis. Nous étions tous desséchés comme des feuilles, et nos crimes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoquait ton nom, nul ne se réveillait pour recourir à toi. Car tu nous avais caché ton visage, tu nous avais laissés au pouvoir de nos péchés. Pourtant, Seigneur, tu es notre Père. Nous sommes l’argile, et tu es le potier : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. 

Psaume : 79, 2.3bc, 15-16a, 18-19
R/ Dieu, fais nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !

Berger d’Israël, écoute,
toi qui conduis, ton troupeau : resplendis !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

2ème lecture : L’Église est fidèle dans l’attente du Seigneur(1Co 1, 3-9)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est implanté solidement parmi vous. Ainsi, aucun don spirituel ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir solidement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

Evangile : « Veillez ! » (Mc 13, 33-37)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Montre-nous, Seigneur, ta miséricorde : fais-nous voir le jour de ton salut. Alléluia. (cf. Ps 84, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment.
Il en est comme d’un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin.
Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Patrick BRAUD

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